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que le prince vit la résistance armée se produire, le tigre éclata en lui. Les troupes reçurent l’ordre de réprimer le mouvement avec une impitoyable énergie. En quelques heures, plusieurs milliers d’hommes, simples spectateurs, femmes, vieillards, enfants, furent massacrés. Il en fut de même dans les départements ; les troubles, partout où ils éclatèrent, furent étouffés avec une effrayante cruauté. On n’a jamais connu le nombre des morts ; mais plus de 26,000 hommes furent déportés au delà de l’Océan dans quelques semaines. »

Pendant la bataille, un placard officiel apprit au public que le ministère était composé de MM. de Morny, à l’intérieur ; Fould, aux finances ; Rouher, à la justice ; Magne, aux travaux publics ; Lacrosse, à la marine ; Casablanca, au commerce ; Fortoul, à l’instruction publique ; Turgot, aux affaires étrangères, et de Saint-Arnaud, à la guerre. Le 3 décembre, le Moniteur publia un décret instituant une commission consultative composée d’hommes appartenant, pour la plupart, au parti bonapartiste. Par des décrets et proclamations, datés du jour du coup d’État, Louis Bonaparte avait rétabli le suffrage universel et soumis à l’acceptation du peuple les bases d’une constitution qu’il se réservait de faire lui-même. Ces bases étaient : Un chef responsable nommé pour dix ans, des ministres dépendant du pouvoir exécutif seul, un conseil d’État préparant les lois, un Corps législatif les votant, et un Sénat, « gardien du pacte fondamental et des libertés publiques. » Un décret du 3 décembre appela le peuple français à se réunir dans ses comices le 14 décembre, pour accepter ou rejeter le plébiscite suivant : « Le peuple français veut le maintien de l’autorité de Louis-Napoléon Bonaparte et lui délègue les pouvoirs nécessaires pour établir une constitution sur les bases proposées dans sa proclamation du 2 décembre. » Le vote devait avoir lieu sur registres ouverts dans chaque commune. Un autre décret, daté du 5, recula l’élection aux 20 et 21 décembre, et remplaça le registre public par le scrutin secret.

Au moment de ce vote, la Terreur bonapartiste régnait avec toute son intensité. Partout, les commissions mixtes fonctionnaient, et partout les véritables défenseurs du peuple, les républicains, étaient poursuivis, traqués, arrêtés, internés ou déportés. Quant à la presse, elle était en partie supprimée, en partie bâillonnée, et la distribution des bulletins négatifs était poursuivie comme un délit. Louis Bonaparte était maître absolu de la nation ; son pouvoir était sans limites ; il était évident qu’à aucun prix il ne voudrait s’en dessaisir ; enfin, son criminel coup d’audace avait produit une vive impression sur les masses ignorantes et aveugles qui voyaient en lui l’héritier du Napoléon légendaire. Le scrutin du 20 au 21 décembre donna les chiffres suivants pour toute la France :

7,439,210 oui,
640,737 non,
36,880 bulletins nuls.

Il y eut environ 1,500,000 abstentions. À Paris, les votes s’étaient répartis ainsi :

132,981 oui,
80,691 non,
3,021 bulletins nuls.

Environ 75,000 abstentions.

Ce fut la commission consultative, chargée du recensement des votes, qui vint présenter à Louis Bonaparte le résultat d’un scrutin qui le proclamait président de la République pour dix ans. En réponse aux paroles de M. Baroche, il répondit par un discours dont voici le passage le plus saillant : « La France a répondu à l’appel loyal que je lui avais fait. Elle a compris que je n’étais sorti de la légalité que pour rentrer dans le droit. Plus de sept millions de suffrages viennent de m’absoudre. » Notons, en passant, que la fameuse phrase « Je n’étais sorti de la légalité que pour rentrer dans le droit » lui avait été envoyée dans une lettre de félicitations, par M. Menjaud, évêque de Nancy, qui la tenait lui-même d’un curé de village.

Le 1er janvier 1852, le prince-président remplaça le coq gaulois sur les drapeaux par un aigle, fixa le château des Tuileries pour sa résidence et alla assister à un Te Deum chanté à Notre-Dame, où le clergé, ayant à sa tête l’archevêque Sibour, entonnait pour la première fois le Domine, salvum fac Ludovicum-Napoléonem. Le 9 janvier, il envoyait au Moniteur les deux décrets suivants :

« Sont expulsés du territoire français, de celui de l’Algérie et de celui des colonies, pour cause de sûreté générale, les anciens représentants à l’Assemblée législative dont les noms suivent :

Edmond Valentin, Barthélémy Terrier,
Paul Racouchot, Victor Hugo,
Agricol Perdiguier, Cassai,
Eugène Cholat, Signard,
Louis Latrade, Viguier,
Michel Renaud, Charrassin,
J. Benoît (du Rhône), Bandsept,
Joseph Burgard, Savoye,
Jean Colfavru, Joly,
J. Faure (du Rhône), Combier,
Pierre-Ch. Gambon, Boysset,
Charles Lagrange, Duché,
Martin Nadaud, Ennery,

Guilgot,
Hochstuhl,
Michot-Boutet,
Baune,
Bertholon,
Schoelcher,
De Flotte,
Joigneaux,
Laboulaye,
Bruys,
Esquiros,
Madier-Montjau,
Noël Parfait,
Émile Péan,
Pelletier,
Raspail,
Théodore Bac,
Bancel,
Belin (Drôme),
Besse,

Bourzat,
Brives,
Chavoix,
Dulac,
Dupont (de Bussac),
Gaston Dussoubs,
Guiter,
Lafon,
Lamarque,
Pierre Lefranc,
Jules Leroux,
Francisque Maigne,
Malardier,
Mathieu (de la Drôme),
Millotte,
Roselli-Mollet,
Charras,
Saint-Ferréol,
Sommier,
Testelin (Nord).

« Dans le cas où, contrairement au présent décret, l’un des individus désignés ci-dessus rentrerait sur les territoires qui lui sont interdits, il pourra être déporté par mesure de sûreté générale.

« Sont momentanément éloignés du territoire français et de celui de l’Algérie, pour cause de sûreté générale, les anciens représentants à l’Assemblée législative dont les noms suivent :

Duvergier de Hauranne,
Creton,
Gén. de Lamoricière,
Général Changarnier,
Baze,
Général Le FIô,
Général Bedeau,
Thiers,
Chambolle,

De Rémusat,
Jules de Lasteyrie,
Émile de Girardin,
Général Luidet,
Pascal Duprat,
Edgar Quinet,
Antony Thouret,
Victor Chauffour, *
Versigny.

« Ils ne pourront rentrer en France ou en Algérie qu’en vertu d’une autorisation spéciale du président de la République.

« Les sieurs Marc-Dufraisse, Greppo, Miot, Mathé et Richardet seront transportés à la Guyane française. »

Le 14 janvier, Louis Bonaparte promulgua la nouvelle constitution dont il était l’auteur et qu’on trouvera tout entière au mot constitution. Cette charte, dans laquelle il se déclarait responsable devant le peuple français, auquel il avait toujours le droit de faire appel, et où il s’attribuait à lui seul l’initiative des lois, lui accordait un pouvoir complet, absolu, sans contrôle réel. Le Sénat, corps muet et servile, était nommé par lui ; le Corps législatif, privé du droit d’initiative et d’interpellation, n’ayant d’autre droit que de discuter les projets de loi qu’on lui présentait, devait être recruté à peu près uniquement parmi les amis du pouvoir, grâce à l’institution des candidatures officielles. Cet excellent instrument de despotisme fut complété par la suppression du droit de réunion, par celle de la liberté de la presse, mise à la merci du pouvoir discrétionnaire, etc.

Le 22 janvier, le prince-président créa un ministère de la police et publia le fameux décret qui confisquait les biens de la famille d’Orléans. Ce décret, appelé « le premier vol de l’aigle, » ne fut pas sans rencontrer quelque désapprobation dans l’entourage même du chef de l’État, et un certain nombre de hauts fonctionnaires crurent devoir donner leur démission, sans toutefois tenir longtemps rigueur au pouvoir. Le 25, le conseil d’État fut réorganisé et un décret appela pour le 29 février les électeurs à nommer les membres du Corps législatif pour six ans. Grâce au système des candidatures officielles, sur 201 députés, trois hommes de l’opposition, trois républicains seulement, furent élus ; Cavaignac et Carnot à Paris, Hénon à Lyon. Tous les trois refusèrent de siéger, ne voulant pas prêter serment à Louis Bonaparte. Pour donner une idée du sérieux contrôle exercé par cette Chambre sur les finances et les affaires publiques, il nous suffira de dire que la discussion générale du budget ne dura qu’une séance.

Quelque temps après la clôture de la session législative, le prince-présiden se mit à visiter une partie de la France. Après avoir assisté, à Lyon, à l’inauguration de la statue équestre de Napoléon Ier (20 septembre), il se rendit à Marseille, puis à Bordeaux, où, le 9 octobre, il prononça un discours dans lequel se trouve cette phrase célèbre : « Par esprit de défiance, certaines personnes se disent : l’Empire, c’est la guerre. Moi, je dis : l’Empire, c’est la paix. C’est la paix, car la France la désire et, lorsque la France est satisfaite, le monde est tranquille. » À son retour à Paris, la société du 10 décembre l’accueillit aux cris de : Vive l’empereur ! Le monde officiel fit chorus ; des députations se rendirent auprès de Louis Bonaparte pour lui demander « de céder aux vœux du peuple en reprenant la couronne du fondateur de sa dynastie. » Feignant de céder à la pression de l’opinion publique, le président déclara dans une note que « la manifestation éclatante qui se produisait dans toute la France en faveur du rétablissement de l’Empire lui imposait le devoir de consulter à ce sujet le Sénat. » Le Sénat s’empressa de répondre à cet appel, en votant l’Empire par 86 voix sur 87 votants (7 novembre), et son sénatus-consulte fut soumis à la ratification du peuple, les 21 et 22 novembre. Le résultat du scrutin fut :

7,824,120 oui,
253,149 non,
63,126 bulletins nuls.

Le Corps législatif déclara alors que le peuple français, régulièrement consulté, avait accepté le plébiscite suivant : « Le peuple français veut le rétablissement de la dignité impériale dans la personne de Louis-Napoléon Bonaparte, avec hérédité dans sa descendance directe, légitime ou adoptive, et lui donne le droit de régler l’ordre de succession ainsi qu’il est dit dans le sénatus-consulte du 7 novembre 1852. »

Un an après le coup d’État, le 1er décembre 1852, à huit heures du soir, Louis Bonaparte fut solennellement proclamé empereur sous le nom de Napoléon III, à Saint-Cloud, en présence du Sénat et du Corps législatif. Par un décret du 18 du même mois, il régla l’ordre de succession au trône, constitua la famille impériale, à qui il fit donner de riches dotations, et se fit attribuer à lui-même une liste civile de 25 millions, non compris les revenus des domaines de la couronne.

Nous n’entreprendrons point d’écrire par le menu l’histoire des vingt dernières années de la vie de Napoléon III, ce qui nous entraînerait trop loin. Nous nous bornerons à rappeler rapidement les principaux événements de son règne néfaste.

Le 29 janvier 1853, le nouveau souverain épousa, aux Tuileries, Mlle Eugénie de Montijo (v. Eugénie), et la bénédiction nuptiale fut donnée en grande pompe, le lendemain, à Notre-Dame par l’archevêque de Paris. La cour fut alors constituée avec tout l’apparat qu’elle avait sous le premier Empire. Dès le lendemain de son avènement, Napoléon III avait un grand aumônier, M. Menjaud, évêque de Nancy ; un grand maréchal du palais, Vaillant ; un grand écuyer, Saint-Arnaud ; un grand chambellan, le duc de Bassano ; un grand maître des cérémonies, le duc de Cambacérès ; un grand veneur, Magnan ; un premier veneur, Edgar Ney ; un premier préfet du palais, le colonel de Béville, etc. Tous ces personnages, plus ou moins complices du coup d’État, reçurent de gros traitements pour prix des services rendus. Ceux de Saint-Arnaud, devenu maréchal, s’élevaient à 300,000 francs, ceux du maréchal Magnan à 200,000 francs, ceux de l’évêque Menjaud à 120,000 francs. Le colonel de Béville touchait 75,000 francs, le colonel Fleury, premier écuyer, 95,000 francs, et le reste à l’avenant. Après le mariage, l’impératrice eut aussi sa maison ; les anciennes charges de cour furent rétablies, l’étiquette et le cérémonial furent soigneusement réglés, et les Tuileries virent commencer une longue série de fêtes somptueuses.

L’année 1853 ne fut marquée par aucun événement bien saillant. Nous nous bornerons à rappeler les complots de l’Hippodrome (7 juin) et de l’Opéra-Comique (9 juillet), et le discours prononcé par le chef de l’État à l’ouverture des Chambres, discours dans lequel se trouve la phrase si connue sur le couronnement de l’édifice : « À ceux qui regretteraient qu’une part plus large n’ait pas été faite à la liberté, je répondrais : La liberté n’a jamais aidé à fonder d’édifice politique durable. Elle le couronne quand le temps l’a consolidé. »

Dès 1854, la France put voir de quelle façon son nouveau maître mettait en pratique son axiome fameux : « l’Empire c’est la paix. » Désireux de faire figure dans le monde des Césars où il s’était nuitamment introduit, et de montrer qu’il était bien le représentant de la politique napoléonienne, il saisit avec empressement l’occasion qui s’offrit à lui et se joignit à l’Angleterre (10 avril 1854) pour défendre la Turquie contre la Russie. Ce fut alors que commença la guerre d’Orient ou de Crimée (v. Crimée), qui devait être autrement longue qu’on ne lavait pensé. Pendant qu’il envoyait en Crimée le maréchal Saint-Arnaud et que le vice-amiral Parseval-Deschênes allait rejoindre dans la Baltique la flotte anglaise, Napoléon se rendit avec sa femme en Angleterre, pour faire visite à la reine Victoria (15-22 avril). Quelques jours après son retour à Paris, le 28 avril, il montait à cheval les Champs-Élysées, lorsqu’un Italien nommé Pianori lui tira un coup de pistolet sans l’atteindre. Arrêté, il déclara avoir voulu venger la république romaine, fut condamné à la peine des parricides et fut exécuté le 14 mai. En montant sur l’échafaud, Pianori cria à deux reprises : Vive la république ! « Peu après, dit l’auteur de l’Histoire du second Empire, une nouvelle tentative eut lieu aux abords du Théâtre-Italien. Un ouvrier, nommé Bellemare, tira un coup de pistolet dans une des voitures de la cour sans blesser personne. Il fut enfermé comme fou à Bicêtre, où du reste il avait déjà séjourné ; Point n’est besoin d’ajouter qu’il y eut là prétexte à de nouvelles arrestations de républicains. En août 1855, dans la nuit du 26 au 27, cinq à six cents ouvriers des ardoisières de Maine-et-Loire, après s’être emparés d’une caserne de gendarmerie, avaient essayé de surprendre la ville d’Angers. Dispersés par la force armée et faits prisonniers pour la plupart, ils avaient déclaré appartenir à la Marianne. C’était une société secrète qui, ralliant les membres des deux associations le Sud-Est et la Montagne, fondées sous la République, comptait des affiliés dans toute la France. Angers fut occupé militairement et toutes les armes déposées entre les mains de l’autorité. »

C’est également en 1855 que s’ouvrit l’Exposition universelle, qui attira à Paris une affluence énorme. Le chef de l’État compta alors parmi ses hôtes la reine Victoria, le prince Albert et le roi de Piémont. Le 8 septembre de la même année, le général Pélissier s’emparait enfin de Sébastopol après un siège de trois cent trente jours. Ce fait d’armes mettait fin à la guerre d’Orient, et le 2 décembre suivant, une partie des troupes de Crimée faisaient leur entrée triomphale à Paris.

L’année 1856 s’ouvrit par une sorte de mercuriale adressée par Napoléon III au Sénat (11 janvier). En ce moment, la machine impériale marchait à souhait ; le chef de l’État, maître absolu, faisait ce qu’il voulait, le conseil d’État délibérait, le Corps législatif votait et les ministres exécutaient ; car l’opposition ne s’était pas encore fait jour par la moindre fissure. Les publicistes officieux célébraient sans contradiction l’excellence absolue des institutions de 1852. Néanmoins, l’auteur du système éprouvait quelques doutes ; le Sénat, la maîtresse pièce du mécanisme, n’avait pas seulement l’air de soupçonner pourquoi il existait. Napoléon essaya de lui rappeler sa mission, de lui tracer un programme : « Le Sénat, dit-il, examine la situation du pays, recherche ses besoins ; il étudie les perfectionnements de son organisation, il signale les réformes utiles ; il propose les améliorations réelles... Modérateur du gouvernement s’il s’emporte, instigateur s’il s’endort, il exerce ainsi une influence toujours active sur sa marche. » Cet avertissement ne fut point entendu. Le 21 février 1856 s’ouvrit à Paris, sous la présidence de M. Walewski, un congrès des grandes puissances pour régler la question d’Orient et arrêter les bases d’un traité. La paix, signée le 30 mars, eut pour résultat d’amener la neutralisation de la mer Noire et d’empêcher l’absorption par la Russie de l’empire ottoman. Mais la guerre de Crimée, en nous coûtant 1,500 millions, avait ouvert l’ère, depuis lors ininterrompue, des emprunts ruineux, et la France avait perdu 75,000 de ses enfants.

« Au surplus, dit M. Spuller, ces 1,500 millions, jetés dans le gouffre de la guerre, avaient été pour le second Empire un nouvel instrument de règne. Les emprunts faits par l’État avaient été réalisés au moyen de souscriptions nationales. On avait vu alors un spectacle nouveau et qui devait singulièrement corrompre les mœurs et l’esprit public. En proie à l’ardeur d’une spéculation effrénée, la bourgeoisie française, d’ordinaire si économe et si prévoyante, devint presque subitement dépensière et prodigue. Dans les hautes classes, le luxe s’étalait sans règle ni mesure, tandis que, par l’effet des mauvaises récoltes, la misère régnait en bas. Il s’établissait de la sorte peu à peu deux nations ennemies dans la nation, et cet antagonisme des classes ne profitait qu’au pouvoir absolu. À la suite des emprunts nationaux, le goût de la spéculation s’éveilla même dans les classes moyennes. Vers 1855 et 1856, on peut dire que toute la France était à la Bourse. Le gouvernement exploitait comme un succès personnel l’empressement du public à souscrire des emprunts avec primes qui soufflaient partout l’amour du gain acquis sans travail, et qui poussaient même les gens de condition peu aisée vers des habitudes de dépense et de paresse. Cet âge d’or de la coulisse correspond à l’époque de la conclusion du traité de Paris et de la naissance du prince impérial ; c’est là véritablement l’apogée du second Empire. Pendant ce temps-là, ni tribune, ni presse, ni esprit public. L’unique souci, c’étaient les intérêts matériels qui permettaient d’assouvir un besoin de jouissances grossières, tel que la France n’en avait jamais connu dans le cours de sa longue histoire. Tout était tourné au paraître, et l’administration publique s’appliquait à entraîner les villes dans cette voie de la dépense de luxe qui s’était emparée de tous les particuliers. Les grands travaux improductifs étaient entrepris sur tous les points du territoire, surtout à Paris, où ils devenaient, entre les mains d’un préfet actif et sans scrupules, le plus puissant moyen de gouvernement. Ces grands travaux déterminaient des crises terribles dans le commerce et l’industrie ordinaires ; la cherté des loyers devenait fabuleuse et les denrées de première nécessité souvent d’un prix inaccessible. Tout était poussé à outrance, et il semblait que notre nation eût pris pour devise dans sa vie la devise des grands viveurs qui étaient à sa tête : « Courte et bonne. » Cette démoralisation du pays est un des faits qui retomberont le plus lourdement à la charge du système inauguré après le 2 décembre. »

Peu de jours avant la signature du traité de Paris, Napoléon avait eu un fils. Le 16 mars 1856 naquit Napoléon-Louis-Eugène-Jean-Joseph Bonaparte, qui reçut le titre d’Enfant de France et eut pour parrain nominal le pape Pie IX. Cette même année, le Sénat vota le sénatus-consulte qui attribuait en cas de mort du souverain la régence à l’impératrice. Enfin, la Marianne servit encore de prétexte à de nombreuses arrestations.