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avec son poiiine sur la Nature des choses, où il se montre épicurien et athée, mais ou l’on trouve çà et là de grandes pensées et des vers sublimes. Catulle se fit remarquer par la grâce et l’élégance soutenue de ses vers ; plusieurs de ses compositions furent de petits chefsd’œuvre. Virgile, surnommé le Cygne de Mantoue, est sans contredit le prince des poètes latins ; ses Bucoliques firent de lui le rival de Théocrite ; ses Géorgiques sont un chefd’œuvre à part, et suffiraient seules à rendre son nom immortel ; son Enéide est, après l’Iliade d’Homère, l’épopée la plus parfaite que nous ait laissée l’antiquité. Horace se fit connaître d’abord par des Satires ; il publia ensuite des Odes et des Épîtres en vers. Les Satires et les Épîtres sont le fidèle miroir delà société romaine à cette époque ; le poëte en connaît bien tous les vices, il nous les peint avec esprit, il nous fait rire, mais il ne cherche guère à exciter notre indignation, et l’on sent qu’il est lui-même de son siècle, que plusieurs de ces vices sont les siens, qu’il écrit pour des lecteurs auxquels il ne les croit pas étrangers. Comme poëte lyrique, Horace est quelquefois l’égal de Pindare, et il le surpasse dans quelques odes, où la grandeur des pensées s allié à la noblesse de l’expression ; ailleurs il se montre le plus aimable des poètes ; il chante la joie et le plaisir, se rit de tout ce qui tourmente le vulgaire, prêche un scepticisme élégant et moqueur, qui montre combien Rome ressemblait alors au Paris moderne ; si Horace est latin par les mots, on peut presque dire qu’il est français par les. idées et par le style. Properce et Tibulle chantèrent 1 amour et la volupté ; les élégies de Properce sont plus passionnées, celles de Tibulle sont plus tendres et plus délicates. Ovide composa aussi des élégies ; mais il avait une facilité si grande pour la versification qu’il exerça son talent sur une foule de sujets divers. Son chef-d’œuvre, les Métamorphoses, peut être considéré comme une épopée cyclique embrassant les principaux faits de la mythologie et des temps fabuleux, depuis le chaos et la formation de la ^terre jusqu’aux premières traditions de Rome. Nous n’avons pas cité tous les poètes ni tous les écrivains du siècle d’Auguste ; nous avons passé sous silence les noms de ceux dont les ouvrages sont perdus ou n’ont eu qu’une célébrité du second ordre. Mais nous en avons dit assez pour montrer que ce fut vraiment un grand siècle littéraire, le plus grand peut-être que nous offre l’histoire de l’esprit humain ; car il a eu la gloire de préparer les deux autres grands siècles qui l’ont suivi à une longue distance, et de leur servir de modèle. En Italie, comme en France, lorsque les ténèbres de la barbarie et du moyen âge vinrent à s’éclaircir,

l’étude des écrivains du siècle d’Auguste, „. les premiers travaux ne furent que des traductions ou de timides imitations. Peu à peu, on prit ensuite plus d’assurance ; on osa tenter d’ouvrir des voies nouvelles, et si l’on s’égara quelquefois, on peut aussi se flatter d’avoir élargi le domaine de la pensée, d’avoir ouvert de nouvelles sources aux jouissances les plu3 nobles et les plus pures de l’esprit.

Auguoe (btjstes et statues d’). Les figures antiques les plus remarquables que nous ayons d’Auguste sont : au musée Chiaramonti, une tête d’Auguste jeune, de grandeur naturelle, admirable d’exécution et de conservation, trouvée dans les fouilles faites à Ostie, au commencement de ce siècle ; une tête colossale (n<> 401) en marbre, trouvée à Veïes ; un buste de grandeur naturelle, avec tête de basalte noir, casque et chlamyde (no 65). Au musée Pio Clémentin : une figure couronnée d’épis, par allusion à l’abondance procurée à Rome par Auguste ; une tête plus grande que nature, très-précieuse et très-rare, en ce qu’elle nous montre l’empereur déjà avancé en âge et ayant le front ceint dun ruban sur lequel sont dessinées des feuilles de laurier (ce ruban est orné, en outre, d’une pierre fine sur laquelle est gravé le portrait de Jules César) ; une statue (n" 559) de grandeur naturelle, dont la tète n’a pas été détachée du corps, ce qui est rare dans une antique ; une statue d’Auguste voilé et représenté comme pontife maxime. Au Louvre, une assez belle statue du prince, debout et haranguant, trouvée près de Velletri, patrie de sa famille, etc. Le musée Pio Clémentin possède une statue représentant le Génie d’Auguste ; c’est une figure vêtue de la toge, tenant d’une main une corne d’abondance^ de 1 autre une patère.

Une fort belle statue d’Auguste, qui figurait dans la galerie Pourtalès, représente ce personnage à la force de l’âge et dans l’attitude d’un homme prononçant une allocution. Le devant de la cuirasse est décoré de l’image du palladium vu de face et placé entre deux Victoires, qui rappellent peut être les triomphes de Philippes et d’Actium. Cette statue, qui ornait autrefois le château que le cardinal de Richelieu possédait en Touraine, fit ensuite partie des antiquités réunies à la JMalmaison. Elle est en marbre et a 2 m. 9 cent, de haut.

Un assez grand nombre de pierres gravées offrent l’image d’Auguste ; une des plus célèbres par la beauté de la matière, et surtout par la perfection du travail, est une cornaline, qui a appartenu à M. Pourtalès, et qui représente l’empereur imberbe et de protil. Audessus de cette figure, on lit, en caractères grecs, le mot Dios, dans lequel plusieurs ar AUG

chéologues ont voulu voir l’abréviation du nom de Dioscouridès, l’un des quatre plus fameux lithoglyphes de l’antiquité, qui fut chargé, suivant Pline, de graver le sceau d’Auguste.

Auguaie (le siècle »’), tableau de M. Gérome, Salon de 1855. Une page de Bossuet a inspiré l’idée de cette composition, et cette pag.’ : est si belle, que nous ne pouvons résister au désir de la citer tout entière- : «... Les restes de la république périssent avec Brutu3 et Cassius. Antoine et César, après avoir ruiné Lépide, se tournent l’un contre l’autre. Toute la puissance romaine se met sur la mer. César gagne la bataiUe Actiaque : les forces de l’Egypte et de l’Orient, qu’Antoine menait avec lui, sont dissipées ; tous ses amis l’abandonnent, et même sa Cléopâtre, pour laquelle il s’était perdu... Tout cède à la fortune de César. Alexandrie lui ouvre ses portes ; l’Égypte devient une province romaine ; Cléopâtre, qui désespère de la pouvoir conserver, se tue elle-même après Antoine ; Rome tend les bras à César, qui demeure, sous le nom d’Auguste et le titre d’empereur, seul maître de tout l’empire. Il dompte vers les Pyrénées les Cantabres et les Asturiens révoltés ; l’Ethiopie lui demande la paix ; les Parthes épouvantés lui renvoient les étendards pris sur Crassus, avec tous les prisonniers romains ; les Indes recherchent son alliance j ses armes se font sentir aux Rhètes ou Grisons, que leurs montagnes ne peuvent défendre La Pannonie le reconnaît ; la Germanie le redoute, et le "Weser reçoit ses lois. Victorieux par terre et par mer, il ferme le temple de Janus. Tout l’univers vit en paix sous sa puissance, et Jésus-Christ vient au monde, • Il y avait une très-grande hardiesse à vouloir grouper sur uno toile cette multitude d’hommes et de faits qui se déroulent avec autant d’ordre que de magnificence dans le simple alinéa de Bossuet. M. Gérome n’a pas triomphé complètement de la difficulté ; son tableau n’est pas un chefd’œuvre, mais il dénote un vaillant effort, qui mérite tous nos éloges ; nous pensons, avec M. Théophile Gautier, que ces belles audaces sont aujourd’hui trop rares, et nous trouvons les jeunes peintres bien prudents. Mas voyons de quelle façon l’auteur du Siècle d’Auguste a entendu cette vaste synthèse historique.

Au centre de la composition, s’élève le temple fermé de Janus, dont le large escalier de marbre descend jusqu’aux premiers plans, et dont le fronton, surmonté d’un quadrige, se découpe sur un ciel sans nuages ; les principaux monuments de Rome, le Capitole, l’amphithéâtre, les remparts s’aperçoivent, au fond dans un lointain vaporeux. Au-devant du temple, sur un trône d or que supporte un haut piédestal, Auguste est assis, demi-nu comme un dieu de l’Olympe, et la tête ceinte de lauriers ; il tient un sceptre dans la main gauche et s’appuie de la droite sur une belle jeune femme casquée, vêtue d’une courte tunique rouge, et ayant en main une pique renversé ? ’, symbole de la paix conquise par la victoire ; cette figure, d’une tournure charmante, et qui regarde. Auguste d’un air caressant, est la personnification de Rome. À la droite de l’empereur sont groupés les personnages politiques de son siècle : Agrippa, Mécène, Marcellus, qui mourut si jeune ; des sénateurs, des personnages consulaires, et, tout auprès du trône, Tibère, dont la figure juvénile laisse deviner le caractère dur et chagrin. À ce groupe correspond, à droite, •celui des artistes, des poètes, des acteurs : Virgile, Horace, Properce, Tibulle, Vitnive, Roscius, etc. Sur les degrés de l’escalier du temple, Cléopâtre et Antoine sont étendus, la face contre terre, et forment comme les marches du trône d Auguste ; près d’eux est le

gnent lentement après avoir accompli leur sanglant devoir. Au bas de l’escalier se pressent les hommes venus des pays les plus lointains pour voir et adorer Auguste : d’un côté, des Indiens, montés sur un éléphant, et portant, en manière d’étendards, des fétiches monstrueux au bout de longues hampes ; des Sères, qu’à leur tête rasée et ornée seulement d’une longue mèche tressée on reconnaît pour les ancêtres des Chinois ; un Parthe, qui rapporte les enseignes enlevées à Crassus ; un Grec, avec casque, cuirasse et cnémide, acclamant le maître de son pays ; une Arménienne amenant ses deux enfants, qui sont citoyens romains ; un Gaulois, affublé d’une peau de lion dont la gueule s’ouvre au-dessus de la tête. De l’autre côté, des Arabes montés sur des dromadaires blancs, des Égyptiens, des Numides ; un vieux roi des contrées voisines de l’Euphrate, qui a une couronne à pointes d’or, un sceptre orné de plumes, une longue barbe blanche, et que soutiennent une jeune femme demi-nue et un esclave noir qui porte ses armes. En dehors de cette foule, un Juif, à la barbe rousse, aux vêtements crasseux, ayant a la main le bâton qui doit le soutenir dans ses longs voyages, regarde avec indifférence les gloires de l’empire romain. Des licteurs et des soldats, d’une taille herculéenne, traînent violemment par les cheveux de jeunes femmes meurtries qui personnifient les provinces soumises par la force, tandis que, sur les premiers degrés de l’escalier, la foule proternée baise la poussière qu’ont foulée les pieds d’Auguste. Sur ledevant du ta AUG

bleau, juste aux pieds du César divinisé, près d’un autel encore chaud du sacrifice, un enfant qui vient de naître est couché sur un peu de paille, entre une femme et un viftillard qui le regardent avec amour, pendant qu’un ange semble le protéger de ses ailes et le cacher aux yeux des gentils : cet enfant débile, qui n’a pour courtisans que le bœuf et l’âne, c’est le Messie, celui qui régénérera l’humanité et qui établira le siège de son Église sur les ruines de la grandeur romaine.

Telle est la.composition de M. Gérome ; son défaut le plus saillant et le plus grave est le manque d’unité ; à bien dire, elle renferme deux tableaux parfaitement distincts : ('Apothéose d’Auguste, dans la partie supérieure, et la Naissance de Jésus-Christ, dans le bas. Suivant M. Eugène Loudun, « M. Gérome a oublié que si l’espace est le domaine du peintre, comme le dit Lessing, la succession des temps est le domaine du poète ; il a embrassé trois ou quatre époques ; il a voulu être poëte, il n’a pas été peintre. Il n’a pas été peintre, en effet ; car, quoique l’on ne puisse méconnaître dans son tableau plusieurs qualités, une certaine habileté de dessin, quelques personnages noblement drapés, les sénateurs romains, par exemple, l’exécution pèche par la disparate des styles, aussi divers que les su}ets accumulés sur la toile. En haut, c’est l’imitation de l’antique, l’architecture, les types, les costumes, la couleur même, froide comme une fresque pâlie de Pompéi ; en bas, la recherche des attitudes, des types et du coloris du moyen âge. C est dans cette dernière partie que M. Gérome se montre le plus faible. L’idée de représenter le Christ enveloppé d’une atmosphère lumineuse était empruntée aux peintres du xvc siècle ; la pensée ne lui apr’tenant pas, il n’a pas su la rendre : dans faisceau lumineux dont l’Enfant Jésus est le centre, on ne saisit aucune ligne ; cette lumière même, qui devrait être radieuse, n’a éclat terne et verdâtre ; elle n’émane

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pas d’un corps divin. Il n’y avait pas d’unité dans la pensée, il n’y a pas eu d’unité d— ’composition et dans l’exécution. • Tout

connaissant ce qu’il y a de juste dans cette critique, nous devons ajouter que M. Gérome a déployé beaucoup d’érudition et de talent dans la manière dont il a traité les détails de cette page, et que, s’il n’a pas su revêtir sa pensée d’une couleur plus forte, plus riche, il a fait preuve du moins d’une grande habileté pratique dans le dessin des nus et des draperies. Le Siècle d’Auguste appartient à l’État.

AUGUSTE (histoire-).V.Histoire-Acguste.

AUGUSTE. Titre qui fut donné à César-Octave par le sénat, afin de qualifier par une appellation nouvelle le haut pouvoir dont il était revêtu (vers l’an 27 av. J.-C). La flatterie avait d’abord proposé de l’appeler Romulus, pour exprimer qu’il était en quelque sorte le second fondateur de la cité. Toutefois le surnom d’Auguste prévalut, non-seulement parce qu’il était nouveau, dit Suétone, mais encore parce qu’il était plus noble. En effet, on appelait augustes les lieux saints, ceux ou l’on consacrait quelque chose au moyen des augures. Ce nom avait donc la signification de sacré. D’autres font venir ce surnom à’augere, augmenter, et il exprimerait alors l’agrandissement de l’empire sous le principat de l’héritier de César. Cette étymologie nous semble moins probable pour divers motifs, dont le principal, au point de vue purement historique, est q’i’Auguste, s’il a organisé l’empire, ne l’a que très-peu agrandi.

Quoi qu’il en soit, le nom d’Auguste était un titre personnel et celui de César une sorte de nom de famille. Le premier devait donc s’éteindre avec celui à qui il avait été décerné, mais le second pouvait se transmettre par voie d’adoption ou d’alliance. À la mort de Néron, une pratique d’un siècle avait lié d’une façon inséparable ces appellations d’Auguste et de César à la dignité impériale, et elles furent conservées par une longue suite d’empereurs romains, grecs, byzantins et allemands. Une distinction fut cependant de bonne heure introduite. Le titre sacré d’Auguste fut toujours réservé au souverain, mais celui de César fut quelquefois donné à ses plu3 proches parents, et, à partir du règne d’Adrien, on commença communément a. rappliquer à la seconde personne de l’État, c’est-à-dire à celle qui était considérée comme l’héritier présomptif de la couronne.

Enfin le nom d’Auguste a passé dans toutes les langues par métonymie, pour désigner un prince protecteur des lettres et des arts. Boileau en offre à lui seul trois exemples :

Pour chanter un Auguste il faut être un Virgile.

Mais sans un Mécénas à quoi sert un Auguste ?

Va Auguste aisément peut faire des Virgiles.

AUGUSTE 1er, électeur de Saxe, de 1553 à 1586, fit dresser la formule de concorde pour établir l’unité parmi les luthériens (1580). et s’opposa, dans la diète d’Augsbourg (1582), à l’introduction du calendrier grégorien dans l’Allemagne protestante. Il fut surnommé le pieux, l’œil, le cœur et la tête de l’empire.

AUGUSTE II, électeur de Saxe, né à Dresde en 1670, fut élu roi de Pologne après la mort de J. Sobieski (1697). Il s’allia avec Pierre le Grand contre Charles XII, roi de Suède, et fut dépossédé par ce dernier. Après la bataille de Pultawa (1709), il put remonter sur le trône, qu’il conserva jusqu’à sa mort (1733).

C’était un prince doué de quelques talents militaires, tolérant et d’un caractère élevé, mais aimant trop le faste, et vivant entouré de favoris, de maîtresses et d’alchimistes. Le fameux Maurice de Saxe était son fils naturel.

— Prov. litt. Quand Auguste avait lin, la Pologne était ivre. Allusion à un vers de Frédéric II dans une épitre à son frère : Lorsque Auguste buvait, la Pologne était ivre ; Lorsque le grand Louis brûlait d’un tendre amour, Paris devint Cythère, et tout suivit la cour ;

Ce beau vers, si bien frappé, a évidemment subi la lessive de M. de Voltaire, qui-, du reste, aimait & le citer avec un amour presque paternel. Mais que signifie-t-il dans l’application ? Auguste II de Pologne, celui auquel Frédéric fait allusion, était un prince aimant le faste et les plaisirs ; mais était-il un de ces princes égoïstes de la famille de Sganarelle, qui, » lorsqu’ils ont bien bu et bien mangé, prétendent que tout le monde soit soûl dans leur maison ? » Cette interprétation, impossible quand on a sous les yeux le texte cité plus haut, est évidemment celle que lui ont donnée la plupart des écrivains dans leurs allusions, parce qu’ils ont déduit le sens d’après un vers isolé, jugé du tableau sans examiner le cadre. On sait que c’est l’inconvénient lo plus ordinaire des citations tronquées :

« Il y a l’égoïsme content de lui-même, qui marche la tête haute, le sourire sur les lèvres, persuadé que lorsqu’il est heureux tout le monde doit l’être. Il se fait un royaume de ses jouissances, et il admire l’axiome du galant Auguste : Quand Auguste a bu, toute la Pologne est ivre. » Xavier Maiîmiiîr.

« Il est devenu de fort bon goût, parmi nos modernes Lucullus, de professer le plus profond dédain pour les études qui portent sur la subsistance du peuple. Prendre souci de la faim, s’inquiéter de la misère, fi donc !

La Pologne avait bu quand Auguste était ivre.

Eh bien ! n’en déplaise à Auguste tombé dans l’ivresse, nous pensons, nous, qu’il y a lieu de s’occuper de la Pologne mourant de soif. « Louis Blanc.

« Charité bien ordonnée commence par soimême, c’est-à-dire : Je serais bien sot do songer aux autres quand j’ai ma chère personne à soigner ; il est certain que ce n’est pas trop pour cela de toute ma vie, de toute mon attention, de toute mon intelligence. Je serais bien sot de donner de mon superflu aux pauvres, lorsque mon superflu m’est nécessaire. On dit qu’il y a des gens qui meurent de faim. Mon Dieu, j’en suis bien fâché ; mais enfin je n’en meurs pas moi-même, et c’est le principal.

Quand Auguste avait bu, la Pologne était ivre. • Victor Fournel.

Nous venons de nous livrer a de nouvelles recherches sur la vie du prince dont il est ici question, et nous avons acquis la certitude que le vers du grand Frédéric doit être pris en bonne part. Auguste II unissait, par une bizarre alliance, des sentiments généreux h. des habitudes despotiques, le goût des plaisirs aux soucis de l’ambition, et l’inquiétude d’une humeur guerrière à la mollesse d’une vie voluptueuse.

Mais voici qui est beaucoup plus confluant. Un jour qu’il donnait ordre au primat et aux sénateurs de faire cesser quelques vexations exercées par les catholiques contre les protestants : « J’ai été établi de Dieu, leur dit-Il, pour protéger mes sujets sans exception, et pour les maintenir dans leurs privilèges conformément aux lois du royaume ; ■ et presque tous les actes de sa vie répondent à ces belles paroles. Du reste, si l’on considère le vers du grand Frédéric comme l’expression de l’égoïsme, tout le passage cité ci-dessus n’a plus de sens. Il est donc certain que ce vers :

Quand Auguste avait bu, la Pologne était ivre, signifie qu’il existait entre le prince et ses sujets une grande solidarité de sentiments ; ils s’enivraient de ses succès et étaient joyeux de sa joie. L’application, il faut l’avouer, a pris une tout autre route. Les prosateurs en usent ainsi trop souvent, sans avoir pour excuse les besoins de la rime et de la mesure. Ils rencontrent un vers bien frappé, ils s’en emparent, sans prendre la peine de remonter h la source et de consulter le texte. Mme de Sévigné a plusieurs de ces petits péchés sur la =, j élève du savant Ménage, cllo

■ passablement le latin et un peu do je dédaignait pas de se faire érudito 1. On trouve plus de dix fois dans ses lettres cette allusion : « Et de Caron pas un mot, » empruntée, comme on le sait, a un dialogue de Lucien. Si l’inimitable Sôvignô était remontée à la source, elle aurait été bien étonnée des singulières applications qu’elle en a faites.

Que l’interprétation que nous venons de donner des vers fameux du roi-poete et philosophe reste donc désormais acquise a l’histoire littéraire, et, pour qu’il ne subsiste aucun doute à ce sujet, nous citerons les deux passages suivants de Voltaire, qui achèveront la démonstration :