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PHIL

. telors vers la littérature (1841). Après avoir —débuté par un roman intitulé Cakb Stukeley, qui eut plusieurs éditions, il collabora sous le voile de l’anonyme à divers journaux, rédigea pendant quelque temps le bulletin politique du Morniuy Herald, puis entra au Times comme critique littéraire. Pendant plusieurs années, ses articles, étincelants de verve et écrits dans un style des plus brillants, furent fort remarqués et exercérent’une grande influence sur le goût litiéraire. Il eollubora aussi k la Literary Gazette et publia lui-même pendant un an une revue intitulée John Bull. Phillips prit une part active a, ’a formation de la Société du Palais de cristal, en fut d’ubord le secrétaire et écrivit à cette époque le Guide général au Palais et au Parc de cristal et la Galerie de portraits du Palais de cristal. Il mourut prématurément, alors qu’il était dans toute la force du talent. A part le roman que nous avons mentionné plus haut, il n’a publié séparément que deux recueils ù’Essais extraits du Times, qui parurent en 185S et en 1S54, sans nom d auteur.

PU1LLIPS, nom de divers écrivains anglais. V. Philips.

PHILL1PSIE s. f. (fll-li-psl - de Phillips, tmtuiiii. augl.). Crust. Genre de crustacés fossiles, de l’ordre des trilobites, trouvé en Irlande.

PHILLIS (Jeannette), cantatrice française, née à Bordeaux en 1780, morte à Paris en 1838. Ville, d’un guitariste habile, qui lui donna les premières notions de l’art musical, elle entra en 1706 au Conservatoire, dans la classe de Pluntade, remporta le second prix de chant en 1801 et fut presque aussitôt engagée à l’Opera-Comique. Charmante, distinguée, spirituelle, douée d’une voix émouvante et sympathique, l’artiste lit sensation à ses débuts, etGrètry écrivit pour elle le principal rôle de Cùtinelte à la cour. M»o Phillis fût certainement devenue une des étoiles de l’Opéra-Comique si, en 1803, elle n’avait signé un riche engagement avec le théâtre de Ss.int-Pètersbourg. Pendant dix ans, la cantatrice fut réellement l’idole du public russe ; mais, au milieu de ses triomphes, le mal du pays vint la saisir et, en 1818, elle revint précipitamment en France. Malheureusement, son nom était oublié, ses anciens admirateurs de Peydeau partis, son public

changé ; le goût s’était transformé, et d’autres talents avaient surgi dont l’éclat la rejetait dans l’ombre. Accueillie froidement, M"* Phillis n’essaya point de lutter contre l’indifférence des spectateurs, et, après une année de séjour à l’Opéra-Comique, elle se retira définitivement du théâtre. Comme preuve caractéristique de sa haute intelligence et de sa distinction, citons ce seul fait que MH« Phillis fut une des rares femmes admises au cénacle présidé par ûjuie Récamier.

— Sa sœur, Mlle Phillis, morte à Paris en 1853, fut également attachée au théâtre de Saint-Pétersbourg en qualité de cantatrice d opéra-comique. Elle devint, en 1819, la seconde femme de Boieldieu. Mme Boieldieu était une cantatrice distinguée.

PH1LL1S-W1IEATLEY, négresse et poète, née en Afrique eu 1754, morte aux États-Unis en 1787. Enlevée en Afrique à l’âge de sept ou huit ans, PUilïis fut transportée en Amérique et vendue, en 1761, à John Wheatley, riche négoci. nt de Boston. Sa douceur, sa sensibilité exquise et sa remarquable intelligence lui gagnèrent l’affection de son maître qui, non-seulement la dispensa des travaux pénibles réservés aux esclaves, mais encore lui fit donner une éducation soignée. Passionnée pour la lecture et surtout pour la Bible, elle apprit rapidement le latin. En 1772, a dix-neuf ans, Phillis-Wheatley publia un petit volume de Poésies, qui renferme trente-neuf pièces et qui eut plusieurs éditions enAngleterre et aux États-Unis. Son maître l’affranchit en 1775. Deux ans après, elle épousa un nègre, qui était aussi un phénomène parla supériorité de son intelligence sur celle des individus de sa couleur ; aussi ne fut-on pas étonné de le voir, de marchand épicier qu’il était d’abord, devenir avocat sous le nom de Peter et plaider devant les tribunaux la cause des noirs, La réputation dont il jouissait le conduisit à la fortune. Phillis, qui avait été élevée en enfant gâté, n’enienuait rien à gouverner un ménage et son mari voulait qu’elle s’en occupât. Les reproches et les mauvais traitements qu’il lui lit subir la plongèrent dans une mélancolie profonde et elle Huit par succomber. Son mari, Peter, ne lui survécut que trois ans et avant lui était mort le seul enfant qui était né de son mariage. Les sujets traités par Philiis-Wheatley sont presque tous moraux quand ils ne sont pas essentiellement religieux ; presque tous respirent une mélancolie sentimentale. Il y en a douze sur la mort de personnes qui lui étaient chères. On distinguo Ses Hymnes sur les Ceuares de la Providence, Sur ta Vertu, l’Humanité, 1 Ode à Neptune, Les vers à un jeune peintre nègre. Elle n’oublie pas d’exhaler su douleur sur le3 infortunes de ses compatriotes. Quelques pièces charmantes de cette mu=e négresse ont été traduites en français par M, Grégoire et insérées dans sa Littérature des Nègres.

PH1LLORMS s. m. (fl-lor-niss), Ornitb. Syn. de verdin,

PUU.LPOTS (Henri), théologien anglais,

PHIL.

né à Glocester en 1777. I) fit ses études théologiques à l’université d’Oxford, devint en 1806 chapelain du docteur Burrington, évêque de Durhain, et se fit connaître à cette époque par la controverse qu’il soutint contre le savant historien Lingaid, ainsi que par quelques brochures destinées à défendre !e clergé contre les attaques des lords Grey et Durliara. Promu au riche bénéfice de Stanhope, il entama, en 1825, une nouvelle controverse contre Charles Buttler, auteur du Livre de l’Église caiholique, et publia, en 1827, Sur l’émancipation catholique, une lettre adressée à lord Canning, laquelle eut beaucoup de retentissement. L’année suivante, il fut nommé doyen de t’hester et devint, en 1830, évêque d Exeter. ce qui le lit siéger de droit à la Chambre des lords. Dans cette assembtée, il se montra l’un des plus zélés défenseurs des principes tories et s’opposa énergiquement au bill de réforme, à ceux Sur

les biens de l’Église irlandaise, sur la loi des pauvres, sur la commission ecclésiastique, ainsi qu’à toutes les mesures libérales. Pendant de longues années, il fut considéré comme le chef du parti de la haute Église ut, par ses brochures autant que par Ses discours, il chercha à introduire unefonled’innovations dans les affaires ecclésiastiques. La liste complète de ses écrits de politique ou de controverse n’occupe pas moins de douze pages dans le nouveau catalogue du British Muséum.

PHILLYGÉNINE s. f. (fi-li-jé-ni-ne). Chim. Produit de dédoublement de la phillyrine sous 1 influence des alcalis ou de la fermentation.

— Enoycl. La phillygénine C*W*06 est une substance résineuse qui se produit lorsqu’on fait bouillir la phillyrine avec de l’acide chlorhydrique (pour l’équation de sa formation, voir puiLLYRiNii) ; elle cristallise en une masse> blanche et nacrée. Elle est insoluble dans l’eau froide, très-peu soiuble dans l’eau bouillante, facilement soiuble dans l’alcool et dans l’éther. C’est un polymère de la saligéuine C’2'H^Ofl = 3C11802. °

Avec le chlore, le brome et l’acide azotique, la phillygénine forme des dérivés de substitution semblables à, ceux que l’on obtient en dédoublant les dérivés chlorés, bromes ou nitrés de la phillyrine. La inonobromni>b.illygénine cristallise en aiguilles brillantes.

PHILLYRÉA s. m. (li-li-ré-a — du gr. phillureu, tilleul). Bot. Genre d’arbrisseaux, de la fumille des oléinées, considéré par plusieurs auteurs comme une simple section du genre olivier, et dont l’espèce type habite le midi de l’Europe, u On dit aussi phiu-yréb s, f,

— Encycl. Les phillyréas, appelés aussi filarias et improprement alaternes, sont des arbrisseaux a feuilles opposées, coriaces, persistantes, à petites fleurs blanches, groupées en panicules terminales et auxquelles succèdent de petits drupes globuleux, noirâtres, à noyau papyracé et fragile. Ce genre comprend plusieurs espèces, répandues surtout au pourtour du bassin méditerranéen. On les emploie avantageusement à faire des haies. Leur bois, dur et d’un beau jaune, est propre aux ouvrages de tour ; mais il est rare d’en trouver des échantillons assez forts pour cet emploi. Il est encore excellent pour te chauffage. On emploie beaucoup ces arbrisseaux pour la décoration des bosquets dans les jardins paysagers. Les trois espèces qui croissent dans le midi de la France, et qui ne diffèrent guère que par la forme et la largeur de leurs feuilles, ont produit un grand nombre de variétés, a rameaux effilés, dressés ou pendants, à feuilles diversement panachées ou bordées de blanc ou de jaune, etc. La plupart résistent bien aux hivers ordinaires du climat de Paris, mais périssent par les froids rigoureux, si l’on n’a pas la précaution de les empailler en hiver. On les place à l’exposition nord de préférence, au second ou au troisième rang des massifs, en buissons isolés au milieu des gazons, ou contre les murs dont on veut cacher la nudité. Les phillyréas font un bon effet, surtout en hiver, par leur feuillage persistant et d’un beau vert ; leurs âeurs, qui paraissent vers la fin du printemps, sont peu apparentes, mais exhalent une légère odeur qui est assez agréable. Leurs fruits mêmes concourent à l’ornement des’massifs ; mais ils mûrissent rarement sous le climat de Paris. Aussi, quand on veut propager ces arbrisseaux par semis, est-on obligé de faire venir les graines du midi. Comme, d’ailleurs, celles-ci restent deux ans en terre avant dp lever et que les plants qu’elles produisent croissent lentement, on préfère multiplier les phillyréas de boutures et de marcottes. Ces végétaux se prêtent facilement à la taille et même a la toute ; mais il est plus avantageux de leur laisser leur forme naturelle, ordinairement assez élégante et formant contraste avec celle des autres arbrisseaux. U faut bien les garantir de la dent du bétail, qui en est fort avide.

PHILLYRINE s. f. (fi-li-ri-ne — rad. phillyréu). chiui. Substance végétale que renferme l’écorce du phillyréa à grandes feuilles. B On dit aussi phillyréme.

— Encycl. La phillyrine est une substance dont la foi mule est C^HSiOll. Un l’extrait en faisant une décoction aqueuse de l’écorce, que l’on chauffe avec de l’oxyde de plomb, filtrant, évaporant et laissant cristalliser,

PHIL

D’après M. de Luca, les eaux mères renfermeraient de la mannite.

La phillyrine est blanche, cristallisable, inodore, amère, peu sob.bie dans l’eau froide, plus soiuble dans l’eau bouillante et dans l’nlcool. 1 partie de phillyrine se dissout à 90 dans 1,300 parties d’eau et dans 40 parties d’alcool. Elle est presque insoluble dans l’éther, tout à fait insoluble aussi bien dans les huiles fixes que dans les huiles volatiles. Elle fond à 160" en un liquide incolore qui commence a se décomposer à 2ô0<>.

D’après Bertngiuni, la formule de lu phillyrine cristallisée est C^H^OH, 3 1/2 1120. Elle perd son eau de cristallisation entre 50° et 60O. Suivant de Lnca, la proportion d’eau que contient la phillyrine varie avec le degré d’humidité de l’atmosphère et la température. Elle s’élimine complètement à la température ordinaire, sous une cloche au-dessus d’un vase plein d’acide sulfurique ou dans un courant d’air sec. A 160° environ, la phillyrine fond en un liquide mobile, incolore. Bouillie avec de l’acide chlorhydrique étendu, elle se convertit en glucose et en phillygénine suivant l’équation :

C27H3&01» + H*0 = C6H«08 -f C81H*4OS. Phillyrine. Eau. Glucose. Phillygénine. La fermentation lactique lui fait éprouver un dédoublement semblable ; mais la syuaptase n’exerce aucune action sur elle. L’acide sulfurique dissout d’abord la phillyrine en prenant une couleur rouge et la décompose ensuite. L’acide azotique étendu forme avec elle des cristaux jaunes soyeux ; si l’acide azotique est plus étendu, Use forme de petits grains cristallins ; avec l’acide azotique concentré et bouillant, il se forme de l’acide oxalique et une substance qui cristallise en lamelles jaunes brillantes. Suivant de Luca, il se formerait de la niQ.uouitro-pAi/tyrïne et de la bimuo-phillyriue.

Le chlore et le brome transforment &phillyrine en dérivés de substitution qui renferment 1 ou 2 atomes de chlore ou de brome et qui sont capables de se dédoubler, à la manière de la phillyrine elle-même, en phillygénine monobromée ou monochlorée, bibruinée ou dichtorée.

IMiiloblblioD (LE) on Traité *«r l’amour do*

livre* (Cologne, 1173, in-4»), par Richard de Bnry, évêque de Durham et grand chancelier d’Angleterre (xtn« siècle). L’auteur a plus que l’amour des livres, il en a la passion ; dans son enthousiasme, il s’écrie : « Les chérubins étendent leurs ailes sur les livres.... Ce sont des maîtres qui nous instruisent sans verges et sans férules, sans cris et sans colère, sans costume et sans argent. Si on les approche, on ne les trouve point endormis ; si on las interroge, ils ne dissimulent point leurs idées ; si l’on se trompe, ils ne murmurent pas ; si l’on commet une bévue, ils ne connaissent point la moquerie. O livres ! qui possédez seuls la liberté, qui seulsen faites jouir les autres, qui donnez a tons ceux qui demandent, et qui affranchissez tous ceux qui vous ont voué un culte fidèle..., vous êtes ces puits d’eau vive que le pèra Abraham creusa le premier, qu’Isaac déblaya, et que les Philistins s’efforcèrent toujours de combler.... Vous êtes les urnes d’or dans lesquelles reposent la manne et les pierres d’où sort le miel sacré. Vous êtes des seine gonflés du lait de la vie et des réservoirs toujours pleins.... ■ Richard de Bury adore le livre dans son esprit et dans sa forme. Il veut qu’on ne recule devant aucun sacrifice, quand l’occasion semble favorable, pour acquérir-un ouvrage précieux. Invoquant l’autorité des maîtres anciens et celle de l’Ancien et du Nouveau Testament, il prête k ses citations les sens les plus nouveaux et les plus inattendus. Il prouve par Salomon, Moïse et saint Luc, qu’il faut acheter les livres et ne pas les vendre, les manier avec respect et les conserver avec soin. Lui-même, il avait formé une magnifique collection de livres précieux, et il est permis de le soupçonner d’avoir abusé quelquefois de ses hautes fonctions pour se faire offrir les présents qui lui étaient le plus agréables. Il craint à cet égard de s’être rendu coupable de quelque péché véniel. Mais le bon évêque légua ses livres à l’université d’Oxford • en’ perpétuelle aumône, • à l’usage des écoliers.

Richard de Bury est un humoriste spirituel, qui a voulu donner des conseils sérieux sous une forme enjouée, et corriger les défauts des clercs, des gens d’église, par aès exagérations bouffonnes. Il avoue qu’il s’est amusé à traiter une matière légère. Il a le bon sens railleur et l’imagination vagabonde ; il a des soubresauts d’esprit et des drôleries de style qui montrent en cet évêque un devancier du doyen Swift. Le Philobiblion, qui est écrit en latin, a été souvent réédité et a été traduit en français par M. Cocheris (1857).

PHILOBIE s. f. (fi-lo-bî— du préf. philo,

et du gr. hios, vie). Entoin. Genre d’insectes lépidoptères nocturnes de la tribu des phalénites, dont l’espèce type habite la France et l’Allemagne.

PHILOCALE s. m. (fi-lo-kn-le — du préf. philo, et du gr. kalas, beau). Entom. Genre d’insectes coléoptères peutumères, de la famille des malucodermes, tribu des clairoues, comprenant trois ou quatre espèces, originaires du cap de Bonne-Espérance. U Genre d’insectes coléoptères tétramères, de la fa PHIL

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mille des cycliques, tribu des altieites, formé aux dépens des galéruques, et dont 1 espèce type habite la Nouvelle-Guinée.

PHILOCARPE s. m. (fi-to-kar-pe-dupréf. philo, et du gr. karpos, fruit). Ornith. Sya. d’ANALCIPK, ARTAMIB OU OCYPTÉRE.

PHILOCHLÉNIE s. f, (fi-lo-klé-nl —dupréf. philo, et du gr. chlaina, tunique). Entom. Genre d’insectes coléoptères pentumères, de la famille des lamellicornes, tribu des scarabées phyllophages, comprenant une trentaine d’espèces, presque toutes américaines.

PU1LOCIIOUUS, historien grec, né à Athènes ; il vivait dans le m» siècle av. J.-C. On croit qu’il fut mis à mort par ordre d’A’ntigone Gonatas, roi de Macédoine, contre qui u s’était déclaré pour suivre le parti de Ptoléniée Philadelphe. Il avait composé une histoire complète de l’Attique, souvent citée par les anciens et dont ou regrette vivement la perte, ainsi que divers ouvrages Sur les inscriptions athéniennes, Sur les combats à Athènes, tes fêtes, les jours sacrés, etc. U ne reste de lui que des fragments, écrits d’un style clair et limpide, qui ont été réunis par C. Muller, dans ses Fragmenta historicorum gnscorum, et publiés séparément par Siebelis sous le titre de Phitochori Athemensis librorum fragmenta à Lenzio collecta (Leipzig, 1SU).

PHILOCHTE s. m. (fi-lo-ktè — dugr. phitoktés, avare). Entom. Syn. de LÈJK.

PHILOCLÉON (c’est-à-dire ami de Cléon), nom qu’Aristophane a donné au vieux juge des Guêpes, que Racine a transporté sur notre scène, dons ses Plaideurs, sous le nom de Perriu Dandin. Ce vieil héliaste est partisan de Cléon, parce que ce démagogue avait établi la triobole ou la paye des juges à Athènes. On sait que la plupart des traits célèbres que nous admirons dans le Perrin Dandin de Racine sont empruntés au Philocléon d’Aristophane. Philocléon, lui aussi, est gardé à vue par son fils et met tout en œuvre pour échapper à la vigilance de ses gardiens. Le portrait que fait Sosie du vieillard n’est pas moins plaisant que la manière dont Petit-Jean drape devant nous son maître ridicule. Dans notre littérature classique, qui ne vit que d’emprunt et d’imitation, la copie est si agréablement faite, qu’on n’a jamais la curiosité de remonter à l’original. Il le faut pourtant, et il y a ingratitude à lire Racine sans ouvrir Aristophane. Voici le portrait du juge athénien, qu’on pourra comparer avec le juge français :

•’Juger, dit Sosie, c’est la passion du bonhomme : s’il n’occupe pas le premier banc au tribunal, il est désespéré. La nuit, il en perd le sommeil, ou, s’il s’assoupit un instant, son esprit revole vers la clepsydre (sorte d’horloge a eau qui mesurait le temps aux orateurs pour leurs plaidoyers). L’habitude qu’il a de tenir le caillou de suffrage, fait qu’il se réveille les trois doigts serrés, comme celui qui jette une pincée d’encens sur l’autel à la nouvelle lune.... Son coq l’ayant réveillé tard, c’est, dit-il, que des accusés l’auront gagné à prix d’argent ; à peine a-t-il soupe, qu’il demande à grands cris ses sandales ; il court au tribunal avant le jour et s’endort collé comme une huître au pied de la colonne. Juge impitoyable, il ne manque jamais de tracer sur ses tablettes la ligne de condamnation, et rentre les ongles pleins de cire comme une abeille ou un bourdon. Dans la crainte de manquer de cailloux à suffrages, il entretient dans lu cour de sa maison une grève qu’il renouvelle sans cesse. Telle est sa manie ; tout ce qu’on lui dit pour l’en guérir ne sert de rien et ne fait que l’exciter davantage. Aussi nous le gardons et nous l’avons mis sous les verrous pour l’empêcher de sortir ; car son fils est désolé de cette maladie. •

L’esclave raconte ensuite tous les essais

sonpar la douceur ; il a

eu recours aux préires ; il a fait dire des messes (comme on traduirait aujourd’hui) ; il a soumis le vieillard aux cérémonies expiatoires des corybautes. Mais i’autre s’est sauvé hors du temple avec le tambour Sucré et n’a fait qu’un saut jusqu’au tribunal. On l’ameué au temple d’Esculape : mêmes résultuts ; enfin, on s’est décidé à l’enfermer ; mais lui, plante des bâtons dans le mur et grimpe d’échelon en échelon comme un geai. Il faut tendre des filets pour empêcher son évasion. »

Nous n’insisterons pas sur le rôle que joue Philocléon dans la pièce. L’intrigue de la pièce a été exposée avec détail au mot guêpes. Mais nous avons voulu faire ressortir en plein relief le caractère de Philocléon : on voit qu’il est bien l’ancêtre de Perrin Dandin, Il y a pourtant certains traits de différence entre les deux personnages et celui-ci surtout : Racine s’est moqué d’un travers particulier à quelques-uns ; Aristophane ruiliaitle peuple entier ; car, à Athènes, tout le monde était juge et la satire était nécessairement générale. Dandin est le type d’une manie individuelle ; Philocléon est le typa d’un ridicule commun à toute une cité, à toute une époque. « Dans ses Guêpes au dard aigu, dit M. E. Deschanel, Aristophane représente non-seulement les juges armés du poinçon avec lequel ils inscrivaient leur verdict sur des tablettes enduites de cire, mais encore ce peuple tout entier d’ergoteurs, avocats et juges, hérissés d’arguments et de sentences, cette multitude

inutiles tentés par Bdêlycléon pour guérir se père. Il l’a pris d’abord’Par la douceur ; il