Page:Larousse - Grand dictionnaire universel du XIXe siècle - Tome 13, part. 3, Rech-Rhu.djvu/346

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Robespierre et son parti exercèrent alors sans contre-poids une irrésistible domination ; maîtres de toutes les grandes forces révolutionnaires, ils tendaient visiblement à la dictature ; du moins la force des choses les y précipitait. Mais les débris des partis qu’ils avaient si cruellement écrasés devaient fatalement se réunir contre eux, d’autant plus qu’ils se sentaient menacés de nouvelles proscriptions.

Les animosités s’avivèrent encore quand on vit Robespierre compléter la réaction religieuse qu’il avait déterminée en s’érigeant en quelque sorte en pontife dans sa fête solennelle à l’Être suprême (20 prairial an II, 8 juin 1794).

La Convention voyait s’élever une tyrannie nouvelle, mais elle était terrifiée. Cependant, peu de temps après, à la suite de nouvelles crises, il y eut une explosion, et Robespierre fut renversé avec ses amis dans la journée fameuse du 9 thermidor (27 juillet) et livré à l’échafaud, où il avait lui-même envoyé ses adversaires.

Ainsi, le mot de Vergniaud se vérifiait, et la Révolution, comme Saturne, dévorait tous ses enfants, et finalement ce sont ces funestes divisions qui l’ont momentanément perdue.

Néanmoins, au milieu de tant de scènes tragiques, la République, par un miracle de vitalité, triomphait successivement de ses ennemis. Si la guerre de Vendée s’éternisait, mêlée de succès et de revers, Lyon avait été repris sur les contre-révolutionnaires (9 oct. 1793), Toulon sur les Anglais et les royalistes (19 déc), la plupart des mouvements insurrectionnels domptés. Le comité de Salut public préparait tous les moyens de défense ; au prix d’efforts prodigieux, Carnot, par ses savantes combinaisons, « organisait la victoire » suivant un mot bien connu. La victoire de Wattignies, le déblocus de Maubeuge, la défaite de l’armée vendéenne à Cholet, son anéantissement à Savenay, par Marceau, le déblocus de Landau et l’occupation des lignes de Wissembourg, par Hoche (qui nous rendaient l’Alsace et rejetaient l’ennemi au delà du Rhin), marquèrent la fin de la campagne de 1793.

Pendant que nos colonies étaient conquises ou ravagées par les Anglais, la France faisait les plus grands efforts pour relever sa marine et soutenir une lutte inégale sur mer. L’action la plus importante de cette période fut cette bataille navale du 13 prairial an II (1er juin 1794), où l’équipage du Vengeur renouvela sur l’Océan la sublime constance de Léonidas.

Cette campagne de 1794 ne fut pas moins brillante que la précédente. Dugommier triomphait sur la frontière espagnole ; nous étions vainqueurs dans les Alpes, du mont Blanc jusqu’à la mer, dans les Pays-Bas, en Hollande, sur le Rhin, etc. ; nous eûmes, il est vrai, quelques revers partiels, mais sans importance réelle.

Au lendemain du 9 thermidor, une ère nouvelle s’ouvre ; la marche ascendante de la Révolution s’arrête et elle va rouler maintenant sur la pente opposée. Robespierre et son parti avaient préparé les voies à la réaction, l’avaient en réalité inaugurée, en anéantissant toutes les forces révolutionnaires ; c’est la contre-révolution maintenant qui, par la force des choses, va déborder, exercer le terrorisme de la modération, sous le prétexte de punir les terroristes. C’est cette période qu’on a nommée la réaction thermidorienne. Elle s’étend de juillet 1794 jusqu’à la fin de la session.conventionnelle (octobre 1795.)

Nous en avons donné le précis à l’article Convention.

Les thermidoriens se divisaient en divers groupes ; c’était une coalition de tous ceux qui se sentaient menacés par la tyrannie du robespierrisme. Il y avait d’abord les anciens amis de Danton, les Tallien, les Legendre, les Fréron et autres ; puis les révolutionnaires avancés, Collot d’Herbois, Billaud-Varennes et autres montagnards ; enfin les hommes de la Plaine. Ces derniers, comme toujours, n’avaient fait que suivre l’impulsion des hommes d’action ; mais ce sont eux qui bientôt vont prendre la tête du mouvement.

Les girondins avaient régné, après les constitutionnels, puis les montagnards ; maintenant la décadence commence, et le pouvoir va retomber aux mains des hommes de la Plaine, les Sieyès, les Boissy d’Anglas, etc. Les thermidoriens purs seront bientôt débordés ; les survivants de la Montagne lutteront avec énergie, décimés à chaque événement par de nouvelles proscriptions ; mais le courant est irrésistible. C’était encore la République ; car, même parmi les réacteurs les plus passionnés, parmi les hommes les plus pâles de la Plaine et du Marais, à part quelques-uns qui n’osaient s’avouer, la royauté restait encore un objet de haine et d’horreur.

Mais le spectre du royalisme réapparaissait pour profiter des fautes et des divisions des révolutionnaires. De toutes parts la faction relevait la tête ; Lyon et tout le Midi étaient ensanglantés de ses excès ; la terreur blanche commençait, plus violente et plus cruelle que l’autre. En même temps renaissaient les mœurs de la monarchie, autre réaction à l’austérité des temps révolutionnaires ; l’ancienne société (en ses détritus) prenait à sa manière sa revanche, par la restauration du jeu, de la prostitution, de la spéculation effrénée, etc.

C’était le prélude du Directoire.

La réaction, qui se précipitait, non moins que la pénurie publique, causée par le débordement de l’agiotage, les accaparements, la dépréciation des assignats, causa des explosions populaires, derniers efforts du parti montagnard et patriote (12 germinal, 1er prairial an III) ; mais ces mouvements avortés ne faisaient qu’activer la marche de la contre-révolution et servaient de prétexte à de nouvelles mises en accusation de représentants montagnards et de patriotes.

Cependant, au milieu de ces déchirements intérieurs, un spectacle admirable pouvait consoler l’âme des citoyens. Les jeunes armées de la République poursuivaient le cours de leurs triomphes sur la coalition des rois. Jourdan, Pichegru, Kléber, Moreau et cent autres s’illustraient par des victoires. Le territoire était délivré et nos armées étaient en Belgique, en Hollande, dans le Palatinat, dans la Catalogne, la Biscaye, etc.

Toutefois, la guerre de Vendée s’était rallumée et durait toujours, et la chouannerie s’étendait dans la Bretagne et la Normandie. Mais la République remporta une victoire éclatante à Quiberon (18 juillet 1795), où Hoche écrasa les chouaus, les émigrés et les Anglais.

Cependant, la constitution de 1793 continuait à dormir oubliée, malgré les réclamations des patriotes qui en demandaient l’application ; le gouvernement révolutionnaire était comme périmé, et l’on ne savait trop sous quel régime légal on vivait. Sous le prétexte de compléter en la révisant la constitution montagnarde, l’Assemblée en accomplit l’escamotage par l’élaboration de la constitution de l’an III. Le pouvoir législatif était divisé en deux chambres (Cinq-Cents, Anciens) et le pouvoir exécutif confié à un Directoire composé de cinq membres. Le cens, les conditions d’âge, etc., étaient rétablis.

Pour ménager la transition, des décrets complémentaires prescrivirent que les deux tiers de la Convention entreraient dans les conseils. Cette constitution fut acceptée par les assemblées primaires à une grande majorité.

Les royalistes, se croyant maîtres de Paris après tant de réactions et de proscriptions, dominant d’ailleurs dans les sections et la garde nationale, tentèrent une insurrection le 13 vendémiaire an IV (5 octobre 1795), mais furent écrasés par l’artillerie de Bonaparte et les patriotes.

Dans ce dernier acte d’énergie, la Convention, vieillie, épuisée, mutilée par tant de proscriptions, dominée dès lors par ce qu’on nommait autrefois les « crapauds du Marais », restait néanmoins fidèle à sa volonté de fonder la République. Mais hélas ! la conception en était bien altérée.

Cette assemblée, qui avait accompli tant de choses grandes et terribles en sa virilité, se sépara le 4 brumaire an IV (26 octobre 1795), pour faire place au nouveau régime politique qu’elle avait fondé.


QUATRIÈME SECTION.
Directoire. Décadence de la République.

Ce régime est encore la république ; en réalité, il n’est plus la Révolution ; il semble même une sorte d’acheminement vers la monarchie, au moins constitutionnelle, non-seulement par le rétablissement du faste extérieur, de l’étiquette théâtrale, des costumes somptueux, de la garde accordée aux chefs du pouvoir, etc., mais encore par des dispositions constitutionnelles que la Révolution en sa jeunesse vigoureuse, et même dès sa première heure, avait instinctivement repoussées (les deux Chambres, les conditions d’âge et de cens, les gardes officielles, souvenir essentiellement monarchique, la faculté de transporter le Corps législatif hors de Paris, le haut traitement des directeurs, etc.).

Les cinq premiers membres du Directoire exécutif (nommés par les Anciens sur une liste décuple présentée par les Cinq-Cents), furent Larévellière-Lépeaux, Letourneur (de la Manche), Rewbell, Barras et Carnot (nommé en remplacement de Sieyès, qui n’avait pas accepté).

Un autre détail caractéristique du nouvel ordre de choses, c’est l’espèce de prééminence du pouvoir exécutif, installé à part, dans un palais particulier (le Luxembourg), pourvu d’une sorte de maison militaire, ne communiquant avec les deux conseils que par ses messagers d’État, jouissant enfin d’une véritable indépendance gouvernementale et se distinguant par tous ces traits des anciens comités de la Convention. Il a même laissé son nom à cette période de notre histoire.

À l’article Directoire, nous avons esquissé tous les événements de cette époque et nous devons nous borner ici à quelques observations générales.

Le Directoire fut un âge de transition ; la république était le gouvernement officiel, on jurait encore avec apparat haine à la royauté ; on combattait les royalistes, qui débordaient de toutes parts, dans l’Ouest, dans le Midi et partout, mais surtout parce que le royalisme, c’était la vengeance, c’était l’égorgement de tout ce qui avait joué un rôle dans la Révolution (on ne le voyait que trop par ses atrocités dans tous les lieux où il opérait), parce qu’enfin le royalisme, c’était le spectre de l’ancien régime et (chose capitale) la menace de la revendication des biens nationaux.

Mais on sentait bien qu’on était sur une pente, sans savoir encore à quelle espèce de chute on allait aboutir. D’ailleurs, après tant de secousses et d’orages, il y avait eu une détente, un amollissement des âmes, et l’intérêt se portait surtout vers le spectacle éclatant des champs de bataille. L’esprit public, lassé de tant de luttes acharnées, s’affaiblissait de jour en jour ; tant de grands citoyens qui eussent pu le relever avaient été moissonnés au cours des événements ; il ne restait guère, parmi les meilleurs, que des hommes sans grande autorité, sauf Carnot et quelques autres.

En ces circonstances, la prolongation de la guerre, la formation de renommées qui absorbaient l’attention, l’affaiblissement des caractères, la décadence des mœurs, l’effacement visiblement progressif de l’élément civil pouvaient faire craindre que la République ne dégénérât en gouvernement militaire, d’autant plus que l’armée était populaire, autant par ses admirables actions que parce qu’elle conservait l’esprit républicain. On ne le pressentait encore que vaguement ; mais plusieurs y songeaient et s’y préparaient de longue main, les Sieyès et autres.

La masse des citoyens était pure, quoique attiédie, attachée à la République, et conservait l’horreur nationale de l’ancien régime ; mais la haute bourgeoisie devenait de plus en plus infidèle à l’esprit de la Révolution et ne demandait plus que la conservation des avantages qu’elle en avait retirés.

De plus, il s’était formé une classe nouvelle, devenue puissante, agioteurs engraissés de biens nationaux, fournisseurs d’armée, faiseurs et tripoteurs de toutes sortes, tourbe sans idées et sans conscience, ennemie naturelle d’un régime démocratique, qui ne demandait qu’à se soumettre à une servitude stable, sous la seule garantie de jouir en toute sécurité du fruit de ses rapines.

À ces éléments il faut ajouter les débris de l’ancienne société, qui avaient reparu à la lumière pendant la réaction thermidorienne, restaurant les mœurs de l’ancien régime, le vice élégant, le jeu, la débauche, les spéculations effrénées. Beaucoup de ces revenants se groupaient dans les salons du directeur Barras, l’ex-marquis vénal et corrompu, qui faisait revivre officiellement au Luxembourg les traditions de l’Œil-de-bœuf.

Cependant, le parti populaire n’était pas complètement éteint et il fit quelques tentatives énergiques pour reprendre la direction de la République. Mais sentant la terre manquer sous ses pieds, il se jeta dans les entreprises désespérées et chimériques, dont la plus fameuse est la conspiration de Babeuf.

Le Directoire, entouré d’ennemis, accablé par des difficultés énormes, crise financière, insurrections royalistes, revers militaires, etc., semblait donc un gouvernement condamné d’avance à l’effondrement ; c’était évidemment un régime de décadence, sans appuis bien sérieux et qui ne fut jamais populaire. Mais quand on sait quel despotisme va lui succéder, il apparaît encore comme un gouvernement constitutionnel et régulier, et préférable, après tout, à la seigneurie militaire d’un Bonaparte.

Il y avait bien des patriotes et des républicains sincères dans les deux conseils, surtout aux Cinq-Cents ; et parmi les treize directeurs qui ont exercé le pouvoir pendant les quatre années de l’existence de ce gouvernement, la plupart étaient des hommes honnêtes et dévoués. Lors du coup d’État, deux d’entre eux, Gohier et Moulins, réduits à l’impuissance, montrèrent néanmoins dans leur résistance autant de constance que d’énergie.

Pour le récit des faits de cette période, voyez Directoire, Fructidor (journée du 18), etc. Voyez aussi, à la fin de l’article Bonaparte, tous les détails relatifs au 18 brumaire.

——————————————————————

La République s’est absorbée, puis éteinte dans la dictature militaire ; mais c’est une forme seule qui a péri pour renaître deux fois depuis et pour triompher définitivement du vieux fétichisme monarchique, cela est évident aujourd’hui pour toutes les personnes sensées.

Mais l’esprit de la Révolution a survécu. Bonaparte a bien pu restaurer quelques-unes des institutions de l’ancien régime ; mais il eût été impuissant contre les grandes réformes sociales qu’aucune réaction n’a pu atteindre. L’œuvre de la Révolution est demeurée entière ; elle ne peut que progresser et se compléter avec la marche de la civilisation, parce que nos pères lui ont donné d’abord pour bases de granit la justice, le droit et la liberté.

Ces nobles idées ne pouvaient mourir. Malgré toutes les réactions politiques, malgré le despotisme de l’Empire, elles se perpétuèrent, et la tradition en fut religieusement conservée par quelques âmes fortes. Mais dès lors elles étaient proscrites et ne pouvaient plus se manifester que par la voie des conspirations. La plus célèbre, dans cette période, fut celle du général Malet (v. ce mot), dont l’objet était bien réellement le rétablissement de la République. Le sentiment républicain avait laissé des racines dans l’armée, où même des sociétés secrètes s’étaient formées, entre autres celle des Philadelphes, dont Charles Nodier a fait un peu le roman dans son Histoire des sociétés secrètes de l’armée, mais qui n’en a pas moins eu une existence réelle.

L’esprit de 1789 se réveilla pendant les Cent-Jours avec une certaine intensité et se manifesta dans le pays et dans la Chambre des représentants.

Mais les folies de Napoléon, les malheurs de l’invasion rejetèrent la France aux mains des Bourbons. La Révolution et l’ancien régime se retrouvaient face à face et s’abordaient dans un duel qui devait durer jusqu’en 1830 et qui fut marqué par une série de complots et par des supplices.

Mais un des caractères des luttes de ce temps, c’est que, par suite de l’abaissement du niveau moral et intellectuel pendant la longue servitude impériale, l’esprit démocratique était profondément altéré. Le libéralisme de la Restauration, par une étrange promiscuité, s’amalgama, en effet, avec le bonapartisme ; en sorte que les grands principes de 1789 servirent efficacement, et par voie de déviation, à la renaissance des souvenirs de la tyrannie militaire.

Cette association funeste et contre nature ne fut pas seulement l’œuvre des poètes, des écrivains et des hommes politiques, et peut-être était-elle inévitable. Les ennemis de la dynastie restaurée étaient naturellement portés à se réunir pour la combattre ; elle avait contre elle toutes les sociétés nouvelles, tous les intérêts qui s’étaient formés depuis la Révolution et qui se sentaient menacés, aussi bien que les libéraux, qui détestaient en elle l’ancien régime et les prééminences nobiliaires et cléricales, enfin les patriotes, qui lui reprochaient et ses longues intrigues contre la France, et son rétablissement par les armées étrangères, et les prétentions gothiques de ses soutiens. En outre, la douleur et l’humiliation de nos défaites reportaient forcément l’attention et l’intérêt sur la période de ces triomphes militaires que nous avions payés si cher. Le bonapartisme, ce bâtard de la Révolution qui avait étranglé sa mère, se portait cyniquement et se porte encore aujourd’hui comme son héritier. Il y a peu d’exemples dans l’histoire où le charlatanisme politique ait été poussé si loin.

Nous n’avons pas ici à instruire le procès du passé ; mais il est certain que ces erreurs et ces défaillances des libéraux de la Restauration ont eu pour nous les plus funestes conséquences. Elles furent en partie cause de l’avortement de la révolution de 1830 (v. Juillet). On n’était plus dans la voie ; l’intelligence nationale était dévoyée, les masses égarées par des idées fausses ; ce qui permit au régime bâtard de Louis-Philippe de s’établir. Une petite oligarchie de hauts bourgeois, à peine aussi nombreux que l’ancienne noblesse et non moins impertinents, usurpa la souveraineté publique, se constitua en classe dirigeante, sous le nom de pays légal, à l’exclusion de la presque totalité de la nation.

Cette prise de possession, cette conquête, cet escamotage de la victoire populaire ne s’accomplit pas d’ailleurs sans protestation. Le sentiment des grands principes de la Révolution française s’était réveillé avec énergie. Une noble et vaillante jeunesse reconstitua de haute lutte le parti de la République et de la souveraineté du peuple.

La tradition révolutionnaire était encore une fois reprise, et reprise avec éclat.

Le combat entre la monarchie dite constitutionnelle et la démocratie pure s’entama aussitôt et se poursuivit sans relâche, dans la presse, dans les sociétés et souvent sur la place publique. Nous en avons donné les principaux épisodes aux articles Juin 1832, Avril 1834, Mai 1839, Louis-Philippe, etc.

Cette éclatante résurrection de la grande école républicaine fit éclore les idées socialistes ou du moins les propagea dans les masses populaires, car elles étaient répandues déjà parmi un petit nombre d’adeptes. La conception démocratique s’enrichissait ainsi de l’idée de l’émancipation du travail, qu’on retrouve d’ailleurs dans la première Révolution, si tendre pour les humbles et les déshérités, mais plutôt à l’état de sentiment que de formule scientifique.

Le gouvernement de Juillet devait succomber dans cette lutte, après s’être montré aussi réfractaire à toute réforme que la royauté de l’ancien régime. On sait que son obstination à refuser toute modification dans l’aristocratie électorale qu’il avait imposée à la nation détermina sa chute en 1848. Il y avait aussi d’autres causes que nous avons exposées ailleurs (v. notamment Février 1848 [révolution de]).

Après cet effondrement de la monarchie bourgeoise, la République reparut sur la scène, et cette seule apparition provoqua l’enthousiasme des peuples de l’Europe. De Paris, la commotion gagna successivement Vienne, Berlin, Francfort, la Hongrie, Milan, Rome, Venise, etc. Nous n’avons pas à raconter ici ces divers mouvements ; mais rien ne montre mieux le grand caractère de la Révolution que cette universalisation de ses principes.