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Religion (la), po&me didactique de Louis Racine, en six chants. L’auteur s’est proposé d’y démontrer l’existence de Dieu, la nécessité de la révélation, ses caractères dans la religion chrétienne, et de réfuter les objections des incrédules. On trouve généralement dans ce poème une versification élégante et correcte, un certain nombre de morceaux vraiment remarquables, surtout dans les deux premiers chants, où l’auteur traite de l’existence de Dieu et de l’immortalité de l’âme ; mais le souffle du génie manque à l’ensemble ; le plan aurait pu être fécondé par une imagination plus forte et la poésie être ■ plus entraînante, plus lyrique, plus inspirée : c’est un flambeau qui luit sans échauffer et darde rarement une vive lumière. Malgré ces justes reproches, le poème de la Religion occupera toujours un rang distingué parmi les bonnes compositions de la littérature française. « Le plan du poème de la Ueligon, dit de Fontanes (notes de la traduction de l’Essai sur l’homme), est sage, mais triste ; la diction en est souvent élégante et, dans sa faiblesse même, elle conserve de la douceur et de la pureté. Si Racine fils mérite beaucoup d’éloges comme versificateur, il manque aussi des qualités qui font le grand poète, la verve et l’imagination ; il n’a point aperçu toutes les ressources de son sujet, qui, malgré sa sévérité, pouvait lui fournir de riches tableaux. On ne trouve pas moins dans son ouvrage des détails précieux pour le style. Les beautés même sont nombreuses dans les deux premiers chants, où l’on croit entendre plus d’une fois les sons affaiblis de cette harmonie céleste qui nous charme dans les vers A’Eslher et d’Athalie.  » L’auteur possédait sa matière ; et son objet, contenu dans un seul vers ;

La raison dans mes vers conduit l’homme à la foi,

est parfaitement embrassé. Les preuves sont bien choisies, fortifiées par leur enchaînement et déduites dans un ordre lumineux. Rien ne manque à la partie didactique du poème ; elle a le degré d’intérêt que peut lui donner la variété des mouvements et l’art des transitions, et de temps en temps elle est relevée par des tableaux poétiques. On se rappelle le morceau qui commence par ces vers :

Oui, c’est un Dieu caché que le Dieu qu’il faut croire ; Mais, tout caché qu’il est, pour révéler sa gloire, Quels témoins éclatants devant moi rassemblés ! Répondez, cieux et mers, et vous, terre, parlez.

Citons encore, comme morceaux principaux : les Preuves morales de l’existence de Dieu, Y/Tomme, l’Ame et le corps, les Insectes, les Philosophes de l’antiquité, etc.

Le poBme de la Religion a paru en 1742. Non-seulement il a eu un très-grund nombre d’éditions, mais il a été traduit en vers anglais, en vers allemands, deux fois en vers italiens et plusieurs fois en vers latins, notamment par Étienne Bréard et par l’abbé Revers.

Religion (TRAITS HISTORIQUE ET DOGMATI quk dk la vraib), par l’abbé Bergier (1780 et 1820, 12 vol.). On sait que l’abbé Bergier fut l’adversaire le plus acharné des philosophes du xvilje siècle. Ce traité est son principal ouvrage. J Introduction développe cette thèse fondamentale ; Il n’y eut jamais de vraie religion que celle qu’il a plu à Dieu de révéler ; et il l’a donnée telle qu’il la fallait, relativement aux divers états de l’humanité. Dans le premier âge du monde, où se place la société patriarcale, une religion très-sim » pie, suflisante, existait. Mais le fétichisme, puis le polythéisme dénaturèrent ce culte domestique et retardèrent les progrès de la civilisation. Quand des corps de nations et des sociétés civiles se furent constitués, Dieu révéla par Moïse une religion nationale. Dieu exerça l’auguste fonction de législateur ; il incorpora les lois civiles et politiques avec les lois morales et religieuses. Tous les peuples voulurent avoir des dieux nationaux ; cette idolâtrie perpétua les guerres entre eux. Les Hébreux tombèrent dans les mêmes erreurs et dans les mêmes maux toutes les fois qu’ils s’écartèrent de la tradition’mosaïque. Quand la puissance de Rome eut rangé sous ses lois toutes les nations du monde connu, devenues comme les membres d’une patrie commune, Dieu annonça aux hommes une religion universelle ; Jésus-Christ envoya ses apôtres prêcher l’Évangile à tous les groupes’de la famille humaine. Il apprit aux nommes que Dieu est non-seulement le créateur de la nature, le père des peuples, le fondateur de la morale et des lois, mais l’auteur du salut et de la sanctification de l’homme, et qu’on n’y parvient que par les mérites d’un médiateur. Le droit naturel, le droit civil, le droit des gens, toujours méconnus par les philosophes, dit l’abbé Bergier, ne sont point le fruit des réflexions ou des conventions humaines, mais le produit des leçons de la sagesse divine. La révélation priinitivo a fondé la société naturelle, la seconde a fait la société civile, la troisième a établi la société religieuse ou la communion des saints, conduite par la tradition universelle (catholicité). Chacune de ces religions ou révélations est venue à son heure. Une quatrième révélation générale est impossible : elle ne serait plus analogue à aucun état de la nature humaine. Les trois parties de l’ouvrage traitent des trois époques de la révélation. Ici, nous

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résumerons les idées et les arguments présentés par l’auteur. La religion n’est pas une œuvre humaine, mais un don de Dieu, puisque les peuples primitifs ont adoré un seul Dieu avant de tomber dans le polythéisme et dans l’idolâtrie. C’est le fondement naturel et nécessaire de la famille et de la société. Après avoir examiné les dogmes, la morale, le culte extérieur et les conséquences de la révélation originelle, l’auteur s’applique à réfuter diverses hypothèses scientifiques de Buffon. Il s’occupe ensuite, soit en apologiste de la religion, soit en polémiste, de l’origine du mal, de la spiritualité, de la liberté et de l’immortalité de l’âme, des mystères, du dogme du péché originel, qu’il ne juge contraire ni à la raison ni à Injustice, de la^norale religieuse comparée avec les systèmes do morale des matérialistes, des pyrrhoniens et autres. Il expose les devoirs divers prescrits à l’homme par la loi naturelle, qu’il distingue de la religion naturelle des déistes, selon lui inadmissible. Cette première partie est terminée par une récapitulation, où l’auteur établit les principes de la certitude, avant de passer outre. La seconde partie a pour objet la révélation donnée aux Hébreux, la religion juive. Il y justifie les miracles et les prophéties, la mission de Moïse et l’authenticité du texte sacré ; puis la religion juive en elle-même, ses dogmes, son culte, ses lois et enfin les meurtres et les massacres ordonnés par les chefs du peuple élu. Revenant sur la question des prophéties, il en montre l’accomplissement. Il soutient contra les juifs que leur erreur est volontaire et qu’ils auraient dû reconnaître le Messie à des signes manifestes. La troisième partie est destinée à prouver la vérité de la révélation évangélique. L’auteur tente de démontrer l’authenticité des Évangiles et des autres livres du Nouveau Testament, ainsi que l’exactitude des faits de l’histoire évangélique : les miracles, les discours, les prédictions, la mort, la résurrection, l’ascension de Jésus-Christ, la descente du Suint-Esprit, la prédication des apôtres, l’établissement du christianisme, le caractère et les mœurs des premiers fidèles, les causes et les effets des persécutions, les dogmes, la morale, le culte extérieur de l’Eglise chrétienne, la constitution du christianisme, la discipline et les lois ecclésiastiques, les bienfaits sociaux du christianisme ; enfin tout ce qui a été de la part des philosophes l’objet d’un doute ou d’une accusation est défend^ et justifié. Le tout se termine par une récapitulation des preuves générales et particulières de la religion chrétienne.

Nous n’avons pas besoin de dire que les arguments de l’abbé Bergier sont loin de nous paraître convaincants ; mais il faut reconnaître qu’ils sont présentés avec une certaine habileté.

Religion dans les limiirs de la raison (la),

traité philosophique de liant (Kœuigsberg, 1783, in-S" ; traduit en français, par J. Trullard, Paris, 1841, in-8<>). Cet ouvrage, l’un des principaux de Kant, se compose de quatre parties et d’un appendice. La traduction française est précédée d’une lettre d’Edgar Quinet. La première partie est intitulée: De la coexistence du mauvais et du bon principe dans l’homme ; la deuxième, De la lutte du bon et du mauvais principe pour la domination dans l’homme ; la troisième, Victoire du bon principe sur le mauvuis ; avènement du règne de Dieu sur la terre; la quatrième, One recherche du, vrai et du faux culte sous la domination du bon principe. L’appendice n’est que la préface de l’édition originale. Edgar Quinet résume ainsi le livre dans la lettre insérée en tête de la traduction:« Dans un examen sans doute trop rapide de la théologie allemande, cet ouvrage m’avait paru marquer le point précis où les doctrines du Xviii » siècle avaisnt commencé à se transformer sous l’influence morale du protestantisme du Nord. Un examen plus attentif m’a confirmé dans cette idée. Le drame de la croyance et de la science, lequel a débuté d’une manière si saisissante dans notre Pascal, se dénoue ici paisiblement dans un égal mélange de scepticisme et d’idéalité. On y voit poindre surtout ce système d’interprétation figurée qui, s’étendant de plus en plus, semble aujourd’hui insinuer un esprit nouveau dans la lettre de la révélation. Tandis que la France, sortie de l’enceinte de la tradition, niait ostensiblement le christianisme par l’organe de ses encyclopédistes, l’Allemagne arrivait au même but, changeant, modifiant, transformant le dogme de manière à y substituer un théorème moral. Dans notre pays, la philosophie procédait avec un esprit de révolution, elle luttait à découvert. De l’autre côté du Rhin, elle pénétrait, s’insinuait jusque dans le sanctuaire; enfin elle s’assit sans tumulte à la place du prêtre. Le Dieu même s’était évanoui, que rien encore ne paraissait changé. >

Après être descendu & l’aide d’une conception particulière dans le gouffre du scepticisme et. avoir détruit tout.ee qui auparavant semblait incontestable, Kant crut découvrir qu’il existe un sentiment moral qui est le génia même des races occidentales, une loi du devoir destinée à contre-balancer le scepticisme intellectuel qui était l’œuvre de la spéculation philosophique. Cette pensée lui suffit à reconstruire l’édifice qu’il avait détruit dans la Critique de ta raison pure.

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C’est à l’aide du sens moral que Kant se propose d’établir la notion de Dieu et de constituer une religion en dégageant le culte éternel de ses formes transitoires, des formules temporaires et successives sous lesquelles il a existé dans le passé. Y a-t-il un bon ou un mauvais principe, ou le mal est-il inhérent à la nature humaine ? Oui, dit Kant, car le monde est la proie du mal : < Cette planète est aussi ancienne que l’histoire, que la poésie, antérieure encore a l’histoire, même que la plus ancienne entre toutes les poésies, la poésie religieuse. L’histoire et la poésie pourtant font commencer le monde par le règne du bien, par l’âge d’or, la vie dans le paradis, ou une vie plus heureuse encore, à cause du commerce avec les êtres célestes. Mais ce bonheur, les mêmes traditions poétiques et historiques le font bientôt évanouir comme un songe et montrent la chute de l’homme dans le mal de plus en plus rapide et profonde. •

L’auteur parle de Siva. le dieu de la destruction, considéré dans 1 Inde comme le dieu d’aujourd’hui, tandis que Vichnou, le dieu de la conservation ou du bien, s’est démis de ses fonctions depuis des siècles. Il y a à rencontre de cette doctrine une opinion moderne, celle du progrès, que Kant nomme une opinion pédagogique. Il entend sans doute par là qu’elle a principalement cours dans les écoles. « Elle consiste à dire que le monde marche dans une direction précisément inverse de la précédente, qu’il va du mal au mieux continuellement, quoique le progrès soit à peine sensible, que du moins la disposition à l’amendement moral se trouve dans la nature humaine. » En fait, Condorcet n’a pas inventé la théorie du progrès : elle n’est qu’un côté de l’optimisme de Leibniz. En morale, Kant l’attribue à la plupart des moralistes, depuis Sénèque jusqu’à Rousseau, Ce n’est, dit-il, qu’une hypothèse et cette hypothèse, est démentie par l’histoire. Il distingue, du reste, entre la civilisation qui n’existe que relativement à la barbarie et la question du bien et du mal, qui est toute différente. Ne pourrait-il pas se faire que l’homme ne fût ni bon ni méchant ? ■ Un homme est appelé méchant, non point par ta raison que ses actions sont méchantes ou contraires à la loi, mais parce qu’elles ont un caractère tel qu’elles donnent droit de supposer dans l’agent des maximes mauvaises. On peut bien constater par l’expérience que les actions sont contraires à la loi morale ; on peut même reconnaître, du moins d’après les actions mêmes, qu’elles ont été accomplies contrairement à cette loi, avec la conscience de la transgression que l’on commettait. Mais les maximes, on ne peut point les observer expérimentalement, même dans sa propre conscience ; par conséquent, on na peut point les fonder sur l’expérience. »

Le principe de nos actes est dans la nature et ici, par nature, Kant entend le principe subjectif de l’usage de la liberté en général, principe qui est antérieur à tout fait tombant sous les sens. Ce principe a telle origine qu’on voudra ; mais il doit toujours être accompagné de liberté, sans quoi nous serions irresponsables, Or, il y a deux arbitres : l’un animal et physiologique ; il est irresponsable ; l’autre est libre et agit par des causes dépendantes de la raison. De sorte que le principe du mal ne peut être dans la volonté déterminée par l’inclination, ni dans une impulsion instinctive, mais dans une règle que la volonté s’est faite elle-même pour l’usage de sa liberté. C’est donc une maxime. Mais quel est donc le principe subjectif de cette maxime ? Ce n’est pas un instinct, sans quoi l’homme se déterminerait par des causes physiques. Alors, qu’est-ce ? Il est primitif, mais Kant avoue n en pouvoir déterminer l’essence.

Les dispositions originelles de l’homme par rapport à sa fin sont au nombre de trois : 10 la disposition a l’animalité en tant qu’être vivant ; 2° la disposition à l’humanité en tant qu’être vivant et raisonnable ; 3° la disposition à la personnalité en tant qu’être raisonnable et responsable. La question du bien et du mal se rapporte donc à sa personnalité, et l’usage qu’il fait de sa personnalité crée le bien et le mal. Le bien consiste, pour lui, à ne pas faire à autrui ce qu’il ne voudrait pas qui lui fût fait ; respecter la personnalité dans autrui au même degré que dans soimême, voilà le principe du bien ; celui du mal en découle.

L’idée que l’homme est mauvais de sa nature est fort accréditée ; c’est dans ce sens qu’Horace disait : Vitiis nemo sine nascitur. Mais cette proposition : « L’homme est méchant, < ne peut signifier que : « L’homme a conscience de la loi morale et a pourtant admis la dérogation accidentelle à cette loi parmi ses maximes. »

On ne peut admettre le péché originel comme cause du mal, bien que le péché soit quelquefois héréditaire comme une maladie physique. > Toute action vicieuse, dit Kant, du moment qu’on en recherche l’origine rationnelle, doit être considérée comme accomplie par un hommo sortant immédiatement de l’état d’innocence. En effet, quelle qu’ait été sa conduite antérieure et quels que puissent être les agents physiques, en lui ou hors de lui, qui l’aient influencé, son action n’en est pas moins libre ; elle n’a été déterminée par aucune de ces causes ; elle peut et doit,

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consêquemment, être déclarée, malgré tout, un exercice primitif du libre arbitre. »

En cette matière, on ne peut rien prouver par la raison ni par l’expérience. C’est un objet de foi qui ne s’enseigne pas et qui vient de la conscience. Pourtant il y a, à cet égard, une sorte d’expérience su » generis qui résulte de l’étude attentive de la tradition. À l’état de nature, il est difficile d’étudier la tradition. Mais l’homme est sorti de bonne heure de l’état de nature au pointde vue des croyances comme à celui des intérêts. Comme il a créé, pour sauvegarder les seconds, un état politique, il a créé, pour sauvegarder ses croyances, des républiques morales. La législation des républiques morales est représentée, dans 1 histoire, par les religions. L’idée d’un peuple de Dieu gouverné par des institutions humaines n’est autre que l’idée d’une Église. La constitution d’une Église résulte toujours d’une croyance historique appelée révélation. L’idée de Dieu représentée par des idées partielles (polythéisme) ou par une idée générale (monothéisme) existe dans tous les cultes. « La religion subjectivement considérée, dit Kant, est la connaissance de tous nos devoirs en tant qu’ordres divins. » Une religion formulée est dite révélée ; une religion non formulée par des lois est dite religion naturelle.

Le christianisme n’est devenu une religion véritable qu’à l’aide d’une organisation politique, à Si aux lois naturelles, connaissables par la simple raison, ne sont point ajoutées certaines dispositions positives et 6n même temps appuyées sur une autorité législatrice, il manquera toujours ce qui constitue pour les hommes un devoir spécial, à savoir le moyen d’atteindre leur fin suprême, c’est-à-dire leur union stable en une Église visible, universelle. »

Il est vrai que la superstition s’introduit facilement dans les cultes positifs. L’idée mère de la superstition est l’anthropomorphisme, c’est-a-dire la disposition à donner aux sentiments moraux et aux idées rationnelles une figure concrète et humaine.

Du reste, si les religions positives sont nécessaires à l’humanité considérée collectivement, les.esprits d’élite peuvent acquérir une probité naturelle, supérieure à celle des fidèles d’un culte proprement dit. < On n’a pas encore vu que ces favoris, ces élus par choix extraordinaire, ceux qui s’appellent eux-mêmes fidèles, aient mieux agi ea rien que les hommes probes naturellement, sur lesquels on peut faire fond dans les relations de la vie, dans les affaires, dans les positions critiques ; au contraire, pris en masse, les premiers peuvent à peine soutenir la comparaison avec les autres. >

Religion vengée (la), poème en dix chants, par le cardinal de Bernis, ouvrage posthume (Panne, 1795). Bernis, auteur de petits vers où la négligence le dispute à l’affectation, ne s’est pas proposé d’écrire une épopée religieuse ni de composer en vers une œuvre analogue au Génie auchristianisme. Dépourvu de l’imagination colorée de Chateaubriand et moins bon versificateur que Racine lits, il n’a embrassé qu’un horizon restreint. Réfuter les athées et les déistes, tel a été son but. Ce n’est là qu’une partie du sujet, et encore un poâte éloquent, inspiré, pourrait dédaigner cette argumentation philosophique ; il n’a pas besoin de convaincre par le raisonnement s’il sait émouvoir et enthousiasmer. Montrer la religion triomphante de l’orgueil ne peut être que 1 objetd’un livre de controverse. L’œuvre de Bernis n’est rien moins qu’un poème. Il réfute judicieusement les systèmes de Lucrèce, de Pyrrhon et de Spinoza. Il déploie quelque vigueur de pensée, mais nulle invention. Il rencontre quelques bons vers philosophiques, faits un a. un ou deux à deux. Et c’est tout. Pauvre de poésie, monotone, il n’a ni élégance ni coloris ; cependant son style n’est pas sans noblesse.

Religion (DE LA) considérée dans sa source, ■ es formes e » « e » développement, par Benjamin Constant (1824-1830, 5 vol.). Cet ouvrage parait avoir été l’enfant de prédilection de l’auteur. Il y a réuni le fruit des ’méditations de toute sa via sur les grands objets de la morale, du bonheur social et de la destinée ultérieure de l’homme. Toute l’argumentation de l’auteur ne roule que sur

"utilité du sentiment religieux dégagé des formes au moyen desquelles le sacerdoce des divers pays et des différents âges a voulu l’exploiter, et qui, dans sa pureté primitive, a été la source de tout ordre, de toute grandeur et de tout dévouement.

La politique de Benjamin Constant peut se résumer en deux mots:restreindre l’autorité. La même tendance se remarque dans ses opinions religieuses. Rousseau fut son point de départ; Jacobi, Kant et l’école écossaise aidèrent la croissance de sa pensée. Polythéiste dans sa jeunesse, il se corrigea promptement de cette idée fausse. Avec Rousseau, il avait considéré la religion comme un sentiment qui s’élève dans le cœur de l’homme et cherche à nouer avec Dieu un rapport individuel. Mais de ce point commun il s’élève plus haut par l’étude de l’histoire. Il suit les transformations successives du sentiment religieux chez tous les peuples, et, au lieu de voir, comme le xviH8 siècle, dans les diverses institutions sacerdotales autant de fourberies systématiques, Il y trouve autant des-