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qui avaient roulé du foyer, fut, me dit-on, pris au corps, condamné tout de suite a être pendu et exécuté’ sur-le-champ. » Le même auteur ajoute que les Hollandais ont toujours chez eux les récoltes de seize années ; ils distribuent aux nations voisines, non pas leur dernière récolte, mais toujours la plus ancienne. Cela nous semble un peu exagéré.

La muscade a des propriétés toniques, excitantes, qui, jointes à sa saveur aromatique, la font employer comme aliment, ou plutôt comme condiment. Les Indiens, et surtout tes habitants des Moluques, la mâchent souvent, soit seule, soit associée à. d’autres substances. Us en assaisonnent leurs mets et la-font entrer dans la composition d’un certain nombre de boissons ; on en fait des liqueurs cordiales et stomachiques très-estimées. Elle- aide à la . digestion, en augmentant la sécrétion gastrique ; elle exalte aussi la circulation et la chaleur animale. En Europe, elle est moins usitée dans l’art culinaire. Mais on l’emploie encore assez souvent en médecine, comme stimulant. Elle convient dans la faiblesse de l’estomac et des autres viscères abdominaux. On l’a vantée contre les lièvres intermittentes, adynamiques, putrides et pestilentielles. Elle entre dans un grand nombre de médicaments composés, tels que l’eau de mélisse des Carmes, l’élixir de Garus, la thériaque, le vinaigre antiseptique ou des quatre voleurs, le diaphœnix, l’esprit carminatif de Sylvius, etc. C’est surtout dans la médecine indienne que la muscade joue un rôle important. Toutefois, l’usage immodéré de cette substance entraîne de très-graves inconvénients et même des dangers sérieux. En opérant une stimulation trop prompte sur l’appareil de la circulation, elle détermine une surexcitation qui peut produire une sorte d’ivresse et aller jusqu’à la congestion cérébrale, au narcotisme et même à l’apoplexie ; c’est ce ^u’on a constaté dans l’Inde, où l’usage en est poussé jusqu’à l’abus. On emploie également en médecine et en économie domestique le macis, l’huile essentielle et le beurre de muscade, ainsi que les graines des muscadiers bâtard, bieuiba, otoba, de Madagascar, etc. V. muscadier.

— Allus. littér. Almex-vou» la muftcaderOn en n mi» panant, Vers de Boileau (satire ni, le fiepas ridicule), que l’on emploie pour exprimer la banalité d’une chose que l’on rencontre à chaque pas et la satiété qu’elle fait éprouver. Presque toujours on substitue au mot muscade celui qui fait l’objet de l’application :

Aimez-vous les décors ? On n’en met nulle part. Les vieux servent toujours, percés de part en part. Et par la main du temps noircis comme des forges,

Ils pendent en lambeaux

Théodore db Banville.

a Aimez-vous l’érudition ? On en a mis parlout ; mais à qui s’adresse-t-elle î À Potel et Chabot évidemment ou à leurs émules, qui pourront trouver dans cette page éloquente les éléments les plus précieux pour la rédaction de leurs cartes du jour. Et ainsi va M. Capefigue, durant deux cent vingt-cinq pages, glissant sur les questions arides de l’administration et du gouvernement, réservant toute sa verve et tout son savoir pour les détails de la bouche et de la toilette du R’ïgent. •

Gustave d’Hugues.

« La section de peinture a indiqué la Mort de Priam pour sujet de concours. C’est neuf, c’est actuel, c’est entraînant ; quel élève de Delacroix ne se sentirait enthousiasmé ! Représenter un Priam mourant, comme cela doit faire battre la poitrine d’un artiste ! Aimezvous l’histoire grecque ? On en a mis partout. La section de sculpture a imposé pour sujet : Ulysse rendant Chryséis à son père. î

Edmond Tbxier.

MUSCADELLE s. f. (mu-ska-dè-le — rad. musc). Arborie. Variété de poire ayant une légère odeur de musc.

MUSCADET s. m. (rau-ska-dè — rad. muscat). Vilic. Variété de gros raisin blanc. Il Sorte de vin qui a un léger goût de muscat,

— Arborie. Petite pomme douce dont on fait du cidre très-estimé.

MUSCADIER s. m. (mu-ska-dié — rad. muscade). Bot. Genre de plantes, de la famille des myristicées : Les Français ont réussi, en 1771, à tirer des Moluques des muscadiers et des girofliers qui ont été transplantés sur leur territoire. (Raynal.) Le muscadier est une des possessions tes plus précieuses des Hollandais. (Duchartre.) Il Muscadier aromatique, Celui qui produit la muscade, u Muscadier à suif, Celui dont on retire une matière jaunâtre qui sert à fabriquer des chandelles.

— Encycl. Les muscadiers sont des arbres plus ou moins grands, à écorce brun grisâtre, à rameaux nombreux, portant des feuilles alternes, entières, et dont l’ensemble forme

— une cime étalée et touffue, d’un très-bel effet ; les fleurs sont dioïques et présentent un calice urcèolé, à neuf divisions ; les fleurs mâles ont douze à quinze étamines, soudées à leur base ; les fleurs femelles ont un ovaire libre, surmonté d’un stigmate bifide, presque sessile ; le fruit est une capsule un peu charnue, s’ouvrant en deux valves et renfermant une graine dure,

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entourée d’un arille (ou mieux, d’un arillode ou faux arille) charnu, coloré et lacinié. Ce genre comprend une vingtaine d’espèces, qui croissent dans les régions tropicales des deux continents, et dont une jouit d’une réputation ancienne et bien méritée.

Le muscadier aromatique est un arbre de moyenne grandeur, dont le port rappelle assez bien celui de l’oranger ; sa tige, qui atteint souvent et dépasse quelquefois la hauteur de 10 mètres, est couverte d’une écorce brunâtre, assez unie, peu épaisse, blanche et succulente à l’intérieur ; ses rameaux, à écorce luisante et d’un beau vert, portent des feuilles ovales lancéolées, coriaces, grandes, vert foncé en dessus, blanchâtres en dessous, persistantes. Les fleurs, petites, jaunâtres, sont groupées en fascicules ’à l’aisselle des feuilles. Le fruit est un drupe globuleux ou ovoïde, du volume d’un abricot, lisse, d’un vert blanchâtre ; le péricarpe ou brou a une chair blanche et filandreuse, et s’ouvre en haut par deux valves à la maturité, laissant voir un arillode lacinié, d’un rouge plus ou moins vif (macis), qui entoure une graine arrondie ou allongée, odorante (muscade ou noix muscade). Il ne parait pas que le muscadier ait été connu des anciens ; quelques commentateurs ont cru pouvoir le reconnaître dans le comacon de Théophraste ; mais il est probable que le savant botaniste grec a voulu désigner sous ce nom le poivre cubèbe. Nous trouvons le muscadier mentionné pour la première fois d’une manière certaine chez les Arabes, notamment dans Avicenne, sous le nom de

iansiban, qui signifie en arabe noix de Banda ; il y a tout lieu de croire que ce sont les Arabes qui ont fait connaître et transmis cet arbre, ou du moins son fruit, aux nations européennes. Les Grecs modernes l’appellent moscharion ; ce nom, comme celui de muscadier, fait allusion à l’odeur caractéristique de la graine et même d’autres parties de cet arbre, odeur qui rappelle celle du musc.

Le muscadier croit dans les régions chaudes de l’Inde, aux lies de la Sonde, aux Moluques et particulièrement aux Iles de Banda, « Les Hollandais, dit A. Dupuis, ont cherché de bonne heure à monopoliser le commerce de sa graine, et pour cela ils ont, autant qu’ils l’ont pu, détruit dans les pays voisins de leurs possessions les plants de muscadier ; mais ils n’ont pas toujours réussi, malgré les mesures les plus sévères. Le pigeon ramier des Moluques a été pour eux un adversaire fort contrariant, et qu’ils auraient bien voulu détruire aussi. Cet oiseau se nourrit des fruits du muscadier, mais le péricarpe seul est digéré, et la graine est rendue à peu près intacte, avec toute sa faculté germinative ; c’est ainsi que cet arbre se propage dans les lies voisines, à mesure qu’on l’y arrache. »

En 1770, le célèbre intendant Poivre et les voyageurs Provost et d’Eteheverry obtinrent, I des souverains indépendants de Gébi et de Palam, des plants et des graines de muscadier et de giroflier ; trompant la vigilance des flottes hollandaises, ils réussirent à rapporter leur précieuse cargaison aux Iles de France (Maurice) et Bourbon (de la Réunion). C’est à Céré, directeur du jardin des plantes de l’Ile de France, et aux communications qu’il fit à Lamarok, que nous devons les connaissances exactes que l’on possède aujourd’hui sur la fructification du muscadier et sur quelques autres espèces non moins intéressantes. La muscade et le girofle, ainsi que les végétaux qui les produisent, furent propagés dans ces îles et importés un peu plus tard à la Guyane et aux Antilles, tandis que les Anglais en faisaient des plantations au Bengale et à Sumatra.

La culture du muscadier dans son pays natal est assez peu connue. Il parait, d après Valeiuini, que cet arbre demande un sol humide et veut être placé à l’ombre d’autres arbres qui le défendent contre les fortes chaleurs. Quand on le propage de graines, il Semble plus avantageux de semer l’amande nue qu’avec sa coque, parce qu’elle germe alors beaucoup plus vite, en trente ou quarante jours, et que les vers n’ont pas le temps delà dévorer. À l’époque des pluies, on transplante les jeunes pieds, en ayant soin de leur conserver le pivot, et on les met a 12 mètres environ de distance, dans l’intervalle d’autres arbres susceptibles de donner de l’ombre. Quand les muscadiers sont un.peu plus grands, on les élague par le bas jusqu’à 2 mètres du sol. Ils fleurissent et fructifient au bout de cinq à douze ans, et Valentini ajoute que, dès qu’ils ont commencé à rapporter, ils ont en tout temps des fruits verts et presque toujours des fleurs.

Les sexes étant séparés sur ces arbres, il arrive que beaucoup d’entre eux sont stériles ; car lorsqu’on sème une graine, on ne sait pas si elle produira un individu mâle ou femelle. Cette stérilité, depuis longtemps remarquée par les Hollandais aux Moluques mêmes, sans qu’ils pussent alors y porter remède, est une des causes qui se sont opposées à la multiplication du muscadier. On y obvie facilement en le propageant par boutures prises sur les pieds femelles, ou en marcottant les branches de ceux-ci. J. Hubert a trouvé encore un meilleur procédé, qui consiste à greffer des rameaux femelles surtous les muscadiers dont le sexe est inconnu. On obtient ainsi artificiellement des pieds femelles ou bien monoïques (à sexes réunis sur le même individu), et il y a toujours assez de fleurs mâles pour

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assurer la fécondation et, par conséquent, la production des noix. Il est à peine besoin de dire que, sous nos climats du Nord, le muscadier ne peut être cultivé qu’en serre chaude et comme objet de curiosité ; il y a, néanmoins, fructifié quelquefois.

Les fruitsnemurissentqu’environ neuf mois après la floraison ; c’est alors qu’on les cueille, sans attendre qu’ils soient ouverts ; pour faire cette récolte, on monte sur les arbres et on attire à soi les rameaux à l’aide de longs crochets. Comme ils sont âpres et astringents, on ne peut les manger que lorsqu’ils ont été confits. Pouf cela, on les fait bouillir dans l’eau ; puis on les perce avec une aiguille, et on les met plonger dans l’eau jusqu’à ce qu’ils aient perdu leur âpreté, ce qui a lieu ordinairement au bout d’une dizaine de jours ; on les fait cuire alors légèrement dans un sirop de sucre, auquel on ajoute un peu de chaux, si l’on tient à ce que les fruits soient durs ; opération qu’on réitère pendant huit jours, en changeant chaque fois le liquide. Enfin, on les met dans un sirop un peu épais, et on les conserve dans un pot de terre bien fermé. On peut encore les confire dans de la saumure ou dans du vinaigre. Quand on veut les consommer, on les fait d’abord macérer dans l’eau douce, puis on les soumet à la cuisson dans le sirop de sucre.

Le plus souvent, on extrait de ces fruits les noix muscades. Dans ce cas, on enlève sur place le brou avec un instrument tranchant ; on porte ensuite les graines aux ateliers, et on enlève l’arille ou macis à l’aide d’un petit couteau. Les noix, encore revêtues de leur coque ligneuse, sont mises au soleil pendant trois jours, puis auprès du feu. Lorsqu’elles sont assez sèches pour rendre un son quand on les agite, on les débarrasse de leur coque en cassant légèrement celle-ci avec de petits bâtons. On les divise ensuite en trois catégories : les plus belles sont arrosées, ou plutôt confites, avec un lait de chaux additionné de sel marin, dans lequel on plonge à plusieurs reprises de petites corbeilles remplies’de noix. Il ne reste plus qu’à les mettre en tas, pour leur faire perdre leur humidité, en ayant soin que le tas ne soit pas assez épais pour qu’elles s’échauffent et fermentent. Quand elles ont ressué, elles peuvent être livrées à l’exportation. La seconde catégorie est réservée pour ta consommation des gens du pays, sauf une partie dont on extrait da l’huile. La troisième est brûlée, comme étant do qualité inférieureetnon marchande. Quant au macis, qui est d’un beau rouge au moment où on l’enlève, on le fait sécher un jour au soleil, et il prend alors une teinte obscure ou roussâtre, qui passe au brun noirâtre par la dessiccation complète. Après diverses opérations trop longues à décrire, on le met dans de petits sacs, où on le presse fortement.

Le principal produit du muscadier, c’est l’amande ou muscade. Mais ce n’est pas le seul. Les fruits confits se servent au dessert, et on en mange aussi avec le thé ; on en fait encore des compotes et des marmelades. Le macis sert aux mêmes usages économiques ou médicinaux que la muscade ; mais il est moins énergique et partant plus agréable ; on l’emploie souvent comme masticatoire, et on peut en extraire de l’huile ; mais il y a du danger1 à abuser du maei3 comme de la noix. L’analyse chimique y a constaté une petite quantité d’huile volatile ; une assez grande proportion de deux huiles fixes odorantes, 1 une jaune, l’autre colorée en rouge ; une matière gommeuse particulière ; enfin, une très-pelite quantité de ligneux. Le bois du muscadier est blanc, très-léger, poreux, filandreux ; on en fait, néanmoins, de petits meubles. Le suc rougeàtre, qui s’écoule par les blessures faites à l’écorce et tache fortement les doigts, peut servir à marquer le linge et même à teindre les étoffes d’une manière assez durable. Les feuilles ont une odeur aromatique, mais elles sont à peu près sans usage.

Le muscadier tomenieux diffère du.précédent par sa taille beaucoup plus élevée, ses fruits ovoïdes et cotonneux, son amande plus grosse et surtout plus longue, ovoïde, terminée en pointe mousse ; il croit aussi aux Moluques et fournit la sorte de muscade dite longue des Moluques, Nous citerons encore la muscadier bâtard, des Philippines, le muscadier de Madagascar, le muscadier sébifère, qui appartient aujourd’hui au genre virole.

MUSCADIN s. m. (mu-ska-dain — rad. muscade). Petite pastille à manger, dans laquelle il entre du musc.

— Petit-maître, élégant, sous la première République : Bonaparte avait surtout en horreur les muscadins et les incroyables. (Uhateaub.) Benjamin Constant exhalait de toute sa personne je ne sais quelle senteur de musc qni rappelait l’ancien muscadin. (Ste-Beuve.)

Du linge blanc, un habit fin ;

Oh ! cet homme est un mvscadin.

A. Duval.

Qu’un muscadin s’exerce & la galanterie ; Ma seule passion à moi, c’est la patrie.

Ponsard.

Ces héros, muscadins, bravant les carabines. Battaient des Prussiens et non des jacobines.

Ponsard.

— Nom que l’on donnait, dans le Lyonnais, aux commis de magasins de denrées coloniales.

— Encycl. Philol. Muscadin, dans le sens

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de pastille parfumée, est un très-ancien mot de la langue française, dont la prononciation a donné lieu, au xvii» siècle, à une plaisante dispute. Pellisson, dans l’Histoire de l’Académie française, parle de cette question qui agita l’hôtel Rambouillet et qui, de là, fut portée à l’Académie. Fallait-il dire muscadins ou bien muscardins ? Balzac voulait que l’on dtt et écrivit muscardin, et il se fondait sur ce que le mot était emprunté des Italiens, qui nomment ces pastilles moscardini. Voiture, au’contraire, tenait pour muscadin, prétendant que muscardin était trop dur à 1 oreille. Pour ridiculiser l’opinion contraire à lasienne,

Voiture fit les vors suivants :

Au siècle des vieux palardins. Soit courtisans, Boit dlnrdins. Dames de cour ou citardines. Tous ceux qui n’étaient pas hardint Prononçaient toujours mweardins. Et balardins et balardine*. Même l’on dit qu’en ce temps-là Plusieurs disaient rose-muscarrfe. J’en dirais bien plus que cela ; Mais, 6ons mentir, je suis malarde ; Et même, en ce moment, voilà

Que l’on m’apporte une panarde. L’Académie et l’usage ont décidé en faveur de muscadin ; mais le sens primitif a disparu avec le bonbon qu’il servait à désigner.

— Hist. La création du mot muscadin est généralement attribuée au député Chabot. Il Paurait employé pour flétrir les jeunes Lyonnais qui avaient résisté aux troupes de la Convention, élégants aux cheveux parfumés, sentant le musc. Ce mot, qui daterait de l’an II de la République, aurait fait une rapide fortune, et il se serait étendu aussitôt à cette partie oisive de la jeunesse parisienne qui allait faire de la réaction thermidorienne une sorte de carnaval effronté ; car nous le voyons employé, le même an II (1793), par Barère, venant, au nom du comité de Salut public, dénoncer à la Convention nationale un mouvement royaliste et de nouvelles manœuvres secrètes des ennemis de la Révolution. « Hier, s’écriait Barère dans la séanco du jeudi 5 septembre, présidée par Maximilien Robespierre ; hier, un homme connu par son patriotisme passait dans le palais de la Révolution, qui est le repaire des agioteurs. 11 entendit six jeunes gens, je dirai plutôt des muschdins, ce nom qu’une jeunesse orgueilleuse s’est fait donner, et qui attestera à la postérité qu’il a existé en France, au milieu de sa révolution, des jeunes gens sans courage et sans patrie. Ils disaient : tout ira bien ; les femmes sont choisies et les muscadins sont bien déterminés... Les femmes sont donc leur ressource I Les femmes I sans doute, on peut les égarer un instant ; mais ce sexe noble et spirituel n’est pus par essence la conquête éternelle du fanatisme ; le génie de la liberté ne lui est pas étranger, et il ne sera pas l’instrument du crime. Quant aux niiuca dins il est facile de leur ôter le moyen

d’être dangereux. » Quelques auteurs complaisants, ou animés d’un esprit de parti qui les a égarés, ont prétendu que les muscadins représentaient la fraction des honnêtes gens de l’époque ; mais les historiens sérieux ont fait justice de leurs assertions, et un poëte, Ponsard, dans le Lion amoureux, joué au Théâtre-Français en janvier 1866, a bafoué et flétri dans un personnage pris sur nature cette misérable bande de dandies baroques, bravi de cafés, mignons de carrefours, bien dignes d’être commandés par ce Fréron qu’on appella plus tard le lépreux du crime. Nous avons cité, au compte rendu de cette pièce, la fameuse tirade où la colère du lion Humbert, général républicain, éclute sur les fronts courbés des muscadins, des agioteurs, des émigrés qui s’essayent à l’enveloppûr do leurs impertinences et persiflent les montagnards patriotes : jamais on n’a arraché en termes plus justes et plus énergiques le masque grimaçant de ces butors minaudiers, ancêtres véritables des cocodès et des creuésdu second Empire, qui, après le 9 thermidor, s’appelèrent la jeunesse dorfie, puis les incroyables. Agents de la réaction, leurs représailles d’assommeurs et leurs exploits honteux faisaient les délices des boudoirs, et les élégantes, avides da plaisirs, ne leur marchandaient point les récompenses les plus douces. La l’erreur blanche prit, grâce à eux, la forme d’une mascarade impudente ; ils lui eli donnèrent les mœurs et en revêtirent les oripeaux. On retrouve du brigand et de l’histrion dans ces sbires de l’émigration, qui «assaillaient les patriotes, dit Mercier, quand ils se trouvaient six contre un, » et qui couraient les concerts, les théâtres, les bals^ montrant partout leurs oreilles de chien, c est-à-dire deux larges tresses de cheveux poudrés à blanc qui tombaient de chaque côté de la figure, serrés dans un habit étriqué, plastronnés de gilets à dix-huit boutons de nacre, la jambe pavoisée de jarretières flottantes, le menton engouffré dans une cravate énorme, qui masquait le nez, la main appuyée sur un gourdin non moins énorme à poignée plombée. Leur suprême bon ton était d’affecter un gosier si faible qu’une lettre sonore l’aurait déchiré. De leur bouche minaudière, on entendait sortir un petit zézayement mouillé, flûte, vagissant, d où les r étaient bannis : ma paole d’honneu, ma petite paole panachée, disaientils sans cesse. Leur exclamation ordinaire était : En véité, c’est incoyablel De là le nom