Page:Larousse - Grand dictionnaire universel du XIXe siècle - Tome 10, part. 1, L-Leo.djvu/242

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

238

LATO

qu’il gouvernera fortement les immortels et les mortels humains sur la fertile terre. Je redoute donc en mon esprit et en mon âme que, dès qu’il aura vu la lumière du soleil, il ne méprise l’Ile, parce que je suis stérile, et que, de son pied me bouleversant, il ne me pousse au large dans la mer. »

Latone, pour rassurer Délos, prête le grand serment des dieux :

« J’atteste la terre et le ciel qui la recouvre et les ondes infernales du Styx, serment le plus grand et le plus redoutable des bienheureux immortels : toujours ici seront l’autel odorant de Phébus et son enclos, et il t’honorera au-dessus de toutes les îles. »

« Lorsqu’elle eut juré et accompli son serment, Délos certes se réjouit beaucoup do la puissance du roi aux longs traits. Neuf jours etneuf nuits, Latone fut transpercée de douleurs désespérées. Toutes les déesses les plus illustres étaient autour d’elle : Dioné, et Rhéa, et l’investigatrice Thémis, et la retentissante Amphitiite, toutes les immortelles hormis Junon aux bras blancs, car celle-ci était restée dans le palais de Jupiter, assembleur de nuages^ et seule, llithye, arbitre des douleurs, n’avait rien appris. Elle était assise sous une nuée d’or nu plus haut de l’Olympe, retenue par les artitîces et la jalousie de Junon, car Latone aux belles tresses allait enfanter un fils irréprochable et puissant.

Les autres, déesses alors envoyèrent de l’île riante Iris, afin qu’elle ramenât llithye, promettant à celle-ci un grand collier de neuf coudées, noué de fil d’or. Elles avaient ordonné à Iris de l’appeler à l’insu de Junon, de peur qu’en partant elle ne fût détournée par ses discours.

Lorsque l’agile déesse, aux pieds légers comme le vent, les eut entendues, certes elle s’élança rapidement ; et bientôt elle eut franchi l’espace. À peine arrivée au séjour des dieux, à l’Olympe escarpé, elle se hâta d’appeler llithye à la porte du palais, et elle lui répéta, en brèves paroles, tout ce que lui avaient prescrit les divinités olympiennes, et dans son sein elle lui toucha le cœur. Elles partent, semblables en leur marche à de timides colombes. Quand llithye, arbitre des douleurs, atteignit Délos, l’enfantement saisit Latone, et elle se sentit près d’accoucher, et elle jeta ses deux bras autour d’un palmier, et elle appuya ses genoux sur le tendre gazon, et la terre au-dessous d’elle sourit, et l’enfant bondit à la lumière. Or, toutes les déesses jetèrent un cri de joie. Alors, ô cher Phébus, les déesses te lavèrent d’eau limpide, purement et chastement, et elles te donnèrent pour langes un voile blanc, léger, frais tissu, et elles l’assujettirent avec une ceinture d’or. La mare n’allaita point Apollon au glaive d’or ; mais, de ses mains immortelles, Thémis lui fit goûter le nectar et l’aimable ambroisie, et Latone se réjouit d’avoir donné le jour à un fils, sagittaire puissant. » *

Latone, en grec ATjt<i, que l’on rapproche de iadiiv, est considérée comme une personnification de la Nuit. Hésiode l’indique clairement lorsqu’il représente Latone enveloppée d’un voile de couleur sombre. Elle est îille de deux Titans, le grand Céos (la voûte céleste [ ? ]) et Phœbé, ce qui convient à. la Nuit.

« Latone, dit M. Maury, se trouve être à la fois mère du soleil et de la lune (dont elle est fille par un retournement du symbole) ; mythes dont le sens s’offre de lui-même. »

M. Maury remarque ailleurs (Histoire des religions de la Grèce antique, III, 155) que l’Artémis d’Ephése, qui n’est point associée à Apollon, a sans doute été à tort, par certaines traditions d’origine évidemment hellénique, identifiée avec l’Artémis pélasgique et donnée avec elle comme fille à Latone.

Pour compléter ici la légende de Latone, il faudrait raconter sa lutte avec Niobé et la vengeance qu’elle tira de cette mère orgueilleuse ; mais sur ce point nous renvoyons à l’article Niobé.

— Iconogr. Une composition de Jules Romain, Latone mettant au monde Apollon et Diane dans Vile de Délos, a été gravée par Diana Ghisi, deMantoue. Un sujet fréquemment traité est celui de Latone métamorphosant en grenouilles les paysans qui ont troublé à dessein l’eau du lac où elle se disposait à se désaltérer. Parmi les peintures qui retracent cet épisode mythologique, nous citerons : un tableau de l’Albane et un tableau de P.-P. Bonzi, au Louvre ; un tableau de Giulio Garpione, dans la galerie de Dresde ; un tableau de Rubens, à. la pinacothèque de Munich ; un tableau de J.-Franz van Bloemen (provenant de la galerie Giustiniani et qui a été attribué à II. Swanewelt), au musée de Berlin ; un tableau de Jouvenet, qui décorait autrefois la salle de billard du palais de Meudon et qui a été gravé par Jean Daullé (1762) et par E. Brion ; une toile de Teniers, peinte dans la manière de Rubens, et qui a été gravée par Noël Le Mire, sous le titre de : Latone vengée ; une composition de Filippo Lauri, gravée par Baléchou et Cathelin, etc. Le même sujet a inspiré aux frères Balthasar et Gaspard de Marsy une vaste composition exécutée en marbre pour la décoration du Bassin de Latone, à Versailles : le groupe qui occupe le centre du bassin représente Latone, nue jusqu’aux hanches, suppliant Jupiter de punir 1 outrage qu’elle reçoit, et soutenant do la main gauche le petit Apollon qui fait un geste de colère, tandis que Diane, assise sur le ro LATO

cher, près de sa mère, témoigne plus de surprise que d’irritation ; autour de ce groupe, sont rangés les paysans métamorphosés plus ou moins complètement en grenouilles et lançant des jets d’eau sur la pauvre mère vengée. Cette composition a été gravée par Edelinck.

LATONIE s. f. (la-to-nt— de Latone, nom mythol.). Erpét. Genre de batraciens, formé aux dépens des rainettes.

LATOPOL1S, c’est-à-dire Ville de Latone, ville de l’ancienne haute Égypte, au S. d’Hermonthis, ch.-l. du nôme Latopolite. Elle était consacrée à la déesse Bouto, que les Grecs identifient avec leur Lutone. La ville moderne d’Esneh s’élève aujourd’hui sur l’emplacement de l’ancienne Latopolis. V. Esneh.

I.ATOSZ (Jean), astronome et médecin polonais, né à Cracovie v.ers 1530, mort vers 1000. Il se signala surtout par son opposition ii l’adoption en Pologne de la réforme du calendrier grégorien. On a de lui : Proguosticon de reynorum ac imperiorum mutationïbus (159-1) et un traité sur les Comètes (1596).


LA TOUCHE (de), grammairien français, mort en Angleterre vers 1730. Après la révocation de l’édit de Nantes, il se réfugia dans ce pays, où il trouva un protecteur dans le duc de Glocester. On ne connaît de lui qu’un seul ouvrage : l’Art de bien parler français, qui comprend tout ce qui regarde la grammaire et les façons de parler douteuses (Amsterdam, 1696, in-12), souvent réimprimé. D’après Goujet et le père Buffier, cet ouvrage était un des meilleurs qu’on eût encore faits sur ce sujet.


LATOUCHE (Hyacinthe-Joseph-Alexandre Thabaud, connu sous le nom de Henri de), littérateur français, né au Blanc (Indre) en 1785, mort à Aulnay, près de Paris, le 9 mars 1851. Ses études, commencées au collège de Pontlevoy et terminées à Paris, furent peu soignées, et ses travaux littéraires, même ceux de son âge mûr, s’en ressentirent ; avec beaucoup de talent, d’imagination et de malice, Latouche ne parvint jamais à avoir le style égal et solide d’un grand écrivain. Comme presque tous les gens de lettres de son époque, il entra, sous l’Empire, dans la carrière administrative. La protection d’un de ses oncles, M. Thabaud, directeur de la loterie, et du sénateur comte Porcher, le plaça dans les bureaux des droits réunis. Mais la carrière littéraire le sollicitait, et, dès 1811, il présentait à l’Odéon et y faisait jouer une petite comédie en un acte et en vers, les Projets de sagesse, bientôt suivie d’une autre, en trois actes et en vers, Selmours, écrite en collaboration avec Émile Deschamps, et représentée au théâtre Favart. Quelques années plus tard, au retour d’un voyage en Italie qu’il entreprit pour le compte du gouvernement, et dont on n’a jamais connu bien positivement l’objet, il fit représenter au même théâtre, puis à l’Odéon (1818), une petite comédie en un acte et en vers, le Tour de faveur, qui obtint un grand succès et compta jusqu’à cent représentations. On peut trouver dans cette pièce malicieuse le germe des Comédiens, de Casimir Delavigne, et de la Camaraderie, de Scribe. Vers la même époque, Latouche publiait une foule de volumes, qui ne sont que des compilations pour éditeurs:le Procès Fualdès (1818), les Mémoires de Mme Manson (1818), pour la composition desquels il alla tout exprès à Rodez visiter cette héroïne de cause célèbre ; des Lettres sur le Salon de 1819, la Biographie pittoresque des députés, avec M. Bert (1820) ; les Lettres de deux amants de Barcelone (1821) ; cette œuvre romanesque parut peu de temps après la fameuse peste de Barcelone, et ces divers travaux montrent combien Latouche était à la piste des actualités. Les Mémoires de Mme Manson lui rapportèrent de jolis bénéfices, avec lesquels il acheta, près d’Aulnay, le petit ermitage de la vallée aux Loups, qu’il a célébrée dans un de ses romans. Un volume de contes et de poèmes, imités ou traduits de l’allemand, et écrits d’un style très-étudié, manifestait de meilleures aspirations littéraires.

En 1819 se place un des faits importants de sa vie ; nous voulons parler de sa publication des œuvres d’André Chénier. Parmi les nombreuses critiques auxquelles a donné lieu la manière dont Latouche a rempli la mission qu’on lui avait confiée, nous croyons que c’est dans Sainte-Beuve qu’il faut chercher l’expression parfaite de la justice et de la vérité. C’est pourquoi nous nous en tiendrons à la relation que l’illustre critique a faite des détails de cette affaire et au jugement, à notre avis définitif, qu’il en a porté. « La publication des poésies d’André Chénier, dit Sainte-Beuve, est le grand titre de Latouche, le grand fait littéraire auquel restera attaché son nom. Le nom d’André Chénier n’était pas tout à fait inconnu en 1819 ; quelques mois après sa mort, la Décade philosophique avait publié de lui la Jeune captive; M. de Chateaubriand, dans une note du Génie du christianisme, Millevoye, dans une note de ses Élégies, avaient donné aussi des fragments qui avaient vivement excité l’intérêt des amis de la Muse. Depuis la mort de Marie-Joseph Chénier, M. Daunou était dépositaire des ouvrages inédits d’André. Les libraires Foulon et Baudoin, qui traitèrent des œuvres d’André Chénier avec la famille, dirent qu’ils connaissaient un jeune littérateur qui saurait prendre tous les soins nécessaires à une première édition. Ce jeune littérateur, de trente-quatre ans déjà, était Henri de Latouche. Les papiers lui furent remis, et, au premier coup d’œil, il porta un jugement dont on ne saurait assez lui savoir gré, et qui est aujourd’hui son premier titre d’honneur. Il comprit à l’instant qu’il avait affaire, non pas, comme on le disait dans le monde des purs classiques et de Marie-Joseph, à un jeune poète intéressant, qui promettait beaucoup, et qui avait laissé des fragments incorrects qu’il aurait perfectionnés avec l’âge, mais à un maître déjà puissant, novateur, hardi et pur à la fois, pur jusque dans ses négligences. En un mot, M. de Latouche, en cette occasion, fit un acte de goût original et courageux, ce qui est aussi rare et plus rare encore qu’un acte de courage dans l’ordre civil. » Examinant ensuite si Latouche a été assez scrupuleux sur les détails de cette publication, s’il ne s’est pas autorisé à des suppressions, des additions, des corrections, etc., Sainte-Beuve continue:« On peut discuter sur tous ces points et arriver à reprocher à Latouche quelques légèretés, sans diminuer pour cela l’importance du service capital qu’il a rendu à la littérature et à la poésie du XIXe siècle. Ce que seraient devenues ces adorables poésies d’André Chénier si elles étaient tombées en d’autres mains, en des mains académiques de ce temps-là, ce qu’elles auraient subi de retranchements, de corrections et de rectifications grammaticales, on n’ose y songer. Honneur donc à M. de Latouche de les avoir senties tout d’abord, de les avoir reconnues en frère, en poète, et de nous les avoir rendues (sauf quelques points de détail), telles qu’il les avait reçues ! » On trouve dans un volume de M. Lefèvre-Deumier, les Célébrités d’autrefois, un témoignage utile à enregistrer relativement aux modifications apportées aux manuscrits d’André Chénier et tant reprochées à Latouche. « J’ai vu, dit M. Deumier, j’ai tenu les manuscrits, et ils étaient tous de la main de Chénier ou d’un de ses frères. On a accusé Latouche d’avoir mutilé ces reliques, d’avoir introduit dans ce livre un assez grand nombre de fragments qui n’étaient que de véritables faux. C’est une accusation mensongère. Si de Latouche a eu quelque tort en cette affaire, c’est, dans son enthousiasme craintif pour une gloire dont il fut le premier arbitre, de s’être un peu méfié du public, d’avoir affaibli, par prudence, quelques expressions qui lui semblaient d’une énergie triviale ou d’une crudité dangereuse ; d’avoir, en quelques endroits, remplacé par des points, ou même par rien, des vers qu’il ne trouvait pas à la hauteur des autres; d’avoir corrigé, çà et là, quelques rimes qui lui paraissaient insuffisantes. » Malgré tout, il subsiste, relativement à certaines pièces du recueil, les plus faibles, des doutes que Béranger a contribué à accréditer et que corrobora l’attitude même de Latouche. Ainsi, l’on croit que la célèbre pièce qu’André Chénier, suivant la légende, aurait écrite au moment d’être appelé à l’échafaud:

Comme un dernier rayon, comme un dernier zéphyre
Anime le soir d’un beau jour, etc.,

est tout entière de l’éditeur. Latouche s’en est, dit-on, vanté ; il est vrai que ce n’est pas une raison.

Il était poète lui-même et fut un des premiers à se lancer dans le romantisme, encore mal défini. Ce combattant de la première heure n’est pas, sans doute, à la hauteur des maîtres qui vinrent ensuite ; mais on trouve dans ses divers recueils, qui parurent de 1819 à 1830, quelques qualités pittoresques, et, çà et là, des vers d’une certaine couleur. Malgré tous ses efforts, il resta toujours plus près de Delille et de Chênedollé, qu’il rajeunit, que de Lamartine et de Victor Hugo. Dans ses vers licencieux, il est de l’école de Parny ; et cette impuissance qui le tourmentait, lui qui aurait voulu être un des maîtres de la jeune école, ce retour involontaire à des formes abolies, fut une des causes de l’aigreur qu’il porta dans les querelles littéraires.

Le côté le plus original de son caractère se manifeste dans les mystifications qu’il se plaisait à faire avaler au public et dans les mauvais tours qu’il aimait à jouer, même à ses meilleurs amis. En 1823, il avait fait paraître sous son nom un conte d’Hoffmann, Olivier Brusson; en 1826, comme on parlait assez mystérieusement d’un petit roman inédit de Mme de Duras, Olivier, lu seulement dans quelques cercles du noble faubourg, Latouche eut une idée ingénieuse. On connaissait vaguement la donnée du livre : le héros aimait une jeune femme, en était aimé, et il s’éloignait pourtant, bien qu’elle fût libre. D’où venait cet obstacle secret au bonheur d’Olivier ? L’explication finale qu’en donnait Mme de Duras était parfaitement simple et selon les scrupules de la morale. Latouche composa sur ces indices un petit roman scabreux et le fit paraître, sans nom d’auteur, sous le titre d’Olivier, dans la forme d’impression des autres romans de Mme de Duras. « Plus d’un lecteur, dit Sainte-Beuve, y fut pris, et se dit avec étonnement : « Est-il possible qu’une personne comme Mme de Duras, qu’une femme du monde, qu’une femme, soit allée choisir une pareille donnée ? Mais c’est incroyable, c’est révoltant ! » Cependant, M. de Latouche riait et se frottait les mains. » C’étaient là les malices familières à Latouche. Il s’amusait aussi à glisser ce qu’il appelait des couleuvres dans les articles qu’il fournissait aux journaux, de façon à leur attirer toutes sortes de désagréments. Ainsi, dans une revue des beaux-arts, au Constitutionnel, on put lire la phrase suivante : « On remarque, parmi les plus jolis dessins de M. Isabey, la figure en pied d’un enfant qui porte dans ses deux mains un énorme paquet de roses. Cette association des couleurs du printemps et des grâces de l’enfance rappelle et rassemble des idées d’espérance. Au milieu du bouquet, l’auteur a jeté de jolies fleurs bleues. Ces fleurs se nomment en allemand wergiss mein nicht (ne m’oubliez pas). » La malice est si bien cachée que la censure laissa passer. Le lendemain seulement on s’aperçut que l’enfant d’Isabey s’appelait le roi de Rome ; que l’assemblage de bleu, de blanc et de rose n’était autre que le drapeau tricolore, le tout couronné du n’oubliez pas… celui qui est en Allemagne. On était en 1817, sous le ministère de Richelieu ; le Constitutionnel fut supprimé du coup. De même, Latouche glissait dans le Globe, feuille ministérielle, des allusions bien enveloppées au fameux cierge que porta le maréchal Soult un certain jour de procession, au grand émoi de tous les rédacteurs, qui s’en aperçurent beaucoup trop tard. Rien ne le rendait heureux comme ces petites malices, qui nous paraissent bien inoffensives, mais qui lui firent beaucoup d’ennemis.

Comme journaliste, Latouche eut de l’esprit et de la verve. En 1828, il acheta le Figaro et se fit une certaine renommée de pamphlétaire. Piqué au vif de quelques critiques, dont il ne sut que s’irriter, il se mit à accuser tous ses confrères de jalousie et de haine contre sa personne. Il se considérait volontiers comme une victime, parce qu’il n’arrivait pas à obtenir un succès éclatant, et il accusait son époque d’un déni de justice à son égard. La vérité, c’est que, ne comptant pas assez sur lui-même et sur son talent pour arriver à la réputation qu’il ambitionnait, il ne cessa jamais d’employer tous les petits moyens, toutes les ruses qu’il supposait pouvoir lui abréger le chemin. Quelques-uns de ses ouvrages méritent pourtant de n’être pas oubliés ; entre autres, la Correspondance de Clément XIV et de Carlin (1827), dont il emprunta l’idée, sans en rien dire, à une lettre de l’abbé Galiani. Fragoletta renferme de jolies pages, disséminées malheureusement dans une foule de détails qui blessent la morale et rebutent le lecteur ; c’est l’histoire d’un hermaphrodite. M. de Latouche se complaisait, en prose comme en vers, dans les sous-entendus équivoques et lubriques. En 1831, il fit représenter au Théâtre-Français une grande comédie en cinq actes, sur laquelle il fondait sa gloire future, la Reine d’Espagne ; la donnée scabreuse du sujet était si peu sauvée que la pièce tomba net ; elle n’eut qu’une représentation. Aigri de plus en plus, Latouche vit dans cette chute une ligue de tous les critiques et se déchaîna violemment contre eux. Un de ses articles du Figaro, la Camaraderie littéraire, lui attira une brutale réplique de G. Planche, qui s’était cru atteint : les Haines littéraires. Ce fut une sorte d’exécution, et Latouche dut à l’avenir se montrer moins blessant ; il quitta, du reste, le Figaro peu de temps après. Pendant sa direction, il eut encore une bonne fortune. Ce fut lui qui devina le premier tout le talent de George Sand, comme il avait reconnu, douze ans auparavant, celui d’André Chénier. Vers 1831, G. Sand arrivait du Berry et c’est à lui qu’elle alla se recommander. Latouche lui donna d’abord accès au Figaro, puis lui procura un éditeur pour son premier roman, « et c’est ainsi, dit spirituellement Sainte-Beuve, qu’il lui était toujours réservé d’ouvrir aux autres la terre promise, sans y entrer lui-même. » Dès 1832, Latouche se retira presque complètement du monde ; il alla habiter sa chère vallée aux Loups, petite maison de campagne voisine d’Aulnay, et célèbre par le séjour qu’y fit Chateaubriand.

On a encore de lui, outre une foule d’articles et de fragments épars dans tous les recueils de son temps, la Vallée aux loups (1833), contes, nouvelles, paysages, où se trouvent des pages réussies, et des romans, inférieurs à ses premiers : Grangeneuve (1835) [V. GRANGENEUVE] ; France et Marie (1836) [v. FRANCE] ; Léo (1840, Un mirage (1842), Adrienne (1845) ; les Adieux, poésies (1843) ; les Agrestes, poésies (1844). Enfin, un dernier volume de vers a été recueilli et publié après la mort de l’auteur par son amie, Mlle de Plougergues, sous le titre de : Encore adieu (1852).


LATOUCHE (l’abbé Auguste), hébraïsant français, né en 1783. Il a publié plusieurs ouvrages sur la langue hébraïque, qu’il a longtemps professée à Paris. Tels sont, entre autres:Méthode rationnelle pour l’étude simultanée des langues; Panorama des langues ou Clef de l’étymologie (1S36, in-S0)’; Grammaire hébraïque (1836, in-8") ; Dictionnaire idio-étymologique hébreu et dictionnaire grechébreu (1S3S, in-8"). Voici ce qu’il dit lui-même au sujet de sa méthode d’enseignement : « Mon système, qui n’a paru d’abord qu’ingénieux et qu’un moyen mnémonique d’invention nouvelle, est l’unité des langues