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Ailleurs, 11 aperçoit Madeleine se tenant

sous un affreux rocher,

Où la nuit, par un trou tout & fait obligeant, La lune lui fournit uns lampa d’argent.

Puis il ajoute :

On peut voir seulement les éclairs de ses yeux, Qui sont les bénitiers d’où coule l’eau bénite Qui chasse le démon jusqu’au fond de son gîte.

Comme nous l’avons dit plus haut, Je Père Pierre a été le plus grand anagrammatiste de son siècle. Il avait composé des Anagrammes, non-seulement sur Magdeleine, mais encore sur les noms des papes, des empereurs, des rois, des princes, des généraux de son ordre, de la plupart des saints et des saintes, etc.

PIERRE DE SICILE, en latin Peiru. Siciiiii», chroniqueur italien, qui vivait au e siècle. Il quitta la Sicile, son lie natale, ravagée par les Sarrasins, pour aller se fixer à Constantinople. Ayant gagné la faveur da l’empereur Basile et de ses fils, il obtint des bénéfices ecclésiastiques et fut chargé, en 870, d’une mission en Arménie pour un échange de prisonniers. On a de lui ; Histaria de varia et stblida Mtmichsarum hsresi (Ingolstadt, 1604, in-4o), traduit du grec en latin par le Père Matthieu Raderus.

PIEIU1E TUDEliODE, chroniqueur français, né à Civray (Poitou), mort en 1099. Il lit partie de la première croisade avec ses deux, frères (1096), assista aux sièges de Nicée et d’Antioche, à la prise de Jérusalem et mourut peu après. On a de lui une relation exacte et sincère de ce qu’il vit pendant la croisade de 1096 à 1099. La meilleure édition de cette ffistaria de Hierosolymitano ilinere, dont le style est simple, mais grossier, est celle que Duchasne a donnée dans les Historiens de France.

PI Eli HE DE VAULX-CERNAY, historien français, mort après 1218. Il était moine à l’abbaye de Vaulx-Ce’rnay (diocèse de Chartres), fut envoyé dans le Languedoc pour prêcher contre l’hérésie des albigeois (1206) et suivit Simon de Montfort dans ses sanglantes expéditions. Il a écrit une Histoire de la guerre des albigeois, qu’il dédia au pape Innocent III, Cette histoire, qui s’étend de 1206 à 1218, est empreinte du fanatisme de l’époque, mais offre beaucoup d’intérêt. Publiée pour !a première fois à Paris (1615), par Nicolas Camusat, insérée par Duehesne dans sa collection des historiens de France, réimprimée par dom Tissier dans le tome VII de la Bibliotheca cisterciensis, elle a été traduite en français par M. Guizot dans le tome XIII des Mémoires relatifs à l’histoire de France.

PIERRE DES VIGNES, en latin de VineL, homme d’État italien, né à Capoue d’une famille obscure, mort en 1249. Il acquit une profonde connaissance de la jurisprudence civile et canonique, se fit remarquer par l’empereur Frédéric II, qui, charmé de la facilité avec laquelle il s’exprimait en latin, le prit pour premier.secrétaire, puis le nomma successivement juge, conseiller, protonotaire, gouverneur de la Pouille et enfin son chancelier. Pierre des Vignes prit une part active au gouvernement, rédigea en partie le code donné à la Sicile (1231) et fut chargé de négociations importantes à Rome et près du concile de Lyon, qui déposa Frédéric II. Accusé de malversations ou de trahison, peut-être injustement, à subit les traitements les plus barbares. Frédéric lui fît arracher les yeux et ordonna qu’il fût promené ignominieusement dans les principales villes d’Italie. Le miSheureux se brisa le crâne contre la colonne à laquelle il était attaché. Il a laissé des lettres très-intéressantes (Bâle, 1566, in-8") et où abondant les documents officiels.

Pierre Sctilemlebl, roman fantastique, par Chamisso (Nuremberg, 1814, in-12). C est une œuvre très-littérajre, d’un stylo soigné et poétique ; mais l’élément qui domine dans cette composition ne peut lui assurer un grand succès en France. Pierre Schlemiehl, qui est devenu un type en Allemagne, le type de l’homme qui ne réussit dans aucune de ses entreprises, n’aurait jamais pu jouir chez nous d’une telle popularité. C’est un pauvre diable qui, à bout de ressources et touchant ii la quarantaine sans avoir pu s’affranchir de la misère, part pour l’Amérique à, la recherche d’un oncle millionnaire, pour lequel il a une lettre de recommandation. L’oncle se moque de" lui et lui conseille de suivre son exemple ; lui aussi il n’avait rien, et maintenant il est riche ; tout le monde peut en faire autant. Pierre Schlemiehl se livre au désespoir ; mais il renconu-e chez.son oncle ■ l’homme gris, » c’est-à-dire le diable, qui lui propose de lui acheter son ombre ; en échange, il lui donnera la bourbe do Fortunatus, c’est-à-dire une fortune inépuisable et un talisman à l’aide duqvie 1 il réalisera tous ses vœux. Pierre Schlemiehl vend son ombre avec plaisir, sans se douter des tribulations auxquelles il s’expose. Il a tout ce qu’il désire ; mais, partout où il va, on montre au doigt l’homme qui a perdu son ombre j il est l’objet de la risée publique, tout le monde le berne et le vole si bien, qu’il en est réduit à se cacher, à ne pas Oïoer marcher au soleil, à vivre dans une solitudie complète, et que la richesse lui est plus pesiante que sa

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misère d’autrefois. Il rappelle l’homme gris pour défaire le marché, mais l’homme gris est sourd pendant un an ; ce laps de temps révolu, il apparaît de nouveau et consent à rendre son ombre à Pierre Schlemiehl, à condition que.ce.dernier lui livrera son âme. Pierre Schlemiehl refuse et jette au fond d’un puits la fatale bourse de Fortunatus. Son ombre ne revient pas, mais il a désormais des bottes de sept lieues avec lesquelles il se met à parcourir le monde ; il fait de la botanique, consacre le reste de sa vie à la science et recouvre ainsi une demi-tranquillité.

Ce roman a joui d’une grande vogue ; les Allemands lui trouvent une haute portée philosophique. Pour nous, c’est tout simplement un conte bleu. Parmi les romans français, la Peau de chagrin, de Balzac, est celui qui s’en approche le plus, et ce livre a sur Pierre Schlemiehl une supériorité incontestable. Or, la Peau de chagrin est peut-être le volume le moins lu de Balzac, tandis que le livre de Chamisso a eu plus de quarante éditions ; ce fait caractérise l’esprit des deux peuples. M. Xavier Marmier a donné de Pierre Schlemiehl une élégante traduction française (1847, in-18).

Pierre Simple, roman anglais, du capitaine Marryat (1834, in-8o). Ce livre amusant est l’odyssée d’un jeune midshipman beaucoup trop naïf, ainsi que l’indique son nom ; l’auteur a réuni la toutes les plaisanteries et toutes les mystifications qui sont encore en usage parmi les aspirants de marine, en Angleterre. Pierre Simple, cadet d’un pauvre ministre protestant, est destiné, dès sa naissance, à l’aire son chemin sur les vaisseaux da Sa Majesté, Dés qu’il a quinze ans révolus, on le mène à la diligence, qui l’emporte k Londres, et on lui souhaite un bon voyage. À Londres, le banquier de son père lui tait endosser l’habit d aspirant et 1 expédie sur Plymouth. Dans la diligence, il noue connaissance avec un matelot ivre, puis avec un gentleman assez impoli pour oser décacheter la lettre de recommandation adressée par M. Simple père au capitaine de la ûiomède, le vaisseau sur lequel il doit s’embarquer. À la taverne qui sert de théâtre ordinaire aux exploits bachiques de messieurs les aspirants de marine, le nouveau venu entend dire de si belles choses de son futur métier et de son futur capitaine, qu’il sent le cœur lui défaillir. Le lendemain matin, il so réveille malade ; on lui fait croire qu’il s’est rendu en état d’ivresse au théâtre et qu’il a insulté son capitaine ; il faut qu’il aille bien vite lui faire des excuses. Celui-ci, qui n’est autre que le gentleman trop curieux de la voiture, le retient à déjeuner et lui apprend qu’il n’a insulté personne et que, d ailleurs, il n’était pas au théâtre. De retour à la taverne, Pierre Simple cherche

?uerelle au farceur qui l’a mis dedans ; on

es fait battre en ? duel ; mais les camarades ne chargent qu’à poudre les pistolets. À bord de la Diomède, les plaisanteries continuent, mais sur un autre mode, à propos des méprises qu’on lui fait commettre sur les noms donnés par les marins à tout ce qui fait partie d’un navire. Pierre Simple finit pourtant par gagner l’amitié de ses camarades en refusant de désigner au capitaine les mauvais plaisants qui le bernent sans cesse. L’un des officiers du bord, O’Brien, qui tourmentait plus que tous les autres le midshipman novice, devient même son ami dévoué. Un engagement avec les Français ne manque pas d’avoir lieu. Pierre Simple reçoit une balle à la cuisse et tombe entre les mains des ennemis. O’Brien, ne voulant pas abandonner son ami, se livre avec lui. On conduit les prisonniers de guerre dans la forteresse de Givet. O’Brien corrompt un gardien ; ils s’évadent par une nuit sombre et, vivement poursuivis, ils mettent à profit la mort accidentelle d’un gendarme. O’Brien troque ses vêtements contre ceux du mort et constitua Pierre son prisonnier, de sorte qu’on les laisse passer sans méfiance. Au prix d’efforts et de peines inouïes, ils réussissent à rentrer en Angleterre, puis ils se rembarquent. Pendant ce temps, le grand-pére de Pierre Simple, lord Privilège, est venu à mourir ; Pierre Simple est dépouillé de l’héritage par un oncle déloyal qui a opéré une adroite substitution d’enfant et qui fait enfermer à Bedlam, comme fou, le jeune officier. Le crime est bientôt reconnu ; Pierre Simple, parvenu au grade de premier lieutenant, prend alors le nom de lord Privilège et marie sa sœur Hélène à son ami le capitaine O’Brien. Quant à lui, il épouse la fille d’un général français qui l’avait aidé à déjouer les manœuvres du susdit oncle.

Ce roman maritime, écrit avec simplicité, est l’œuvre la plus amusante du capitaine Marryat. La plaisanterie coule de source, et le tour de la pensée est vif et spirituel. Entre autres caractères, le capitaine Savage, le contre-maître Chucks, le lieutenant irlandais O’Brien, le charpentier Muddle sont d’excellents portraits. L’évasion de la citadelle est un épisode rempli d’intérêt. Les scènes maritimes, tempêtes, paysages do la nature tropicale ont inspiré au romancier des peintures d’une grande vérité.

Pierre Sutmive, roman de M. Louis Veuillot (1840, in-8<>). L’auteur a placé ce volume sous l’invocation de la "Vierge Marie qui, si

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l’envie lui en prend, pourra y lire des choses bien mondaines. C’est l’histoire d’une conversion ; mais avant d’y aboutir, le héros, Pierre Saintive, est exposé k quelques tribulations. D’abord il veut se marier et se trouve perplexe au moment de choisir. « Je voudrais me marier, ’dit-il, mais je redoute ces unions commerciales où l’on ne met en commun que des sacs d’éens. Les personnes les plus délicieuses sont bien mal élevées et il leur manque beaucoup de choses. De la vertu, toutes les jeunes filles en ont ; mais cette vertu, comme les roses, fleurit l’espace d’un matin, c’est-à-dire qu’elle s’effeuille après deux ans de mariage, après cinq ans pour les plus heureux, au souflîe des ouragans conjugaux. Le mari vieillit et prend du ventre, on le sait par cœur, et le devoir, qui s’appelle préjugé, despotisme, n’apparaît plus que comme le gardien maussade des pommes d’or du plaisir et de la liberté. Que ne m’ast-il donné de trouver lu perle qui pourra tremper sans se dissoudre dans le vinaigre des illusions perdues ! » Saintive, en outre, redoute la loi du talion, car il n’a pas toujours, dans la fièvre de la jeunesse, respecté le bien d’autrui ; mais il ne se sent, d’un autre côté, aucun penchant pour l’abstinence. Loin de là, en ce moment, ii est amoureux de deux femmes à la fois, une sainte et une coquette, et il se passe des mystères étranges dans ce cœur que se disputent deux passions. Le malheureux, toujours maussade, inquiet, agacé, pleure, soupire, se promène, prie, espère et, pour se désennuyer, tient le journal de ses impressions. Il écrit à tout le monde, à des dames, k des abbés, et sa correspondance amène des réflexions sur • les orties du regret qui poussent dans le mariage, sur les forçats libérés qui peuvent, quand il leur plaît, s’établir dans les villes et y fonder des écoles ou des journaux ; sur les femmes chrétiennes, ces places fortes bien défendues ; sur Molière et La Rochefoucauld, qui sont bien myopes et bien

niais ; sur l^artufe, qu’il faudrait brûler jusqu’au dernier exemplaire. » Après une lutte acharnée, Saintive se décide enfin ; c’est la dévote qui l’emporte, non pas à cause de sa dévotion ni même de sa beauté, mais parce qu’elle est la plus riche. C’était là que l’attendait Satan : sa dot est d’un demi-million. Au dernier moment, il apprend qu’elle veut tout donner aux pauvres. Halte-là, je ne serai pas votre époux, dit-il. Mais voici bien une autre affaire : il se trouve que cette fortune se compose de biens enlevés au père de Saintive pendant la Révolution. Thérèse veut tout restituer ; Saintive s’y oppose d’abord pour la forme, puis il accepte et va porter son argent et ses incertitudes dans un séminaire, tandis que Thérèse entre au couvent. L’auteur se contente, dit-il, • d’être la main débile qui balance l’encensoir et qui sème des fleurs sur le chemin où Dieu doit passer. » En ce cas, Dieu respirera encore à travers les vapeurs de l’encens une atmosphère profane et le souffle très-mondain des souvenirs. Ce livre a l’air d’une confession. ■ La lecture de Pierre Saintive, fait remarquer M. Charles Louandre, ne serait peut-être pas sans danger pour des pénitents encore émus de leur passé. • Le style n’est pas la moindre bizarrerie de cette excentricité catholique. L’indécision qui tourmente Saintive a passé dans la forme. La coquetterie s’y mêle à lu vulgarité, la franchise à l’affectation, et, comme pour compléter le contraste, quelques remarques religieuses viennent s’égarer çà et là au milieu de prétentieuses rêveries. Ce n’est plus le héros, c’est l’écrivain qui semble hésiter à chaque pas entre le boudoir et la sacristie.

Pierre et Camille, COnte, par Alfred de Musset (1854). Le chevalier des Arcis s’était marié, en 1760, avec la fille d’un négociant retiré et vivait le plus heureux du monde avec sa femme qu’il adorait, dans sa maison de campagne prés du Mans. Cécile, de son côté, aimait son mari, et rien ne manquait au bonheur des deux époux, si ce n’est un enfant qui vint à tout jamais cimenter leur union. Un jour, enfin, une fille vint au monde, qu’on appela Camille. Sa mère voulut la nourrir elle-même ; mais à mesure qu’elle grandissait, on fut surpris de lui voir garder une immobilité étrange. Une bonne ayant

Ear hasard renversé un meuble auprès du erceau de la petite fille endormie, sa mère accourut et vit que Camille ne s’était pas réveillée. II n’y avait pas à en douter, l’enfant était privée de l’ouïe et, par conséquent, de la parole. À cette époque, on le sait, les sourds-muets étaient un objet d’horreur pour tout le monde ; on les considérait comme frappés de la colère céleste, car on les supposait privés en même temps de pensées. L’abbé de L’Epée travaillait déjà, mais en silence, à apprendre aux muets à parler sans parole, mais ce n’est que plus tard que ses longs et savants travaux devaient porter leurs fruits. Le chevalier des Arcis, comme les autres, eut donc horreur de sa fille et, de jour en jour, il commença à se détacher davantage de la mère. Celle-ci cependant adorait la petite Camille, car elle seule, avec son cœur de mère, savait comprendre les petites mines de l’enfant et lui parler avec ses yeux. Mais un jour Cécile mourut, laissant Camille complètement orpheline, car le chevalier ne voulait plus la voir depuis longtemps. Ce fut un oncle, M. Giraud, qui se

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chargea de l’enfant, avec laquelle il vint a Paris pour tâcher de la distraire. Camille grandit, sans perdre le souvenir de sa mère, mais pleine d’affection pour son oncle qui l’entourait de tous les soins et de tout l’amour dont elle était sevrée ailleurs, en raison de son infirmité. Camille atteignit ainsi ses seize ans, et un soir, M. Giraud l’ayant menée à l’Opéra pour distraire au moins ses yeux par l’éclat des lumières et la variété des toilettes, elle aperçut dans une loge voisine un jeune homme écrivant sur une ardoise. Quand il avait fini, il passait l’ardoise h son compagnon qui la lui rendait après y avoir, à son, tour, tracé quelques caractères. Camille observait trop attentivement le jeune homme pour n’en être pas remarquée à son tour. Cependant elle quitta le théâtre et, à peine rentrée dans sa chambre, contiguô à celle de son oncle, elle vit entrer par la lenêtre un homme qui, saisissant un morceau de craie, écrivit en grosses lettres sur le mur : Pierre. C’était le jeune homme que Camille avait vu à l’Opéra. Or, M. Pierre, ayant fait quelque bruit pour entrer chez Canaille, avait réveillé l’oncle Giraud, qui entre tout à coup chez sa nièce et reste stupéfait devant le visiteur nocturne. Mais celui-ci prend un papier et un crayon et écrit cette lettre : J’aime mademoiselle, je veux l’épouser ; j’ai 20,000 livres de rente. Voulez-vous me la donner ? Et il signe, marquis Pierre de Maubray. Il faut, comme bien on pense, le consentement du chevalier à ce mariage, et

celui-ci hésite longtemps devant une union qui, si elle doit avoir des fruits, ne peut que mettre quelque infortuné de plus au monde. Cependant, il consent, mais sans vouloir venir assister au mariage et revoir Camille. Le marquis et la marquise de Maubray sont unis depuis quelque temps, lorsque le chevalier des Arcis reçoit une longue lettre dans laquelle sa tille lui apprend qu’elle a reçu des leçons de l’abbé de L’Epée et qu’elle est inêre. Elle ne sait pas encore si son enfant sera comme elle, mais elle supplie son père de venir la voir. Le lendemain, le chevalier entre chez Camille et s’écrie, en voyant l’enfant qu’on venait de lui présenter : Encore un muet ! Camille pose alors son doigt sur les petites lèvres de son fils, en les frottant un peu, comme pour l’inviter à parler ; Bonjour, papa, dit le baby, répétant les deux m»ts que sa mère lui a fait apprendre devance. Ou peut reprocher à ce conte de n’être pas l’étude physiologique et morale qu’on devait attendre de l’auteur sur un pareil sujet. Il y avait à donner des détails curieux sur le caractère des muets, leurs aptitudes, leurs penchants, qui ne se développent pas de la même façon que les nôtres. A. de Musset s’est contenté d’une historiette, très-émouvante, il est vrai, et fort bien écrite, mais il eût pu faire mieux.

pierre le Rouge, drame-vaudeville en trois actes, de Rougemont, Dupeuty et Antier (théâtre du Vaudeville, 12 octobre 1836). L’action commence en J789, dans le village de Mondragon, propriété du marquis d’Eiltragues. Pierre le Rouge, batteur en grange, ie coq de l’endroit, en dépit de la couleur peu avantageuse de ses cheveux, aime la petite Jeannette qui le paye de retour, sans s’effrayer du caractère violent du jeune paysan. La fermière Simonne, qui voit ces amours d’un mauvais œil, a recours au meunier Madré pour rompre une liaison qui la désespère. Grâce à une habile calomnie, Jeannette, se croyant trahie, consent à écouter le marquis d’Éntragues, qui la fait nommer rosière. Au moment du couronnement, Pierre apparaît furieux ; il foule aux pieds la couronne de sa maîtresse et, dans sa colère, se voyant traqué par les gardes et par les habitants do village, il frappe mortellement de son fléau un pauvre père de famille, le paysan Raiunbault, puis il se dérobe par la fuite ou sort qui l’attend. Quand le second acte commence, on est à la veille du 18 fructidor. Jeannette, devenue la citoyenne Cornélie, une des merveilleuses de 1 époque, est restée fidèle au marquis d’Entragues qui, rentré en France, sollicite sa radiation de la liste des émigrés. Un homme s’oppose à cette radiation ; c’est Pierre, devenu le secrétaire d’un des directeurs, Pierre qui aime toujours Jeannette. Le complot royaliste échoue et les deux rivaux sont frappés. D’Entragues, qui a fait partie du club de Clichy, esturrèié par ordre du Directoire, et Pierre, condamné à la déportation, part pour Siimamari. Le troisième acte se passe sous la Restauration. Pierre et Jeannette sont revenus à Mondragon, leur pays natal. L’ancien batteur ea grange est devenu sénateur, comte de l’Empire, millionnaire et a acquis le château d’Entragues. Depuis longtemps, il a chargé Madré de secourir en son nom la famille de Raimbault. 11 n’a pas non plus oublié Jeannette qui, devenue veuve du marquis d’Entragues, veut racheter le château de son mari. Pierre apprend que Madré a gardé pour lui l’argent qu’il devait donner à la famille Raimbault. Le misérable meunier le menace de le dénoncer s’il fait connaître son infâme conduite. Pierre prend alors une résolution héroïque. Il fait assembler tout le village, dont il est aimé et vénéré pour ses bienfaits, et il a le courage de se nommer. « Je suis Pierre le Rouge, le débauché ; Pierre le Rouge le meurtrier- j’ai tout tenté pour expier le