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(Chateaub.) Il Par malheur, par un cas malheureux : Malheureusement je n’étais pas là. Il est un art qui malheureusement dénient commun, c’est celui de tromper sans que l’on puisse être convaincu d’imposture. (Azaïs.)

MALHEUREUX, EUSE adj. (ma-leu-reu, eu-ze — rad. malheur). Qui est dans le malheur, qui a la fortune contraire : N’entretenez pas de votre bonheur un homme plus malheuheux que vous. (Pylhagore.) L’homme est toujours également malheureux et par ce qu’il désire et par ce qu’itpossêde. (D’Aguess.) On n’est jamais si heureux ni si malheureux qu’on se l’imagine. (La Rochef.) Sois sûr que l’homme qui fait des heureux ne saurait être lui-même malheureux. (Helvét.) Nous sommes presque toujours plus malheureux par ce que nous prévoyons que par ce que nous éprouvons. (Mnie Du Dctfand.) Il y a des moments dans la vie où l’on se sent si malheureux, que la caresse d’un lépreux nous semblerait un bienfait. (Mme C. Bachi.) L’homme est plus malheureux par la tête que par le cœur. (Michon.)

Et les plus mal/icureux osent pleurer le moins.

Racine.

On peut toujours trouver plus malheureux que soi.

La FowrAiKE. Ou devient innocent quand on est malheureux. La Fontaine. , . Un jour, une actrice fameuse Me contait les fureurs de son premier amant ; Moitié rêvant, moitié rieuse, Elle ajouta ce mot charmant : (reuse !

« Oh ! c’était le bon temps, j’étais bien malheu-

RULHIÈRES.

li Où l’on est dans le malheur : Une situation malheureuse. Un état malheureux. Une vie malheureuse. Il Qui annonce le malheur : Je ne puis pas rester comme un intrus chez eux, Avec ma bourse vide et mon air malheureux.

C. Doucet.

— Funeste dans ses conséquences, dans ses résultats : Un règne malheureux. Un malheureux accident. Une chute malheureuse. De malheureux exemples. Un conseil malheureux. Une malheureuse passion. Une malheureuse indulgence.

— Mal trouvé, mal imaginé, mal fuit : Une idée malheureuse. Un plan malheureux. Une figure malheureuse. Dans les collèges, un prénom malheureux est une occasion de taquineries incessantes. (M">e Monmarson.) Il Qui n’a pas de succès : Une a/faire malheureuse. Un amour malheureux. Une passion malheureuse. Une campagne malheureuse. Les entreprises hardies, quoique malheureuses, font souvent des imitateurs. (Volt.) Il Qui porte malheur, qui est le présage d’un malheur : litre né sous une étoile malheureuse, sous de malheureux auspices. Ce fait est un malheureux augure.

— Qui a peu d’importance j qui n’a pas de valeur réelle : Un malheureux coin de terre. J’ai eu cela pour vingt malheureux louis. Les hommes s’égorgent pour de malheureuses questions d’amour-propre. Ses malheureuses excuses achevèrent de le confondre. (Boss.) il Peu estimable dans son genre : Un malheureux auteur de chansons de cabaret. Un malheureux peintre de panneaux de voiture. Il Qui est mal partagé, en parlant d’une faculté : Une mémoire malheureuse. C’est une imagination féconde, mais malheureuse, car elle est bizarre et mal réglée ;

— Loc. fara. Avoir la main malheureuse, Avoir mauvaise chance, en parlant de quelque chose de hasard qui se fait avec la main, comme de tirer à la loterie, de couper en jouant aux cartes, etc. Se dit aussi dans un sens général : Il s’est marié trois fois et a épousé trois furies ; il a la main malheureuse. Il Être malheureux en fricassée. Echouer dans tout ce qu’où entreprend. Il Être mal' heureux comme les pierres, "comme un chien qui se noie, Être excessivement malheureux.

Il II est des enfants de Turlupin, malheureux de nature, 11 est malheureux par sa naissance, comme les enfants de Turlupin, dont toute la postérité fut proscrite.

— Prov. Malheureux au jeu, heureux en femme, Celui qui est malheureux au jeu est ordinairement heureux en ménage ou en amour, il Les malheureux n’ont point de parents, Personne ne recherche les gens sans fortune. Il Le gibet n’est fait que pour les malheureux, Les lois ne punissent que les pauvres gens, il Quand un homme est malheureux, il se noierait dans un crachat, Pour qui a mauvaise chance, les accidents les plus insignifiants deviennent funestes.

— Substantiv. Personne malheureuse -.Avoir pitié des malheureux. Le plus malheureux des hommes est celui qui fait le plus de malheureux. (Fén.) Nous querellons tes malheureux pour nous dispenser de les plaindre. (Vauven.) Il y a dans le monde une multitude de malheureux qui ne sont pas malheureux par leur faute. (Bastiat.)

Que pour les malliçureux l’heure lentement fuitl.

Voltaire. Malgré tous nos chagrins, Chétifs mortels, j’en ai l’expérience, Les malheureux ne font point abstinence ; Eu enrageant on fait encor bombance.

Voltaire. *

U Pauvre : Secourir les malheureux. Des

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malheureux qui manquent de pain. Il pleut des malheureux de tous côtés, et des ennuyeux encore davantage. (Volt.)

— Personne vile, méprisable par son caractère ou à cause de ses actions : Un MAL-HEUREUX indigne de pitié. Une malheureuse qui a vendu son honneur. Le malheureux ! il a osé lever la main sur son père !

Malheureuse ! et je visl et je soutiens la vue De ce sacré soleil dont je suis descendue !

Racine.

Il Se dit en faisant un reproche ou donnant un avis pressant : Malheureux ! vous êtes perdu si vous allez là ! Ah ! malheureux ! que ne m’avez-vous cru ! On vous trompe, malheureux 1 ifalAeureuse.’ quel nom est sorti do ta bouche !

< Racine.

— Jeux. Joueur remplacé • au piquet k écrire : Quel que soit le nombre des joueurs, deux seulement’ tiennent les cartes, et quand le coup est fini, le perdant cède la place à un autre, et c’est lui qui est le malheureux.

— Allus. bist. Malheureux roi ! mnllicurense Francs ! Exclamation célèbre du Journal des Débats, qui parut quelques jours avant la révolution de 1830, et qui, dans l’application, présage une catastrophe prochaine causée par des résistances aveugles.

Le gouvernement de Charles X donnait chaque jour des preuves de plus en plus évidentes de ses tendances réactionnaires. La nomination du ministère Polignae fut un véritable défi jeté à l’opinion publique. « lamais, dit M. de Vaulabelle, l’apparition d’un nouveau ministère ne souleva une émotion plus profonde, une inquiétude plus générale, une irritation plus vive. Les plus implacables adversaires de la maison de Bourbon, s’imposantla tâche de précipiter sa chute en lui infligeant des ministres impopulaires, n’auraient pu choisir, en effet, des noms plus détestés. Ces noms, attachés aux souvenirs les plus tristes, les plus désastreux de nos quarante dernières années, résumaient toutes les douleurs, toutes les hontes de ce passé, l’émigration et ses complots, la réaction de 1815 et ses fureurs. Le Journal des Débats, organe des royalistes du centre droit et défenseur de l’administration de M. de Marlignae, était le journal le plus modéré de l’opinion constitutionnelle. Le 10 août, après avoir fait connaître les noms des nouveaux ministres, il publiait les réflexions suivantes :

«Ainsi le voilà encore brisé ce lien d’amour et de confiance qui unissait le peuple ■> au monarque 1 Voilà encore une fois la cour avec ses vieilles rancunes, l’émigration avec ses préjugés, le sacerdoce avec sa haine de la liberté, qui viennent se jeter entre la France et son roi. Ce qu’elle a conquis par quarante ans de travaux et de malheurs, on le lui ôte ; ce qu’elle repousse ii de toute la puissance de sa volonté, de toute l’énergie de ses vœux, on le lui impose violemment.

Ce qui faisait surtout la gloire de ce règne, ce qui avait rallié autour du trône les i. cœurs de tous les Français, c’était lamodération dans l’exercice du pouvoir ; la modération 1 aujourd’hui elle devient impossible. Ceux qui gouvernent maintenant voudraient être modérés qu’ils ne le pourraient pas. Les haines que leurs noms éveillent dans tous les esprits sont trop profondes pour n’être pas rendues. Redoutés de la Franco, ils lui deviendront redoutables. Peut-être, dans les premiers jours, voudront-ils bégayer les mots de Charte et de liberté : leur maladresse à dire ces mots les trahira ; on n’y.verra que le langage de la peur ou de l’hypocrisie.

Que feront-ils cependant ? iront-ils chercher un appui dans la force des baïonnettes ? lies baïonnettes aujourd’hui sont intelligentes ; elles connaissent et respectent la

« loi. Vont-ils déchirer cette Charte qui fait la puissance du successeur de Louis XVIII ? Qu ils y pensent bien ! la Charte à mainte « nant une autorité’contre laquelle viendraient u se briser tous les efforts du despotisme. Le peuple paye 1 milliard à la loi ; il ne payerait pas 2" raillions aux ordonnances d’un ministre. Avec les taxes illégales, naîtrait n un Hampden pour le3 briser. Ilampden 1 faut-il encore que nous rappelions ce nom de trouble et de guerre 1 Malheureuse France ! malheureux roi ! »

Ces derniers mots, cri de douleur et d’alarme, étaient comme le glas de la Restauration. Cet article fut saisi. L’auteur, Étienne Béquet, se dénonça lui-même aux tribunaux. M. Beitin, rédacteur en chef des Débats, en revendiqua la responsabilité comme un privilège. Traduit en police correctionnelle, sous la prévention « d’offense envers le roi

« et d’attaque contre la dignité royale, » il fut condamné, le 26 août, à six mois de prison et 500 fr, d’amende, minimum de la peine. Il appela de cette sentence ; le ministère public en appela de son côté a minima. Quelques jours après, la cour déchargeait Bertin des condamnations prononcées contre lui et le renvoyait de la plainte. »

1 Cette maison de banque, si solidement établie jusque-là, menaçait ruine et craquait de toutes parts, La fille suivait les traces de la mère, les deux* fils s’abandonnaient à un luxe effréné ; le père, à bout -de courage,

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voyant déjà le précipice ouvert sous ses pas, se sentait envahi par un découragement profond, et à la vue de cette famille jadis si heureuse et de cette maison si florissante, on aurait pu s’écrier : Malheureux roi ! malheureuse France ! »

Revue des Deux-Mondes.

— Houucur nu courage malheureux ! V.

VICTIS IIONOS.

MALHONNÊTE adj. (ma-lo-nê-te — de mal, et de honnête). Qui manque de probité, d’honnêteté : Un malhonnête homme. Qui n’aurait que la probité que les lois exigent serait un assez malhonnête homme. (Duclos.) Un grand moraliste peut être un malhonnête homme. (Chateaub.) La plupart des femmes trichent au jeu et sont malhonnêtes eu affaires d’intérêt. (G. Sand. j il Contraire k la probité : Un action malhonnête. Une conduite malhonnête.

— Par ext. Incivil, impoli : Un enfant malhonnête. 11 Contraire à la politesse : Une réponse malhonnête. Une tenue malhonnête.

Il Immoral, indécent : Des termes malhonnêtes. Un livre malhonnête.

— Qui est peu considérable, qui n’a pas l’importance convenable : Trouvez-vous, mon neveu,

Le présent malhonnête, et que ce soit trop peu ?

Ueonabd.

— Substantiv. Fam. Personne incivile : Vous êtes- une grande malhonnête. Taisezvous, petit MALHONNÊTE.

•— Gramm. Cet adjectif change de "signification selon la place qu’il occupe avant ou après certains substantifs : Un malhonnête homme est celui qui n’a pas de probité ; Un homme malhonnête manque de politesse.

— Syn, Malhonnête, déshoiineic. V.DÉSHONNÊTE.

MALHONNÊTEMENT adv. (ma-lo-nê-teinan — rad. malhonnête). D’une façon malhonnête, contraire a la probité : En user

MALHONNÊTEMENT.

— D’une façon incivile : Dépondre malhonnêtement.

MALHONNÊTETÉ s. f. (ma-lo-nê-te-térad. malhonnête). Vice contraire à la probité, défaut d’honnêteté : La malhonnêteté exclut la simplicité du cœur.

— Par, ext. Incivilité, impolitesse : La malhonnêteté s’allié rarement avec la bonté.

Il Action ou parole malhonnête : // m’a fait cent malhonnêtetés. Les malhonnêtetés qui lui échappent dans tous ses discours l’ont rendu détestable.

MALIA, ville de l’ancienne Thessalie, dans là Phtiotide, près du mont CEta et des Thermopyles, sur le golfe Maliaque.

MAL1AQUE adj. (ma-li-a-ke). Géogr. auc. Qui est de Malia ; qui appartient à Malia ou à ses habitants : Les Mahaques. La côte maliaque.

MALIAQUE (golfe), en latin Maliacus Sinus, enfoncement de la mer Egée, sur les côtes de la Thessalie, près des Thermopyles, en face de l’île d’Eubée. Il recevait le neuve Achélous. Il porte aujourd’hui le nom de golfe de Zeitoun.

MALIARE s. m. (ma-li-a-re). Membre d’une caste qui habite la côte de Malabar : Les maliares sont musiciens, devins et charlatans. (Deltienzi.)

MALIBRAN (Maria-Félicia Garcia, dame), la plus célèbre cantatrice italienne du xixo siècle, née à Turin le 24 mars 1S08, morte à Manchester le 23 septembre 1835, Elle manifesta dans ses premières années une grande froideur pour l’art dont elle devait être une des plus admirables interprètes. L’instinct musical fut long à se développer eu elle ; mais avec un père et un professeur te ! que le grand chanteur Manuel Garcia, il fallait être artiste ou succomber. Aussi la pauvre Maria eut-elle cruellement à souffrir de la sévérité paternelle. Souvent les passants, en traversant la rue que Garcia habitait à Paris, entendaient des cris perçants qui les glaçaient de peur et les faisaient s’enquérir de la provenance de ces clameurs. « Oh 1 ce n’est rien ! disaient les voisins, c’est M. Garcia qui fait chanter ses demoiselles. » La jeune fille étudia ensuite le solfège sous la direction de Panseron, le piano sous celle d’Hérold, et apprit avec une grande facilité l’italien, l’espagnol, l’allemand et l’anglais.

C’est à lJaris, dans le salon de la comtesse Merlin, que Mll° Garcia se produisit pour la première fois en public, dans l’exécution d’une cantate écrite par Rossini. À cette époque, sa voix de poitrine était splendide, mais les autres parties du timbre étaient encore grosses et sourdes. Toutefois, comme Maria voulait arriver, et que Garcia voulait que sa fille voulût, ces défauts disparurent avec le travail.

Quand Garcia se rendit à Londres en 182«, Maria fut engagée au King’s théâtre pour chanter des intermèdes. Son début sûr la scène eut lieu dans le duo de Roméo et Juliette de Zingarelli, qu’elle chantait avec Veluti et qui lui valut uii éclatant succès. Quelques jours après, une indisposition do Judith Posta . permettait à Mi’c Garcia d’interpréter, un rôle en entier. En deux jours, elle apprenait les récitatifs d, ù Barbiere di Siviglia et chantait

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la Rosina au grand enthousiasme des habitués du King’s théâtre. Un mois environ après ce début inopiné, elle remplit le principal rôle dans le Croctato de Meyerbecr, représenté a Londres pour la première fois. La saison terminée, Garcia s’embarqua avec toute sa famille et se rendit à New-York. Chargé de la direction du théâtre de cette ville, Garcia fit porter à sa fille tout le poids du répertoire ; Otello, Romeo e Gulietta, l’ancredi, Cenerentola, Il Barbiere, Don Giovanni montrèrent le talent de l’artiste sous diverses faces, et passionnèrent le public yankee.

Ce fut alors qu’un négociant français établi en Amérique, M. Malibran, demanda la main de la jeune cantatrice. U avait une cinquantaine d’années, mais il passait pour très-riche. Garcia agréa sa demande. Maria, malgré sa répugnance franchement témoignée, dut céder devant l’injonction de son père et devint l’épouse du négociant le 25 mars 1826. Elle avait dix-sept ansl Quelques semaines après, Malibran déposa son bilan. Fou de colère et craignant de commettre un malheur, Garcia s’entuit de New-York, laissant la direstion du théâtre à vau-l’eau, et sa fille dans » mie situation fertile en angoisses pour une jeune femme commençant : i peine la vie. Au milieu de cette débâcle, M»’»' Malibran ne perdit pas courage. Elle organisa une troupe d’opéra, continua ses représentations, qui furent plus suivies que jamais et versa son gain, partie aux mains de sa famille, partie entre les mains des créanciers do son mari. Mais la position n’était plus tenable et, en 1827, quittant New-York et son mari, elle s embarqua pour la France.

À son arrivée à Paris, Mme Malibran fut accueillie par Mme la comtesse Merlin, ancienne élève de Garcia. Quelques auditions données dans les salons répandirent le nom de cette merveille du chant. Enfin ; en 1828, elle fit à l’Opéra son début devant le public français, par le rôle de Sémiramis, dans une représentation donnée au bénéfice de Gnlli. Son talent, plein d’éclairs, bien que non encore entièrement régularisé, excita une profonde sensation. Malgré les offres que lui fil la direction de l’Opéra, Mme Malibran contracta un engagement avec le Théâtre-Italien, où elle toucha 50,000 francs par an, et s’y produisit pour la première fois dans la Desaemona à’Otello. Safougue, sa passion, ses élans de génie (irent’oublier les calmes et sculpturales attitudes et le chant réservé de la Pastn. Arsace de Sémiramidc, Ninaita de la Gazza lacha, Sémiramide qu’elle chantait alternativement avec Arsace, Itosina d’il Barbiere, l’ancredi mirent le sceau U su réputation. On vit même la grande artiste, dans tout l’éclat de sa beauté, charger son front de rides et s’affubler d’une perruque blancho et d’habits surannés pour chanter la tante Fidalma, à’Il Matrimonio segreto, afin de donner à la représentation de ce chef-d’œuvre un relief plus accentué.

Le 9 décembre de la même année (1828), Mme Malibran créa le rôle de Clary, dans l’opéra de ce nom, qu’Halévy avait écrit sur sa demande expresse, et qui ne put se soutenir, au répertoire malgré d’incontestables beautés et le talent déployé par la cantatrice pour faire réussir l’œuvre de son protégé.

C’est également dans cette même année que s’engagèrent, entre Mm» Malibran et Mme Sontag, ces fameuses luttes qui valurent aux habitues du Théâtre-Italien les splèndides soirées dont l’éclat n’a jamais été atteint depuis.

Dans chaque opéra où elles paraissaient ensemble, les deux grandes cantatrices, excitées par les applaudissements de leurs partisans, faisaient assaut de talent, chacune d’elles voulant surpasser sa rivale.

Energique et iiére, Maria lançait sa phrase avec un accent passionné qui remuait les cœurs, ou bien improvisait une de ces gammes foudroyantes qu’elle descendait do Vut aigu au fa un : dessous de la portée. Chacune " de ses notesportait en plein dans les poitrines. À son tour, calme, souriante et frêle, la Sontag filait, à mezzo-voce, les sons de sa voix d’or, arrondissait ses périodes, nuançait son chant de teintes délicates et laissait glisser de son gosier docile-des trilles, des gruppetti et des gammes chromatiques d’une incomparable harmonie. Malibran, c’était l’âme, la fougue, la passion ; Sontag, c’était la perfection du talent. Un jour, dans le salon de la comtesse Merlin, au milieu d’une réunion intime, les deux admirables virtuoses furent priées de chanter un duo. L’effet qu’elles produisirent fut tel, qu’après la dernière note elles se jetèrent dans les bras l’une de l’uutre. Quant aux auditeurs, ils pleuraient.

En avril 1820, Mme Malibran passa en Angleterre et retrouva à Londres le même enthousiasme qu’à Paris. La saison finie, elle visita Bruxelles, et y vit pour la première fois le violoniste de Bénot, qu’elle devait épouser plus tard. C’est de cette première entrevue que data leur liaison ; et le premier touché no fut pas de Bériot. Au mois de janvier 1830, Mme Malibran revint à Paris contracter un nouvel et brillant engagement avec le Théâ-tre-Italien. Mais, par une fâcheuse compensation, M. Malibran arrivait en ce moment en France. Les hostilités commencèrent entre la cantatrice, moralement déliée de l’hommequi l’avait trompée bassement, et le mari ardent à revendiquer ses droits. La lutte fut vive ; enfin une transaction amiable intervint