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aux manufactures, architecture, sculpture, gravure et lithographie, principes.

L’École La Martinière, fondée grâce à un legs du major général Claude Martin, est un établissement d’où sortent chaque année d’excellents contre-maîtres et des ouvriers instruits. On y enseigne les mathématiques, le dessin, les travaux manuels et la théorie de la fabrication des étoffes.

Antiquités. Lyon et ses environs conservent quelques antiquités fort curieuses. Ce sont d’abord les restes de trois aqueducs : du Mont-d’Or ou d’Écully, du Mont-Roman ou de Craponne et du Mont-Pilat. Ces monuments historiques paraissent avoir été construits au début de l’occupation romaine. Sur la route de Tarare, à quelques kilomètres de Lyon, on voit encore les arcs rampants qui soutenaient l’aqueduc du Mont-d’Or. L’aqueduc du Mont-Pilat, qui mesurait plus de 80 kilom. de long, a laissé de magnifiques vestiges à Beaunant, tout près de Lyon, et à Chaponost, où l’on compte 90 arcades. Au quartier Saint-Just, non loin de la place des Minimes, on voit encore, dans un enclos appartenant à un couvent, les ruines de l’hémicycle d’un théâtre qui devait avoir d’énormes proportions. De Miribel à Lyon, le long de la rive droite du Rhône, on trouve de nombreux restes d’un canal souterrain qui était fort probablement destiné à conduire les eaux du Rhône à la naumachie du Jardin des plantes. Dans le grand jardin de l’Antiquaille, au milieu de l’hospice, on voit sur le chemin qui va de la place des Minimes à Fourvières un réservoir antique. Enfin, place Saint-Just, dans le clos d’un monastère occupé autrefois par des ursulines et devenu aujourd’hui une maison de santé, on voit une ancienne conserve d’eau, connue sous le nom de Bains romains. Cette piscine, qui pour la grandeur et la beauté n’approche pas des Bains romains de Nîmes (Gard), est cependant remarquable.

Histoire. L’origine de Lyon se perd dans la nuit des siècles. À l’époque de la conquête des Gaules par Jules César, c’était déjà une place de quelque importance. Mais tout porte à croire que cette ville a été édifiée dans la situation où elle existe aujourd’hui par le consul Lucius Munatius Plancus, l’an 40 av. J.-C. Voici comment A. Thierry, l’historien des Gaulois, explique l’origine de Lyon : « De graves dissensions domestiques s’étaient élevées dans l’enceinte des murs de Vienne durant les guerres de César et de Pompée, une partie des habitants avait chassé l’autre ; réfugiés sur les bords du Rhône, près de la Saône, les bannis viennois y vécurent longtemps campés dans des cabanes ou sous des tentes. L’année qui suivit la mort du dictateur, le sénat romain forma le projet de les coloniser et de leur bâtir une demeure ; il chargea de ce soin le gouverneur de la province, Plancus, dont il redoutait et voulait occuper l’esprit turbulent. À l’endroit où la Saône se jette dans le Rhône, sur le penchant d’une colline qui la borde à l’occident, était situé un village ségusien, nommé Lugdunum. Plancus s’en empara, le reconstruisit et y établit les exilés. Plus tard Auguste, charmé de la beauté du site, y attira une colonie militaire. » Admirablement placée pour la navigation, la nouvelle ville s’enrichit et acquit en peu de temps une assez grande importance commerciale. Auguste en fit la métropole de la Gaule celtique, qui dès lors changea de nom et prit celui de Lyonnaise ; il la visita lui-même, la combla de bienfaits, et les soixante nations des Gaules y élevèrent en son honneur un temple superbe au confluent de la Saône et du Rhône. Agrippa, gendre d’Auguste, contribua aussi beaucoup à la prospérité de Lugdunum ; il en fit le point de départ des quatre grandes voies militaires qui traversaient les Gaules. Caligula habita le palais impérial de Lyon ; durant son séjour, il fonda des jeux et une célèbre académie, appelée Athénée. L’empereur Claude orna la ville de Lyon de magnifiques aqueducs et d’autres monuments ; il ordonna qu’elle prît le nom de Colonia Claudia Augusae, auquel on ajouta celui de Copia ; mais cet arrêté tomba promptement en désuétude. L’état florissant de cette cité ne fut pas de longue durée ; cent ans après sa fondation, la ville fut détruite en une nuit par un affreux incendie. Néron la fit bientôt renaître de ses cendres. Trajan, Adrien et Antonin concoururent aussi au rétablissement de sa prospérité en y faisant construire de somptueux édifices et en lui accordant plusieurs privilèges. À la mort de Pertinax, Lyon s’était déclarée pour Albin qui disputait l’empire à Sévère ; ce dernier, après avoir vaincu son compétiteur, entra dans Lyon en vainqueur et livra cette malheureuse ville à la fureur de ses soldats, qui n’en firent qu’un monceau de cendres (197). À peu près vers la même époque, les persécutions commencèrent à Lyon contre les chrétiens ; saint Pothin y propagea le christianisme, et y périt avec 58 de ses disciples. Saint Irénée, qui lui succéda, succomba avec 19,000 chrétiens dans une seconde persécution qui eut lieu en 202. Lyon fut encore prise d’assaut et pillée par les peuples du Nord, qui se disposaient à y mettre le feu, lorsqu’ils furent surpris et exterminés par Julien. Vers le milieu du Ve siècle, Attila saccagea cette ville, et en 458 Sidoine Apollinaire livra Lyon à Théodoric, roi des Visigoths. Peu de temps après, en 476, les rois de Bourgogne y établirent le siège de leur royaume, qui subsista pendant près d’un siècle. Vers la fin du VIe siècle, Lyon passa sous la domination des rois francs. Dans le VIIIe siècle, une armée de Sarrasins venus d’Espagne renversa les temples et les monuments qui existaient encore, et passa au fil de l’épée un grand nombre d’habitants. Charlemagne ne tarda pas à relever les ruines de cette ville ; plus tard, Lyon devint la capitale du royaume de Bourgogne cisjurane ou de Provence, qui avait été légué par Lothaire à Charles, le plus jeune de ses fils. Vers 965, Lothaire II céda cette ville pour la dot de sa sœur Mathilde au roi de Bourgogne transjurane, Conrad le Pacifique. En 1032, après la mort de Rodolphe III, fils de Conrad, Lyon passa sous la puissance temporelle de son archevêque, Burchard, frère de ce Rodolphe. C’est de cette époque que datent les droits de souveraineté que les archevêques de Lyon ont exercés si longtemps sur la ville, d’abord comme feudataires de l’empire, ensuite comme seigneurs indépendants. Peu après, prit naissance à Lyon la secte des Vaudois. Au commencement du XIIIe siècle, les Lyonnais se soulevèrent contre la juridiction ecclésiastique et se créèrent un gouvernement municipal, ou consulat, dont les premières assemblées se tinrent en 1228 ; de là surgirent des hostilités continuelles entre les citoyens et les chanoines, hostilités qui durèrent jusqu’au règne de Philippe le Bel, qui fit rentrer la ville sous le sceptre des rois de France en 1312. Quelques années plus tard, des Italiens fugitifs importèrent à Lyon l’industrie du tissage de la soie, et dotèrent cette ville d’un grand avenir de prospérité. Le mouvement religieux du XVIe siècle se fit cruellement sentir à Lyon ; la Réforme y fit dès le principe de grands progrès, et, en 1562, les protestants s’emparèrent de la ville et en restèrent maîtres pendant onze mois. Dix ans après, le massacre de la Saint-Barthélemy s’y effectua comme à Paris sur une grande échelle. Sous Henri III, la ville suivit le parti de la Ligue, et ne reconnut Henri IV qu’en 1594. Cependant le calme qui succéda aux tempêtes religieuses, sous les règnes de Henri IV et de Louis XIII, ne tarda pas à développer la prospérité de Lyon. Cette ville marchait paisiblement dans la voie de la fortune lorsque la révocation de l’édit de Nantes porta un coup fatal à son industrie. Elle se relevait à peine de ce dernier désastre quand éclata la Révolution française. Les époques de révolution, de mouvement populaire, de transformation sociale ne sont pas favorables aux industries de luxe ; les Lyonnais, tous adonnés aux arts et au commerce, furent vivement irrités de voir leur commerce et leur industrie à peu près anéantis. À l’excitation du parti royaliste, ils s’insurgèrent contre leur municipalité, et vinrent à bout de lui arracher le pouvoir dans la nuit du 29 au 30 mai 1793. Cependant Toulon venait de se livrer aux Anglais, et les Marseillais envoyaient une armée de secours aux Lyonnais. La Convention, pour éviter une séparation de tout le midi de la France, dut prendre des mesures énergiques. Elle envoya contre Lyon une armée de 60,000 hommes, qui s’en empara après un siège de deux mois (v. plus loin Lyon [siège de]). La prise de cette ville produisit une joie extraordinaire à Paris ; la Convention ne négligea rien pour en tirer le plus grand parti possible. Elle l’annonça solennellement aux armées du Nord et de la Vendée, rendit à ce sujet un décret célèbre dont nous parlerons plus loin, et fit frapper avec une extrême sévérité par Collot-d’Herbois et Couthon ceux qui avaient fait cause commune avec l’ennemi en s’insurgeant contre la République. Son nom fut changé alors en celui de Commune-Affranchie ; mais après le 9 thermidor elle reprit son premier nom. Lorsque le calme revint après la période militante de la Révolution, les Lyonnais virent renaître leur commerce et leur industrie, qui acquirent en peu d’années un haut degré de prospérité. À la fin de l’Empire, Augereau ne put défendre cette ville contre les Autrichiens (1814). En 1815, Lyon ouvrit ses portes à Napoléon Ier, à son retour de l’île d’Elbe. Après les agitations de cette époque, l’industrie et le commerce lyonnais prirent un nouvel et brillant essor. Mais la révolution de 1830 et surtout l’insurrection des ouvriers en novembre 1831 leur imprimèrent un temps d’arrêt. Cette insurrection, dont nous parlerons longuement plus loin (v. LYON [insurrection de novembre 1831]), fut vaincue au bout de trois jours.

Lyon fut encore ensanglanté par une insurrection en avril 1834. V. avril 1834.

En 1849, le 13 juin, on sait qu’un mouvement avorté eut lieu à Paris contre la campagne de Rome et la restauration du pape par l’armée française. Ce mouvement eut son contre-coup dans plusieurs villes. À Lyon, surtout, l’émeute fut sérieuse ; il y eut une véritable bataille à la Croix-Rousse, où il fallut l’artillerie pour enlever les barricades, ainsi que sur plusieurs autres points de la ville. Deux compagnies du 17e léger furent désarmées, et quelques soldats se joignirent aux insurgés, ainsi que plusieurs élèves de l’École vétérinaire. Le combat dura pendant toute la journée du 15. Le soir, les généraux Gémeau et Magnan étaient maîtres du mouvement. Il y eut beaucoup d’arrestations et de condamnations par les conseils de guerre (la ville était en état de siège).

À cette époque, Lyon devint le centre d’une vaste association républicaine dont les membres furent poursuivis en août 1851. V. plus loin Lyon (complot de).

Chose assez remarquable, Lyon, qui était cependant un centre de républicanisme ardent, n’essaya pas de résister par les armes au coup d’État du 2 décembre 1851 ; mais il n’en fut pas moins décimé par les proscriptions.

À partir de ce moment jusqu’à la fin de l’Empire, Lyon n’eut plus de municipalité élue. La bourgeoisie et le peuple en conçurent un vif mécontentement. Pour donner le change à l’opinion, on bouleversa la ville comme on bouleversait Paris. Une cité de travail et d’industrie devint une cité de luxe et d’agiotage. Les logements renchérirent, la vie devint plus coûteuse, les salaires restèrent à peu près les mêmes. La population ouvrière en fut vivement irritée. Sous le joug de fer qui écrasait alors la France, elle resta silencieuse, mais frémissante, et l’Internationale y trouva un nombre considérable d’adhérents. Lorsque la guerre fut déclarée à la Prusse, les affaires s’arrêtèrent, et une vive inquiétude s’empara des esprits. À la nouvelle de nos premiers revers, la masse de la population entrevit l’abîme dans lequel l’Empire avait plongé la nation. La haine qu’avait le peuple lyonnais pour le gouvernement impérial redoubla.

Quelques jours avant le 4 septembre, les autorités militaires avaient essayé de refouler le peuple réuni sur la place des Terreaux et sur celle de la Comédie. L’émotion était grande dans tous les groupes, et partout on prévoyait de graves événements.

Lorsque M. Sencier, préfet de l’Empire, reçut la nouvelle de la capitulation de Sedan, il fut prié par le général Espivent de La Villeboisnet, commandant à Lyon, de ne point la publier avant que certaines mesures militaires eussent été prises. Peine inutile ! le peuple connaissait la nouvelle avant l’affichage du placard, et, dès sept heures du matin, la place de l’Hôtel-de-Ville était envahie par une foule compacte, qui réclamait à grands cris la déchéance de la famille impériale et la proclamation de la République. Quelques sergents de ville essayèrent vainement de s’opposer à l’envahissement de la préfecture ; les portes durent s’ouvrir, et bientôt, du haut d’un balcon, la République était proclamée, avant qu’elle le fût à Paris, par MM. Beauvoir et Chaverot. Quelques heures plus tard, à neuf heures du matin, un comité provisoire de Salut public faisait connaître la décision prise à la préfecture. MM. Hénon et Barodet, plus tard maires de Lyon, étaient présents. La foule victorieuse pensa tout d’abord à mettre en liberté les prisonniers politiques incarcérés sur l’ordre des parquets de l’Empire. M. Andrieux, qui devint peu après procureur de la République, fut extrait de la prison de Saint-Joseph. Le préfet, le procureur général Massin, l’avocat général Bérenger et plusieurs notabilités compromises avec le régime impérial furent arrêtés. L’état de siège fut levé. Le comité provisoire, composé en grande majorité de républicains radicaux, s’occupa de pourvoir immédiatement à la réorganisation des services publics. Ce comité, composé d’abord de treize membres, parmi lesquels nous citerons MM. Charles Beauvoir, Chaverot, Soubrat, Cordelet, Lombail, s’adjoignit presque aussitôt un grand nombre d’autres membres, notamment MM. Hénon, ancien député, Castanier, Crestin, Varambon, Favier, Andrieux, Barodet, etc.

La nouvelle de la proclamation de la République à Paris arriva le soir à Lyon. Elle y causa une vive joie, et il fut décidé qu’on se mettrait immédiatement en rapport avec le gouvernement de la capitale. Le comité prit quelques mesures radicales ; il décida notamment que la levée en masse serait faite et que nul, fût-il congréganiste ou prêtre d’un culte quelconque, ne pourrait échapper à l’obligation de servir la patrie. Le général Espivent faillit être arrêté, et, sentant l’impossibilité de lutter contre le mouvement, s’abstint de toute immixtion. Le peuple demandant des fusils, on força l’entrée des forts Lamothe et de la Vitriolerie ; puis, sous le coup de l’indignation excitée depuis longtemps par la domination cléricale, les établissements religieux furent fouillés dans la soirée du 4 septembre et on procéda à l’arrestation des jésuites. Le 5 septembre, à midi, le comité de Salut public reçut une dépêche lui annonçant que M. Challemel-Lacour, un républicain irréprochable, un homme de rare mérite, nommé préfet de Lyon par le gouvernement de Paris, arriverait le lendemain. Cette dépêche causa quelque émotion aux membres du comité ; mais le soir, au balcon de l’hôtel de ville, on annonça au public qu’un délégué de Paris arrivait le lendemain matin. M. Challemel eut une première entrevue avec le comité le 6 au matin. Après explications données des deux parts, il fut convenu que le délégué de Paris respecterait l’autorité municipale et n’interviendrait dans aucune des affaires dévolues à cette autorité. Une proclamation fut affichée annonçant que le délégué de Paris, de concert avec le pouvoir municipal, prendrait toutes les mesures nécessaires au salut de la République.

Le comité de Salut public ne songeait pas à se perpétuer. Les 15 et 16 septembre, les élections municipales eurent lieu, et le comité remit ses pouvoirs aux élus du suffrage universel. Le conseil municipal, composé en grande majorité de républicains ardents, commença par décréter l’emprunt forcé, puis revint sur sa décision et accepta un emprunt volontaire de 4 millions ; les scellés furent mis sur les biens des corporations religieuses ; l’octroi, considéré comme vexatoire, avait été supprimé par le comité de Salut public et fut remplacé par le doublement des contributions de 1870. La police fut réorganisée et l’élément bonapartiste soigneusement exclu. À cette date, vers le 23 septembre, la situation du préfet, M. Challemel-Lacour, était très-délicate ; mis en présence d’un conseil animé d’un esprit révolutionnaire, il devait nécessairement employer toute son autorité à modérer un parti dont l’ardeur pouvait provoquer de nombreux conflits. Le gouvernement central de Paris ayant donné l’ordre, le 11 septembre, de mettre en liberté les détenus politiques incarcérés le 4 septembre au soir, M- Andrieux, nommé procureur de la République, les fit élargir le 12 septembre, et faillit pour ce fait être maltraité par la foule. Une situation aussi tendue devait nécessairement amener un conflit. Il éclata le 28 septembre. Dans plusieurs réunions tenues du 24 au 27 septembre, le parti ultra-radical avait décidé qu’il était temps d’en finir avec les parlementaires, qui compromettaient le salut de la patrie. Il voulait qu’immédiatement on prononçât la séparation de l’Église et de l’État, qu’on révoquât tous les fonctionnaires anciens serviteurs de l’Empire, et qu’on destituât les officiers supérieurs qui avaient servi ce régime. Pour atteindre ce but, les organisateurs de ces réunions firent décider qu’une manifestation se rendrait le 28 septembre à la préfecture, et sommerait le conseil municipal d’entrer immédiatement dans la voie révolutionnaire. Le 28, à midi, une foule compacte envahissait la place des Terreaux et forçait les portes de la préfecture. Le chef de la manifestation, le plâtrier Saigne, prononça quelques paroles au balcon, et termina sa harangue en proclamant Cluseret général en chef des armées révolutionnaires du midi de la France. La foule envahit alors l’hôtel de ville. Durant ce temps, M. Challemel-Lacour, prisonnier dans son cabinet, parvenait, au moyen d’amis dévoués, à faire battre le rappel dans la ville. Quelques heures plus tard, près de 80,000 hommes de garde nationale étaient sous les armes, et la place des Terreaux se couvrait de citoyens armés. Cluseret comptait sur la garde nationale. Cette dernière se prononça en faveur du délégué de Paris, et ceux qui plusieurs heures auparavant s’étaient emparés de l’hôtel de ville se sauvèrent comme ils purent. L’ordre rétabli, le préfet se contenta de faire expulser Cluseret et quelques-uns des chefs de la manifestation. Celui qui n’avait pas voulu maintenir en état d’arrestation les anciens complices de l’Empire ne pouvait se montrer rigoureux à l’endroit de citoyens dont le plus grand nombre n’avait qu’un tort, celui de trop aimer la République. Le mouvement du 31 octobre tenté à Paris contre le gouvernement de la Défense nationale, qu’on accusait, non sans raison, de mollesse et d’incapacité, eut son contre-coup à Lyon. Toutefois, la lutte ouverte contre le préfet ne commença qu’aux environs du 15 décembre. À la nouvelle de la bataille de Nuits, où la légion du Rhône avait fait des pertes énormes, la population s’émut et les bruits les plus étranges coururent à propos de cette défaite. On répéta ce mot de trahison qui tant de fois avait retenti depuis le début de la campagne. Le 20 décembre, on battit la générale dans le quartier de la Croix-Rousse ; une réunion nombreuse se tint ensuite à la salle Valentino. Là il fut décidé qu’on irait demander au préfet des renseignements sur ce qui s’était passé. C’est à cet instant que se place la mort du commandant Arnaud. De nombreuses versions ont circulé à propos de ce regrettable événement. Ce qui parait certain, c’est que M. Arnaud, sollicité de prendre part, en sa qualité de commandant, aux délibérations qui avaient lieu dans la salle Valentino, refusa d’entrer dans cette salle, et se vit subitement entouré par les partisans de la nomination de Cluseret comme général en chef. Soit qu’il voulût intimider la foule, soit qu’il se crût assez sérieusement menacé pour songer à vendre chèrement sa vie, M. Arnaud tira un coup de revolver en l’air. On se jeta sur lui et, quelques minutes après, il était fusillé. Cet attentat produisit une grande émotion dans la ville. M. Challemel télégraphia aussitôt au ministre de la justice pour demander une répression exemplaire et, de concert avec M. Le Royer, fit arrêter les coupables qu’on put saisir. M. Gambetta, qui venait de dissoudre la ligue du Midi et d’ordonner l’arrestation de l’incorrigible agitateur Cluseret, arrivait, dès le 21 décembre, à Lyon pour juger de près la situation, et, le lendemain, il assistait au milieu d’une foule immense aux funérailles du commandant Arnaud.

À partir de cette date et bien que le préfet et le conseil municipal ne fussent pas dans un parfait accord, la lutte ouverte cessa et l’on atteignit l’armistice du 29 janvier 1871 sans événement notable. La nouvelle de la capitulation de Paris fut accueillie bien diversement à Lyon. Toutefois, la grande ma-