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La Villa des Ancolies

Heureusement que je suis là et mon premier acte d’autorité sera de vous contraindre à l’accomplissement de ce devoir naturel.

— Mais enfin…

— Vous avez pris plaisir à vous vieillir, il va falloir, sous ma direction, rebrousser chemin et rattraper la jeunesse dédaignée.

— Mais, Yolande, quel rapport y a-t-il avec mon procès ?

— Quel rapport ? Comment ?… Vous me demandez quel rapport ?… Mais cela crève les yeux, naïve marraine, cela crève les yeux. Il y a un rapport très direct et si vous voulez que je vous explique ?… Mais au fait, pas besoin de vous expliquer, j’ai votre promesse, cela suffit. Plus tard vous comprendrez.

— Enfin, que me faut-il faire ?

— Vous laisser guider par moi… Tenez, nous allons commencer immédiatement. Asseyez-vous sur ce tabouret que je voie ce que je puis faire de cette admirable chevelure. Puis, prenant la voix cérémonieuse du coiffeur classique : « Mademoiselle a des tresses incomparables et c’est vraiment un crime que de les cacher ! Elles ont l’éclat des blés mûrs… et quelle profusion ! Quelle longueur ! Je n’ai vu qu’une fois des tresses pouvant rivaliser avec celles de Mademoiselle, — au théâtre Canadien Français de Montréal, à une représentation de la Mascotte, — c’était les tresses de Madame Simone Rivière… et encore elles étaient fausses, tandis que celles de Mademoiselle… » Et l’espiègle fit mine de tirer.

— Haïe !

— Oui ! c’est bien ce que je pensais, Mademoiselle ne porte aucun faux chignon comme mainte de mes clientes. Les cheveux de Mademoiselle sont d’un léger, d’un soyeux, des fils d’or minuscules, quoi ! Maintenant, un instant, ne bougez pas. Bien. Quelques coups de fer sur les côtés, une touffe sur l’avant de l’oreille, un peu d’ondulation ici… Les cheveux de Mademoiselle prennent sans effort