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Mendiant, statuette (Salon de 1834) ; M. Gourdel, un Jeune mendiant pleurant sa marmotte, statue en plâtre (Salon de 1835) : M. Sue, une Jeune mendiante bretonne au pied d’une croix, statue en marbre (Salon de 1838) ; M. Graillon, un Groupe de mendiants, terre cuite (Salon de 1849), des Mendiants, bas-relief ivoire (Exposition universelle de 1855), des Mendiants, bas-relief eu bois {Exposition universelle de 1855).

Hendiaui (lk jeune), tableau de Murillo ; au Louvre. Un jeune garçon, de grandeur presque naturelle, accroupi sur les dalles d’un misérable réduit, se livre à un soin qu’il eût été audacieux pour un pinceau vulgaire de peindre avec tant de franchise. Il se livre, sous ses haillons, à une chasse où les ongles jouent le grand rôle ; pour parler plus clairement, il occupe les loisirs de sa solitude « à détruire ce qui l’incommode, • comme disent naïvement les anciens inventaires. Un rayon de soleil, pénétrant par une fenêtre, frappe vivement sa tête nue, penchée en avant, et qui offre un raccourci excellent. Sa peau hàlée et rude, sa veste grise rapiécée, sa cruche d’eau, le réduit obscur où il se trouve, tout annonce la misère, la gueuserie. Des fruits dans un vieux panier, une cruche d’eau, des crevettes à demi rongées sont les préparatifs ou les restes de son maigre repas. « U est vraisemblable, dit Emeric David, que le peintre espagnol, passant un jour auprès d’une ruine, découvrit un jeune mendiant qui, abrité dans l’intérieur, s’y réchauffait aux rayons du soleil et usait d’une pleine liberté pour purger ses haillons des compagnons incommodes de sa misère. L’architecture pittoresque de l’antique masure, la vivacité du clair-obscur, la pose naïve du jeune malheureux qui ne croyait point être aperçu appelèrent l’attention du maître. Un croquis spirituel dut saisir d’abord toutes les principales parties de cet ensemble. L’action même du petit mendiant se trouva retracée sous le crayon du peintre, parce qu’elle était inséparable de l’attitude et des effets qu’il voulait exprimer. Ce moment d’inspiration produisit, prépara du moins un des ouvrages les plus remarquables d’une école qui doit tenir un rang distingué dans l’histoire de l’art, à cause de l’énergie et de la vérité de son coloris. C’est la simplicité de l’attitude, le relief donné à la figure, l’éclat de la lumière, la fermeté du pinceau, la vigueur du ton général qui font de ce tableau un chef-d’œuvre. La tête et toutes les parties nues sont pleines de vie. Dans les vêtements en lambeaux qui ne couvrent le corps qu’à moitié, la touche est large et hardie... La rudesse de la peau atteste la paresse de ce malheureux enfant, et ses mœurs sont, pour ainsi dire, écrites sur l’épiderme qui couvre ses membres ; on voit qu’une onde salutaire ne les rafraîchit jamais. • Ajoutons que les accessoires, largement peints, sont d’une extrême vérité ; ils coopèrent à l’illusion parfaite que produit l’ensemble. « Pour la manière froide, dit M. Louis Viardot, il est difficile de rencontrer dans l’œuvre entier de Murillo un meilleur, un plus parfait échantillon que ce/«u ?ie mendiant ; c’est le sublime du genre trivial, » Ce tableau, d’un naturel saisissant et qui est dany son genre un des chefs-d’œuvre de la peinture, faisait partie du cabinet Guignât, à la vente duquel il fut payé, en 1768, 1,544 livres. Le marchand Le Brun l’acquit en 1782 et le céda aussitôt à Louis XVI pour la somme de 2,400 livres. Il a été gravé par Boutrois dans le Musée français, par-Filhol et Landon. Au Salon de 1869, M. Catelin a exposé une peinture sur porcelaine représentant le tableau de Murillo.

Mendiant» (osdres), les plus célèbres de tous les ordres religieux. On comprend sous cette dénomination générale tous les instituts de religieux qui font vœu de pauvreté et ne vivent que du fruit des aumônes qu’ils obtiennent de la charité des fidèles. Tous tirent leur origine des croisades, dont ils sont la conséquence. Ces établissements rendirent à la vie du cloître l’éclat que lui avaient fait perdre la dissipation et le relâchement de la discipline dans presque tous les monastères. Les différents ordres qui se glorifiaient de cet humble surnom étaient : 1» les frères mineurs ou franciscains ; 2<> les clàrisses, instituées par sainte Claire ; 3» les tertiaires ; 4° les capucins ; 50 les minimes ; 6° les frères prêcheurs ou dominicains, communément appelés, jacobins ; 7» les carmes ; 8« les ermites de Saint-Augustin ; 9" les servîtes, les ermites de Saint-Paul, les hiéronymites, les jésùates, les cellites ; 10° l’ordre du Sauveur et celui de la Pénitence de la Madeleine. Mais ces divers instituts ne formatent réellement que quatre ordre de mendiants : les franciscains, les dominicains, les carmes et les augustins.

illUNDICJNO, bourg et commune du royaume d’Italie, province de la Calabre Citérieure, district de Cosenza, mandement et à 3 kilom. K.-E. de Cerisano ; 3,299 hab.

MENDICITÉ s. f. (man-di-si-té — lat. mendicités ; de meudicare, mendier). Action de mendier ; condition de ceux qui mendient, qui vivent d’aumônes : La mendicité est interdite dans un grand nombre de départements de la France. La taxe des pauures entretient la mendicité. (Mmo de Staël.) Si la mendicité fit, itR malheur, l’aumône est un devoir, (De

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Bonald.) La mendicité est dans les traditions et en quelque sorte dans le génie de la religion catholique (J. Simon.) La pauvreté est une situation, la mendicité est une profession. (A. Karr.) On ne peut abolir la mendicité sans férocité et sans imprudence tant qu’on n’aura pas assuré des ressources à la pauvreté. (A. Karr), La papauté présente le phénomène étrange d’un État fondé uniquement sur la mendicité. (A. Blanqui.) Napoléon a eu le temps de tomber deux fois du trône avant d’avoir éteint la mendicité 1 (E. de Gir.)

— Administr. Dépôts de mendicité, Etablissements où l’on fait travailer les condamnés pris en délit de mendicité dans les lieux où la mendicité est interdite.

— Ençycl. I. Mendicité dans l’antiquité. La mendicité a quelquefois pour cause la misère la plus profonde, le dénùment le plus absolu ; trop souvent aussi, elle cache une oisiveté coupable, une fainéantise abjecte. Quoi qu’il en soit, de tout temps la mendicité a été considérée comme une plaie sociale que les législateurs se sont appliqués

à prévenir et à réprimer. C’est une obligation pour la société de procurer du travail ou du pain au pauvre que la maladie, l’âge, des charges trop lourdes ou des chômages prolongés mettent hors d’état de subsister ou de faire vivre sa famille ; mais c’est pour elle un devoir non moins impérieux de sévir contre le mendiant obstiné dans sa paresse qui, non-seulement ne produit rien, mais encore enlève aux travailleurs une part de leurs ressources. Les mesures prises contre la mendicité se divisent donc en mesures préventives et en mesures répressives.

Aussi haut que l’on remonte dans l’antiquité, l’oisiveté, cause trop fréquente de-la misère et de la mendicité, a été flétrie par les, lois. Dans l’ancienne Égypte, la mendicité n’était permise sous aucun prétexte, et la peine capitale menaçait l’individu subsistant par des moyens contraires à la morale. L’État se chargeait de donner du travail à tous les valides désœuvrés, et établissait, dans ce but, d’immenses ateliers publics ; si l’on en croit Pline, c’est de travaux semblables que sortirent les Pyramides. La mendicité parait avoir été inconnue aux Hébreux. Dans toute la Grèce, la nécessité du travail était pro^ clamée ; des peines très-sévères atteignaient les oisifs et les gens sans aveu ; les lois portaient contre eux la peine capitale ; plus tard, quand les mœurs s’adoucirent, ils furent seulement frappés d’infamie. Il ne faut pas oublier qu’en dehors de l’action des lois la constitution des sociétés antiques, l’esclavage et l’hospitalité, s’opposaient au développement de la mendicité. On ne trouve, sous la république romaine, aucune loi ayant pour but la répression de la mendicité ; doit-on en conclure qu’à cette époque ce fléau était inconnu à Rome ? Il est certain que, sous les empereurs, il s’étendit sur toute l’Italie comme une véritable lèpre ; malgré les distributions de vivres faites au peuple par les soins des magistrats, la mendicité devint une spéculation. Des hommes infâmes mutilaient de malheureux enfants qu’ils envoyaient mendier ■ sur les places et sur les ponts.

Sous l’influence du christianisme, un sentiment de charité et de fraternité inconnu jusqu’alors prit naissance ; une sorte de faveur tut attribuée à la pauvreté. Malheureusement, l’abondance des aumônes fit naître bientôt l’odieuse industrie de la misère simulée. Valentinien, le premier parmi les empereurs, s’éleva contre cet abus. Il interdit expressément la mendicité aux valides, sous peine de la perte de la liberté. Le code de Justinien adoucit cette législation sévère ; les mendiants valides doivent être employés par les entrepreneurs de travaux publics ; ceux qui refuseront de travailler seront punis du bannissement. La loi religieuse, comme la loi civile, proscrivait la mendicité oiseuse.

— II. Mendicité en France depuis la

CHUTE DU L’EMPIRE ROMAIN JUSQU’À NOS JOURS.

En r>70, le deuxième concile de Tours formula le commandement à la fois religieux et social du secours à donner aux nécessiteux et de l’interdiction de la mendicité : • Que chaque cité, suivant ses ressources, nourrisse ses pauvres et ses infirmes, et que la dépense soit répartie entre les habitants et le clergé, afin que les pauvres ne vagabondent plus. » Charlemagne défendit de nourrir les mendiants qui refusent de travailler, et les empereurs grecs abandonnaient les mendiants valides comme esclaves à ceux qui les arrêteraient.

Pendant le moyen âge, l’affranchissement des serfs, les guerres incessantes, les disettes et les épidémies donnèrent à la mendicité une expansion effroyable, que les mesures les plus rigoureuses ne parvinrent pas à contenir. L’Église, du reste, par ses ordres mendiants qui pullulaient, contribuait à propager ce déplorable état de choses, à faire passer la fainéantise à l’état de profession et, qui pis est, à en faire au besoin un titre à la sainteté.

Le nombre des mendiants devint tellement considérable, qu’afin de les surveiller plus facilement on fut forcé de leur ouvrir des asiles où ils étaient comme parqués ; c’est ainsi que se formèrent les cours des miracles, sortes de repaires où la justice même craignait de se hasarder. Les mendiants s’organisaient en corporations distinctes comme les corps d’état ; ils avaient leurs états gêné MEND

raux et élisaient des rois. Cette organisation occulte de la fainéantise et de la rapine était un péril incessant pour la société.

Saint Louis, dont on ne contestera pas l’ardente charité, ordonna, dans ses Etablissements, d’arrêter tout fainéant, tout vagabond qui, ne possédant rien et ne gagnant rien, fréquente les tavernes, de l’interroger sur ses moyens d’existence et de le bannir de la ville s’il est surpris en mensonge et convaincu de mauvaise vie.

Sous le règne du roi Jean, tous les fléaux ravagèrent la France ; la guerre, la famine, une horrible épidémie augmentèrent la misère. Des troupes de paysans et de soldats débandés, profitant de la désolation universelle, parcouraient les villes et les campagnes, mendiant pendant le jour, pillant et assassinant pendant la nuit. Pour mettre un terme à ces excès, le roi rendit en 1350, contre les mendiants valides, une ordonnance qui fut la base de la législation sur la mendicité. Défense est faite aux mendiants valides de mendier, sous peine du fouet et du pilori ; eacasde récidive, ils seront marqués au front d’un fer rouge et bannis. Voici un extrait de ce document, qui est un monument curieux au point de vue du style et des mœurs du moyen âge :

« Pour ce que plusieurs personnes, tant hommes que femmes, se tiennent oiseux parmi la ville de Paris et es autres villes de la prévosté et vicomte d’icelle, et ne veulent exposer leurs corps à faire aucunes bèsongnes, ains truandent les aucuns, et les autres se tiennent en tavernes et en bordeaux, est ordonné que toute mauière de telles gens oiseux, ou joueurs de dez, ou enchanteurs es rues, ou truandans et mandians, de quelque estât ou condition qu’ils soient, ayans mestier ou non, soient hommes ou femmes, qui soient sains de corps et de membres, s’exposent à faire aucunes beSongnes de labeur en quoy ils puissent gaigner leur vie, ou vuident la ville de Paris et les autres villes de ladite prévosté et vicomte, dedans trois jours après ce cry. Et si après lesdits trois jours ils y sont trouvez oiseux, ou jouans aux dez, ou mandians, ils seront prins et menez en prison au pain, et ainsi tenuz par l’espace de quatre jours. Et quand ils auront esté délivrez de ladite prison, s’ils sont trouvez oiseux, ou s’ils n’ont biens dont ils puissent avoir leur vie, ou s’ils n’ontp aveu de personnes suffisons, sans fraude, à qui ils facent besongne ou qu’ils servent, ils seront mis au pilory ; et la tierce fois ils seront signez au front d’un fer chaud, et bannis desdits lieux. » De plus, l’ordonnance du roi Jean interdit de faire l’aumône aux mendiants valides ; elle invoque te secours de la chaire chrétienne pour engager les gens charitables à ne plus secourir les valides oiseux et truandans ; enfin, elle ordonne aux prélats, barons, chevaliers et bourgeois, d’empêcher leurs aumôniers de faire la charité à de tels truands, sains de corps et de membres. Cette pénalité, qui péchait par un excès de rigueur, fut rarement appliquée ; aussi fallut-il, presque à chaque règne, ranimer par des ordonnances nouvelles l’inefficacité desédits anciens. Une ordonnance de 1493 condamne les mendiants et les vagabonds aux galères et leurs complices au fouet. Sous Charles VIII, on signale une espèce particulière de mendiants, nommés par les ordonnances rôdeurs de filles ; ces misérables enlevaient des jeunes filles, qu’ils vendaient après les avoir mises à mal. Par ordonnance du 6 juillet 1495, ce monarque organisa une force publique chargée de veiller a la sûreté des routes et à l’exécution des règlements sur la Mendicité dans toute l’étendue du royaume ; telle fut l’origine du corps de la maréchaussée. Sous le règne de François I«, un grand nombre d’institutions de secours et d’aumônes furent établies ; mais, en même temps, des mesures de répression très-sévères étaient prises contre les mendiants valides ; ainsi, à plusieurs reprises, il fut ordonné aux magistrats d’employer les pauvres valides aux fortifications de Paris ou à d’autres besognes, et de pourvoir à la nourriture de ceux qui se soumettraient au travail ; il était défendu aux mendiants de s’assembler, à peine d’être fustigés et battus de verges. Afin d’assurer la sûreté dé la capitale envahie par un grand nombre de vagabonds et d’aventuriers oisifs, François Ier institua une force publique permanente, composée d’un lieutenant et d’un certain nombre d’archers ; l’édit de 1526, qui créa le corps de la police municipale parisienne, s’exprime ainsi : ■ La nouvelle institution ne s’entremettra point du fai.t de justice, ains seulement de visiter par jour les lieux et places de ladite ville, carrefours, cabarets, maisons, tavernes et autres endroits dissolus où gens malvivants, vagabonds et sans aveu ont accoutumé eux retirer. Le lieutenant et les archers’ porteront main-forte au bailli, prévôt de Paris, et l’escorteront en temps et lieu. Ils seront montés et armés d’arquebuses, javelines, brigandines et autres harnoys. Donnons plein pouvoir au comte d’Etampes, bailli et prévôt de Paris, de commettre et députer un lieutenant iay de robe courte, vertueux et bon personnage, nourri et expérimenté au fait de la guerre et des armes, pour visiter par chaque jour, accompagné de vingt archers, les rues, carrefours, tavernes, cabarets et autres maisons dissol’es’ où ont accoutumé de se retirer les vagabonds et oisifs mal vivants, gens

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sans aveu, jouant des cartes ou des dés, ’et autres jeux prohibés, blasphémateurs du rioin de Dieu, ruffiens, mendiants, sains de corps, pouvant autrement gagner leur vie ; et gens qui seront trouvés en présent méfait, ils les prendront au corps et les feront mettre es prisons du Châtelet de Paris, pour leur estre faite, par le baill^-prévost ou son lieutenant, justice et pugnition telle que de raison. En cas de nécessité, le lieutenant pourra appeler les vingt-quatre sergens du bailliage et prévosté de Paris, et autre telle assemblée pour sa force que besoing sera. ■

À cette époque, les campagnes étaient infestées de vagabonds et de mendiants « abandonnés à tous les vices, larrons, meurtriers, capteurs et violeurs de filles, renieurs de Dieu, cruels, inhumains, faisant de vice vertu,

loups ravissants > Les gens>de sac et de

corde, se réunissant par grosses troupes, saccageaient les villages et quelquefois même les villes fortifiées, et portaient partout le massacre, le viol et l’incendie ; ils soumettaient les malheureux paysans aux plus

cruelles tortures, leur crevaient les yeux et leur coupaient les membres, par manière de passe-temps. Les ordonnances de 1523 et de 1537 ordonnaient de courir sus à ces bri- ■ gands et de les mettre à mort avec des raffinements de cruauté bien dignes de ces temps barbares. « Les plus criminels, avant que souffrir mort, auront la gorge ouverte avec un fer chaud et la langue tirée et coupée par le dessous, et, ce l’ait, seront pendus selon leur démérite. » Les prévôts des maréchaux dé France, les baillis et sénéchaux étaient chargés de procéder avec la dernière rigueur contre les vagabonds et les mendiants armés. Parmi les institutions créées pendant le règne de François I« pour le soulagement des vrais pauvres, nous devons citer le grand Bureau des pauvres, auquel le roi avait donné le droit de lever chaque année une taxe d’aumône sur toutes les communautés et sur tous les habitants de la capitale.

Henri II, par ordonnance du 9 juillet 1547, ordonna de nouveau d’admettre les pauvres valides aux travaux publics ; il proscrivit complètement la mendicité, a peine du fouet et du bannissement pour les femmes, et des galères pour les horames

La célèbre ordonnance de Moulins, rendue en avril 1561, vint rappeler la règle qui impose à la communauté territoriale la charge des indigents domiciliés : • Les pauvres de chaque ville, bourg et village seront nourris et entretenus par ceux de la ville, bourg ou village dont ils sont natifs et habitants ; il leur est défendu de vaguer ni demander l’aumône ailleurs qu’au lieu duquel ils sont. »

Sous ces deux règnes fiorissaient dans toute leur cynique insolence les associations de mendiants connus sous le nom de bélisires. Il n’est pas sans intérêt de décrire l’organisation de ces bandes, et le rôle que s’attribuaient les truands placés à tous les rangs de la hiérarchie bélistrale. En haut de l’échelle se trouvait ’le roi des bélistres qui portait, comme le roi de Bohême, le titre de côè’sre. Puis venaient les cagous et archisuppôts, gouverneurs ou intendants des provinces du royaume de l’Argot ; ils contrefaisaient les gens de qualité ruinés ou dévalisés et les soldats estropiés. Ou les nemmait quelquefois gens de la courte épée à cause des ciseaux dont ils se servaient pour couper les bourses.

Parmi les tribus inférieures, on distinguait : les orphelins, les rifodés, tes malingreux, les mercandiers, les piètres, les polissons, les francs-mitoux, les callots, les sabouleux, les hubains, les coquillards, les courtauds de boutanche, les" narquois, les capons, etc.

Les orphelins étaient de jeunes garçons qui, par troupes de trois ou quatre, parcouraient les rues de Paris, presque nus, et inspirant la pitié par l’apparence de la plus profonde misère. Les rifodés, un faux certificat à la main et accompagnés d’une troupe de femmes et d’enfants, se faisaient passer pour incendiés. Les malingreux étaient de faux malades ; les uns contrefaisaient les hydropiques, d’autres avaient les membres couverts de plaies factices. Les mercandiers allaient par les rues deux à deux, vêtus de guenilles, criant qu’ils étaient de bons marchands ruinés par les guerres, par les intempéries des saisons ou par d’autres accidents. Las piètres, marchant avec des béquilles, ou se traînant sur les mains, contrefaisaient les estropiés. Les polissons allaient quatre par quatre, affectant une grande intempérance de langage et d’habitudes et portant, pour signe de ralliement, une bouteille au côté. Les francs-mitoux, rompus à toutes les pratiques du métier, se donnaient, à leur choix, l’apparence.de toutes les maladies et trompaient jusqu’aux médecins eux-mêmes. Les callots assuraient revenir de Sainte-Reine, où ils avaient été miraculeusement guéris d« la teigne. Les sabouleux, un morceau de savon dans la bouché, se roulaient dans les rues et sous le porche des églises, grimaçant toutes les convulsions d’une attaque d’épilepsie. Les hubains se disaient guéris de la morsure d’un chien enragé, par la protection toute spéciale de saint Hubert. Les coquillards, couverts de coquilles et le bourdon à la main, prétendaient revenir de tous les pèlerinages connus. Les narquois ou drilles, dits quelquefois aussi gens de la petite flambe, se recrutaient surtout parmi les soldats d<j-