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constamment en campagne pour protéger la navigation. Mais toutes ces mesures, toutes ces précautions étaient insuffisantes ; on avait trop laissé grandir le mal pour qu’il fût possible de s’en débarrasser à si bon marché. D’ailleurs, le commerce et l’industrie n’avaient pas encore assez pénétré dans les masses ; les populations n étaient pas assez façonnées au joug de la civilisation, les guerres ressemblaient trop à de la piraterie pour que les âmes ardentes songeassent à trouver dans le négoce ou l’industrie une occupation convenable à la fougue de leur caractère. Dès lors, ce ne fut plus sur de frêles barques que les pirates coururent à leurs expéditions. Ils équipèrent des escadres nombreuses, que des chefs habiles dirigeaient, et tinrent ainsi la société en échec, profitant de ses dissensions intestines pour infester les côces ou pour piller en pleine mer. Les oiseau* de proie ne sont pas plus acharnés sur un cadavre. La Sicile, la Grèce, les îles de l’Archipel étaient sans cesse le théâtre de leurs exploits, et partout ils ne rencontraient qu’une faible résistance. Rome seule n’accorda jamais de quartier aux pirates. Aucun lien, aucun intérêt n’éveillait sa sympathie pour eux ; elle les poursuivait avec acharnement sur toutes les eaux, dans tous les pays ; car, si à Rome on ne faisait pas grand cas des commerçants, on aimait à profiter des avantages de leur industrie. Rome voulait toutes les gloires et tous les trésors et tenait il conserver intacts les éléments de sa grandeur et de son pouvoir ; eile ne tenait pas moins à la sûreté des marchands et des navigateurs qu’à lu dignité de ses consuls ; l’orgueil national était enté sur la politique, et Rome se serait crue offensée si la nacelle du dernier pécheur romain n’eût été respectée comme le sol de la république. La puissance maritime de Rome était loin cependant d’avoir atteint le degré de suprématie où était parvenue sa puissance continentale. L’armée romaine n’avait jamais subi de conditions humiliantes do l’ennemi ; la flotte les accepta, et les accepta des Carthaginois. Dans le traité conclu entre Rome

et Carthage, on stipula que ni les Romains ni leurs alliés ne dépasseraient ie cap Formose, à moins qu’ils n’y fussent poussés par la tempête ou que l’ennemi ne les poursuivît. Plus tard, Rome vengea son affront en ensevelissant ce traité sous les décombres de Car’ thage, et ie sceptre brisé de sa rivale lui revint par droit de conquête. Les factions de Sylla et de Marius faillirent cependant compromettre la puissance maritime de la République. Les pirates ciliciens, profitant des troubles qu’elles excitaient, quittèrent leurs cavernes, couvrirent de leurs vaisseaux’ la Méditerranée et portèrent sur ses coûtes la dévastation et l’effroi.

Ce fut à cette époque que Jules César, très-jeune alors, revenant de la cour de Nicomède, roi de Bithynie, tomba au pouvoir tle ces aventuriers dans le golfe de Pharmacusa. Sans son manteau de pourpre et la suite nombreuse qui l’accompagnait, ils auraient jeté à l’eau le prisonnier ; mais ils préférèrent le garder pour en tirer une rançon proportionnée à la condition du jeune Romain. Durant sa captivité, Jules César fit preuve de ce courage et de ce sang-froid qui ne l’abandonnèrent jamais. Les Ciliciens lui demandèrent S& talents pour sa délivrance. « Vous ne m’avez pas estimé ce que je vaux. Je vous en donne cinquante, » leur dit-il, ajoutant avec un sourire moqueur : « Vous ne tarderez pas h me les rendre. » Pendant tout le temps qu’il resta parmi eux, César conserva le môme enjouement, la même liberté ’ d’esprit ; il composait des vers, les récitait, proposait à ses familiers des problèmes à résoudre et menaçait sans cesse les pirates de les faire pendre, lorsqu’ils venaient par hasard l’interrompre dans ses études ou ses plaisirs. Enfin, la somme exigée pour la rançon arriva et César fut libre : « Merci 1 s’écria-t-il, mille fois merci, mes bons amis

de Milet, non de l’argent que vous m’avez envoyé, mais de l’occasion que je vous dois de tenir ma parole. • Peu de jours après, César, à la tète de quelques vaisseaux armés à la hâte, vainquit les Ciliciens, les captura et les conduisit à Pergame, où. il les fit mettre en croix pour ne pas manquer à sa parole. Cet exemple n’intimida pas les Ciliciens. Le désespoir et la vengeance redoublèrent leur courage ; ils reparurent sur la Méditerranée avec des forces encore plus imposantes. Ces ennemis de tous les peuples

avaient été encouragés par Mithridate, qui leur promit sa protection. Leur nombre s’accrut après la chute de Carthage, et, lors de la prise de Corinthe, leur pouvoir était devenu formidable ; ils possédaient sur tous les points des arsenaux, des ports, des tours, de belles et bonnes forteresses. Les gens perdus de tous les pays ainsi que des personnes de distinction s’associaient à eux. Les plus habiles pilotes gouvernaient leurs vaisseaux, vaisseaux a la poupe d’or, aux voiles de pourpre, aux rames incrustées d’argent, où les vins de Païenne et de Chypre coulaient à flots, où le mugissement des vagues était sans cesse dominé par la voix des chanteurs et les sons d’une musique voluptueuse. Et puis, quand cette flotte éclatante de dorures, éinaillée de mille couleurs, quittant Séleueie, qui L’aurait dit ? partout elle portait le deuil et la mort I C’était au milieu de leurs chants, de leurs orgies que les Cili PIRA

ciens attaquaient les villes, dépouillaient les sanctuaires et préludaient à la célébration du culte barbare de leur dieu Mithra. Ce fut alors qu’on introduisit la coutume, maintenué jusqu’à nos jours, chez les pirates, et désignée par l’expression de « passer le bord. » Elle consiste à faire monter le prisonnier sur le bord du navire et à le précipiter dans la mer s’il ne veut pas s’yjeter de bonne grâce. Chez les Ciliciens, ce supplice devenait une farce sanglante lorsque le malheureux qui allajt périr était Romain. Ce qu’il y avait de plus humiliant, remarque Plutarque, c’est le tour ridicule qu’ils donnaient à leur cruauté quand le prisonnier s’écriait : ■ Je suis Romain ! » À ce cri, tout l’équipage feignait d’être terrine ; ceux-ci-tremblaient, ceux-là tombaient à genoux, quelques-uns allaient jusqu’à lui apporter ses sandales, d’autres l’aidaient à passer sa toge, pour qu’on ne se méprît plus sur sa qualité de Romain. Le pauvre homme, voyant les pirates si soumis, si empressés à lui demander pardon, leur pardonnait une fois, mille fois ; mais lorsqu’ils avaient joué leur pantomime et qu’ils s’étaient bien amusés aux dépens du citoyen romain, ils le priaient poliment de quitter le navire, en lui souhaitant un bon voyage, et le jetaient à l’eau s’il ne s’y précipitait lui-même. Soit vengeance, soit que le butin fût plus riche et plus abondant, ces brigands infestaient sans cesse les côtes d’Italie ; ils brûlèrent la flotte romaine dans le port d’Ostie ; ils se rendirent maîtres de deux préteurs en costume, avec leur suite et leurs licteurs ; ils s’emparèrent de la fille d’Antoine, qui retournait à sa maison de campagne de Misène, après avoir assisté au triomphe dé son père ; et Rome elle-même fut menacée de la famine, parce qu’ils interceptaient les convois de grains. Enfin, Publias Servilius fut envoyé contre eux avec une escadre puissante et les mit en fuite. La Méditerranée resta libre tant que les galères de la république la sillonnèrent en tout sens ; mais sitôt qu’elles rentrèrent dans le port, les Ciliciens reprirent la mer avec une ardeur nouvelle, et de toutes parts on entendit encore leurs fanfares, leurs orgies et les cris de leurs victimes. Le préteur Marc - Antoine, fils de l’orateur et père du triumvir, homme sans caractère et sans énergie, fut chargé de réprimer leurs brigandages ; on l’investit du commandement suprême ce toutes les forces maritimes de la république ; mais il se borna à inquiéter l’escadre de Crète, qui finit par le battre et le força de signer une capitulation si déshonorante, qu’on lui donna par dérision le sobriquet de Crelicus. Marc-Antoine mourut de honte. Dès ce moment, l’audace des pirates ne connut plus de bornes ; ils pénétrèrent dans la mer d’Etrurie, coururent sur tous les navires et paralysèrent le commerce et la navigation des Romains. Le danger était imminent ; d’épouvantables brigandages avaient jeté l’alarme sur toutes les côtes. La république dut songer sérieusement à les réprimer, et Pompée fut chargé de cette importante "mission. Admirable effet d’un choix mérité I À peine le sénat eut-il publié le décret qui confiait à Pompée la dictature maritime, cinq cents navires furent équipés, et quarante jours après son départ de Rome, il n’existait plus un seul corsaire ni-dans la mer d’Etrurie, ni sur les. côtes d’Afrique, ni dans le voisinage des îles de Sardaigne et de Sicile. Les pirates se réfugièrent dans leurs rochers de Ctlicie, comme des aigles dans leur aire ; Pompée les y poursuivit, les combattit à outrance, fit 24,000 prisonniers, s’empara de 90 vaisseaux, de leurs villes et de leurs chantiers. Mais nous devons dire ici que Pompée se montra aussi profond politique que général habile. Il ne voulut pas sacrifier toute une nation ; cependant, comme il ne pouvait laisser à des masses si considérables la possibilité de s’armer encore une fois, il chercha k les rendre utiles en les éloignant des côtes. Le succès couronna la pensée du général romain ; la nouvelle colonie devint florissante, l’abondance régna partout, la tranquillité ne fut plus troublée, et ie prix des denrées diminua sur les marchés de la ville éternelle. Maintenir la paix dans le territoire des provinces romaines et utiliser les conquêtes en développant le commerce maritime fut toujours la politique des empereurs de Rome, devenus maîtres de la Méditerranée. Pour atteindre ce but, ils établirent des stations navales et des croisières ; mais, n’ayant pas d’ennemis à combattre, on laissa insensiblement les vaisseaux de guerre pourrir dans l’abandon, et bientôt la marine romaine, qui avait disputé à Carthage l’empire des mers, ne compta plus une. seule galère. La station du Bosphore, et c’était toute la flotte impériale quand Sévère assiégea Byzance, ne se composait en grande partie que de barques marchandes, naves oneraris}. Depuis cet événement, la flotte romaine ne figure ni dans la guerre à l’extérieur, ni dans les querelles intestines. Où était alors la piraterie ? Tandis que les Romains l’oubliaient, plongés dans un repos léthargique, grandissait presque à leur porte une nouvelle horde de pirates qui, sans ressources, sans connaissances nautiques, devenait de plus en plus formidable. C’étaient les Goths et les Vandales, peuples guerriers qui, après avoir stationné dans l’Ukraine, songeaient à s’emparer de la côte septentrionale du Pont-Euxin. Le succès qui couronna cette entreprise et l’accroissement rapide de

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leurs forces navales vinrent donner un stimulant nouveau à leur soif de conquêtes et d’aventures. On s’étonne cependant de leur audace, on est surpris de leurs succès en lisant la description des misérables navires dont ils se servaient pour réaliser leurs périlleuses conquêtes. Rien de plus léger, rien de plus frêle ; qu’on se figure une barque à fond plat, construite seulement de bois, sans la moindre addition de fer, ni pour fixer les planches, ni pour renforcer la carène ; ajoutez à cela une espèce de carrosse, tantôt cin—tré, tantôt angulaire, seul abri pour les passagers et les matelots contre la fureur des tempêtes et la rigueur des nuits. Eh bien 1 ce fut dans ces huttes flottantes que les Goths, enflammés par l’attrait du pillage, s’abandonnèrent à la merci d’une mer qu’ils ne connaissaient pas et au caprice de pilotes étrangers dont la science et la fidélité devaient leur être également suspectes. Trois expéditions successives réussirent du delà de leurs espérances. Les pirates du Nord saccagèrent

sans pitié un grand nombre de villes, coururent toute la Bithynie, subjuguèrent la Grèce et l’Archipel et firent trembler le Cnpitole. Rome ne dut son salut qu’à la vénalité des chefs et à leurs divisions personnelles. La passion du pillage avait été cependant trop exaltée chez ces peuples par une réussite constante, pour qu’ils renonçassent ainsi h leur système d’invasion. Les terribles barbares se ruèrent avec plus de fureur encore sur les côtes de l’empire. Mais cette fois leur course fut arrêtée par la bataille sanglante que leur livra ClaudiusGothieus. Les pirates combattaient pour le butin, les légions romaines pour la patrie ; Rome l’emporta sur le nombre et le désespoir (les barbares. La défaite des Goths fut complète ; ils laissèrent 50,000 morts sur le champ de bataille ; le reste tomba peu de temps après au pouvoir des vainqueurs, et leur flotte éprouva le même sort. Sous les empereurs Auielius et Probus, on fut encore obligé de réprimer la piraterie. Les désordres qui alors régnaient partout, le luxe et la richesse qui avaient énervé toutes las classes expliquent assez ces tentatives toujours renaissantes. Encore cette fois, les navires furent détruits et les brigands internés ; mais un certain nombre de Francs, auxquels on avait alloué des terres dans le Pont, résolurent de revoir à tout prix leur patrie. Après avoir surpris quelques bâtiments sur les bords de la mer Noire, ils commencèrent leur course à l’aventure avec l’audace du désespoir ; ils cinglèrent le long du Bosphore et de l’Hellespont et entrèrent dans la Méditerranée. Ces hommes ignoraient entièrement et l’art de la navigation et les mers qu’ils traversaient. Ils ne songèrent d’abord qu’à satisfaire leur haine contre les conquérants par des descentes capriciuuses, des brigandages et des cruautés inouïes ; puis, après avoir dévasté les côtes sans défense de l’Asie, de la Grèce et de l’Afrique, ils entrèrent dans l’océan Atlantique par les colonnes d’Hercule ; le canal des lies Britanniques les entraîna ensuite vers la Hollande, où ils débarquèrent pour se reposer de leurs fatigues. C’est probablement l’expédition des Francs, si glorieusement terminée, qui exalta l’imagination de Carausius et lui inspira le projet de s’emparer de lailotte romaine et d’exciter les Bretons à la révolte. N’est-ce pas aussi à ce voyage qu’où peut faire remonter l’origine de ces courses qui ont rendu si célèbres les rois de ?ner du moyen ûge ? Ce fut vers l’année 450 que les habitants de la côte septentrionale d’Afrique débuièrent dans la carrière qu’ils ont constamment poursuivie depuis lors jusqu’à la conquête d Alger. Fatigué de disputer tous les jours aux Suèves, aux Alains et aux Goths la partie de la péninsule ibérique dont il s’était rendu miître, Genséric avait passé la mer avec ses Vandales et chassé les Romains de l’ancien territoire de Carthage ; son ambition était loin d’être satisfaite. Ses, nouveaux sujets étaient habiles dans la navigation et dans l’architecture navale ; il n’eut qu’à montrer à ces audacieux Vandales que le nouveau système de guerre qu’il allait entreprendre rendait toutes les contrées maritimes accessibles à leurs armes, pour les décider à le suivie. Les Maures et les autres Africains furentséduits par l’espoir du pillage, et, après un intervalle de six siècles, les ports de Carthage lancèrent de nouvelles escadres, qui prétendirent encore une fois à la souveraineté de la Méditerranée. Ce fut ainsi que Genséric devint

chef des pirates. Il équipa une flotte nombreuse, et ses premières expéditions furent exécutées avec une toile activité qu’il dévasta, presque en même temps, tout le littoral de l’empire. Vers la même époque parurent les Saxons, peuple, dit-on, d’origine cimbrique. La pèche fut d’abord leur seule industrie ; mais les succès de leurs voisins leur tirent abandonner ces mœurs paisibles, et à leur tour ils infestèrent l’océan Germanique, l’archipel de la Grande-Bretagne et les côtes de la Gaule, qui pendant plus de deux cents ans restèrent ouvertes à leurs brigandages. L’esprit de piraterie était devenu èpidéiiiique dans le Nord ; il s’étendit même jusqu’aux femmes, et plusieurs d’entre elles se livrèrent avec enthousiasme aux fatigues et aux dangers de la vie maritime. Les côtes de la France lurent spécialement ravagées par ces aventuriers qu’on appela Normands et qui clouèrent ce nom comme un écrite :» ! do vengeance

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au front d’une des plus belles possessions de Charlemagne. Celui-ci, irrité de leur insolence, fit fortifier les embouchures des fleuves et ordonna la construction d’une flotta composée de quatre cents galères, les plus larges alors connues ; il y en avait qui comptaient jusqu’à cinq ou six bancs de rameurs. Mais au moment où ChaHemugne aurait pu tirer parti de ces ressources, l’invasion des Arabes l’appela dons les provinces méridionales de son empire. Quelque temps après, de nouveaux aventuriers normands, animés par le même esprit d’émigration et toujours dans l’intention de venger les injures faites à leurs aïeux, opérèrent une autre descente sur les côtes de France et pénétrèrent plus avant dans l’intérieur des terres. Les dissensions civiles qui tourmentaient alors ce pays en rendirent la conquête facile ; et qui d’ailleurs eût disputé le terrain à des hommes résolus à y fixer leur résidence ? Les descendants de Charlemagne étaient trop dégénérés pour le tenter. Déjà Louis le Débonnaire avait employé tous les moyens possibles pour se maintenir en bonne intelligence avec les conquérants, et il se dédommageait du sacrifice que la paix lui coûtait en essayant d’en convertir quelques-uns au christianisme.

Après le partage de l’empire entre les fils turbulents de Louis, les pirates profitèrent de l’anarchie qui régnait en France, pour recommencer leurs courses. Presque tous les

ans, vers la saison de l’été, ils s’élançaient dans leurs bateaux légers, remontaient la Seine, la Somme et la Loire, et ravageaient les meilleures parties de la France. En 845, ils arrivèrent jusqu’à Paris, saccagèrent cette ville et furent sur le point d’assaillir le camp royal do Saint-Denis ; mnis, ayant accepté une somme d’argent de Charles le Chauve, ils se portèrent sur Bordeaux. Un peu plus tard, ils retournèrent à Paris avec des forces plus considérables, saccagèrent de nouveau cette ville et mirent le feu à la magnifique abbaye de Saint-Germuin-des-Prés. En 881, Wailand, célèbre pirate normand, de retour d’Angleterre, prit ses quartiers à Givet, sur les bords de la Loire, pénétra jusque dans la Touraine, enleva les femmes et les filles, et distribua les garçons entre ses équipages

fiour les élever dans sa profession. Charles e Chauve, n’ayant pas des forces suffisantes à lui opposer, l’engagea, pour une somme de cinq mille livres d’argent, à déloger ses compatriotes, qui harcelaient dans ce moment

les alentours de Paris. Moyennant ce subside, "Wailand remonta la Seine avec une flotte de deux cent soixante voiles et attaqua les Normands au confluent de l’Oise. La résistance fut longue et opiniâtre, mais les Normands furent obligés de capituler et, après avoir payé six mille livres d’or et d’argent pour leur rançon, ils obtinrent la permission de se joindre à leurs vainqueurs. Défaits par Charles-Martel, les Arabes se retirèrent dans la péninsule espagnole, mais ils restèrent maîtres de toutes les lies de la Méditerranée. De là, leurs navires ne cessèrent d’infester les côtes de l’Italie et de menacer même l’empire d’Orient. Tandis que l’empereur Alexis était occupé à faire la guerre sur les bords du Danube, Zacehas, pirate sarrasin, courait l’Archipel avec une flottille de quarante brigantines. Rien ne résista aux armes de ce bandit : aussi, après s’être emparé de quelques îles, il se déclara souverain de Smyrne. Là, sa prospérité s’accrutencore ; Soliman, sultan de Nicêe, fils du grand Soliman, sollicita l’alliance de JSacchas et, pour la consolider, épousa sa fille en 1033. L’année suivante, le jeune Soliman, persuadé que son beau-père convoitait sus États, le poignarda de sa propre main. Quoi qu’il en soit, le succès de 2aechas dans les îles grecques montre assez que les empereurs d’Orient ne pouvaient ni les détendre ni les protéger contre les attaques des pirates. Sous Henri III. quoique Hugues de Burgh, gouverneur du château de Douvres, eut défait une escadre française, la marine anglaise était encore si peu considérable, que les Normands et les Bretons avaient à eux seuls plus de forces que les Cinq-Ports. Cependant ie goût de la piraterie était devenu si général, si contagieux, que partout on armait en course, on pillait, on volait, on brûlait. En 1244, les Cinq-Ports, qui, dans la querelle entre Henri III et ses barons, s’étaient d’abord montrés indifférents, finirent pnr épouser ouvertement la cause des nobles révoltés, et leur flotte, commandée par Simon de Montfort, incendia lu ville de Portsmouth. De là, oubliant le motif de leur armement, les rebelles s’abandonnèrent à des excès qui auraient ajouté à la réputation des plus effrontés pirates. Malheur au navire étranger qu’ils rencontraient 1 malheur aux navires anglais I Les armateurs des Cinq-Ports s’emparaient de tout en véritables rois de mer, et leurs succès attirèrent bientôt dans cette carrière une foule d’imitateurs. Il se forma sur lescôtes du Lincolnshire uns bande de pirates qui, prenant possession de l’Ile d’Ely, établit là un arsenal, pour mieux diriger ses courses contre les pays adjacents. Un nommé Guillaume Marshal fortifia l’île de Lundy, h l’entrée de la Severn, et commit des brigandages si atroces qu’il fallut armer une escadre pour le soumettre, Marshal fut exécuté à Londres ; mais cet exemple ne fit pas cesser lu piraterie. Les forces navales de l’empire étaient insuffisantes pour réprimer tous les attentats des corsaires. Les croisades vinrent