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sée. Nous avons cité à ce sujet, à l’article Beauharnais, un fragment très-curieux de la Correspondance du prince Eugène.


Mémoires pour servir à l’histoire de mon temps, par M. Guizot (1858-1867, 10 vol.). C’était une entreprise périlleuse pour l’ancien ministre que celle de juger son temps. « Ses Mémoires, dit Sainte-Beuve, du moment qu’il se décidait à les publier de son vivant, ne pouvaient avoir qu’un caractère public et non secret : ne vous attendez pas à des révélations bien rares sur les personnes ou sur les choses. Il ne dira rien qu’il ne pense sur les personnes, mais il ne dira pas tout ce qu’il pense ; il exposera les faits, il les expliquera dans leurs raisons principales et générales, il ne les éclairera par aucun jour inattendu. Il croit peu à des dessous de cartes et, dans tous les cas, il estimerait indigne de lui de s’en occuper. Ses Mémoires n’apprendront que peu de chose aux hommes de son temps qui ont vécu à côté de lui ; ils sont très-propres à instruire ceux qui sont venus depuis et qui viendront par la suite, et c’est en vue de ces derniers que l’auteur semble les avoir composés. Témoin de plusieurs régimes politiques et acteur du premier ordre dans l’un d’eux, il a voulu présenter un exposé narratif qui fût à la fois une défense et une apologie. » L’auteur s’est mis tout entier dans ces Mémoires, avec ses grandeurs et ses faiblesses. Pénétré du sentiment de son infaillibilité, le chef des doctrinaires ne décline pas la responsabilité de ses révélations ou de ses jugements; il l’assume envers et contre tous. Il proteste de la sérénité de son âme. Ce calme solennel ne dissimulerait- il pas des ressentiments dont le cœur humain ne peut s’affranchir ? Le livre de l’ancien ministre de Louis-Philippe proteste à son tour contre ces pompeuses affirmations : il témoigne de rancunes profondes. Comment concilier ce stoïcisme avec les qualifications blessantes que M. Guizot lance aux hommes qui, jadis, ont attaqué ses idées ou sa personne, aux partis opposés à sa politique ? Ainsi, il dira que Lamennais « était tombé parmi les malfaiteurs intellectuels de son temps ; » que M. Marrast « était un lettré vaniteux et envieux ; » que le parti révolutionnaire, qu’il poursuit avec un acharnement systématique, a perdu « le sens moral et le bon sens. » M. Guizot emploie souvent les expressions de bien et de mal, mais dans le sens du pharisaïsme anglais : il distribue volontiers les hommes en deux classes, ceux qui possèdent et ceux qui ne possèdent rien ; les premiers sont des honnêtes gens, les seconds sont des gens de sac et de corde. Au reste, le ton général de ses Mémoires est celui de l’autorité ; la philosophie et la politique de M. Guizot furent toujours des dogmes. Il discute moins qu’il ne conclut ; ses opinions se formulent comme des sentences, et ses jugements comme des oracles. Il se montre très-préoccupé de se justifier, et sa méthode est spécieuse : il se justifie en accusant, en abaissant des hommes que l’estime publique a placés aussi haut ou plus haut que lui, et dont le nom est resté plus sympathique que le sien. Il accable ses adversaires de la hauteur de son dédain. Il absout le passé, il condamne le présent avec un accent de supériorité ou d’infaillibilité qui n’appartient qu’à lui.

Tels sont les défauts du livre, considéré au point de vue littéraire ; il serait téméraire de signaler les défauts ou les mérites du système politique qu’il préconise. On a vu, à l’occasion de la publication de ses Mémoires, des ennemis de la veille, ceux qui avaient accusé M. Guizot d’avoir tué sous lui la monarchie de Juillet, combler de louanges l’auteur de ce livre et subordonner l’appréciation du passé à l’intérêt du présent. Ces concessions diplomatiques sont suspectes ; c’est à l’histoire qu’il appartient de prononcer en dernier ressort : la critique littéraire est hors de cause. En restant dans les limites de son domaine, la critique littéraire trouve suffisamment dans le livre de M. Guizot des raisons et des motifs d’approbation, d’éloge, que nulle considération politique ne peut affaiblir. Avec l’auteur, plus qu’avec tout autre écrivain, le talent conserve tous ses droits. On a affaire ici à un esprit élevé, sachant faire naître des questions d’un intérêt supérieur, qui excelle dans la généralisation historique et dans l’art d’exposer. Il écrit fréquemment des pages fortes et éloquentes où se révèle le penseur, et quelquefois aussi des pages moins graves, moins austères, où les souvenirs de jeunesse ont laissé un accent doux et familier. Une des parties les plus intéressantes (t. III) est celle qui contient la plus belle époque de la vie publique de M. Guizot. Il s’agit moins, dans notre pensée, de la formation du fameux ministère du 11 octobre 1832 qui amena le célèbre historien au pouvoir, que de l’organisation de l’instruction primaire, un des plus grands bienfaits du règne de Louis-Philippe. C’est là un grand acte, et c’est un plaisir, doublé d’un hommage, que de voir M. Guizot retracer ce qu’il a fait pendant cinq ans pour doter la France d’un système libéral d’éducation populaire. Les théories précèdent le mécanisme de la loi ; l’ensemble et les détails, expliqués avec clarté et précision, partagent jusqu’au bout l’intérêt. Et notons bien que l’écrivain et l’homme public peuvent considérer comme leur plus beau titre le recueil des discours, des rapports, des projets, des circulaires, de toutes les pièces relatives à la préparation, à la discussion et à l’application de la loi sur l’instruction primaire. Jamais M. Guizot ne s’est placé sur un terrain plus ferme, plus favorable à une patriotique ambition ; animé d’idées généreuses, il n’a pas dû en faire l’abandon dans la pratique pour des nécessités ou des convenances politiques. Il rappelle éloquemment aux diverses classes de la société moderne cette loi fondamentale des temps nouveaux, « que le mérite personnel est aujourd’hui la première force comme la première condition du succès dans la vie, et que rien n’en dispense. »

Ne quittons pas le testament politique de M. Guizot sans signaler une importante justification de détail, qui intéresse fort l’honorabilité de son caractère public. Il s’agit d’une offre de service faite aux Cent-Jours ; il faut l’attribuer, non à M. Guizot, mais à son frère. Maintenant, donnons la parole à deux écrivains d’autorité :

« C’est presque une obligation pour l’homme qui a tenu dans sa main les grandes affaires de son pays, dit M. Ernest Renan, de rendre compte à la postérité des principes qui ont dirigé ses actes et de l’ensemble de vues qu’il a porté dans le gouvernement… La sévère beauté du livre de M. Guizot l’excuserait d’ailleurs, s’il avait besoin d’excuse pour le dessein hardi qui l’a porté à fournir lui-même à l’histoire les pièces sur lesquelles il veut être jugé. Nulle part l’enchaînement des principes politiques qui l’ont guidé durant vingt-cinq années ne s’est montré avec tant de suite et de clarté. L’esprit vraiment libéral, le sentiment de haute modération, le respect pour les opinions diverses, l’altière et haute sérénité qui respirent dans tout le livre sont la meilleure réponse à tant de regrettables malentendus que la légèreté de la foule a accrédités et que la fierté de M. Guizot a dédaigné de rectifier. Les Mémoires sont un modèle de cette façon d’écrire sobre, forte et mesurée, qui convient aux ouvrages où tout souci d’écrivain serait déplacé. Le style de M. Guizot est le vrai style des grandes affaires ; il en est de plus châtié, il n’en est pas qui dise ce qu’il faut dire avec plus de force, de clarté, de logique, de vivacité. Un ton général de réserve et de discrétion donne au livre plus de charme et de noblesse. » Le mérite de M. Guizot, en tant qu’écrivain, n’est pas unanimement admis ; la vérité est que son talent s’est assoupli de plus en plus dans les luttes oratoires. « À force de bien dire, remarque Sainte-Beuve, M. Guizot est arrivé à écrire presque aussi bien. Je ne saurais donc adhérer au mot sévère d’un éminent et ingénieux critique, M. Edmond Scherer, qui a dit : « M. Guizot n’a jamais été un écrivain ou, si l’on aime mieux, il n’a jamais été que le premier des écrivains qui ne savent pas la langue. » Comment ! ce ne serait pas un écrivain aujourd’hui, et, qui plus est, ce ne serait pas un peintre que celui à qui nous devons, sans sortir de ces Mémoires, tant d’ingénieux portraits, tant de fines esquisses, ces figures de Casimir Périer, de Laffitte, de M. Thiers, du maréchal Soult, ce Gascon sérieux doué « d’une indifférence et, pour ainsi dire, d’une aptitude volontaire à une sorte de polygamie politique ; » du maréchal Lobau, soldat franc, à la parole brusque et brève, « comme s’il eût été pressé de ne plus parler ? » Le portrait de Lamartine, que le peintre se figure « comme un bel arbre, couvert de fleurs, sans fruits qui mûrissent et sans racines qui tiennent, » est de toute beauté et de toute vérité dans son indulgence. »


Mémoires (COLLECTION DES) relatifs à l’histoire de France. V. COLLECTION.


Mémoires (COLLECTION DES) relatifs à la Révolution française. V. COLLECTION.


Mémoires (COLLECTION DES) relatifs à la révolution d’Angleterre. V. COLLECTION.


Mémoires de Fr. de La Noue. V. DISCOURS POLITIQUES ET MILITAIRES, du même auteur.


Mémoires du duc de Sully. V. ÉCONOMIES ROYALES.


Mémoires de l’Académie des sciences (1699-1793, 164 vol. in-4o).


Mémoires de l’Académie des inscriptions (1717-1809, 50 vol. in-4o).


Mémoires de l’Institut (1798 et ann. suiv., in-8o). La collection se divise en deux parties ; la première afférente à l’ancien Institut ; l’autre à l’Institut depuis la Restauration. La première partie contient 14 volumes de mémoires sur les sciences mathématiques et physiques ; 5 volumes sur les sciences morales et politiques ; 5 volumes sur la littérature et les beaux-ans ; 2 volumes pour les savants étrangers, et 5 volumes pour des rapports divers. La seconde partie, de 1815 à 1861, compte 33 volumes pour l’Académie des sciences ; 16 volumes de mémoires présentés à la même Académie par des savants étrangers ; 51 volumes de comptes rendus hebdomadaires faits à la même Académie par les secrétaires perpétuels ; 24 volumes formés des rapports, discours et pièces diverses lus dans les séances de l’Académie française ; 23 volumes composés des rapports et pièces de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, plus 10 volumes de mémoires adressés à cette Académie par les savants étrangers ; 15 volumes de mémoires de l’Académie des sciences morales et politiques ; 58 volumes de séances et comptes rendus de la même Académie ; plus 2 volumes pour envois des savants étrangers.


Mémoires de la Société des antiquaires (1806 et suiv.). Ils sont publiés en cinq séries : la première de 5 volumes in-8o ; la deuxième de 10 volumes in-8o ; la troisième de 10 volumes in-8o ; la quatrième de 4 volumes in-8o ; la cinquième de 7 volumes in-8o (1865).


Mémoires de Trévoux, célèbre recueil littéraire du xviiie siècle, publié de 1701 à 1775 (265 vol. in-12). Ce fut une imitation du Journal des Savants. Il fut rédigé pendant plus de soixante ans par des membres de la compagnie de Jésus, dont les missions et les collèges répandus dans le monde entier offraient des éléments de collaboration et un concours d’études que la société laïque était incapable de réunir. Fondé et imprimé à Trévoux, ville placée dans la souveraineté érigée par Louis XIV en faveur du duc du Maine, ce recueil survécut à la catastrophe des jésuites en 1762, et vingt années encore, quoique sous des titres différents, il conserva une modeste place au milieu des journaux littéraires, pour s’éteindre enfin vers 1782. Publié sous le titre de Mémoires, il est connu sous le nom de Journal de Trévoux. Sans entrer dans plus de détails historiques à son sujet, nous nous occuperons exclusivement de sa bibliographie. Aucun journal littéraire du siècle dernier n’a plus d’importance au point de vue de l’histoire de notre littérature, et cependant il n’est que de rares chercheurs qui s’avisent de le consulter. Les travaux des savants jésuites portent sur presque toutes les branches du savoir humain : la philologie sacrée, la patrologie, la théologie, les religions séparées, la jurisprudence, la philosophie, la politique, le commerce, la physique, la météorologie, la chimie, l’histoire naturelle, la médecine, l’anatomie, les mathématiques, la mécanique, l’astronomie, l’art militaire, la marine, les beaux-arts, les arts utiles, les belles-lettres, la langue hébraïque, la langue grecque, les langues modernes, la philologie, la rhétorique, la poésie, l’histoire, la géographie, la chronologie, l’histoire ecclésiastique, l’histoire de France, etc., le blason et l’histoire de la noblesse et de la chevalerie, les antiquités, les pierres gravées, la numismatique, les inscriptions, l’histoire littéraire, la biographie. Ces travaux si divers, émanant d’une véritable Académie, la plus nombreuse et la plus puissante qui ait existé, peuvent se classer en deux parties : d’une part, les dissertations, les pièces originales, les mémoires insérés dans le journal ; de l’autre, les extraits, analyses et comptes rendus des ouvrages examinés et jugés par les journalistes en froc.

Les rédacteurs ont parfois, suivant les circonstances, changé de plan, mais non de méthode ni d’esprit. Attaqués et aussi défendus par la presse laïque (tous les noms littéraires du siècle figurent dans le débat), ils ont accompli une œuvre utile. « Je louangerai, dit Monteil, je louangerai volontiers les Mémoires de Trévoux ; ils ont bien mérité des sciences et des arts, ils n’ont pas moins mérité de la société. » Le premier ouvrage dont les Mémoires rendirent compte fut l’Instruction pastorale sur les promesses de l’Église, par messire J. Bénigne Bossuet. C’était en même temps et un hommage rendu à un grand génie, et une sorte de profession de foi. En butte aux contradictions des écrivains protestants et aux attaques des philosophes, ils s’attirèrent l’estime de quelques dissidents, tels que Fontenelle et d’Alembert. Déjà ils avaient pris parti dans la querelle des anciens et des modernes, et Boileau n’avait pas eu lieu d’être satisfait de leurs critiques. L’esprit de corps guidait en ceci les jésuites.

Deux compilateurs ont fait des Mémoires de Trévoux l’objet d’un travail spécial, l’avocat Alletz et l’abbé Grosier. Le premier publia en 1771 un ouvrage en 4 volumes, l’Es prit des journalistes de Trévoux, recueil des principales dissertations originales. Le second donna en 6 volumes un autre choix d’articles, puisés dans les 800 volumes de la collection. En 1864, le Père Sommervogel a fait paraître une Table méthodique du journal de Trévoux, guide précieux comme l’ouvrage lui-même, et qui facilite singulièrement les recherches.


Mémoires secrets pour servir à l’histoire de la république des lettres, par Louis Bachaumont (1777-1788, 36 vol. in-12). Bachaumont n’a rédigé que les quatre premiers volumes et la moitié du cinquième ; la suite est due à Pidansat de Mairobert et à quelques autres écrivains, mais son nom est resté à l’ouvrage dont il avait conçu le plan. Les Mémoires secrets contiennent toutes les nouvelles littéraires d’une assez longue période, les analyses de pièces de théâtre, le compte rendu des Académies, des notices sur les livres, surtout sur les livres clandestins, des articles nécrologiques intéressants sur les savants et les artistes de l’époque. Ce qu’ils ont de plus curieux, c’est la collection de chansons, d’épigrammes et de vaudevilles qui circulaient contre la cour, les ministres, les hauts personnages, et que Bachaumont, imité en cela par ses continuateurs, s’est efforcé de recueillir. L'ouvrage ne manque pas d’intérêt et il est d’un grand secours pour ceux qui veulent écrire l’histoire de l’esprit français. On y trouve les bruits du monde d’alors concernant la politique, les belles- lettres, les arts, les détails et aventures de société. Ça et là, on y remarque des pages où brille l’esprit du xviiie siècle. Laharpe prétend que c’est « un amas d’absurdités ramassées dans les ruisseaux, où les plus honnêtes gens et les hommes les plus célèbres en tout genre sont outragés et calomniés avec l’impudence et la grossièreté des beaux esprits d’antichambre. » Mais Laharpe est si souvent maltraité dans les Mémoires secrets, que son impartialité est nulle.

Un Choix des Mémoires de Bachaumont a été fait par Chopin (1788, 2 vol. in-12), un autre par Merle, sous le titre de : Mémoires historiques, littéraires et critiques (1808, 2 vol. in-8o) ; mais ces abrégés n’ont pas le mérite de l’ouvrage.


Mémoires sur la littérature, par Palissot. V. LITTÉRATURE.


Mémoires de Beaumarchais. V. BEAUMARCHAIS.


Mémoires de littérature ancienne, par Egger. V. LITTÉRATURE.


Mémoires de philosophie, par Damiron. V. PHILOSOPHIE.


Mémoires d’un homme de qualité, roman de l’abbé Prévost (1728, 8 vol. in-12). Ce livre, où l’auteur a le plus prodigué les aventures, est composé de plusieurs parties, qui n’ont entre elles aucun rapport. C’est d’ailleurs un répertoire de toutes les sortes de contes, dont plusieurs étaient connus avant que Prévost s’en emparât. Il y a des situations très-pathétiques entre le gouverneur et l’élève, et c’est le principal mérite de ce roman, qui serait beaucoup meilleur s’il était réduit de moitié.

Les Mémoires d’un homme de qualité sont évidemment composés de plusieurs parties qui n’ont entre elles aucun rapport, et qui ne sont rassemblées sous un même titre que pour joindre des volumes à des volumes.


Mémoires de Bary Lindon, roman anglais de W. Thackeray (1840), traduit en français par L. de Wailly. C’est un des plus singuliers de cet auteur humoristique. Son héros est un aventurier dans le genre de Gil Blas. Né d’une pauvre famille de gentillâtres irlandais, Redmond Bary, dont les circonstances eussent pu faire un honnête homme, de même qu’elles en ont fait un fieffé coquin, débute à quinze ans par un duel, à l’issue duquel, croyant avoir tué son adversaire, il se réfugie en Angleterre, où il est racolé pour le service peu fructueux, comme on sait, de Sa Majesté prussienne. Après être resté plusieurs années dans les grades inférieurs et s’être abaissé aux fonctions avilissantes d’espion de police, Bary retrouve inopinément un oncle paternel, Bary de Ballybarry, qui le retire de l’armée prussienne pour en faire son alter ego et lui enseigner à être un parfait gentleman, mais un véritable gredin. Cet oncle, qui mène une existence princière, fait du jeu l’instrument de sa fortune et sait corriger les caprices de l’aveugle déesse. Nous ne suivrons pas les deux aventuriers dans leurs curieuses pérégrinations sur le continent et dans le récit de leurs diverses fortunes. Enfin Redmond Bary devient, moitié par ruse et moitié par violence, l’époux de la belle et riche Honoria, comtesse de Lindon, propriétaire, tant de son chef que de celui de son mari, d’un revenu annuel évalué à plus d’un million. Le pauvre gentillâtre irlandais, au comble des honneurs et de la fortune, pourrait vivre longtemps heureux et envié ; mais ses mauvais instincts, ses passions lui font dissiper follement les revenus de sa femme. Lorsque l’argent vient à manquer, Bary engage l’avenir, met en coupe les bois seigneuriaux de sa femme, la maltraite, et finalement se fait appréhender au corps et jeter dans une prison de Fleet-Street, où il périt misérablement. Voilà, grosso modo, le récit des aventures de Bary-Lindon. Dans ces Mémoires, Thackeray s’est montré aussi habile observateur du cœur humain qu’ingénieux chroniqueur et satirique amer. L’action manque de rapidité ; mais ses personnages sont tellement vivants, que leurs noms sont restés populaires.


Mémoires d’un notaire, roman par M. de Pontmartin (1853). Pour se délasser de la critique, l’auteur des Causeries du samedi s’est plu à nous raconter, sans grand talent, une histoire lugubre. Mlle  Clotilde de Perne est aimée de Gaston de Tervaz, mais ne peut devenir sa femme, parce qu’il est pauvre. Gaston part pour conquérir la gloire et la fortune. En son absence, M. de Varni, homme très-dépravé, devient amoureux de Clotilde et l’épouse, après l’avoir décidée en lui montrant un faux acte de décès de son amoureux, qu’il a fait dresser lui-même. Mais Gaston, qui n’est pas mort, revient un beau jour, apprend que Clotilde s’est mariée, et vient lui dire un dernier adieu. Les deux amants se retrouvent, le lendemain, dans un petit pavillon au milieu du Rhône, et là, tout entiers à leur bonheur, se laissent surprendre par l’inondation… et par M. de Varni. Celui-ci, feignant de ne rien voir, vient avec