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point alors, comme elles le furent depuis, amincies, roulées et prolongées à la hongroise ; tels étaient les principaux, détails qui frappaient à première vue. Mais, lorsqu’on s’arrêtait un instant à considérer attentivement cette tête plus développée en hauteur qu’en largeur, c’est-à-dire plus anguleuse que carrée, on remarquait de suite que toute la physionomie en était dans les yeux, quoique, par le fait, ces yeux glauques n’exprimassent rien de précis, d’affirmatif, de certain. Perdus dans le vague et n’indiquant la pensée intime que par certaines lueurs passagères, si rares qu’il eût été superflu de compter sur elles pour deviner ou surprendre les désirs, les intentions, les espérances du personnage, ces yeux, qui rappelaient beaucoup, pour la nuance et pour la forme, ceux de la reine Hortense, me parurent, tout d’abord, devoir être en politique une force immense, un inappréciable avantage. Quoique, tout d’abord, l’impression produite par Louis-Napoléon ne fût pas favorable, cependant ses yeux et sa taciturnité me donnaient beaucoup à réfléchir, tandis que je descendais l’escalier de l’Élysée. « Il y a peut-être là un homme d’État, » me disais-je… Hélas ! (Vte de Beaumont-Vassy, Mémoires secrets du XIXe siècle.)

SON CARACTÈRE.

Un physiologiste anonyme vient de livrer à l’attention publique un travail d’un genre spécial qui ajoute un trait nouveau, certain, expressif, à ce que nous avions appris d’autre part. Par une suite d’inductions savantes, ce maître raisonneur a pu deviner les moindres particularités, congéniales et acquises, de l’être physique chez Napoléon III.

Nous ne voulons prendre de ses conclusions qu’un point : le tempérament de l’empereur est lymphatico-nerveux. Il le tient de sa mère.

Les nerfs et la lymphe se mêlent donc chez lui, comme il arrive souvent chez les femmes de notre Occident européen ; ce qui éclaire un mot connu de Mme Gordon. On lui demandait, par manière de plaisanterie, si elle aimait Louis-Napoléon : « Je l’aime politiquement, » répondit-elle avec un sourire. Et elle ajouta : « À dire vrai, il me fait l’effet d’une femme. »

Là où les nerfs dominent, l’intelligence est facile, compréhensive, féconde en projets, l’imagination portée au plaisir.

Si c’est la lymphe, l’esprit est lent, les sens sont obtus, et, comme on l’a dit, il faut les écorcher pour les chatouiller.

Supposez unis ces éléments : de leur fusion naît un nouveau caractère qui participe des deux principes et les modifie l’un par l’autre. Alors un homme est tout ensemble intelligent et gourd, téméraire et calculateur, modeste et fastueux, preste et tardif, voluptueux et insensible, mystique et sceptique, curieux et indifférent, mobile et tenace, indiscret et secret, crédule et méprisant, affable et hautain, résistant et blet, balbutiant et verbeux, glorieux et insouciant ; il peut vous tenir et vous lâcher ; on le tient et il vous échappe ; on le noie et il surnage ; on le domine et il domine. Au total, une personnalité qui serait confuse, sans une idée qui ramasse toutes ses propriétés divergentes en un objet unique : vivre.

Ajoutez à cela l’idée d’une place, d’un rang, d’une élévation, où la vie lui semble commode et flatteuse, vous avez le personnage complet.

Ce n’est pas notre faute si l’homme que nous avions à décrire se trouve ainsi complexe. Il est tel et le voilà.

Dès lors, vous avez l’explication de tout son règne qui, pareil à la manière d’opérer de certains négociants, paye l’arriéré ou le néglige, solde à temps ou prend des délais, laisse protester ou conteste l’obligation. (A. Morel, Napoléon III.)

Avant le 2 décembre, les chefs de la droite disaient volontiers de Louis Bonaparte : C’est un idiot. Ils se trompaient. Certes, ce cerveau est trouble, ce cerveau a des lacunes, mais on peut y déchiffrer, par endroits, plusieurs idées de suite et suffisamment enchaînées. C’est un livre où il y a des pages arrachées. Louis Bonaparte a une idée fixe, mais une idée fixe n’est pas l’idiotisme. Il sait ce qu’il veut et il y va ; à travers la justice, à travers la loi, à travers la raison, à travers l’honnêteté, à travers l’humanité, soit ; mais il y va. Ce n’est pas un idiot ; c’est un homme d’un autre temps que le nôtre. Il semble absurde et fou, parce qu’il est dépareillé. Transportez-le au XVIe siècle, en Espagne, et Philippe II le reconnaîtra ; en Angleterre, et Henri VIII lui sourira ; en Italie, et César Borgia lui sautera au cou. Il y a en lui du moyen âge et du Bas-Empire. Ce qu’il fait eût semblé tout simple à Michel Ducas, à Romain Diogène, à Nicéphore Botoniate, à l’eunuque Narsès, au Vandale Stilicon, à Mahomet II, à Alexandre VI, à Ezzelin de Padoue, et lui semble tout simple à lui. Seulement, il oublie ou il ignore que, aux temps où nous sommes, ses actions auront à traverser ces grands effluves de moralité humaine, dégagés par nos trois siècles et par la Révolution française, et que, dans ce milieu, ses actions prendront leur vraie figure et apparaîtront ce qu’elles sont, hideuses. (Victor Hugo, Napoléon le Petit.)

Le 1er décembre, tous les rapports des agents s’accordaient à dire que les partis allaient se donner la main pour mettre Louis-Napoléon à Vincennes et proclamer sa déchéance.

Il était habile, en semblable circonstance, de ne rien changer aux habitudes de l’Élysée, et c’était assurément le meilleur moyen d’écarter les soupçons. La réception du lundi 1er décembre ne différait donc en rien de celles que le prince-président avait données jusque-là, et tous ceux qui, comme moi, ont assisté à cette soirée en ont gardé un profond et fidèle souvenir. Les ambassadeurs et les ministres étrangers, les représentants napoléoniens, un grand nombre de fonctionnaires militaires ou civils, beaucoup de jeunes et jolies femmes encombraient, comme de coutume, les salons et la galerie du rez-de-chaussée ; mais, par une disposition particulière, la pièce du fond, qui servait de salle du conseil et dans laquelle on remarquait un portrait du jeune empereur d’Autriche, François-Joseph, était hermétiquement fermée. Ce détail me frappa tout d’abord lorsque, à neuf heures et demie, j’arrivai moi-même à l’Élysée. Cependant je n’en conclus à rien de sérieux et de politique. Je pensais bien qu’une crise était prochaine, mais je ne supposais pas qu’elle fût aussi imminente et que quelques heures seulement nous en séparaient. Après avoir assez longuement causé avec plusieurs représentants, je vins dans le salon où se trouvait le prince, entouré de diplomates et de dames. Son attitude était pleine d’aisance, mais je remarquai sa pâleur et ses traits plus fatigués que de coutume. On a dit que le visage de Louis-Napoléon était impassible et enjoué ce soir-là ; c’est absolument faux. Les traits du prince étaient, du moins à l’heure où j’arrivai à l’Élysée, visiblement altérés, soit par lassitude, soit par émotion contenue ; mais son aisance et la liberté d’esprit avec laquelle il parlait à son entourage pouvaient faire attribuer à la fatigue seule l’altération que, dès le premier moment, j’avais remarquée dans ses traits. À dix heures moins quelques minutes, le prince se dirigea vers la porte fermée du salon que j’ai mentionné tout à l’heure. En passant près de moi, il me donna une poignée de main, mais sans parler, et disparut aussitôt, suivi presque immédiatement de M. de Maupas, le préfet de police. Il était assez ordinaire de voir le président se retirer de bonne heure et rentrer ainsi brusquement dans ses appartements privés. Son départ n’étonna donc personne. C’était toujours dans les habitudes de l’Élysée. La foule s’écoula peu à peu, les bruits s’éloignèrent ; les flambeaux s’éteignirent et, bientôt, la seule lumière qui brillât dut éclairer une scène vraiment émouvante et singulière : Louis-Napoléon, ouvrant un tiroir secret de son bureau avec la petite clef qu’il portait ordinairement attachée à la chaîne de sa montre, sortit trois paquets cachetés destinés aux trois personnages qui l’entouraient, MM. de Morny, de Saint-Arnaud et de Maupas. Il donna le premier à M. de Morny ; ce paquet contenait 500,000 fr. et la nomination de ministre de l’intérieur. Le deuxième paquet fut remis à M. de Maupas ; il renfermait la liste des représentants, chefs de parti et journalistes qu’il s’agissait d’arrêter, plus 500,000 fr. Le troisième paquet, un peu plus volumineux que les autres, fut remis au général Saint-Arnaud ; il contenait 2 millions dont 500,000 fr. pour le ministre de la guerre et le reste destiné à être distribué, suivant un état annexé qui englobait tous les grades, depuis le général jusqu’au simple soldat. Les généraux de division devaient recevoir 10,000 fr., les généraux de brigade 6,000 fr., les colonels 2,000 fr. et ainsi de suite, jusqu’aux caporaux et soldats, qui devaient toucher 10 fr. et 5 fr. Ces sommes n’étaient pas offertes comme gratification, mais comme indemnité en cas de prolongation de la lutte. Je tiens ces curieux détails de source certaine. (Ces sommes étaient prises sur les 50 millions que le président avait obligé la Banque de France de lui avancer. Elle y consentit moyennant qu’elle aurait le droit d’augmenter son capital de 600 millions.) (Vicomte de Beaumont-Vassy, Mémoires secrets du XIXe siècle, 1874.)

… Il faut avouer qu’il n’avait pas été heureux dans ses recherches matrimoniales, lorsqu’il vit pour la première fois la belle Mlle Eugénie de Montijo. Une chose assez singulière, c’est qu’une des princesses demandées, mais qui déclinèrent l’honneur qu’on voulait leur faire, n’était autre qu’une fille du prince de Hohenzollern-Sigmaringen, et que cette union, si elle se fût conclue, eût introduit Napoléon III dans la famille de Guillaume de Prusse. Mlle de Montijo, fort connue comme jolie femme dans le monde européen, n’était plus de la première jeunesse lorsque l’empereur l’invita, avec sa mère, au palais de Compiègne ; mais elle avait conservé ces charmes hors ligne qui devaient, grâce au tempérament particulier de Napoléon III, la conduire à l’autel et mettre une couronne sur ses beaux cheveux. L’entourage ne crut d’abord qu’à une affaire de galanterie, et, en effet, la chose était probable ; mais lorsqu’on vit que l’aventure tournait au sérieux, les avis opposés se firent jour, et on en vint aux supplications. M. de Persigny, qui, détail peu connu, tutoyait l’empereur lorsqu’ils étaient seuls, le prit un jour par le bouton de l’habit et lui dit avec colère : « Ce n’était, en vérité, pas la peine que tu fisses le Deux décembre pour finir comme cela. » M. de Morny, plus maître de lui, mais non moins sévère, invoquait la raison d’État et redoutait le qu’en dira-t-on ? de l’Europe. Cependant Louis-Napoléon demeurait inflexible, et bientôt on comprit qu’il n’y avait plus qu’à s’incliner devant sa volonté. Rien de plus admissible, d’ailleurs, la condition du rang princier une fois écartée, que sa préférence pour la belle et brillante Eugénie, qui se montrait dans les exercices équestres de la plus gracieuse habileté, même à côté de la marquise de Contades, fille du maréchal de Castellane, intrépide amazone, dont l’esprit et la verve étaient à bon droit renommés au milieu de cette cour naissante, et qui même avait, dit-on, recommandé au choix de l’empereur quelques-uns des futurs titulaires de la maison civile, tels que chambellans et écuyers. Le mariage, quel qu’il fût, du reste, était devenu chose utile pour Napoléon III, ne fût-ce que pour l’arracher aux habitudes de l’orgie intime, qui auraient pu facilement produire des scandales publics. (Vicomte de Beaumont-Vassy, Mémoires secrets du XIXe siècle, 1874.)

Sa Majesté Impériale, qui m’avait appelé plusieurs fois pendant ce temps, me fit mander le 14, au matin, dans son cabinet. M. Pietri y arriva, pour donner connaissance d’une lettre que Kelsch écrivait à Mazzini, pour lui annoncer que l’empereur serait assassiné dans deux jours. Malgré les prières du préfet de police, qui voulait faire arrêter Kelsch immédiatement, Napoléon refusa, m’ordonnant seulement de changer de cheval pour la sortie, à deux heures, qui aurait lieu comme à l’ordinaire vers le bois de Boulogne.

À l’heure indiquée, pendant que Kelsch, en casquette, bottes à l’écuyère, jaquette verte, sous laquelle il perçait quelque chose, faisait caracoler son cheval, l’empereur et M. Fleury arrivaient sur la place de la Concorde. En les voyant, Kelsch se porta au triple galop vers eux, qui, voyant cela, prirent l’avenue de l’Étoile à fond de train. J’eus le temps de dire aux jockeys de serrer de près l’empereur et de ne laisser passer personne devant eux. En arrivant au bois de Boulogne commença un steeple-chase furibond. Murs, ruisseaux, allées, lacs furent tournés et franchis au triple galop. Les promeneurs qui nous voyaient passer disaient que le chef de l’État était ou fou ou ivre…

Hélas ! il n’était ni l’un ni l’autre… mais il avait peur pour sa vie. Après trois heures d’une course effrénée, nous passions la porte Maillot pour rentrer aux Tuileries. En passant par l’avenue de l’Étoile, nos chevaux étaient blancs d’écume. En remontant l’avenue, celui de Kelsch refusa de marcher, malgré les éperons et la cravache de son cavalier.

Quelques instants après, Napoléon, rentré dans son cabinet, appelait M. Pietri et donnait l’ordre d’arrêter Kelsch, mort ou vif. (Mémoires de Griscelli, écrits par un agent de police de l’Empire, Bruxelles, 1868.)

L’impératrice du Mexique, étant venue à Paris, le 8 juin 1866, pour tenter auprès de Napoléon III une dernière démarche et le décider à remplir les engagements qu’il avait pris envers son mari, finit par obtenir de lui une entrevue. Elle lui remit un mémoire rédigé par l’empereur du Mexique ; Napoléon promit une réponse pour le 24 juin.

Ici nous cédons la plume à M. Taxile Delord :

« Lorsque Charlotte revint à Saint-Cloud, le 24, le mémoire de Maximilien était sur la table de l’empereur, qui le prit et le lui remit sans rien ajouter ; l’impératrice lui demanda quelle résolution il comptait prendre à l’égard du Mexique. Elle était en présence d’un interlocuteur qu’il n’était pas toujours facile de faire parler, mais le silence seul était une réponse. L’impératrice recourut aux larmes et aux prières ; n’obtenant rien, elle somma Napoléon III de tenir ses engagements d’honneur avec son mari. Napoléon III, en effet, pour décider Maximilien à accepter la couronne, lui avait écrit en 1864 deux lettres qui contenaient la promesse de ne pas abandonner le futur empereur jusqu’à l’achèvement de son œuvre. L’impératrice, qui en avait les copies, obligea en quelque sorte Napoléon III à les lire ; celui-ci les parcourut d’un œil distrait et les rendit à Charlotte en disant : « J’ai fait pour votre mari tout ce que je pouvais faire, je n’irai pas plus loin. » La jeune femme, se levant pâle d’indignation, lui lança ces mots en partant : « J’ai ce que je mérite ; la petite-fille de Louis-Philippe d’Orléans n’aurait pas dû confier son avenir à un Bonaparte ! » (Taxile Delord, Histoire du second Empire.)

MŒURS IMPÉRIALES.

Le vicomte de Beaumont-Vassy, qui a occupé divers postes diplomatiques sous le second Empire, et qui a connu particulièrement Napoléon III, donne de curieux détails sur ses habitudes intimes, principalement sur son penchant à la galanterie. « Sous ce rapport, dit-il dans ses Mémoires secrets du XIXe siècle, il avait été singulièrement précoce : à treize ans, il avait eu sa première aventure, aventure bien subalterne d’ailleurs. Plus tard, brûlant d’une belle passion pour une dame de Florence, il s’était rendu chez elle déguisé en fleuriste, ce qui ne lui avait pas réussi et, grâce au scandale, l’avait même contraint de quitter la ville. Ce fut aussi en Italie qu’il fit la connaissance de Mme Gordon, actrice d’un certain mérite et qui ne manquait pas de beauté. Louis Bonaparte, à qui cette femme devait être utile dans l’accomplissement ultérieur des projets politiques qu’il méditait dès lors, mit tout en œuvre pour réussir auprès d’elle et vaincre les obstacles qu’il rencontra tout d’abord. Il l’enveloppa dans un véritable réseau de séductions et de promesses ; il exploita habilement toutes ses qualités natives, son bon cœur, sa confiance naïve, son esprit aventureux et chevaleresque et jusqu’à son admiration enthousiaste pour Napoléon Ier. Rien ne coûta à cette nature aimante et sympathique ; elle devint un des agents les plus actifs de la conspiration de Strasbourg et entreprit plusieurs voyages, tant à Paris qu’à Fribourg et à Baden-Baden. Elle enrôla parmi les conjurés plusieurs officiers qui lui faisaient la cour et fut à la fois pour Louis-Napoléon une généreuse amie, une adroite émissaire, une maîtresse aimante et une conspiratrice courageuse. Ce qui n’empêchait pas le volage de poursuivre à la même époque des fantaisies thurgoviennes et de proposer très-sérieusement le mariage à une dame d’origine créole, qui se trouvait alors à Arenenberg. » Si vous voyagez jamais en Suisse, surtout en Thurgovie et dans la petite ville de Thun, parlez de Napoléon III, et vous verrez quelle déplorable réputation il y a laissée. Une fois au pouvoir, Louis-Napoléon s’abandonna entièrement à son penchant pour la galanterie. Quelque temps avant le coup d’État, le vicomte de Beaumont-Vassy fut invité à dîner à Saint-Cloud. « Le dîner fut triste, dit-il ; le prince était évidemment préoccupé, et la crise qu’on traversait alors motivait amplement à mes yeux ces préoccupations empreintes sur sa figure pâle. Mais que j’étais loin de compte ! J’ai su depuis quel était le sujet de ses méditations ce soir-là, et vraiment cela n’avait rien de commun avec la politique. Étrange et insaisissable personnage historique que celui-là, qui, lorsqu’on le croyait occupé des grandes affaires de l’État, ne songeait en réalité qu’aux refus très-secs de telle actrice en renom et aux moyens à employer pour prendre avec telle autre une éclatante revanche ! Les années 1850 et 1851 ont été celles où les favorites de théâtre ont régné le plus sur le prince-président. Plus tard, les dames du monde allaient avoir leur tour…. Je me retirai, non sans penser à ces mystères de Saint-Cloud sur lesquels on a publié à l’étranger des brochures scandaleuses, mais dans lesquelles tout n’était pas mensonge. » Enfin, à propos du singulier mariage de Napoléon III, mariage qui excita les rires de l’Europe et plongea ses partisans dans la consternation, M. de Beaumont-Vassy dit ce qui suit : « Le mariage, quel qu’il fût, du reste, était devenu chose utile pour Napoléon III, ne fût-ce que pour l’arracher aux habitudes de l’orgie intime, qui auraient pu facilement devenir des scandales publics. Il n’y avait pas si longtemps déjà que dans ce même palais de Compiègne, tout aussi bien qu’à Saint-Cloud, on avait vu, après boire, succéder aux jeux innocents ce que l’on nommait complaisamment la curée des dames. Voici ce que c’était : lorsque les émotions du colin-maillard étaient épuisées, l’auguste amphitryon faisait apporter une grande manne, dont le contenu, déposé sur le tapis, était recouvert d’une serge verte. On réunissait les dames, comme on rassemble les chiens autour de la nappe qui recouvre les débris du cerf ; on enlevait la serge, et alors des chefs-d’œuvre de bijouterie, bracelets, broches, boucles d’oreilles, ruisselants de diamants et de perles, éclataient en mille feux sur le tapis. Les dames, invitées à choisir, se précipitaient à genoux et se disputaient ces trésors sous les yeux de leurs admirateurs, enthousiasmés des points de vue que leur offrait un semblable spectacle. » Le mariage de Napoléon III ne moralisa guère sa cour. Dix ans après, voici ce qui se passait à Compiègne ; c’est Mérimée, un ami intime de la maison, qui le dit dans ses Lettres à une inconnue : « Nous avons en lions quatre Highlanders. C’est assez amusant de voir ces huit genoux nus dans un salon où tous les hommes ont des culottes et des pantalons collants. Hier, on a fait entrer le piper de Sa Grâce, et ils ont dansé tous les quatre de manière à alarmer tout le monde lorsqu’ils tournaient. Mais il y a des dames dont la crinoline est bien autrement alarmante quand elles montent en voiture. Nous avons joué avec succès une pièce un peu immorale, dont à mon retour je vous conterai le sujet. Nous avons ici Mlle***, qui est un beau brin de fille de cinq pieds quatre pouces, avec toute la gentillesse d’une grisette et un mélange de manières aisées et timides quelquefois très-amusant. On paraissait craindre que la seconde partie d’une charade ne répondît pas au commencement : « Cela ira bien, dit-elle, nous montrerons nos jambes dans le ballet, et ils seront contents. » Comparez ces citations de Beau-