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polation qui povte son nom (v. interpolation), La géométrie analytique lui doit la forme simple et lumineuse qu a reçue la théorie des contacts des divers ordres.

La Théorie des fonctions analytiques n’est autre chose qu’une exposition sous une forme nouvelle des deux calculs différentiel et intégral, ou du calcul des fluxions. Lagrange, conformément à ta méthode que nous avons signalée plus haut, y prend, comme on sait, pour point de départ, le théorème sur la possibilité de développer toute fonction en série, suivant la formule de Taylor. Ce théorème formait, au contraire, dans l’enseignement usuel, la conclusion générale du calcul différentiel. Les avantages de la méthode de Lagrange sont évidents : la formule du développement de la fonction fournit, en effet, simultanément dès le début et de la manière la plus simple, tes notions exactes des différences finies des divers ordres, de leurs limites, les différentielles, et des dérivées. Cette méthode n’est pas restée dans l’enseignement, mais nous ne croyons pas qu’il y ait eu avantage à la changer. On a. reproché à Lagrange le peu de rigueur de sa démonstration de la formule fondamentale ; mais il était facile de compléter cette-démonstration. Il est permis de douter qu’en faisant de la série de Taylor un théorème d’arithmétique on ait opéré une réforme bien avantageuse. Le tort de Lagrange paraîtrait plutôt être d’avoir substitué la méthode détournée des dérivées à la méthode directe de Leibnitz. La méthode de Taylor pouvait former le point de départ de l’une aussi bien que de l’autre.

On retrouve encore la même méthode, avec tous ses avantages, dans ta Mécanique analytique. Les assises de l’édifice sont formées du théorème des vitesses virtuelles et du théorème de d’Alembert. Lagrange supposait le théorème des vitesses virtuelles établi comme conclusion générale de la statique. On n’en avait pas encore de démonstration bien nette. Laplaceet Carnotyont pourvu, et, malgré de nombreux changements de détails, on peut dire que la théorie de Lagrange a passé tout entière dans l’enseignement.

L’un des plus beaux titres de gloire de Lagrange est son CalcuUdes variations, qui a été apprécié ailleurs (v. calcul).

Nous avons dit plus haut ce que lui doit la mécanique céleste.

Voici d’ailleurs la nomenclature des ouvrages de Lagrange : Additions à l’algèbre a"Enter (Lyon, 1772, 2 vol. in-8o) ; Mécanique analytique (Paris, 1787, in-4o) ; Tkëorie des fonctions analytiques (Paris, 1707, in-4o) ; Résolution des équations numériques (Paris, 1798, in-4o) ; Leçons sur te calcul des fonctions (Paris, 1806, in-8o) ; Leçons d’arithmétique et d’algèbre données à l’École normale, dans le Journal de VÉcole polytechnique ; lissai d’arithmétique politique, dans la collection de Rœderer (179G). Lagrange avait abordé des études nombreuses et diverses : physique, chimie, histoire naturelle, médecine, métaphysique ; mais il n’a rien laissé en dehors de ses travaux de mathématiques. Une magnifique édition des Œuures complètes de Lagrange, revue par M. Serret, de l’Institut, a été publiée chez Gauthier- Villars dans ces dernières années (1807-1870),

LAGRANGE, traducteur, né à Paris en 1738, mort en 1775. Son intelligence précoce décida ses parents à lui faire donner, malgré leur pauvreté, une solide instruction. Le matin, en partant pour le collège, il emportait du pain pour toute sa journée, et, dans l’intervalle des classes, séréfugiait dans quelque passage ou sous le vestibule d’une église. Son assiduité au travail le fit remarquer de ses prolê.-seurs et lui valut une bourse au collège. Chargé, par la suite, de l’éducation des enfants du baron d’Holbach, il Se trouva, chez ce dernier, en relation avec les encyclopédistes, et ce fut sur les conseils de Diderot qu’il entreprit sa traduction de Lucrèce, traduction dont le succès fut très-grand et très-mérite. Lagrange venait de terminer l’éducation de ses élèves, lorsqu’il mourut, épuisé par le travail. Outre sa traduction de Lucrèce (1768, 2 vol in-S°), souvent rééditée, on lui doit celles des Antiquités de la Grèce, par Lambert Bos, avec des notes de Leisner (17G9, in-12), et des Œuvres de Sénèque le philosophe (1778-1779, 7 vol. in-12), que Kaigeon revit et termina.

LAGRANGE (Joseph, comte), général français, né k Saint- Pesserre en 1761, mort en 1836. Entré, en 1794, au service comme capitaine de volontaires, il fit, à dater de cette époque, toutes les campagnes de la Révolution, et conquit en Italie le grade de général de brigade. En Égypte, il se distingua surtout à El-Arisch ut à la journée d’Heliopolis. Nommé, à son retour en France, inspecteur général de gendarmerie et général de division, il commanda, en 1805, l’expédition envoyée contre les colonies anglaises des Antilles, fit une descente dans l’île de la Dominique, se rendit maître de la garnison anglaise et de l’artillerie, détruisit les magasins et captura tous les bâtiments ennemis mouillés aux abords de 111e. Il fut ensuite appelé au commandement d’une division de l’armée de Hollande, lit la campagne de Prusse, et, après la formation du royaume de Wesiphalie, devint ministre de la guerre et chef d’état-major du roi Jérôme. Créé comte doEmpire en 1808 et envoyé la même année en

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Espagne, où il se distingua à la bataille de Tudela.il revint, en 1809, prendre Ip commandement des troupes fournies par le duc de Bade, fit plus tard partie de l’expédition de Russie, assista aux batailles de Dresde et de Leipzig et se signala en diverses rencontres pendant la campagne de France. À la rentrée des Bourbons, il se retira dans ses terres, où il demeura pendant les Cent-Jours, et, en 1817, il fut envoyé à la Chambre des députés par les électeurs du Gers, et fut nommé 1 année suivante inspecteur général de la gendarmerie. Il reçut de Louis - Philippe, en 1831, le titre de pair de France, r— Son fils, Frédéric, né en 1816, a été successivement représentant du Gers à, l’Assemblée législative (.1849), membre.de la commission consultative (1851), et député de la circonscription de CQndom au Corps législatif depuis 1852jjusqu’à la fin de l’Empire, dont il soutin t constamment la politique. M. Lagrange possède de grandes propriétés et une importante verrerie dans le département du Gers. Membre du Jockey-Club et passionné pour les chevaux, il a acquis une grande notoriété par les succès nombreux qu’il a obtenus aux courses, soit en France, soit à l’étranger. Fille de l’Air et Gladiateur, qui ont remporté le prix du Derby, à Epsom, en 1864 et 1865, appartenaient aux écuries de ce sportsman.

LAGRANGE (Charles), révolutionnaire, né a Paris en 1804, mort à La Haye en lS57t 11 s’engagea dans l’artillerie de marine, où il se fit remarquer par l’indépendance de ses opinions politiques. Pendant un voyage au Brésil, il voulut s’opposer à une punition corporelle infligée à un homme placé sous son commandement ; le capitaine le fit arrêter et conduire en France, où il dut a l’indulgence du ministre de la marine, de ne pas être traduit devant un conseil de guerre (1822). Embarqué, en 1823, sur le vaisseau zJean-Bart, il fit la campagne d’Espagne avec la répugnance qu’elle inspirait à toute âme généreuse, mais avec la résignation et la bravoure d’un soldat. Ayant pris son congé en 1829, il s’occupa du commerce des vins. U fut un des combattants de juillet 1830. Affilié à la Société des droits de l’homme, il prit une part active k l’organisation du mouvement insurrectionnel de Lyon, en avril 1834. C’est lui qui eut le commandement suprême de l’insurrection pendant ces journées terribles. Le courage chevaleresque dont il fit preuve fut relevé encore par son attitude énergique devant la cour des pairs. Sa figure mâle se détache dans ce procès, si plein d’incidents dramatiques. S’étant vu refuser la parole par le président Pasquier, Lagrange s’écria : > Je la prends I Oui, poursuivit-il, nous protestons devant la parodie de vos réquisitoires comme nous l’avons fait devant la mitraille ; nous protestons sans crainte, en hommes fidèles à leuis serments et dont la conduite vous condamne, vous qui en avez tant prêté et tant trahi ! » Condamné k vingt ans de détention, il recouvra la liberté à l’amnistie de 1839. Placé sous la surveillance de la police, plus d’une fois il eut maille à partir avec elle pour s’être rendu à Paris. Il s’y trouvait au moment de la révolution de février 1848. Son nom populaire fut un talisman pour les masses. On la accu.-é d’avoir tiré le coup de pistolet qui amena la terrible fusillade du boulevard des Capucines ; il s’en est défendu, même devant les tribunaux, et quiconque a connu son caractère sait qu’il était incapable de cette action oblique, si l’on peut ainsi parler. L’acte d’abdication de Louis-Philippe tomba entre ses mains au moment où il venait d’être signé. Il le lut au peuple, et conserva cette curieuse pièce comme un trophée. Lagrange eut le commandement de l’Hôtel de ville pendant plusieurs jours ; mais, comme il gênait, on lui persuada de s’en démettre, pour se reposer des fatigues excessives qu’il avait éprouvées pendant la lutte ; on fit même courir le bruit qu’il était devenu fou. Les électeurs de la Seine l’élurent représentant à l’Assemblée constituante (1348), et le nommèrent de nouveau à la Législative en 1849. Lagrange ne prit aucune

part à l’insurrection de juin, bien que les combattants l’eussent proclamé leur chef ; mais il ne cessa de s’élever contre les transportions et de réclamer l’amnistie. Les

principaux points de son programme politique étaient le suffrage universel et l’abolition de la peine de mort. Arrêté lors du coup d’État du 2 décembre 1851, il fut expulsé peu après de France par Louis Bonaparte, et se retira en Belgique, qu’il dut quitter en octobre 1852. Il passa alors en Angleterre, puis se retira en Hollande, où il termina sa vie. On a de lui : Discours de Lagrange, accusé de Lyon (Paris, 1835) ; Discours sur l’amnistie (1849).

LAGRANGE (Anna-Caroline DE), comtesse StakkoWITch, cantatrice, née à Paris en 1825. Douée d’une belle voix et d’une remarquable organisation musicale, elle prit des leçons de piano de Stammati, des leçons de chant de Bordogni, et se fit entendre pour la première fois en public dans la Duchesse de Guise, opéra de Flottow, qui fut représenté à l’hôtel Castellane. Le talent qu elle montra dans ce

rôle, sa rare facilité de vocalisation décidèrent sa mère à la conduire en Italie, pour compléter son instruction musicale. Engagée en 1842 au théâtre de Varèse, l’artiste française y débuta dans la Chiara di Rosenberg, de Louis Ricci, et remporta un succès écla LAGR

tant. À partir de ce moment, les principaux théâtres de l’Italie lui ouvrirent leurs portes avec empressement. A Modène, elle créa le Corrado d’Altamura, de Frédéric Ricci, et / Lombardi, de Verdi ; k Venise, la Marescialla d’Ancre, de Nini ; à Bologne, la Linda. di Chamouni, de Donizetti, puis fut engagée successivement k Turin ; Rovigo, Trieste et Milan.

En 1848, MHode Lagrange épousa, à Vienne, un gentilhomme russe, le comte Stankoviteh. La révolution survenue en Autriche ayant fait fermer les théâtres, elle vint à Paris et contracta un engagement avec l’Opéra. Ses débuts sur la scène française eurent lieu dans Otello ; mais la situation intéressante dans laquelle elle se trouvait à cette époque nuisit à l’émission de sa voix, et la nouvelle comtesse s’empressa, en présence du froid accueil du public, de rompre son engagement. En 1851, elle fit une apparition au Théâtre-Italien, et s’y produisit seulement dans les rôles bouffes ou de demi-caractère. Depuis lors, elle a paru successivement sur les théâtres de Vienne, de Berlin, de Saint-Pétersbourg, a passé plusieurs années en Amérique, où elle gagna des sommes énormes, et, de retour en Europe vers 1861, elle fut engagée par M. Bagier, directeur des théâtres italiens de Paris et de Madrid. Pendant plusieurs années, Mme Lagrange s’est fait entendre alternativement sur ces deux scènes. Grande, lière, élégante, portant sur la scène des manières aristocratiques, elle semble dédaigner complètement de s’identifier avec ses rôles, et manque de sentiment dramatique. Elle doit surtout ses grands succès à sa vocalisation brillante.

LAGRANGE (Léon-Marius), littérateur français et critique d’art, né à Marseille en 1828, mort à Nice en 1868. Il commença ses études de droit à Paris, mais il délaissa bientôt la jurisprudence, qui ne convenait en rien ù la tournure de son esprit, pour se livrer à son goût pour les arts. Il étudia la peinture pendant quelque temps, puis se mit à voyager, et visita l’Italie, l’Égypte, la Palestine. De retour en France, M. Lagrange résolut de se faire critique d’art et devint un actif collaborateur des Archives de l’art français, de la Gazette des beaux-arts, du Correspondant, etc., où il publia de nombreux articles et des revues de Salon, de 1861 à 1867. Outre ses travaux de journaliste, on doit k cet écrivain : Caravanes et Au désert, ouvrages dans lesquels il donne le récit de soo voyage en Orient ; Joseph Vernet, ou la Peinture au xvme siècle (1864, in-8o) ; Pierre Puget, peintre, architecte, sculpteur et décorateur de vaisseaux (1868, in-8o). Ces deux derniers ouvrages surtout sont fort remarquables. On y trouve un grand nombre (le documents inédits et pleins d’intérêt sur deux des artistes qui font le plus grand honneur à la Provence.

LAGRANGE (Pérégrin DE), théologien français. V. Dklagrangk.

I LAGRANGE D’ARQUIEN DE MONT1GNY

(François dk), maréchal de France, né en 1554, mort en 1617. Henri III, avec lequel il avait été élevé, le fit successivement gentilhomme ordinaire de sa chambre, capitaine de cent gentilshommes de sa maison et son premier maître d’hôtel. Fait prisonnier à la bataille de Coutras par le roi de Navarre, qui le rendit à la liberté sans rançon, il ne se montra pas ingrat envers ce prince, et fut l’un des premiers à le reconnaître pour roi de France, à la mort de Henri III. Nommé par lui gouverneur du Berry, il se signala successivement à Ivry (1589), au siège de Chartres (1591), à Aumale et au siège de Rouen (1592), au combat de Fontaine-Française (1585), et au siège d’Amiens (1597). Nommé ensuite lieutenant général du gouvernement de Paris (1600), puis du pays messin (1607), et, la même année, gouverneur de Verdun, il servit dans l’armée du duc de Guise contre les princes mécontents (1615), fut créé maréchal de France, en 1616, et fit rentrer dans le devoir toutes les villes du Berry, du Bourbonnais et du Nivernais qui avaient embrasée le parti du prince de Condé.

LAGRANGE D’ARQUIEN (Henri, marquis DE), prélat français, né k Calais en 1613, -niort en 1707. Il était capitaine des gardes suisses de Philippe, duc d’Orléans, frère de Louis XIV, lorsqu’une de ses filles, Marie - Casimire, épousa un seigneur polonais, nommé Jacques Radzi’will, palatin de Sandomir. Devenue veuve, elle se remaria, en 1665, avec Jean Sobieslii, qui devint roi de Pologne en 1674. Le marquis d’Arquien se rendit alors en Pologne ; sa fille, après avoir vainement ; essayé ne le faire nommer duc et pair par Louis XIV, lui obtint, en 1695, du pape Innocent XII, le chapeau de cardinal. Après la mort de Sobieski, il se retira avec sa fille à Rome, où il mourut.

LAGRANGE-CHANCEL (Joseph deChancel, dit dis), poète français, né au château d’Antoniat, près de Périgueux, en 1677, mort en 1758. Il montra, tout enfant, les dispositions les plus extraordinaires pour la poésie, et, si l’on s’en rapporte à ce qu’il dit lui-même, il sut rimer avant de savoir lire. A l’âge de sept ans, il fut mis au collège des jésuites, à Bordeaux, et s’y fit remarquer surtout par son talent poétique et par une malignité précoce. À huit ans, il faisait des vers remarquables, et, à neuf, il composa et représenta, avec quel LAGR

ques-uns de ses camarades, une comédie dans laquelle il mit en scène les héros d’une aventure qui venait de faire grand bruit à Bordeaux. Il parait que le jeune auteur avait su peindre ses personnages au naturel, car ceux-ci se montrèrent profondément courroucés contre lui, et l’un d’eux alla même jusqu’à le menacer du fouet. L’orage soulevé par cette pièce malencontreuse interrompit pour un temps les essais dramatiques de Lagrange, auquel sa mère ne permit plus de jouer la, comédie qu’au collège.

Après avoir terminé ses études, à l’âge de quatorze ans, il partit pour Paris, où il devint bientôt le héros du jour, et gagna les bonnes grâces de la princesse de Conti, qui l’admit parmi ses pages et chargea Racine de l’aider de ses conseils et de son expérience. Lagrange venait de terminer une tragédie qu’il avait commencée à Bordeaux ; grâce à l’aide de l’auteur de Britannicus, elle fut représentée le s janvier 1694, avec un grand succès, sur le théâtre des Fossés-Saint-Germain. Cette pièce portait primitivement le titre de Jugurt/ia, que l’auteur changea ensuite celui d Adherbal. Lagrange assista à la représentation de son œuvre, à côté du prince de Conti et de Racine, qui avait voulu être témoin du premier triomphe de son élève, bien que, par dévotion, il eût lui-même depuis longtemps renoncé au théâtre.

Jugurlha marque le commencement de ia période la plus heureuse de la vie de Lagrange - Chancel. Aussi bien vu en cour

qu’heureux au théâtre, où de nouveaux suc’ ces vinrent bientôt s’ajouter au premier, il fut pourvu d’une lieutenance au régiment du roi, qu’il quitta pour entrer dans les mousquetaires, où il espérait avoir^lus de loisirs. Plus tard, il devint maître d’hôtel honoraire de Madame, duchesse d’Orléans, mare du futur régent. Ce fut en 1713, pendant qu’il occupait cet emploi, qu’il contracta avec le duc de La Force cette amitié qui devait si vite se changer en haine et devenir la cause des malheurs du poète. La même année, en effet, il publia sa tragédie d’Jnoet Méticerte, et, dans la préface de cette pièce, déclara qu’un ami peu scrupuleux, trahissant k la fois 1 honneur et l’amitié, avait abusé de sa confiance au point de prendre les devants et de faire représenter la pièce sous son nom. Cet ami, c’était le duc de La Force ; Lagrange ne se lassa pas de réclamer contre ce vol, et, à la longue, son adversaire, usant de son influence, parvint à le faire exiler en Périgord par le régent. Commensal assidu de la duchesse du Maine, Lagrange avait pris part aux conciliabules de Sceaux, et était entré dans la conspiration de Cellamare, qui avait « pour objet de renverser le régent. Pour soulever l’opinion publique contre ce dernier, pour préparer le succès de la conjuration formée contre lui, et, au besoin, pour en pallier l’échec, Lagrange-Chancel composa et répandit à profusion, sous le nom de Philippiques, trois satires ardentes contre le duo d’Orléans, trois virulents pamphlets en vers, tout imprégnés de haine et d une haine qui se livrait aux accusations les plus horribles (1720), Bien que cruellement atteint, le régent (une sorte d’insouciance philosophique était le fonds de son caractère) voulut épargner son ennemi ; mais le duc de La Force s’empressa de saisir l’occasion pour frap per l’auteur d’Ino et Mélicerte, et poussa le duc d’Orléans à lancer contre Lagrange, alors en Périgord, les exempts du maréchal de Berwiok. Obligé de fuir, Lagrange se réfugia k Avignon, où le légat du pape lui fit un excellent accueil ; mais, attiré par un faux ami hors des limites du Comtat-Venaissin, il fut livré à des agents apostés et enfermé aux îles Sainte-Marguerite, d où il réussit à s’évader après deux ans de captivité. Il erra alors en Italie, en Espagne, puis en Hollande, où il se trouva enfin en sûreté, grâce au droit de bourgeoisie qui lui fut accordé par les états. Ce fut de cet asile qu’il lança une quatrième Philippique contre le régent, dont la mort, même ne put le désarmer, car il la salua par une cinquième ode portant le même titre. U put alors rentrer en France, grâce k la protection du duc de Bourbon, qui le renvoya peu après, chargé d’une mission secrète, en Hollande, d’où il revint vers 1728. Il écrivit encore quelques tragédies, qui n’obtinrent pas grand succès, et se retira ensuite dans son château d’Antoniat, où il s’occupa de travaux historiques, et commença, avec le chevalier de Coblens, une Histoire du Périgord, dont il existe à la Bibliothèque nationale quelques fragments manuscrits.

On a de Lagrange-Chancel des tragédies, telles que : Jugurlha, que nous avons déjà mentionné ; Oresteet Pylade(16^1) ; Météugre (1G99) ; Alhénaïs (1699) ; Amasis (1701) ; Alceste (1703) ; Ino et Mélicerte (1713) ; la Fille supposée (1713) ; Erigone ; Cassius et Victorinus, etc. ; une tragi-comédie : les Jeux Olympiques (1729) ; des opéras, entre autres : Afeduse (l-Q2) ; Cassandre (1706) ; Orphée ; Pyrame et l’hisbé ; la mort d’Ulysse ; Je Crime puni, etc. Il avait donné, l’année même de sa mort, une édition complète de ses œuvres en 5 volumes. Les Philippiques furent imprimées pour la première fois en Hollande, en 1723 j elles ont été plusieurs fois rééditées, en dernier lieu par M. de Lescure (Paris, 1558, in-12). Comme poète dramatique, Lagrange-Chancel doit être placé au-dessous de Crébillon et de Lafosse, auprès de Loug*>ierre el