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et suspend la séance ; enfin, il parvient à faire entendre sa voix.

Nous empruntons au Moniteur quelques fragments du récit dans lequel il raconte la scène qui suivit :

LE PRÉSIDENT, découvert. Tous ces cris ne précipiteront pas les arrivages de vivres d’un seul instant…

UNE FEMME. Il y a assez longtemps que nous attendons, f….. !

(La grande majorité de l’Assemblée, indignée, se lève en demandant que cette femme soit arrêtée. — Celle qui l’avoisine montre le poing au président de la Convention. — Ceux de ses membres qui siègent dans l’extrémité gauche gardent le plus profond silence.)

GUILLEMARDET. Je demande que le président fasse vider cette tribune. (Il désigne la grande tribune à gauche.)

(Le bruit recommence ; après quelques instants, le calme se rétablit.)

LE PRÉSIDENT. Je demande qu’on laisse un de nos collègues rendre compte de nouvelles satisfaisantes. Il vient de presser l’arrivage des subsistances et il va apprendre…

LES FEMMES. Non, non ! Nous voulons du pain ! (Nouveau bruit.}

(Plusieurs membres parlent dans le tumulte.)

CHÂTEAUNEUF-RANDON. Est-ce que la Convention aurait peur ?

FÉRAUD. Sachons périr, s’il le faut. (Les femmes crient et menacent plus particulièrement Féraud.)

LE PRÉSIDENT. Je déclare aux tribunes que je mourrai plutôt que de ne pas faire respecter la Convention. (Toute l’Assemblée se lève en signe d’adhésion. — Les femmes rient et crient.)

LOUVET (du Loiret). Les représentants du peuple…

(Les femmes poussent de nouveaux, cris. — Il est impossible de distinguer ce qu’elles disent.)

LE PRÉSIDENT, se tournant vers la gauche. Pour la dernière fois, je déclare aux tribunes que je donnerai l’ordre de les faire évacuer, d’arrêter les agitateurs et de les livrer aux tribunaux.

(Les femmes qui remplissent la grande tribune du côté gauche et les deux autres qui l’avoisinent du côté du buste de Brutus poussent de violents murmures. — Un général de brigade (inconnu) se porte vers elles et leur parle avec énergie.)

Boissy (d’Anglas) prend le fauteuil à la place d’André Dumont.

LOUVET (du Loiret)….. Un outrage a été fait à la représentation nationale ; c’est de cette tribune que sont partis les cris séditieux ; ordonnez qu’on vous indique les coupables et faites-les arrêter. Au dehors, des ferments de sédition sont jetés ; le royalisme et le terrorisme s’agitent et se réunissent : réunissons-nous pour les détruire.

LES FEMMES. À bas. ! Du pain ! Du pain !

(Il se passe un quart d’heure en cris et en menaces. — Le président fait appeler auprès de lui le général de brigade.)

LE PRÉSIDENT. Je prends les ordres de la Convention.

LES FEMMES. Du pain ! Du pain !

LE PRÉSIDENT. Dois-je faire évacuer cette tribune ?

LES FEMMES. Du pain ! Du pain !

LE PRÉSIDENT. Et, à défaut d’obéissance, dois-je faire arrêter tous les individus qui la composent ?

« Oui ! » s’écrient tous les membres en se levant spontanément pour rendre le décret.

LES FEMMES. Du pain ! Du pain !

(La grande tribune à droite et celle qui l’avoisine du côté de Brutus se remplissent aussi de femmes qui crient et menacent ; elles font signe à d’autres, qui ne sont encore que dans les couloirs, de venir les joindre ;  ; réunies, elles crient : Du pain ! La constitution de 93 ! Quelques-unes d’entre elles : La constitution de 89 ! )

ANDRÉ DUMONT. J’ai quitté un instant le fauteuil pour rédiger l’ordre de faire évacuer les tribunes. (Il lit cette rédaction ; elle est adoptée.)

LE PRÉSIDENT, à un officier à la barre. Je charge le commandant de la force armée…

LES FEMMES. Nous ne nous en irons pas.

(Des coups très-violents, donnés dans la porte de la salle à gauche du président, annoncent qu’on veut l’enfoncer. Déjà les ais crient et l’on croit entendre le bruit des plâtras qui tombent et se brisent. Une partie des femmes vident la dernière tribune à la gauche, du côté de Brutus.)

MAREC. Officier, entendez-vous ce bruit ? Je vous somme, je vous charge, sur votre responsabilité, d’empêcher que l’on ne porte atteinte à la représentation nationale.

LE PRÉSIDENT, au général de brigade qui se trouve à la barre. Citoyen, je te nomme commandant provisoire de la force armée et je t’ordonne de l’employer pour faire respecter la Convention. (Vifs applaudissements.)

(Tous les membres se lèvent pour approuver la nomination faite par le président.)

LE GÉNÉRAL DE BRIGADE. Je ferai respecter la Convention nationale, ou je périrai à mon poste. »

Le commandant improvisé parvient, avec quelques fusiliers et deux jeunes gens armés de fouets de poste, à faire évacuer les tribunes remplies par la foule des femmes furieuses. Mais ce n’était là qu’un avantage momentané. La porte par laquelle la salle des délibérations communiquait avec le salon de la Liberté était battue à coups furieux comme par un bélier d’airain : c’est le peuple qui l’assiège et qui veut l’enfoncer. Enfin, la fragile barrière cède et la foule pénètre dans l’enceinte de l’Assemblée. Cependant, une première fois, les envahisseurs sont repoussés par la gendarmerie de garde ; mais bientôt la porte est de nouveau forcée.

Vers deux heures, le peuple entre dans la salle comme une avalanche, malgré les coups de fusil tirés par les défenseurs de l’Assemblée, malgré la résistance du représentant Féraud, qui présente courageusement sa poitrine aux baïonnettes et crie : « Tuez-moi ! Vous n’entrerez qu’après avoir passé sur mon corps ! »

C’en est fait, l’Assemblée est débordée, vaincue. La foule, exaspérée, s’est ruée autour de la tribune et du fauteuil présidentiel, toujours occupé par Boissy d’Anglas ; des canons de fusil sont dirigés vers lui ; l’intrépide Féraud se précipite pour le protéger. À ce moment, un officier frappe d’un violent coup de poing un des hommes du peuple. Celui-ci riposte par un coup de pistolet, qui dévie et va frapper Féraud : il tombe. Une sorte de folle, du nom d’Aspasie Carlemigelli, qui ne s’était fait remarquer jusque-là que par son exaltation monarchique, se précipite sur le blessé et le frappe de sa galoche. On l’entraîne hors de la salle. Un jeune marchand de vin, nommé Luc Boucher, coupe la tête à son cadavre ; cette tête est plantée au bout d’une pique…

À ce moment, la salle de la convention présentait le plus terrible spectacle.

« Le désordre, l’effroi, l’horreur, dit M. Jules Claretie dans les Derniers montagnards, étaient à leur comble. Une foule hurlante, déguenillée et farouche ; des cliquetis d’armes, des appels, des jurons, des menaces ; des femmes, les cheveux épars, assises aux places des députés ; les carmagnoles envahissant les tribunes ; la foule sur les marches, la foule dans le parquet, la foule sur les bancs ; les députés, amis et adversaires, groupés au hasard, également menacés et parfois maltraités par cette multitude qui n’écoutait personne dans une Assemblée qu’elle ne respectait plus. Chaque banc, chaque coin de la salle vit une lutte partielle. Les députés sont insultés, menacés, quelques-uns blessés. La poussière, la vapeur des foules enveloppant comme d’un nuage l’Assemblée mugissante, une insupportable chaleur, des cris assourdissants, tout se confond et se heurte. Sombre tableau ! Le peuple outrageait ses tribuns ! Et le président siégeait sous les drapeaux en haillons qu’avaient arrachés à l’ennemi les soldats de Hondschoote et de Jemmapes. »

La tête de Féraud, plantée au bout de la pique, est rapportée dans la salle et présentée à Boissy d’Anglas. Depuis que l’Assemblée était investie, celui-ci avait cherché à gagner du temps ; il avait signé un ordre pour presser les sections thermidoriennes d’arriver au secours de la Convention et il l’avait confié à un jeune officier nommé Fox.

En voyant cette tête pâle, à demi cachée sous un voile de poussière et de sang, Boissy crut reconnaître celle de Fox ;  ; il ne douta pas que l’ordre qu’il avait signé n’eût été saisi et il s’attendit à périr lui-même. Alors, par une de ces inspirations comme en font naître les périls extrêmes, il se découvrit et salua les restes de l’infortuné qu’il s’attendait à aller retrouver dans la mort.

Cette attitude sublime et inattendue frappa la foule de stupeur ; elle se sentit soudain domptée dans son délire. Ce moment fut décisif ; il rendit l’avantage à l’Assemblée.

L’acte héroïque de Boissy d’Anglas a été l’objet de nombreux commentaires contradictoires ; nous renvoyons à l’étude dont ils ont été l’objet dans ce dictionnaire même. V. BOISSY D’ANGLAS.

La fureur du peuple s’était assez calmée pour qu’on n’eût plus à redouter des violences de sa part ; mais il était encore assez fort pour dicter sa volonté. Ce fut à ce moment que les représentants de la Montagne essayèrent de proposer des mesures de conciliation : Romme réclama la mise en liberté des patriotes qui encombraient encore les prisons ; Goujon demanda le rappel des députés en mission et le changement des comités ; Duquesnoy voulait le renouvellement immédiat du comité de sûreté générale.

Mais déjà toutes ces propositions ne pouvaient plus servir qu’à compromettre leurs auteurs. Il était dix heures du soir ; le peuple, épuisé par les fatigues et les émotions de la journée, ne songeait qu’à se retirer. Ce fut alors qu’arrivèrent les bataillons des sections réactionnaires de la butte des Moulins et du quartier Le Pelletier, attendues depuis le matin. Il leur suffit presque de se montrer pour dissiper la foule, que la fatigue et la faim avaient mise hors d’état de lutter plus longtemps.

La majorité thermidorienne de l’Assemblée, elle, ne songea pas au repos ; délivrée, elle n’eut, comme après la journée de germinal, qu’une seule pensée : prendre sa revanche immédiate et proscrire les montagnards, qui l’avaient épouvantée tout un jour. Sans retard, elle vota l’arrestation de Romme, de Soubrany, de Prieur (de la Marne), de Goujon, de Bourbotte, de Ruhl, de Le Carpentier, Peyssard, Albitte, Pruel, Borie, Payan.

Le lendemain 2 prairial, le peuple eut conscience de sa défaite ; il reforma ses colonnes et marcha de nouveau contre les Tuileries ; à cinq heures du soir, il tenait le palais de l’Assemblée cerné dans un cercle de canons. Mais, de leur côté, les thermidoriens avaient retrouvé tout leur sang-froid et toute leur habileté ; ils affirmèrent au peuple que les mesures étaient prises pour assurer les subsistances et que la constitution de 1793 fonctionnerait dans trois jours. Cette assurance lui suffit ; les canons furent retournés et les colonnes regagnèrent les faubourgs.

Trois jours, c’était plus qu’il n’en fallait pour frapper un coup vigoureux. Dès le lendemain, à la pointe du jour, une armée de muscadins, armés de fusils pour la première fois, se dirigea vers la barrière du Trône pour envahir le faubourg Saint-Antoine ; elle était conduite par le général Kilmaine. Mais, à peine entrée dans le formidable quartier du peuple révolutionnaire, elle se vit cernée et s’enfuit honteusement, laissant derrière elle quelques prisonniers que le peuple se contenta de huer et d’humilier comme des ennemis indignes de sa colère. D’ailleurs, les choses n’allèrent pas plus loin ; soit confiance exagérée dans leurs propres forces, soit lassitude, les masses du faubourg ne songèrent pas à reprendre l’offensive ce jour-là. Le lendemain 4 prairial, des escadrons de dragons, chasseurs et hussards, mandés des environs de Paris, soldats bien autrement sérieux que les muscadins, envahissaient les quartiers populaires : l’insurrection ne pouvait renaître, l’insurrection était finie.

Cependant, il restait l’épilogue du drame qui venait de se jouer. La réaction thermidorienne était désormais maîtresse de la situation ; elle pouvait, à son aise, assouvir ses vengeances. Elle n’y manqua pas. Les proscriptions succédèrent aux proscriptions. Des décrets d’arrestation furent lancés contre tous les hommes qui étaient encore les vestiges vivants du parti de la Montagne : Robert Lindet, David, Dubarrau, Jean Bon-Saint-André, Prieur (de la Côte-d’Or), Elie Lacoste, Lavicomterie, Bernard (de Saintes), Jagot, Voulland, J.-B. Lacoste, Dartygoite, Sergent, Salicetti. Peu s’en fallut que Carnot lui-même ne fût compris dans les décrets de proscription ; mais, quand son nom fut prononcé, une voix jeta soudain ce cri éloquent parce qu’il était l’expression de la vérité : « Souvenez-vous que c’est lui qui a organisé la victoire ! » On n’osa passer outre. D’ailleurs, les victimes ne manquaient pas aux thermidoriens. Le 30 prairial, les Romme, les Duroy, les Goujon, les Bourbotte, les Duquesnoy, les Soubrany devaient périr frappés de leur propre main ou par le fer de la guillotine, comme fauteurs d’une insurrection qui ne leur fut fatale que parce qu’ils ne voulurent pas s’en servir pour écraser leurs ennemis.


Prairial an VIII (JOURNÉE DU 30) (18 juin 1799). Les élections de mai 1799, accomplies sous l’impression de nombreux désastres militaires, avaient fait entrer aux Cinq-Cents et aux Anciens un flot de députés hostiles au Directoire et qui transformèrent en majorité l’opposition qui s’agitait dans les deux conseils. La premier soin de cette majorité fut de faire entrer Sieyès au Directoire en remplacement de Rewbell, dont les pouvoirs venaient d’expirer, puis de destituer Treilhard, dans l’élection duquel on trouva un vice de forme. Enfin, elle acheva sa victoire en forçant Merlin et Larevellière-Lêpeaux à donner leur démission. Barras fut épargné. Gohier, Moulins et Roger-Ducos, dont la médiocrité n’inquiétait personne, prirent la place des directeurs sortants. C’est à cette sorte de coup d’État du Corps législatif que Bonaparte faisait allusion le 19 brumaire devant les Anciens : « La constitution ! vous l’avez violée au 18 fructidor, vous l’avez violée au 22 floréal (époque où le Directoire et le Corps législatif avaient cassé des élections), vous l’avez violée au 30 prairial ! »

Bonaparte n’avait pas d’ailleurs trop à se plaindre de tous ces coups d’État, précurseurs de celui qu’il exécutait dans le moment même et qui lui avaient frayé la voie.


PRAIRIALISER v. a. ou tr. (prè-ri-a-li-zé — rad. prairial, à cause de l’émeute de prairial an III), Hist. Être atteint, frappé par l’émeute. || S’est dit pendant la Révolution.


PRAIRIE s. f. { prè-rî — du lat. pratum, pré). Agric. Terre semée naturellement ou artificiellement en plantes fourragères ou propres à la nourriture des bestiaux : On sait les dégâts que les taupes et les fourmis commettent dans les prairies. (De Perthuis.)

Par un souffle des vents la prairie est fanée.
                 Lamartine.

L’aigle, reine des airs, avec Margot la pie
        Traversaient un bout de prairie.
                 La Fontaine.

L’églantier parfumé, l’aubépine fleurie
D’une fraîche bordure entourent la prairie.
                 Béranger.

       Ta jeunesse sera flétrie
       Avant l’herbe de la prairie.
       Avant le pampre des coteaux.
                 Millevoye.

Le fleuve, emprisonné dans des rocs tortueux,
Lutte, s’échappe et va, par des pentes fleuries,
S’étendre mollement sur l’herbe des prairies.
                 A. Chénier

       Nous n’irons plus dans les prairies
       Égarer, d’un pas incertain,
       Nos poétiques rêveries.
                Lamartine.

............ Qu’importe au fils de la montagne
Pour quel despote obscur, envoyé d’Allemagne,
L’homme de la prairie écorche le sillon ?
                A. de Musset.

       Avec les fleurs dont la prairie
       À chaque instant va s’embellir,
       Mon âme, trop longtemps flétrie,
       Va de nouveau s’épanouir.
                Gresset.

|| Nom donné aux steppes de l’Amérique du Nord. || Prairies naturelles, Celles dont les herbes n’ont pas été semées : Dans les anciennes cultures, les prairies naturelles avaient un très-haut degré d’importance. (Matthieu de Dombasle.) || Prairies artificielles, Celles dont les herbes ont été semées sur un champ cultivé : L’introduction des prairies artificielles a peut-être triplé, depuis cinquante ans, la production agricole de la France. (Toussenel.)

— Fig. Ce qui est riche et varié : Il y a beaucoup de landes dans mes lettres avant que de trouver la prairie. (Mme de Sév.)

— Poétiq. Émail des prairies, Couleurs vives des fleurs qui embellissent les prairies :

De l’émail élégant des champs et des prairies
      L’aiguille de Minerve orna ses broderies.
                                 Castel.

— Encycl. Sous le terme générique de prairie, remplacé quelquefois par les mots herbage, pacage, pâturage, pâture, pré, etc., on range toutes les terres qui produisent des plantes destinées à servir d’aliment au bétail, soit qu’on les lui fasse consommer sur place, soit qu’on les fauche à certaines époques pour les convertir en foin. La nature et la composition des prairies sont donc susceptibles de varier à l’infini, suivant le climat, le sol et les circonstances économiques de la localité. On est conduit ainsi à établir certaines divisions parmi les terres de ce genre. On appelle herbage ou pâturage celles dont le produit est consommé sur place, et on réserve le nom de prairie ou celui de pré pour celles dont l’herbe est fauchée.

On distinguera ensuite les prairies en naturelles et artificielles. Les premières sont des terres assez fertiles pour s’engazonner naturellement de plantes très-nombreuses et très-diverses, qui ne sont généralement récoltées qu’après avoir répandu leurs graines. Il en résulte que leur durée est à peu près illimitée, si on ne les rompt pas pour les convertir en terres arables. Les prairies artificielles, au contraire, toujours établies par la main de l’homme, ne renferment jamais qu’un très-petit nombre d’espèces de plantes, souvent une seule, au plus deux ou trois ; leur durée est bornée à un petit nombre d’années, quelquefois même à une, et les terres qu’elles occupent rentrent à leur tour dans l’assolement ou la rotation. On doit dire, toutefois, que, par suite des progrès de la culture, les caractères distinctifs de ces deux sortes de prairies tendent, sinon à se confondre, du moins à se rapprocher de plus en plus.

Prairies naturelles. Les prairies naturelles exigent moins de main-d’œuvre et un capital d’exploitation moins élevé que les prairies artificielles ; par contre, elles ne donnent pas une aussi grande production fourragère ; néanmoins, cette production serait susceptible de s’augmenter si, prenant moins à la lettre cette expression de prairies naturelles, on ne les laissait pas, dans beaucoup dé localités, abandonnées à peu près exclusivement aux soins de la nature. Il s’établit ainsi quelquefois une sorte d’assolement dans lequel le cultivateur n’est pour rien. Certaines plantes diminuent peu à peu et finissent par disparaître complètement, à mesure que le sol s’ëpuise des matières minérales qui leur sont nécessaires ; puis elles reparaissent quand ces substances se sont reformées.

Les prairies naturelles conviennent : pour les domaines qui n’ont pas un capital d’exploitation suffisant ; dans les climats chauds et secs, où les fourrages artificiels ne peuvent pas toujours bien réussir ; sur les terres placées en pente rapide, ou exposées aux inondations périodiques, ou trop basses pour pouvoir être bien égouttées ; enfin, sur certains sols qui, par leur composition, leur fraîcheur ou la facilité de les irriguer, sont éminemment propres à ce genre de culture. Toutefois, avant de les établir, il faut bien étudier les conditions du sol et surtout du climat ; une chaleur modérée dans l’atmosphère et une certaine dose de fraîcheur ou d’humidité dans le sol sont indispensables pour faire espérer des produits satisfaisants.

Du reste, les conditions de sol, d’humidité et de climat varient d’une localité à l’autre et influent puissamment sur la végétation ; il s’ensuit que la flore des prairies est loin d’être partout la même et que nous trouvons ici de nouvelles distinctions à établir. Si l’on s’en tient d’abord aux considérations orographiques et botaniques, on est conduit à admettre trois classes : 1° les prairies hautes ou les pâturages sur les montagnes ; 2° les prairies moyennes ou celles des vallons élevés et des coteaux ; 3° enfin, les prairies basses ou celles des plaines et des vallées peu élevées. Les premières, par l’air vif et pur qu’on y respire, par la quantité des plantes aromatiques qui y croissent, semblent être exclusi-