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mait surtout l’architecture, dont il avait étudié les principes. Aucun prince n’a donné autant de preuves de goût et de magnificence sous ce rapport. « Philippe récompensait avec une grande générosité le talent des artistes comme le dévouement de ses serviteurs. Contrairement à son père, il était généreux, très-sobre et d’une grande simplicité dans ses vêtements.

« Philippe II, dit M. Mignet, fit plus qu’épuiser les ressources matérielles d’un pays dont Charles-Quint avait brisé les ressorts moraux. Il éteignit la royauté, comme son père avait éteint la nation. Il la séquestra dans une solitude abrutissante. Il la rendit invisible, sombre, hébétée ; il ne lui fit connaître les événements que par des rapports, les hommes que par des défiances. Il porta si loin le soupçon, qu’il éleva son fils dans la crainte et dans l’isolement. Il ne lui permettait pas de s’entretenir avec sa fille, à laquelle seule il se confiait et qui seule soulageait sa vieillesse accablée d’infirmités et de revers. Au moment où il fallut quitter la puissance qu’il avait voulu étendre et qu’il avait craint de perdre, il rejeta sur la Providence son propre ouvrage, l’incapacité de son fils. Ce prince, qui avait appris la victoire de Lépante sans que son visage exprimât un mouvement de joie et à qui la ruine de son Armada n’avait pas arraché un regret, pleura sur l’avenir de la monarchie espagnole. Voilà où il en était arrivé après une longue vie, où il n’avait cessé de se montrer plein d’une activité que rien ne pouvait lasser. » De son premier mariage, il avait eu un fils, don Carlos, et de sa quatrième femme, Anne d’Autriche, Philippe III, qui lui succéda.

— Iconogr. Le peintre favori de Philippe II fut le Hollandais Antonis de Moor (Antonio Moro), qui fit un assez long séjour en Espagne ; le roi le traitait avec une familiarité qui faillit amener un dénoûment tragique. Se trouvant un jour en gaieté (il avait sans doute reçu de bonnes nouvelles du duc d’Albe), cet aimable souverain frappa de sa griffe sur l’épaule d’Antonio. Celui-ci, qui était en train de peindre, riposta avec son appui-main. Peu s’en fallut que l’audacieux artiste ne fût brûlé vif pour un pareil sacrilège. Il échappa à l’inquisition en quittant l’Espagne et regagnant son pays. Carel van Mander termine le récit de cette anecdote par cette réflexion : « Il est toujours dangereux de toucher le lion. » Mais le mot n’est pas juste, a dit W. Bürger : Philippe II n’est pas un lion, c’est une bête de cimetière et de tombeaux. Le musée de Madrid possède un portrait en buste de Philippe II par Ant. Moro ; il y en a un autre dans la collection de lord Spencer, qui a figuré à l’exposition de Manchester en 1857. C’est par Charles-Quint qu’Antonio Moro avait été appelé en Espagne, sur la recommandation du cardinal Granvelle ; le Louvre possède le portrait qu’il fit du nain de cet empereur. Il exécuta aussi pour ce prince diverses copies d’après le Titien. Ce dernier maître lui-même nous a laissé d’admirables portraits de Philippe II. Un des plus beaux appartient au musée de Naples : le roi est jeune, il a les cheveux bruns et courts, les moustaches et la barbiche blondes ; il est en pied et debout, vêtu d’un pourpoint blanc brodé d’or et d’un petit manteau bleu, également brodé d’or et garni de fourrures ; de sa main gauche, qui est baissée, il tient des gants ; de la droite, il joue avec le manche d’un poignard. Ce portrait, d’une couleur chaude et harmonieuse, est signé en lettres majuscules : Titianus Eques Cae… F. Il y en a, au palais Pitti, à Florence, une répétition que l’on croit être le tableau dont l’auteur fit présent à Cosme Ier, au dire de Vasari ; l’exécution en est moins ferme que celle du chef-d’œuvre de Naples. Le musée de Madrid a un portrait en pied de Philippe II, par le Titien, dont le coloris a conservé tout son éclat : le fils de Charles-Quint est ici revêtu de son armure ; il appuie la main gauche sur la garde de son épée et la droite sur son casque qui est posé sur une table recouverte d’un tapis. Dans une autre peinture du Titien, Philippe II, coiffé d’une toque et coquettement vêtu, est assis sous une espèce de tente, au milieu d’un riche paysage ; il joue de la guitare et contemple sa maîtresse étendue près de lui, entièrement nue, accoudée sur des coussins, tenant une flûte et couronnée par l’Amour ; cette femme à demi couchée a des appas opulents et des carnations splendides ; elle serait digne de donner la main à la célèbre Venus au petit chien du musée des Offices. Cette toile a appartenu à Christine de Suède, au duc d’Orléans, à lord Fitz-William ; celui-ci la paya 25,000 fr. (prix qui serait probablement décuplé aujourd’hui) et la légua à l’université de Cambridge. Elle a été gravée par J. Bouillard, dans la Galerie d’Orléans, par Réveil, etc.

Au Louvre est un tableau de Pâris Bordone qui passe pour représenter Philippe II et son précepteur : les deux personnages portent la main sur un globe, « symbole de la vaste domination à laquelle Philippe était appelé, ou de sa grande aptitude aux mathématiques, » dit le catalogue. Un portrait de Philippe II, par F. Porbus, date de 1565, a figuré à la vente Soret, en 1863. Le musée de Madrid a un portrait équestre de Philippe II couronné par la Victoire, de Rubens, et un Philippe II âgé, vêtu de noir et tenant un chapelet à la main, peint par Juan Pantoja de La Cruz. Des portraits de ce roi ont été gravés par Abr. de Bruyn, P. de Jode le jeune (d’après le Titien), Robert Gaillard, Augustin Carrache, Fr. Bouttats, Th. de Leu, Giovanni Orlandi, Giulio Bonasone, Alph. Boilly, etc. Au musée de Florence est un portrait de Philippe II, gravé sur camée, attribué à Jacopo da Trezzo.

Jollivet a exposé au Salon de 1834 un tableau représentant Philippe II à l’Escurial, quelques jours avant sa mort.

Philippe II (HISTOIRE DU RÈGNE DE), par Prescott (1854-1858, 3 vol.). Philippe II est un de ces despotes qui ont gravé leur image détestée sur le siècle où ils vécurent. Élucider par une critique sagace les événements et las questions qui agitèrent le règne de Philippe II et son siècle, en faisant ressortir l’insignifiance de l’homme qui prétendait dominer les uns ou résoudre les autres, telle est la tâche entreprise par Prescott. Son plan embrassait toute l’histoire de l’Europe occidentale durant la seconde moitié du XVIe siècle ; mais, par malheur, l’historien n’a pas eu le temps de terminer son entreprise. Il a laissé son œuvre interrompue, avant d’avoir raconté la formation de la république de Hollande et l’expédition de l’Invincible Armada.

Tel qu’il est, l’ouvrage de Prescott est devenu un livre célèbre. Comme dans ses travaux antérieurs, on reconnaît son talent de composition, la fusion habile des matériaux, l’art du récit, un esprit libéral, la recherche constante de la vérité. Les critiques français, anglais et autres ont placé l’Histoire de Philippe II au rang des meilleures narrations.

Un historien anglais, M. Stirling, a caractérisé le talent et les facultés littéraires de l’illustre historien américain. « Son exactitude et sa consciencieuse étude des autorités, premiers éléments du mérite d’un historien, sont universellement reconnues. On a exprimé le doute, et il est douteux en effet peut-être, que sa faculté d’analyse philosophique fût égale à son habileté d’arrangement synthétique. Discerner le mobile des actions humaines n’est pas moins essentiel à l’historien que l’art de colliger les faits et de colorer les événements. C’était à ce dernier art qu’aspirait plus spécialement Prescott. Il a peu de rivaux ; très-peu d’égaux parmi les historiens qui ont écrit en anglais… Les chapitres de Preseott sur les mœurs et la littérature ne sont pas moins pittoresques que ses récits des événements contemporains, dont ces chapitres sont le commentaire vivant. Parmi les modernes historiens, il est un des premiers qui ont reconnu et mis en relief l’importance de ce genre d’éclaircissement, trop négligé par ses prédécesseurs immédiats. » Prescott indique ses sources et contrôle, pièces en main, les témoignages de toutes ses principales autorités. L'Histoire de Philippe II a été traduite en français (1861, 3 vol. in-8o),

Philippe II, tragédie d’Alfieri (1774). Alfieri a suivi la tradition historique jusqu’alors acceptée et que Schiller a également mise en scène dans son Don Carlos ; cette tradition, qui faisait du jeune prince le rival heureux de son père et expliquait ainsi sa mort tragique, a été démontrée depuis absolument fausse. C’est dommage, car elle offrait aux poètes un drame tout fait, et Alfieri en a tiré des scènes d’une grande beauté. Il a présenté avec une effrayante vérité la profonde dissimulation du monarque espagnol, et l’a conduit jusqu’à la fin de la pièce sans lui avoir fait révéler à personne sa secrète pensée. Il était dans la nature d’Alfieri de peindre ce tyran, le plus sombre des temps modernes, et l’amour voilé de son fils don Carlos pour Isabelle. Philippe a surpris l’aveu de leur amour : sa vengeance est résolue, et ses sinistres monosyllabes sont trop bien compris par son ministre, le lâche et fourbe Gomez, et par l’inquisiteur Léonard, hypocrite féroce. Les prétextes ne manquent pas à ces scélérats ; un conseil est rassemblé où les accusations de trahison et d’hérésie sont portées contre don Carlos. Seul entre tous les courtisans de cette cour servile, Perez, l’ami du jeune prince, prend sa défense et s’adresse au roi avec une audace courageuse qui contraste heureusement avec la bassesse des autres. Don Carlos est jeté dans un cachot, sa mon est décidée, mais ce n’est pas assez. Gomez tend un piège infâme à Isabelle et, en lui promettant le salut du jeune prince, il l’introduit dans sa prison. C’est là qu’est la scène du cinquième acte ; Philippe jouit enfin de sa vengeance ; il tient les deux coupables dans ses filets. Carlos essaye de justifier Isabelle, mais elle rejette toute excuse ; elle désire la mort pour sortir de cet horrible palais ; elle provoque Philippe par des discours outrageants, et de nouveau Alfieri met ses propres sentiments, sa propre haine des tyrans dans la bouche de ses personnages. Gomez revient et rapporte, avec une coupe, un poignard ; Philippe offre le choix aux deux amants entre le fer et le poison. Carlos choisit le fer et se poignarde ; Isabelle se félicite de mourir, et Philippe, pour mieux la punir, la condamne à vivre ; mais elle arrache au roi son poignard et se tue à son tour. Il y a, du roi à Gomez et de Gomez au roi, des mots superbes de concision et de férocité. César Cantù, après avoir remarqué que la vérité historique est entièrement sacrifiée dans cette pièce, ajoute : « L’auteur lui-même a jugé très-sévèrement cette tragédie ; il dit que les passions n’y sont pas susceptibles de cet ardent développement qui seul fait excuser les atrocités sur la scène ; c’est pourtant la même action qui attendrit et terrifie dans le Don Carlos de Schiller. Ce qui fait la force de celle d’Alfieri, ce sont les réticences, les mots concis et les passions qu’il laisse deviner plutôt qu’il ne les exprime, ce qui répond bien au caractère historique de cette cour. » De son côté, Sismondi, comparant avec cette pièce terrible le Don Carlos de Schiller, s’exprime ainsi : « Le poète allemand a bien mieux représenté les mœurs de la nation, le temps, les circonstances ; mais il est resté fort au-dessous d’Alfieri dans le caractère même de Philippe ; il l’a dépouillé de toute cette terreur qui tient au sombre et inscrutable silence dont ce tyran s’environnait. C’est un coup de maître d’Alfieri que d’avoir donné à Philippe un confident auquel il ne dit rien, même au moment où il l’introduit dans ses secrets. Le concert muet de Gomez, de Léonard et du roi pour le crime excite ta plus profonde terreur ; tandis que Schiller a donné à son Philippe de l’ouverture de cœur, qu’il lui en a donné même pour le marquis de Posa, dont le caractère tout allemand ne pouvait jamais s’accorder avec celui du roi. »


PHILIPPE III, fils du précédent, roi d’Espagne, né à Madrid en 1578, mort dans la même ville en 1621. Il monta sur le trône en 1598. La nature lui avait refusé tous les vices énergiques de son terrible père, ce qui ne l’empêcha pas de commettre de grandes fautes et de hâter la décadence de sa patrie. D’un caractère faible, apathique et irrésolu, il ne régna pas, mais vécut sous deux ou trois favoris, rusés, intrigants, habiles même dans le mauvais sens du mot, mais incapables de porter le pesant héritage de Charles-Quint, tombé aux mains d’un roi p|us inepte que Louis XIII, et dont les favoris étaient loin d’avoir le génie de Richelieu. Le duc de Lerme, premier ministre, continua la guerre contre les Provinces-Unies, qu’on s’obstinait à considérer comme en état de révolte ; mais, en 1609, il se vit forcé de signer une trêve de douze ans. Faiblesse et violence, tel est le signe des États en décadence. Philippe le prouva bien en publiant, vers la même époque, un édit qui chassait définitivement d’Espagne les descendants des Maures. Après la conquête de Grenade par Ferdinand le Catholique, ces Maures avaient forcément embrassé le christianisme ; ils formaient une masse de population soumise, industrieuse, cultivant admirablement la terre et enrichissant l’État ; mais le fanatisme espagnol ne leur pardonnait pas leur origine. Leur expulsion (mesure qui ne manque pas d’analogie avec la révocation de l’édit de Nantes) fut, au reste, fatale à la péninsule, qui perdit près d’un million de ses habitants les plus industrieux et ruina son agriculture et son industrie. Ceux de ces malheureux qui refusaient d’abandonner leur patrie furent traqués comme des bêtes fauves et massacrés ; on ne garda que les enfants au-dessous de sept ans, qu’on fit vendre comme esclaves, après, toutefois, qu’on leur eut administré le baptême, sollicitude bien étrange dans un pareil moment ! La preuve la plus caractéristique des misères de l’Espagne après l’exécution de ces mesures ineptes et barbares, c’est l’édit, rendu par le roi, qui accordait la noblesse et l’exemption de guerre à ceux de ses sujets qui cultiveraient la terre. Cette misère était encore accrue par des variations continuelles sur les monnaies et des impôts écrasants sur les denrées et les matières premières. En 1612, une alliance avec la France donna pour épouse à Louis XIII l’infante Anne d’Autriche, fille de Philippe III ; celui-ci mourut en 1621. Au milieu de sa décadence, l’Espagne conserva encore sa gloire artistique jusque sous le règne suivant.

— Iconogr. Velazquez a fait un magnifique portrait équestre de Philippe III, qui est au musée de Madrid. Le roi, à l’air grave et stupide, couvert d’une cuirasse, ayant une écharpe rouge en sautoir, une fraise au cou et un petit chapeau noir sur la tête, galope le long de la mer sur un cheval blanc à la crinière abondante, Il se tient sur sa monture avec l’aisance d’un homme qui, suivant les historiens de son temps, se distingua dans sa jeunesse par son aptitude aux prouesses du manège. Le tableau, peint en 1631, après la mort de Philippe III, est d’une couleur extrêmement puissante ; il a été gravé à l’eau-forte par Goya et lithographie par J. Jollivet. Au palais Durazzo, à Gênes, est un portrait de Philippe III par Rubens : le souverain, vêtu de noir et décoré de la Toison d’or, appuie la main gauche sur la garde de son épée. Des portraits de ce même prince ont été gravés, d’après Rubens, par P. de Jude le jeune et Meyssens.


PHILIPPE IV, roi d’Espagne, fils et successeur du précédent, né en 1605, mort en 1665. Il succéda, en 1621, à son père, sous la tutelle de ce présomptueux comte d’Olivarès, dont la puissance fut si fatale à l’Espagne. La trêve conclue avec les Provinces-Unies étant expirée, la guerre fut reprise et conduite avec avantage par Spinola ; mais, en 1628, les Hollandais remportèrent une victoire complète ; l’Espagne perdit définitivement ces provinces, dont elle fut forcée de reconnaître l’indépendance au traité de Munster (1648). Philippe eut à se défendre ensuite contre la ligue formée par Richelieu pour l’abaissement de la maison d’Autriche et perdit plusieurs provinces importantes : la Catalogne, l’Artois et, par suite du traité des Pyrénées (1659), le Roussillon, quatorze villes de la Flandre, du Hainaut et du Luxembourg et ses droits sur l’Alsace. En même temps, le Portugal se soulevait (1640) et recouvrait pour toujours une indépendance qu’il affermit par de brillantes victoires. Les morts vont vite : la puissante monarchie fondée par le génie de Charles-Quint était tombée en moins d’un siècle et demi au rang de puissance secondaire et devait s’amoindrir encore sous l’imbécile Charles II. Philippe IV avait un caractère faible et était trop livré à la mollesse ; néanmoins, il possédait des qualités estimables, était humain, affable, bienfaisant, généreux, s’entourait de lettrés et d’artistes, cultivait secrètement les lettres ; il composa, dit-on, quelques pièces de théâtre. De sa première femme, Élisabeth de France, fille de Henri IV, il eut Marie-Thérèse, qui épousa Louis XIV en 1660, et de sa seconde femme, Marie-Anne d’Autriche, Charles II, qui lui succéda, deux autres fils et deux filles.

— Iconogr : Philippe IV a eu l’honneur d’être peint par deux des plus grands maîtres de l’art moderne, par Rubens et par Velazquez. Rubens a fait de lui deux portraits équestres : l’un est à l’Escurial ; l’autre fait partie de la collection royale d’Angleterre ; celui-ci représente le souverain revêtu d’une brillante armure et couronné par la Victoire. Au musée de Munich est un portrait à mi-corps qui représente Philippe IV, vêtu de noir, avec un manteau de velours, décoré de l’ordre de la Toison d’or et appuyant la main gauche sur la garde de son épée ; cette peinture a été gravée par P. Pontius, par Jacob Louis et par Viennot ; elle a été exécutée par Rubens pour faire pendant au portrait d’Élisabeth de Bourbon, femme de Philippe IV, qui appartient également au musée de Munich. Des répétitions de ces deux tableaux ont été achetées en Allemagne en 1827 et importées en Angleterre par M. Murch. Un autre portrait de Philippe IV, par Rubens, fait partie de la galerie Suermondt, à Aix-la-Chapelle.

Recommandé à Philippe IV par le comte-duc d’Olivarès, Velazquez exécuta en 1623 le portrait de ce monarque. M. Stirling, dans le savant ouvrage qu’il a consacré au grand maître espagnol, rapporte que ce portrait fut, en vertu d’une permission royale, exposé, un jour de fête, dans la Grande-Rue de Madrid, excita l’admiration de la foule et devint l’objet de la jalousie des autres peintres. Velazquez, se mêlant au public, entendit en plein air, comme les artistes de la Grèce, les louanges que l’on donnait à son talent. Le roi fut charmé de la reproduction de son auguste personne ; la cour partagea l’enthousiasme du monarque. Plusieurs poètes, entre autres Velez de Guevara et Gonzalez de Villanueva, célébrèrent l’œuvre de Velazquez, et Olivarès, fier de son protégé, déclara que c’était la première fois que le portrait du souverain avait été fait. Cette assertion, tombant des lèvres d’un ministre tout-puissant et qui passait pour être connaisseur, dut être aussi flatteuse pour l’artiste que mortifiante pour Carducho, pour Caxes et pour les autres peintres espagnols qui avaient déjà entrepris de fixer sur la toile les traits de Philippe. Le roi lui-même alla jusqu’à annoncer son projet de réunir tous ces vieux portraits afin de les détruire ; il accorda à l’artiste la somme de 300 ducats, fort considérable pour l’époque. Émule d’Alexandre le Grand et de Charles-Quint, et croyant avoir rencontré un nouvel Apelle ou un second Titien, il décida que nul, si ce n’est Velazquez, n’aurait désormais le privilège de reproduire sa physionomie sur la toile. « Il paraît, ajoute M. Stirling, avoir été plus fidèle à cette résolution qu’il ne le fut à ses vœux de mariage, car il ne s’en écarta que deux fois durant la vie de Velazquez, une fois en faveur de Rubens, l’autre en faveur de Crayer. » On ne sait ce qu’est devenue cette première peinture de Philippe IV par Velazquez ; quelques auteurs pensent que c’est le magnifique portrait équestre qui est au musée de Madrid ; mais, en 1623, Philippe IV, âgé de dix-sept ans, ne pouvait guère avoir les moustaches aussi fortes qu’il les porte dans ce portrait. Avant celui-ci, il faut évidemment placer le portrait de Philippe IV en costume de chasse, que l’on voit également au musée de Madrid : le jeune roi, en pied et debout, est arrêté près d’un arbre, il a des gants de chamois, un col empesé, des hauts-de-chausses d’un gris verdâtre, les manches de son pourpoint noir brodées d’argent ; il est coiffé d’une espèce de casquette et tient de la main droite une escopette. À ses pieds est un chien. « On pourrait prendre la tête de ce monarque pour une caricature, dit M. Lavice (Musées d’Espagne, p. 194), tant les lèvres et le menton, trop charnus, sont lourds et inintelligents. Son teint blafard n’annonce pas, du reste, une constitution bien saine. » Ce portrait a été lithographie par J.-A. Lopez. Il y en a au Louvre une répétition que certains connaisseurs croient être une copie exécutée par Mazo del Martinez, gendre de Velazquez. Une autre répétition ou copie figure dans la collection du colonel Hugh Baillie, en Angleterre.

Le Portrait équestre de Philippe IV, par Velazquez, qui est au musée de Madrid, est