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Douze vertus d’un bon maître ; Sujets d’examen particulier à l’usage des frères des écoles chrétiennes, etc. Enfin, il a édité les Méditations du vénérable J.-B. de La Salle (1858, in-8o). Horace Vernet a fait le portrait du frère Philippe (v. plus bas) et, après sa mort, le sculpteur Oliva a exécuté un excellent buste du directeur général des frères.

Philippe (portrait du frère), par Horace Vernet. On a fait grand bruit autour de ce portrait, qu’ont popularisé la gravure et la lithographie. Les frères de la doctrine chrétienne, désirant posséder le portrait du général de leur ordre, s’adressèrent à Horace Vernet, qui refusa leur argent et ne voulut accepter d’eux qu’un crucifix en ivoire. Le portrait fut exposé au Salon de 1845, où il fit fureur. Le sujet prêtait ; la bonhomie et la simplicité de cette figure, qui rappelle celle de saint Vincent de Paul, l’austérité du vêtement, tout invitait à un chef-d’œuvre. Sans être un chef-d’œuvre, le portrait exécuté par Horace Vernet compte parmi ses meilleurs morceaux. La tête est empreinte d’une bonhomie fine ; l’attitude est pleine de simplicité et les tons dorés de la peinture sont d’un effet agréable. On pourrait souhaiter plus d’élévation dans le style ; toutefois, M. Edmond About s’est montré trop sévère lorsqu’il a dit : « Le style, qui manque absolument, a été remplacé par une chaussure caractéristique et une célèbre lézarde dans la muraille. »


PHILIPPE D’ARTOIS, comte d’Eu, connétable de France, mort en Turquie en 1397. Il prit part à la prise de Bourbourg (1383), au siège de Tunis (1390), tomba entre les mains des musulmans pendant un voyage en terre sainte, dut sa liberté au maréchal de Boucicaut et devint connétable après la destitution d’Olivier de Clisson (1393). Par la suite, le comte d’Eu fit la campagne de Hongrie contre les Turcs, contribua par son imprudence et par sa présomption à la défaite qu’éprouva l’armée française à Nicopotis, fut alors fait prisonnier et conduit en Turquie, où il mourut au moment où il allait recouvrer sa liberté.


PHILIPPE DE CHAMPAGNE, célèbre peintre. V. Champagne.


PHILIPPE DE DREUX, évêque de Beauvais, fameux par ses exploits guerriers, mort en 1217. Il était petit-fils de Louis le Gros et fils de Robert de France, comte de Dreux, se croisa pour la terre sainte et suivit ensuite Philippe-Auguste dans la guerre contre les Anglais. Fait prisonnier vers 1197, il fut réclamé par le pape Innocent III. Richard d’Angleterre, pour toute réponse, envoya au pontife la cotte d’armes ensanglantée du vaillant évêque, avec ces mots des frères de Joseph à Jacob : « Voyez, père, si vous reconnaissez la tunique de votre fils. » Le pape, reconnaissant que l’évêque avait quitté la milice de Jésus-Christ pour celle des hommes, n’insista plus. Philippe de Dreux se trouva plus tard à la bataille de Bouvines, où il tua le comte de Salisbury d’un coup de masse d’armes, ne voulant pas, par un scrupule étrange, à cause de sa qualité d’ecclésiastique, se servir d’armes tranchantes. Il combattit encore en Languedoc contre les albigeois et mourut à Beauvais en 1217.


PHILIPPE-ÉGALITÉ, duc d’Orléans. V. Orléans.


PHILIPPE DE GRÈVE, théologien français, né à Paris, mort en 1237. Devenu chancelier de l’Église de Paris en 1218, il se montra d’une intolérance extrême envers l’Université, qui lui paraissait trop indépendante, suspendit les cours de divers professeurs, les excommunia et fit emprisonner leurs élèves. L’Université en appela au pape, qui appela Philippe à Rome et le conserva dans sa charge, après lui avoir recommandé de remplir ses fonctions avec plus de modération. Vers 1224, avec sa fougue ordinaire, il s’engagea dans un procès contre les religieux mendiants ; mais encore une fois le pape lui fit de sévères réprimandes. Lors des troubles qui eurent lieu dans l’Université de Paris en 1229, Philippe prit la fuite, puis revint occuper sa charge et ne cessa de lutter contre les progrès de l’enseignement libre. On lui attribue une Somme de théologie restée manuscrite et trois recueils de Sermons, dont l’un a été imprimé à Paris en 1533 sous le titre de Super psaltericum.


PHILIPPE DE KERHALLET (Charles-Marie), marin et hydrographe français, né à Rennes en 1809, mort en 1869. Élève de l’École navale d’Angoulême en 1825, il en sortit en 1827, devint enseigne en 1832, lieutenant de vaisseau en 1837 et fut promu capitaine de vaisseau en 1856. Pendant ses campagnes dans le Levant, l’Afrique, le golfe du Mexique, à Cayenns, à Terre-Neuve, au Sénégal, M. Philippe a fait un grand nombre d’observations qui lui ont servi à rédiger les ouvrages suivants : Instructions pour remonter la côte du Brésil depuis San-Luis-de-Maranhâo jusqu’au Para (Paris, 1841, in-8o) ; Description nautique de la côte occidentale d’Afrique depuis le cap Roxo jusqu’aux îles de Los (Paris, 1849) ; Instructions pour entrer et naviguer dans le fleuve de Cazamance (1850, in-8o) ; Description des archipels des Canaries et du Cap-Vert (1851, in-8o) ; Manuel de la navigation à la côte occidentale d’Afrique (1851-1852, 3 vol. in-8o) ; Considérations générales sur l’océan Atlantique (1852, in-8o) ; Considérations générales sur l’océan Indien (1851-1853, in-8o) ; Considérations générales sur l’océan Pacifique (1853, in-8o) ; Manuel de navigation dans la mer des Antilles et dans le golfe du Mexique (2 vol. in-8o), avec M. Vincendon-Dumoulin : Manuel de la navigation dans le détroit de Gibraltar (1857, in-8o) ; Description nautique des îles du Cap-Vert (1858, in-8o) ; Description de l’archipel des Açores (1851-1858, in-8o).


PHILIPPE DE MONS, compositeur de musique, né à Mons vers 1521, Il fut un des grands musiciens de la fin du XVIe siècle. Il n’eut pas de rival pour la pureté de l’harmonie et la noblesse du style. À la recommandation de son compatriote Roland de Lassus, il fut admis dans la chapelle de l’empereur Maximilien II, dont il prit la direction après la mort de N. Gombert, et reçut en 1572 un canonicat au chapitre de Cambrai. On a de lui deux recueils de Messes (Anvers, 1557-1588, 2 vol. in-fol.) ; des Motets (Ingolstadt, 1569-1574, in-4o) ; des Madrigaux à cinq et à six voix (Venise, 1561-1592, in-4o) ; des Chansons françaises à cinq, six et sept parties (Anvers, 1575, in-8o) ; les Sonnets de Ronsard mis en musique (Louvain, 1576, in-4o).


PHILIPPE DE NAVARRE ou DE NAVAIRRE, jurisconsulte, né probablement en Navarre vers la fin du XIIe siècle. Il assista au siège de Damiette en 1218, joua un rôle assez important dans la guerre civile qui eut lieu, de 1228 à 1232, entre l’empereur Frédéric et les sires de Beyrouth au sujet de la tutelle du jeune roi de Chypre, refusa de prêter serment aux administrateurs nommés par Frédéric II, fut emprisonné, se réfugia chez les hospitaliers de Saint-Jean après avoir recouvré la liberté et s’y maintint jusqu’à la bataille de Nicosie, gagnée par le sire de Beyrouth. Philippe assista ensuite au siège de Buffavento, fut chargé du gouvernement du royaume de Chypre lorsque Jean d’Hélin alla en Syrie repousser une armée d’aventuriers qui menaçait le château de Beyrouth, défendit l’île contre les attaques des troupes impériales, se distingua à plusieurs sièges et fut chargé par le roi de Chypre de signer la paix à la suite de laquelle les Lombards évacuèrent l’île. Philippe, comme jurisconsulte, avait longtemps plaidé devant la haute cour. Il écrivit un traité de jurisprudence intitulé Traité des us et coutumes d’outre-mer, en 86 parties, lequel acquit une très-grande autorité et où l’on trouve un tableau fidèle des mœurs du temps. On lui doit, en outre, un traité de morale intitulé : les Quatre temps d’âge d’homme. Il écrivit encore des poésies et des mémoires qui ne sont pas parvenus jusqu’à nous.


PHILIPPE D’ORLÉANS. V. ORLÉANS.


PHILIPPE DE PRÉTOT (Étienne-André), littérateur français, né à Paris vers 1705, mort en 1787. Il s’adonna à l’enseignement, fit des cours gratuits d’histoire et de géographie et devint censeur royal. Sous le voile de l’anonyme, il a publié plusieurs ouvrages élémentaires, concis et bien faits, qui néanmoins ont été surpassés depuis. Nous citerons : Analyse chronologique de l’histoire universelle (1752, in-8o) ; Mémoires sur l’Amérique et sur l’Afrique (1752, in-4o) ; Tablettes géographiques pour l’intelligence des historiens et des poètes latins (1755, 2 vol. in-12) ; Cosmographie universelle (1760) ; Révolutions de l’univers (1763). Il a été un des principaux auteurs de (Atlas universel (1787, in-4o).


Philippe-du-Roule (ÉGLISE Saint-). En 1699, sur les instances des habitants du village du Roule, l’archevêque de Paris érigea en paroisse, sous l’invocation de saint Jacques et de saint Philippe, l’ancienne chapelle de la maladrerie située dans ce village. En 1722, le Roule devint un faubourg de Paris ; la population de ce quartier s’accrut rapidement et il fallut songer à reconstruire, sur un plan plus vaste, l’église qui le desservait. Le nouvel édifice, commencé en 1769, fut terminé en 1784, sur les dessins de Chalgrin. Saint-Phi)ippe-du-Roule doit être compté au nombre des meilleurs ouvrages de cet architecte ; cette église présente la forme des anciennes basiliques chrétiennes ; le porche, élevé sur un perron de sept marches, est orné de quatre colonnes d’ordre dorique romain, soutenant un fronton triangulaire, dans lequel Duvet a sculpté la religion et ses attributs. Deux rangées de six colonnes d’ordre ionique séparent la nef des bas côtés et soutiennent une voûte en bois très-remarquable, décorée de caissons. Le maître-autel, isolé à la romaine, s’élève sur quelques marches au fond du sanctuaire. À l’extrémité de chacun des deux bas côtés, à droite et à gauche du chœur, se trouvent deux chapelles, dont l’une est dédiée à la Vierge et l’autre k saint Philippe.


Philippe, vaudeville en un acte, de MM. Scribe, Mélesville et Bayard (théâtre du Gymnase, 19 avril 1830). Mlle d’Harville, pour échapper, en 1793, à une mort certaine, s’est réfugiée sous la tente du soldat Philippe. Elle était jeune, elle aima son défenseur et l’épousa secrètement. Un fils, nommé Frédéric, est né de cette union. Quand la pièce commence, Mlle d’Harville a quarante ans et l’orgueil nobiliaire a étouffé chez elle les sentiments de l’épouse et de la mère. Philippe est son intendant et Frédéric passe pour un orphelin qu’elle a recueilli par charité. Le vicomte de Beauvoisin et Mathilde, neveu et nièce de Mlle d’Harville, vivent aussi près d’elle. Frédéric aime Mathilde, qui le paye de retour. Mais le vicomte est son fiancé et un duel doit avoir lieu entre les deux rivaux. Philippe, en cherchant à empêcher Frédéric de se battre, s’oublie et commande. Le jeune homme, furieux, lève sa canne. « Malheureux ! frappe donc ton père ! » s’écrie Philippe, qui enferme Frédéric et prévient Mlle d’Harville de ce qui se passe. Pendant ce temps, Frédéric parvient à s’évader et à rejoindre le vicomte, qui le blesse légèrement. Mlle d’Harville daigne seulement alors consentir à l’union de Mathilde et de Frédéric. Cette pièce, tirée d’un roman qui avait eu un certain succès, était une satire violente de la morgue nobiliaire. L’accueil qui lui fut fait par le public, trois mois avant la révolution de Juillet, prouvait quel chemin avait fait l’opinion.


Philippe et Georgette, opéra-comique en un acte, paroles de Monvel, musique de Dalayrac, représenté à la Comédie-Italienne le 28 décembre 1791. Le livret est amusant. Il s’agit d’un pauvre soldat suisse qui a eu la fantaisie de passer la frontière en temps de guerre pour voir une jeune fille qu’il aime, et qui est poursuivi de maison en maison, traqué et sur le point d’être fusillé. La jeune Française cache son amant pendant plusieurs jours dans un cabinet noir, sous une table, dans une caisse, où elle peut ; finalement, après les embarras les plus émouvants et les complications les moins rassurantes, la grâce du malheureux Suisse est accordée et les parents de la jeune fille souscrivent à leur union. La naïveté de la mélodie, la simplicité de la musique de Dalayrac désarment la critique. L’ouverture est le meilleur morceau de l’ouvrage. Plusieurs airs ont été populaires, notamment les chansons de Bonnefoi, dont la première se termine par ces mots :

Mais on aime ce qu’on n’a pas.
Et ce qu’on a cesse de plaire.

Nous signalerons aussi l’air de M. Martin, pour basse-taille ; Oui, je vois, j’entends fort bien.


PHILIPPEAUX (Pierre), conventionnel français, né à Ferrières (Orne) en 1759, guillotiné en 1794. Avocat au Mans lorsque éclata la Révolution, il en adopta chaleureusement les idées et fut élu par le département de la Sarthe député à la Convention nationale. Il vota la mort de Louis XVI sans appel ni sursis, soutint le projet de Lindet pour la formation d’un tribunal révolutionnaire sans jurés, se prononça contre les girondins et fut envoyé en mission en Vendée pour réorganiser les administrations accusées de fédéralisme. À cette époque, il conçut, pour battre les insurgés, un plan de campagne qui consistait principalement à disséminer les forces opposées à l’insurrection, obtint l’approbation du comité de Salut public et le mit à exécution malgré le blâme des généraux réunis à Saumur. Mais il n’obtint point les succès qu’il avait annoncés et ses ennemis l’accusèrent hautement devant la Convention. Philippeaux publia alors plusieurs comptes rendus, pleins d’attaques passionnées contre les généraux Rossignol et Ronsin, amis d’Hébert, et dans lesquels le gouvernement n’était pas ménagé. Philippeaux fut rappelé. Il seconda alors Danton et Camille Desmoulius dans la guerre qu’ils avaient déclarée aux hébertistes et au comité de Salut public, se vit exclure du club des Jacobins comme intrigant et modéré, fut arrêté en 1794 comme conspirateur, traduit devant le tribunal révolutionnaire et envoyé à l’échafaud en même temps que Danton et Camille Desinoulins (avril 1794). Il a laissé des Mémoires historiques sur la Vendée (1793, in-8o).


PHILIPPES, en latin Philippi, appelée primitivement Datos et Crenidês, ville ancienne de la Macédoine, dans l’Edoxie, près des confins de la Thrace, non loin de la ville moderne de Kaoala. La ville, reconstruite presque entièrement par Philippe, roi de Macédoine et père d’Alexandre, qui lui donna son nom, s’étendait dans une plaine où existent encore les ruines d’un amphithéâtre grec, un certain nombre de tumulus et quelques débris de colonnes. Une colline, située à l’est de la ville, était couronnée par l’acropole, dont il ne reste plus aujourd’hui que des fragments méconnaissables, mêlés aux ruines d’une forteresse vraisemblablement plus moderne. Lors de la conquête romaine, Philippes, dont l’importance n’avait cessé de s’accroître, fut élevée au rang de colonie. C’est dans la plaine au sud-ouest de la ville que fut livrée par Octave, contre Brutus et Cassius, la bataille décisive qui mit fin à la république romaine. La flotte de Brutus et de Cassius était à l’ancre à Néapolis et les deux illustres tribuns s’étaient mis avec elle en communication directe par le col du mont Symbolum (v. ci-après bataille de Philippes). C’est également à Philippes que l’apôtre saint Paul fit entendre sa première prédication en Europe ; c’est là qu’il fut flagellé, emprisonné et délivré miraculeusement suivant les Actes des apôtres (XVI, 9 40).


Philippes (bataille de), où périrent les derniers défenseurs de la république romaine, l’an 42 av. J.-C. Après s’être rassasiés de massacres et de rapines, les triumvirs Octave, Antoine et Lêpide songèrent enfin à se débarrasser des derniers amis de la liberté. Les deux premiers partirent pour la Grèce, où Brutus et Cassius avaient réuni leurs forces à Philippes. Là se livra une double bataille qui décida du sort de la république, Brutus et Cassius avaient établi leur camp sur deux collines que séparait un intervalle d’un quart de lieue environ. Antoine et Octave, plus faibles sous le rapport de la position, l’emportaient néanmoins par le nombre de leurs soldats, qui joignaient à cet avantage celui de l’expérience. Les deux triumvirs s’avancèrent donc résolument jusqu’à un mille seulement de leurs ennemis et prirent leurs dispositions de telle manière qu’Octavo se trouva avoir Brutus en tête, tandis qu’Antoine avait Cassius devant lui. Les généraux républicains, Cassius surtout, qui entendait très-bien la guerre, voulaient éviter une action générale et ruiner en détail l’armée des triumvirs, qui ne pouvait se procurer des vivres qu’avec la plus grande difficulté. Mais Antoine, par une manœuvre habile, le contraignit à accepter le combat. Les deux armées marchèrent l’une contre l’autre avec une égale fureur ; dès le premier choc, les soldats d’Antoine forcèrent les lignes de Cassius, dont la cavalerie prit aussitôt la fuite. L’intrépide républicain fit d’incroyables efforts pour ramener ses troupes en ligne, arrêtant les fuyards par le bras, saisissant lui-même les enseignes et les faisant planter en terre comme signal de ralliement. Tout fut inutile : son courage, son désespoir, ses reproches ne purent électriser des soldats éperdus. Son armée fut mise dans une déroute complète et son camp tomba au pouvoir d’Antoine.

Du côté de Brutus, les péripéties de la lutte avaient été toutes différentes ; ses soldats, emportés par une fureur irrésistible, avaient enfoncé du premier choc ceux d’Octave, les avaient mis en fuite et s’étaient emparés de leur camp en taillant en pièces tout ce qui essayait de résister. Par un inconcevable excès de confiance, Brutus s’imagina que le sort des armes s’était prononcé avec la même justice du côté de Cassius, et il ne songea pas à porter sur ce point ses légions victorieuses. Après avoir vaincu et dispersé l’année d’Octave, il rentrait triomphant dans son camp lorsqu’il apprit la fatale nouvelle de la défaite de son ami. Il détacha aussitôt un corps de cavalerie pour voler à son secours ; mais il était trop tard, et le mouvement ordonné par Brutus ne servit qu’à hâter la mort de son ami. En effet, à la vue de cette cavalerie qui se précipitait vers lui, il crut qu’elle appartenait à l’armée d’Antoine, et, pour ne pas tomber vivant entre les mains du triumvir, il se fit donner la mort par un de ses affranchis. À cette triste nouvelle, Brutus accourut dans sa tente et versa sur son cadavre des larmes amères, l’appelant le dernier des Romains et n’espérant plus que Rome donnât jamais le jour à un aussi inflexible ennemi de la tyrannie. Il le fit ensuite inhumer dans l’île de Thasos.

La mort de Cassius donnait l’avantage aux triumvirs ; Brutus voulut cependant tenter une seconde fois la fortune des armes et, dans cette seconde bataille, il fit des prodiges de valeur, déployant également toutes les qualités d’un soldat intrépide et d’un capitaine habile. Mais tant de généreux efforts demeurèrent inutiles ; il dut prendre la fuite après une lutte acharnée. Lorsqu’il eut mis entre sa personne et l’armée des triumvirs un petit ruisseau qui coulait au milieu d’un bois touffu, il s’assit dans un endroit profond et silencieux, environné seulement de quelques amis qui avaient voulu lui rester fidèles jusqu’à la mort. Là, élevant les yeux au ciel, il prononça ce vers d’Euripide :

Grand Dieu ! daigne punir l’auteur de tant de maux !

Puis, abaissant ses regards sur lui-même et se représentant le triomphe de l’ambition et de la tyrannie, il s’écria, suivant plusieurs historiens : « Malheureuse vertu, tu n’es qu’un vain mot, et je te cultivais comme une réalité ! Esclave de la fortune, tu ne sers que le vice honteux ! » Brutus ne voyait pas qu’en poussant ce cri de désespoir il se calomniait lui-même ; aussi a-t-on révoqué en doute l’authenticité de ce suprême blasphème. V. VERTU.

Dans ce moment, on entendit un grand bruit de chevaux, et un des amis de Brutus dit aussitôt qu’il fallait fuir. « Oui, répondit d’un air sombre le fier républicain, mais par le secours des mains et non par celui des pieds. » Il pria alors Straton, son ami et son conseiller, de lui donner la mort ; Straton hésita ; puis, saisissant à deux mains l’épée nue de Brutus, il la tint ferme et détourna le visage. Brutus, la saisissant alors de sa main droite, se poussa dessus violemment et tomba sans jeter un seul cri. Avec lui expirait la liberté romaine.

Quelques historiens ont raconté que, la veille de la bataille de Philippes, Brutus avait été visité pendant la nuit par un fantôme qui lui avait prédit sa fin prochaine par ces sinistres paroles : « Tu me reverras à Philippes. » On trouvera au mot fantôme le récit de cet épisode fantastique.


PHILIPPEVILLE, ville de Belgique, dans la province et à 41 kilom, S.-O. de Namur, ch.-l. d’arrond. et de cant. ; 3,000 hab. Carrières de marbre et mines de plomb aux en-