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renoncement est un acte de la volonté intérieure mue par des motifs purement religieux : La vie chrétienne est une vie de renoncement et de sacrifice. La renonciation est un acte extérieur dont l’effet est d’aliéner les droits qu’on avait sur certaines choses. Ainsi, renon-, cernent n’appartient qu’au langage mystique, renonciation appartient à la Tangue du droit et a celle de tout le monde.

— Encycl. Philos. Une des choses que prescrit de préférence la morale évangélique, c’est le renoncement a soi-même et au monde. « Si quelqu’un veut venir après moi, dit Jésus-Christ dans l’évangéliste Matthieu, qu’il renonce à lui-même, qu’il porte sa croix. et qu’il me suive. ■ Ailleurs : « Celui qui voudra sauver sa vie la perdra, et celui qui la perdra pour moi la retrouvera. » Il dit encore dans l’évangélisteliUC : « Si quelqu’un d’entre vous ne renonce pas à tout ce qu’il possède, il ne peut pas être mon disciple. » Ce seul mot, renoncement, pourrait être pris comme épifraphe de toute la morale évangélique : pour tre sauvé, pour posséder le royaume des cieux, l’homme renoncera à tout ; il renoncera à son père et à sa mère pour s’attachera Jésus-Christ ; il renoncera a toutes les affections humaines pour n’aimer que le Christ ; il renoncera à la richesse : « Un chameau passerait plutôt par le trou d’une aiguille qu’un riche n’entrerait dans le royaume des cieux. » Les apologistes de la morale chrétienne ont exalté cette doctrine du renoncement k soi-même, aux siens et aux choses de la terre •, ils y voient l’expression la plus complète de la charité ; mais la morale moderne est sur ce point en désaccord avec la morale évangélique. Ce mot, morale moderne, sonne mal à certaines oreilles. On est contraint cependant de reconnaître qu’il y a une profonde différence entre une morale fondée sur un principe et une morale qui ne repose que sur un sentiment. Qu’entraînées par un amour mystique certaines âmes croient bon de renoncer complètement à elles-mêmes en faveur de l’objet aimé, de s’abîmer devant lui, de s’identifier avec lui, nous le comprenons ; c’est le fait, c’est le résultat de l’amour. Roméo n’aime pas autrement Juliette que sainte Thérèse le Christ. Mais un sentiment ne peut être considéré comme un principe oblifatoire d’action ; pour qu’il y ait morale, il aut un principe. Ce principe, les penseurs modernes l’ont trouvé ; c’est le droit. Ecoutons sur cette différence, que nous ne pouvons que signaler ici, un des écrivains les plus autorisés de notre temps, à L’âme chrétienne, ditE. Vacherot, j’entends l’âme évangélique, connaît la charité et pratique le dévouement, l’humilité, la bonté, toutes les

vertus douces et sublimes qui ont leur source dans l’amour. La conscience moderne connaît la justice, c’est-à-dire le respect de la personne humaine, principe de tout devoir et de tout droit. C’est ce qui explique pourquoi le chrétien tend la seconde joue à l’outrage, alors que l’homme moderne le punit, soit en invoquant la loi, soit en opposant le droit de la défense personnelle à l’injustice de l’attaque. » (La Heligion.)

Ainsi, le principe de la morale moderne est celui-ci : respect de la personnalité humaine, en toi-même et en autrui. Rien n’est plus contraire que ce principe au renoncement à soi-même. Renoncer a soi-même, c’est renoncer h l’humanité qui est en nous, c’est la dégrader, l’humilier. L’homme du xixo siècle pratique la justice ; il ne cherche pas à absorber en lui les personnalités qui l’entourent, il ne laisse pas davantage confisquer sa personnalité par qui que ce soit ; ce serait le fait d’un esclave. Et ce n’est pas là de l’orgueil ; on peut dire que l’homme a charge d’àmes, il porte en lui l’humanité. C’est nn dépôt dont il ne doit pas se laisser dessaisir, qui ! ne doit pas laisser altérer ; autrement, ’ il n’a plus droit au respect, et il offre au monde l’étrange spectacle d’un homme qui n’a pas voulu, qui n’a pas su être un homme. On nous dira : L’humilité est la plus belle dés vertus ; nous répondrons : Si par humilité vous entendez le renoncement complet a soimême, l’abdication par l’homme de sa personnalité, nous ne voulons pas de votre vertu ; c’est une vertu d’esclaves et non d’hommes libres.

RENONCER v. n. ou intr. (re-non-sé — du latin renuntiare ; de re, préfixe, et de nuntiare, annoncer. Se conjugue comme annoncer). Se désister de toute prétention : Renoncer à la couronne. Renoncer à une succession. Renoncer à un droit, il Ne plus tenir, ne plus s’attacher, ne plus s’affectionner ; Renoncer aux honneurs, aux dignités. Renoncer à l’amour. Renoncer au monde. Renoncer aux plaisirs. Renoncer à sa foi, à sa religion. Renoncer à l’amitié de quelqu’un. Renoncer à la vie. Renoncer à une entreprise. Renoncer à faire entendre raison à quelqu’un. Il faut presque toujours renoncer aux plaisirs pour éviter les maux. (D’Ablane.) On Renonce plus aisément à sou intérêt qu’à son goût. (La Rochef.) La première chose qui arrive aux hommes, après avoir renonce aux plaisirs, c’est de les condamner dans les autres. (La Bruy.) Nous ne renonçons pas aux tiens que nous nous sentons capables d’acquérir. (Vauven.) Renoncer à sa liberté, c’est renoncer à sa qualité d’homme, aux droits de l’âwnanité, même à ses devoirs, (J.-J. Rouss,) L’oiseau qui veut manger son chênevis dans sa vo-

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Itère renonce à la clef des champs. (De Jussieu.) L’homme ne renonce jamais à ce qui lui est une fois apparu comme juste. (Lamenn.) L’homme ne peut pas plus renoncer au tra~ mil qu’à la liberté. (Proudh.) Il y a tels électeurs que l’on ne ferait pas renoncer à une foire pour aller voter. (Dupin.) Pour tout homme qui ne renonce pas à sa raison, le mystère est à la fois inutile et absurde. (Lacordaire.) Il faut savoir renoncer aux jouissances qui peuvent amener des regrets. (Cousin.) On renonce au bon sens plutôt que de tomber dans te vulgaire. (Bougeart.) L’homme a le pouvoir de renoncer à la vie, mais il n’a pas le droit de se l’âter. (E. de Gir.) Renoncer au monde, si l’on prend le précepte à ta lettre, c’est fausser sa destinée en dépravant sa nature. (Toppfer.) L’art de se suicider par le corset n’est pas aussi répandu qu’on le croit généralement ; quelques femmes y ont renoncé et n’en sont pas plus mat faites. (Réveillé-Parise.) L’amour, maître suprême du cœur des femmes, ne renonce jamais à son empire. (Mn>o Romieu.)

Ce serait dans la vie une fâcheuse chose Si, pour les sots discours où l’on peut être mis, Il fallait renoncer a ses meilleurs amis.

Molière.

— Absol. : Vous renoncez trop ut’ie. {Acad.} On est toujours à temps de renoncer. (Acad.) Il ne faut jamais renoncer tant qu’on peut aller. (Acad.)

Henoncer à soi-même, Se dépouiller de tout amour-propre, de sa volonté, de son intérêt : Pour être doux aux autres, il faut renoncer à soi-même. (Fén.)

— Jeux. Ne pas fournir de la couleur demandée, soit qu’on en ait ou qu’on n’en ait pas : On joue pique et vous jouez trèfle ; vous renoncez. (Acad.)

— v. a. ou tr. Refuser de reconnaître, renier, désavouer : Renoncer quelqu’un pour son parent, pour son ami. Renoncer quelqu’un pour son protecteur, pour son bienfaiteur. Si mon fils faisait cela, je le renoncerais.

— Abandonner, délaisser : Nous enrichissons les autres animaux des biens naturels et les leur renonçons. (Montaigne.) Si quelque bruit extraordinaire donne de l’inquiétude à la couveuse, elle se réfugie dans son fort et bientôt elle revient à sa couvée, qu’elle ne renonce jamais. (Buff.) H Sens vieilli.

Se renoncer v. pr. Abdiquer sa personnalité : Il s’agit d’être pauvre avec Jésus-Christ, de porter sa croix avec lui en se renonçant. (Fén.)

— Syn. Henoncer, abandonner, délaisser, quitter. V. ABANDONNER.

RENONCIATAIRE s. (re-non-si-a-tè-re •rad. renoncer). Jurispr. Personne en faveur de qui l’on fait une renonciation.

RENONCIATEUR, TRtCE s. (re-non-si-ateur, tri-se — rad. renoncer). Jurispr. Personne qui fait une renonciation.

RENONCIATION s. f. (re-non-si-a-si-onrad. renoncer). Jurispr. Acte par lequel on renonce a une chose : Renonciation par écrit. Renonciation verbale. Renonciation en bonne forme. Renonciation à une succession.

— Antiq. rom. Acte par lequel on signifiait le divorce.

— Syn. Renonciation, renoncement. V. RENONCEMENT.

— Encycl. Jurispr. I. De la renonciation en général. La renonciation, dans le sens le plus large du mot, est un acte par lequel une personne abdique ou abandonne un droit qui lui appartient. Si ce droit n’est autre chose que 1 action intentée en justice, la renonciation prend le nom spécial de désistement. La renonciation qui s’applique à une créance prend le nom de remise de dette.

La capacité nécessaire pour faire ou accepter une renonciation est différente suivant qu’il s’agit d’une renonciation gratuite ou d’une renonciation à titre onéreux. Dans le premier cas, la capacité se détermine d’après les règles relatives aux contrats à titre gratuit ; dans le second cas, d’après les règles relatives aux contrats à titre onéreux. Une personne capable de faire une renonciation peut, en général, renoncer à tous les droits et à toutes les facultés qui ne sont établis que dans son intérêt privé. Au contraire, les droits ou facultés accordés à une personne dans des vues d’ordre public ne sont point susceptibles de former l’objet d’une renonciation. Les droits qui sont hors du commerce peuvent être soumis à la même règle, car ils sont exclus de toute convention. On peut citer, k titre d’exemple, les droits résultant de la puissance maritale et de la puissance paternelle sur la personne de la femme et des enfants. Les droits éventuels ou conditionnels peuvent, tout aussi bien que les

droitsactuellementouverts, faire l’objet d’uno renonciation. Nous tirons cette solution des articles 884, 2e alinéa, et 1627. L’article 884 est ainsi conçu : l<> Les cohéritiers demeurent respectivement garants, les uns envers les autres, des troubles et évictions qui procèdent d’une causa antérieure au partage. La garantie n’a pas lieu si l’espèce d’éviction soufferte a été acceptée par une clause expresse de l’acte de partage, etc. Le 2e alinéa de cet article montre, dans un cas particulier, qu’on peut renoncer à un droit conditionnel, et coraino

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il n’y a aucune raison pour l’admettre dans ce cas et de le refuser dans d’autres, il faut reconnaître que l’article 884, se alinéa, consacre l’application d’un principe de droit commun. L’article 1627 vient corroborer encore cette solution, en permettant d’ajouter ou de diminuer les effets de l’obligation de garantie en matière de vente. D’après cet article, « les parties peuvent, par des conventions particulières, ajoutera cette obligation de droit (obligation de garantie) ou en diminuer l’effet ; elles peuvent même convenir que le vendeur ne sera soumis à aucune garantie. » Si les droits éventuels et conditionnels peuvent, aussi bien que les droits actuellement ouverts, faire l’objet d’une renonciation, il en est autrement des simples expectatives, qui ne saisissent actuellement d’aucun droit celui au profit duquel elles peuvent un jour se réaliser. Les articles 791, 1130 du code civil contiennent, notamment, des applications de cette règle. Article 791 : « On ne peut, même par contrat de mariage, renoncer à la succession d’un homme vivant, ni aliéner les droits éventuels qu’on peut avoir à cette succession, à Article 1130 : « Les choses futures peuvent être l’objet d’une obligation ; on ne peut, cependant, renoncer à une succession ouverte, ni faire aucune stipulation sur une pareille succession, même avec le consentement de celui de la succession duquel il s’agit. > 11 faut bien remarquer, malgré la formule générale que nous avons donnée, que, si la renonciation à une simple expectative, d’ailleurs d’intérêt purement privé, avait été stipulée accessoirement à une convention dans le but d’en étendre ou d’en restreindre les effets, elle devrait, sauf disposition contraire, être considérée comme valable. Toutefois, ce principe souffre exception dans l’article 1268 : « La cession judiciaire est un bénéfice que la loi accorde à un débiteur malheureux et de bonne foi, auquel il est permis pour avoir la liberté de sa personne de faire, en justice, l’abandon de ses biens à ses créanciers, nonobstant toute stipulation contraire. «Cette exception n’existe plus aujourd’hui qu’en pure théorie, puisque la loi du 23 juillet 1867 a aboli la contrainte par corps. Au reste, ce n’est qu’une exception et nous pouvons indiquer des cas nombreux rentrant dans la règle générale. C’est ainsi qu’on peut renoncer d’avance k la faculté de demander un délai de grâce ou d’opposer la compensation. La renonciation n’est, en général, assujettie h aucune forme extérieure ; telle est la règle ; toutefois, il y a des dérogations à cette règle dans les articles 78* et M50 du code civil et dans la loi du 23 mars 1857 sur la transcription. L’article 781 dispose : • La renonciation à une succession ne peut être faite qu’au greffe du tribunal de première instance dans l’arrondissement duquel la succession s’est ouverte, sur un registre particulier tenu à cet effet. > L’article 1457 contient une disposition analogue pour la renonciation à la communauté ; enfin, la loi de 1855 exige que certains actes soient transcrits. En dehors des cas où la loi exige que la renonciation soit manifestée d’une façon expresse et formelle, elle peut avoir lieu même tacitement. Les articles 1211, 1212, 1282,1283,1338, alinéas 2 et 3, et 1340 fournissent des exemples de renonciation tacite. Si lu renonciation n’est pas expresse et qu’il y ait doute, elle ne doit pas se présumer. La renonciation non douteuse doit être interprétée d’une façon restrictive. Du principe que la renonciation ne se présume pas, il résulte que, si deux actions sont ouvertes à une personne pour une même cause, le choix de l’une de ces actions ne saurait, en général, être considéré comme une renonciation a l’autre action ; toutefois, cette solution n’est pas sans avoir été vivement contestée. L’effet de la renonciation peut être limité au moyen de réserves. On peut aussi, à l’aide d’une protestation, se garantir contre le danger d’une interprétation qui tendrait à présenter tels ou

tels faits comme emportant renonciation tacite ; Une renonciation peut, en général, être rétractée tant qu’elle n’a pas été acceptée par celui au profit duquel elle a été faite (art. 462, 790,1211, afin. 3, 1364 et 403 du code de proc. civ.). L’adage ad jura renuntiata non datur regressus serait inexact en tant qu’on voudrait l’appliquer à une renonciation non encore acceptée.

— IL De la renonciation à succession. Dan3 ce sens restreint, la renonciation est l’acte par lequel l’héritier déclare expressément rester étranger à la succession. Les conditions nécessaires à la validité de la renonciation sont les suivantes. Il faut d’abord que la succession soit ouverte. L’ancien droit autorisait la renonciation à une succession future ; lesfilles renonçaient fréquemment, par leur contrat de mariage, à la succession de leur père ou mère, moyennant une dot qui leur était constituée. Pothier nous donne la raison de la faveur qui accompagnait ces renonciations : ■ C’est, dit-il, afin de conserver les biens sur la tête des mâles et de soutenir la splendeur du nom. » Cettelégislationdevaitdisparaîtreavec l’ancien état ce choses. Les principes d’égalité consacrés par la Révolution ne pouvaient s’accorder avec une coutume qui avait pour résultat de* placer les femmes dans une sitiuition tout à l’ait inférieure ; aussi, l’article 791 du code civil dispose-t-il qu’on ne peut, même par contrat de mariage, renoncer à la succession d’un homme vivant, ni aliéner les droits éventuels qu’on peut avoir à cette suc RENO

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cession. Toutefois, la règle posée dans l’article 791 souffre exception dans les articles 761 et 918 (v. ces articles). Il faut, en outre que l’héritier qui répudie connaisse l’ouverture de la succession. Ainsi, lorsqu’on renonce à la succession d’un homme qui est encore vivant, la renonciation est complètement inefficace. Il faut enfin que l’héritier qui renonce soit capable d’aliéner.

La renonciation doit être expresse ; elle ne se présume pas (art. 784) ; elle doit être faite au greffe du tribunal de première instance dans l’arrondissement duquel la succession s’est ouverte, sur un registre particulier tenu a cet effet. À défaut de renonciation prouvée, on devra supposer l’inaction de l’héritier. La renonciation doit être pure et simple pour devenir efficace yis-ii-vis des créanciers héréditaires. Une renonciation conditionnelle ou à terme devrait être réputée non avenue ; il en est de même, suivant les circonstances, d’une renonciation partielle. Vis-à-vis des autres héritiers, la renonciation peut être valablement faite sous toute espèce de réserve ou décondition. Les formes spéciales exigées par l’article 784 sont nécessaires pour rendra la renonciation efficace à l’égard des créanciers et des légataires. L’héritier peut charger un mandataire du soin de faire les déclarations prescrites au greffe du tribunal j en ce cas, la procuration du mandataire doit être annexée à la déclaration. Cette procuration doit être donnée en termes exprès et par écrit ; mais elle n’a pas besoin d’être authentique. Entre les successibles, la renonciation n’est soumise à aucune forme spéciale, -elle est susceptible d’être faite et acceptée dans toute espèce d’actes, authentiques ou sous seing privé.

D’après l’article 785, < l’héritier qui renonce est censé n’avoir jamais été héritier. • En d’autres termes, la renonciation fait cesser la saisine et toutes ses conséquences, avec effet rétroactif au jour de l’ouverture de la succession. L’article 786 ajoute : « La part de l’héritier qui renonce accroît à ses cohéritiers ; s’il est seul, elle est dévolue au degré subséquent. • Cette disposition a besoin d’être comprise. Si l’héritier qui a renoncé avait des cohéritiers, l’article déclare que sa part accroît h ses cohéritiers. Celte proposition est beaucoup trop absolue. Prenons des espèces, La de cujus meurt en laissant deux fils, Pierre et Paul. Pierre et Paul sont écartés comme indignes ; leurs enfants succèdent de leur chef et non par représentation ; si l’un d’eux vient à faire défaut, sa part sera dévolue à son frère et à ses cousins. Dans cette hypothèse, la disposition de la loi est très-exacte. Prenons une seconde hypothèse. Le de cujus laisse deux petits-fils, nés de son fils Pierre prédécédé, et deux autres, nés de son fils Paul, également prédécèdé. L’un d’eux renonce ; sa part ne sera pas dévolue par égale partie a son frère et h ses deux cousins ; son frère seul en bénéficiera. Tous ses cohéritiers ne profiteront pas de sa renonciation ; par conséquent, l’article 788, est inexact. Troisième hypothèse. Le de cujus laisse des parents paternels et des parents maternels. Un parent paternel renonce ; sa part accroîtra à ses cohéritiers de la ligne paternelle et nullement aux parents de la ligne maternelle. Ici encore, la formule de la loi est inexacte- Passons au cas où l’héritier qui a renoncé est seul appelé. L’article 7SS est inexact lorsqu’il dit oue la part de l’héritier qui a renoncé est dévolue au degré subséquent. En effet, si nous supposons que le renonçant a des descendants au deuxième et au troisième degré et des ascendants nu premier degré, sa part sera dévolue à ses descendants et non à ses ascendants. Cependant ceux-ci sont héritiers au degré subséquent et les autres à un degré plus éloigné.

En droit romain, ia renonciation une fois faite était irrévocable. D’après le code civil, l’héritier qui a répudié peut accepter, sous la double condition que la succession n’ait pas été acceptée par un autre héritier et que la faculté d’accepter ne soit pas éteinte par la prescription. L’héritier qui accepte une succession qu’il avait répudiée doit respecter les droits acquis à des tiers sur les biens du défunt, soit par actes valablement faits avec la curateur à la succession vacante, soit par prescription.

Le droit romain et notre ancienne jurisprudence considéraient la faculté d’accepter ou de renoncer comme imprescriptible. Le code civil décide qu’elle se prescrit par trente ans.

Lorsque ia succession n’a été acceptée par aucun héritier, les créanciers de l’héritier qui a renoncé peuvent accepter en exerçant le droit de leur débiteur en vertu de l’article 1166. Si d’autres héritiers ont accepté, une distinction est nécessaire. Si la renonciation a été faite sans fraude, le3 créanciers ont les mains liées ; si elle a été faite en fraude des droits des créanciers dans toutes les conditions pres■ crites pour que l’action paulienne puisse être exercée, ils pourront la faire rescinder.

Le renonçant est autorisé à demander, pendant dix ans, l’annulation de sa renonciation, dans les trois cas suivants : 1" lorsqu’elle a. eu lieu sans l’observation des formalités prescrites pour suppléer à l’incapacité du successible pur lequel ou au nom duquel elle a été fuite ; 2U lorsqu’elle a été la suite d’un dol pratiqué ou d’une violence exercée envers le renonçant ; 3U lorsque, pur erreur, la renonciation a porté sur une autre hérédité que sur