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Scaliçferana et second Scaligerana, à raison de la date de leur composition et nullement de leur impression ; car le second a été imprimé avant le premier. Le Scaligerana prima, écrit presque entièrement en latin, est le plus estimé. Il a été composé par François Vertunien, sieur de Lavau, médecin : l Poitiers et ami de Scaliger. Après ses conversations avec Scaliger, Vertunien avait coutume de prendre note de toutes les critiqua ou anecdotes qui lui avaient paru dignes d’être conservées. Un avocat, nommé François de Sigogne, acheta son manuscrit longtemps «près sa mort et le fit imprimer à Sauinur en 1869. Le Scaligerana secundo, bigarré de français et de latin, est une compilation beaucoup plus indigeste, mais peut-être plus curieuse en ce qu’elle reproduit fidèlement la conversation des savants au xve et au xvie siècle. On doit ce recueil à l’indiscrétion de deux jeunes gens nommés de Vassan, neveux de Pierre et Fran-çois Pithou. À Levde, où ils terminaient leurs études, ils visitaient habituellement, aprèJ souper, Joseph Scaliger, qui professait alors les belles-lettres dans cette ville. La répu.ntion universelle de Scaliger donnait du prix à ses moindres paroles. Les deux Vassin prêtaient une grande attention à ce qu’il disait, et, à leur retour au logis, écrivaient indistinctement tout ce qui leur en était resté dans la mémoire. Leur manuscrit, âpre» avoir appaneuu à diverses personnes, fut publié à La Haye, en 1G66, par Isaac VossJus.

L’tdition des Scaligerana réputée la meilleure est celle de 1740, in-lg.

Suivant le but que l’on se proposerait, on pourrait extraire de ce livre des remarques de pi re érudition sur les langues anciennes, des anecdotes biographiques sur les contemporains de Scaliger, des souvenirs d’histoire ou de voyage. Beaucoup de ces notes sont en lai in, ce qui est tout naturel, puisque les savar ts de ce temps usaient volontiers, à !a fois, du latin et du français dans leurs entretiens familiers, et que cette habitude se retrouvait partout, dans les livres, dans l’enseignement, dans les prédications. En somme, nous croyons que l’on peut dire de ce bon vieux verbiage ce que l’on a dit du fumier d’Eui.ius : « Il s’y rencontre des perles. » Si futile et si singulier qu’il semble, il instruit parfo s et éveille des idées.

Au mot Scaligkb (Joseph), nous trouvons cette page autobiographique :

o Je ne pense pas voir mon Eusèbeachevé ; je deviens aagé et je ne dors que trois heures ; je me couche à dix, je me resveille à une e. demie, et ne puis plus dormir.depuis. S ; j’avois bien de l’argent, je ne l’employé ois pas tant en livres qu’à voyager et à fréquenter.

J« n’escris point si bien en nulle langue qu’en arabe, et je n’escris bien que lorsque j ai une bonne plume. Mon père ne tailloit point ses plumes, on les lui tailloit ; je ne sçaurcis bien tailler’ les miennes.

»■ Mon père, quand il eserivoit viste des lettres, elles estoient belles ; mais quand il les méditoit, elles sentoient le philosophe. J’avois dix-huit ans quand mon père mourut. Il n’y à Hollàndois qui escrive si bien et si viste }ue nioy, surtout le grec. J’ay une bonne lettre grecque. Je ne me sçaurois courber, je m’estranglerois. Encore que je me panchii, c’est tout le corps, non la teste seulement ou les espaules. Mi. noblesse m’est imputée à déshonneur ; ■j’aymerois mieux être fils de Vander-Vec, marchand, j’aurois des escus. On ne croit pas qu’un prince puisse devenir à estre pauvre. ’ Les sépultures de mes ancêtres, à Sainte-Marie delaScala, sont plus belles que celles d’aucui autre, excepté les deux nouvelles des deux derniers roys, François Ier et Henri II. »

Joseph Scaliger, en effet, ne faisait aucun doute qu’il ne lût un rejeton de cette illustre famille des Scaligeri de La Scala, souverains de Vérone. Son père avait composé et publié en tête de son ouvrage des vers latins dans lesquels il soutenait ses prétentions à cette parentes en termes où éclate tout son orgueil. Voici une vieille traduction de quelques-uns de ces vers :

Je ne nuis point barbare, et ne le voudrois estre, — Ni chi nger-de pairie avec un Jupiter ! Le haut sang de Lescale au monde me fit naistro, lin vrai surgeon de Mars en qui, pour habiter, Phœbis avait élu sa demeure opportune, Et si sjis le jouet de l’ingrate Fortune.

On trouve dans le Scaligerana des pensées très-finos, comme celle-ci par exemple, au mot mélancolique ; « Tous ceux qui ont estudié le sont. >

SCALIGÈRE s. f. (ska-li-jè-re — de Scaliger, n. >r.). Bot. Syn. d aspalathu, genre de légumineuses.

SCALIGÉRIE s. f. (ska-li-jé-rl — de Scaliger, n, pr.). Bot. Genre de plantes, de la famille di !S ombellifères, tribu des sinyrnées, comprenant plusieurs espèces qui croissent dans l’Inde.

SCALIGÉRIEN, IENNE adj. (ska-U-jé-riain, i-è-ne). Qui a rapport à Joseph-Juste •Scaliger.

Critique scaligérienne, Expression par laquelle Voltaire a désigné une critique sa SCAL

vante, judicieuse, mais vive et même passionnée.


SCALION DE VIRBLUNEAU, sieur d’OFayel, poète français de la fin du xvie siècle. Il est surtout connu par le très-pittoresque portrait qu’en a tracé Théophile Gautier dans les Grotesques. Scalion de Virbluneau est un type tout à fait oublié aujourd’hui, le type de l’amoureux transi, de l’amoureux de vieille roche, qui aimait mieux sécher sur pied respectueusement devant sa « déesse » que de la toucher du bout du doigt. Il est la caricature de la galanterie de son temps ; c’était un grand seigneur, un gentilhomme qui daignait faire ses vers lui-même. C’était une fureur, alors, que d’être amoureux et de chanter systématiquement ses amours en plusieurs livres, sous la forme éternelle du sonnet. Le sonnet venait d’être importé d’Italie en France par Pierre de Ronsard, gentilhomme vendômois ; aussi le premier livre de Scalion est-il tout écrit en sonnets ; il porte ce titre : les Loyalles et pudicques amours de Scalion de Virbluneau ; à madame de Boufflers ; à Paris, chez Jamet Mettayer, imprimeur du roy, 1599. Il a pour épigraphe le distique suivant :

Les vœux de foy et d’espérance
Ont en amour grande puissance.

Les sonnets qui composent le livre susnommé sont adressés, en grande partie, à une dame idéale ou réelle, qui se nommait Angélique et qui était probablement d’une vertu rigide, car les sonnets du malheureux Virbluneau ne roulent que sur sa cruauté. « Ce ne sont que doléances et complaintes à n’en plus finir, dit Théophile Gautier dans sa prose colorée. On mettrait à flot un vaisseau à trois ponts sur les larmes qu’il répand ; son oreiller en est tout trempé, ses matelas sont traversés de part en part ; c’est un cataclysme universel ; sa cervelle se fond en eau ; il a plutôt l’air d’un fleuve ou d’un dieu marin que d’un Cupidon. » Pour surcroit d’originalité chez le sieur d’Ofayel, l’amour ressemblait à s’y méprendre à la théologie. C’est la même métaphysique embrouillée, la même subtilité, le même fatras scientifique, la même symétrie de pensées et de formes. L’amour argumente chez lui comme un docteur de Sorbonne in baroco et in baralipion, il syllogise la passion. C’est quelque chose d’inextricablement tortillé, d’excessivement pointu et tiré par les cheveux, que l’on ne conçoit guère maintenant et qui ne ressemble ni aux bonnes et franches allures de la vieille galanterie gauloise ni aux prétentieuses afféteries des madrigaux mythologiques du xviiie siècle. Le sonnet est la goutte d’ambre qui tombe sur toutes ces pensées voltigeantes, qui les embrasse étroitement et nous les conserve embaumées à travers les siècles et les variations de langage. À la fin, ne sachant plus à quel Saint se vouer, Scalion finit par souhaiter d’être gant ; écoutons-le :

Ah ! main qui doucement me déchirez le cœur
Et qui tenez ma vie en l’amoureux cordage,
Main où nature veult montrer son bel ouvrage,
Et où le ciel versa sa bénigne faveur.

Las ! au lieu de ce gant qui reçoit tant d’honneur,
Que d’embrasser ce qui m’enflamme le courage
Permettez qu’a présent j’aye cet avantage
Que d’être gardien d’une telle valeur.

Si vous aimez le froid, je suis la froideur mesme ;
Si vous aimez le chaud, j’ai un feu si extresme
Qu’il enflammerait bien l’air, la terre et les cieux.
Faictes donc, je vous pri, que mon désir advienne.
Ou si me refusez, je suppliray les dieux,
O délicate main ! que le gant je devienne.

Après cinq ans d’un amour aussi platonique que larmoyant, Scalion n’ayant pu amollir le cœur d’Angélique, dédia son volume à Mme de Boufflers et alla porter ses sonnets et ses protestations aux pieds de Mlle Adriane, et comme, pudique et loyal en toute chose, il visait au mariage, il lui adressa entre autres ce vers :

Acceptez pour mari Scalion de Virbluneau.

« Il se maria donc avec Adriane, et ils eurent beaucoup d’enfants. » Mais son bonheur conjugal n’arrêta pas sa verve poétique et plaintive. Aussi, cette nouvelle phase dans l’existence de notre poëte vaut-elle à la postérité un nouveau volume de sonnets intitulé ; les Prospères et parfaites amours de Scalion de Virbluneau. « Il y pleurniche bien encore de temps à autre, dit Théophile Gautier, mais c’est par habitude. »

Lorsque l’on étudie les vieux poëtes français, il est curieux de voir avec quel sans-gêne leurs successeurs les ont pillés. Ainsi, Molière, qui a incontestablement pris à Cyrano de Bergerac sa scène de la galère (des Fourberies de Scapin), qui se trouve tout au long dans le Pédant joué de ce poëte, nous paraît avoir également « emprunté » à Scalion de Virbluneau l’idée du madrigal que chante le marquis de Mascarille dans les Précieuses ridicules ; cette idée se retrouve textuellement dans un sonnet du sieur d’Ofayel. Voici les deux vers :

Alarme ! alarme ! alarme ! et au secours !
On m’a volé mon cœur dans ma poitrine.

Ne retrouve-t-on pas là le fameux : Au voleur ! au voleur ! du chef-d’œuvre que nous venons de nommer.



SCALLOWAY, village d’Écosse, comté de Shetland, avec un petit port de commerce

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sur les côtes S.-O. de l’île de Mainlniid ; 805 hab. Château fort. Pêche de la morue,

SCALME s. m. (skal-me — du grec skalmê, barque, qui, selon Curtius, appartient à la même famille que le grec skallâ, creuser, et l’ancien haut allemand scar, scur, couper, fendre, lithuanien skirti, diviser, séparer, irlandais scarains, peut-être d’une racine sanscrite skar, diviser, séparer, peut-être aussi de la racine kshttr, khur, fendre, couper, que l’on trouve dans le Dhâlupathâ, à côté de chw, couper, resté en usage). Mar. Nom que l’on ^donnait, -sur le3 galères anciennes, au tolet, c’est-a-dire à la cheville enfoncée dans le bord, et à laquelle s’appuie la rame ; les bateliers provençaux se servent encore de ce mot.

SCALOPE s. m, (Sfta-.o-pe — ou gr. s’Kailâ, je fouis ; pous, pied).Mamm. Genre de mammifères insectivores, dont l’espèce type habite l’Amérique du Nord : Le scai.ope fouit la terre à la manière des taupes, (K. Desmarest.) || Scalope à crête, Syn. de condylure a museau étoile, u Quelques-uns font ce mot féminin.

— Encycl. Les scnlopes ont le corps allongé, cylindrique ; le museau très-long, cartilagineux, termine par un boutoir ; la gueule assez fendue ; deux incisives et dix-huit molaires à la mâchoire supérieure ; quatre incisives et douze molaires à la mâchoire inférieure ; les yeux très-petits et cachés ; pas d’oreilles externes : le cou inusculeux et très-court ; le pelage- a poils courts et fins ; la queue courte ; les membres très-courts, les membres postérieurs faibles et débiles, les membres antérieurs forts et musculeux, terminés par des pattes nues, larges et calleuses, à doigts courts, soudés entre eux, armés d’ongles épais, très-longs, durs, recourbés, tranchants et propres à fouir. Ces animaux, par leurs caractères comme par leurs mœurs, tiennent des musaraignes et surtout des taupes. Ils habitent les lieux humides, les bords des rivières et des ruisseaux, creusent dans le sol des galeries souterraines, et se nourrissent d’insectes et de vers. Le scalope du Canada, espèce type, ressemble beaucoup à notre taupe commune ; il habite le Canada et les États-Unis.

SCALPS s. m. (skal-pe. — V. scalper). Action ou manière de scalper : Certains sauvages pratiquent le scalpe avec une grande habileté.

SCALPEL s. m.(skal-pèl — du lat. scalpere, inciser). Anat. Instrument tranchant a laine fixe, dont on se sert pour disséquer : Le scalpel à la main, l’œil sur chaque vertèbre, L’observateur pénètre, avec sa clef funèbre, Le9 recoins de ce corps, triste reste de nous.

Lemierke.

— Fig. Analyse, examen détaillé : M.Flaubert tient la plume comme d’autres le scalpel ; anatomistes et physiologistes, je vous retrouve partout. (Ste-Beuve.)

— Crust. Genre de crustacés cirrhipèdes.

— Ichthyol. Dent de poisson fossile.

— Encycl. Anat. Le scalpel est une espèce de couteau dont on se sert pour les dissections, et dont la lame, non mobile sur le manche, varie pour la forme, étant tranchante d’un côté seulement ou des deux côtés à. la fois, et tantôt droite, tantôt convexe. On se seit de scalpels dans certaines opérations, ou plutôt les instruments qu’on emploie alors, par exemple, dans quelques maladies des yeux, ressemblent à ceux dont les anatomistes font usage.

SCALPER v. a. ou tr. (skal-pé — du latin scalpere, couper, d’où scalprwn, couteau, Pictet rapproche le sanescrit karpdnà, couteau, ciseaux, karpânâ, glaive et katpani, ciseaux, de ktarp, karp, préparer, luire. Comparez kalpana, action de former et de couper, arménien kharp, glaive, irlandais sgeilpin, petit couteau, de sgealpains, scalpains, fendre, couper, anglo-saxon screape, couteau, étrille, de screopan, couper, sceorfan, couper peu à peu, ancien allemand screfân, couper, scurfjan, refendre, scarf, anglo-saxon sceai-p, aigu, acéré, formes pour lesquelles Grimm admet une racine perdue scerf, scarf, scurf. Plusieurs font venir ce mot de l’anglais scalp, péricrâne. La parfaite convenance des deux racines rend l’étymologie très-douteuse). Priver de la peau du crâne, l’inciser circukirement et la détacher ensuite avec les cheveux : Certains sauvages d’Amérique scalpent leurs prisonniers de guérite.

— Fam. Rendre chauve, et, par extension, Insaisissable :

Un dieu scalpa, comme l’Occasion, Le front serein de la bêtise humaine.

Th. de Banville. Il Inus.

SCALPRE s. m. (skal-pre — du lat. scalprum, couteau). Infus. Genre d’infusoires, formé aux dépens des navicules, et comprenant les espèces dont le corps est recourbé en S.

SCALTCOATS-, village d’Écosse, comté et à 21 kilom. N. d’Ayr, à l’entrée du golfe de Clyde ; 4,000 hab. Bains de mer très-fréquentés.

SCAMANDRE ou XANTHE, rivière de l’ancienne Asie Mineure, dans la Troade. Elle

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prenait sa source près et a l’O. de Troie, coulait au N. et se jetait dans le Simoïs. Son second nom venait de la couleur jaunâtre de ses eaux ou, selon quelques auteurs, de la propriété qu’elles possédaient de teindre d’une couleur rousse la laine des brebis qui venaients’y abreuver. Cette petite rivière, chantée par Homère, serait celle qui porte aujourd’hui le nom de Kirke-Keuzlen ; elle naît au pied et au S.-O. de la colline où est bâti le village turc de Bounar-Bac/ii-Keui, dont la nom signifie Télé de ta source. Voici comment M. Joanne décrit les sources du Scamandre. « La première, qu’où rencontre à l kilom.de Bounar-Baohi-Keui, s’échappe par plusieurs jets abondants, à travers les ruines d’une ancienne construction. La seconde, àl kilom. plus loin, se compose de plusieurs jets espacés ; leurs ea’ux se réunissaient dans un bassin carré, dont les bords sont soutenus par de longues pièces de granit ; confonduiis ainsi en un seul ruisseau, elles vont se joindre au cours d’eau qui sort de la première fontaine, pour former le Scamandre par leur réunion. Ce sont là, selon M. de Choiseul-Gouffier, les deux sources chaude et froide chaulées par Humera. Il résulte des informations qu’il ’ a recueillies que la dernière de ces sources possède une chaleur de 2V> centigrades, qui semble augmenter vers le mois de mars, et exhale, eu hiver, mais en hiver seulement, par la condensation de ses vapeurs, une fumée très-sensible, tandis que l’autre fontaine conserve une fraîcheur assez grande pendant l’été (10° centigrades). ».

Le Scamandre a été immortalisé par Homère et par les plus grands poètes de l’antiquité. Il avait été déifié par les anciens, et les Troyens lui avaient- élevé un temple et donné des sacrificateurs. Ses eaux jouissaient, dit-on, de la propriété de rendre blonds les chevenx des femmes qui s’y baignaient. Suivant une vieille tradition, les jeunes filles, la veille de leurs noces, allaient se plonger dans ses eaux et lui offraient leur virginité. Le dieu, flatté d’une pareille offrande, sortait du milieu des roseaux, prenait la jeune fille par la main et la conduisait au fond de sa grotte.

Cette superstition populaire donna lieu à une aventure que l’orateur Esehiun rapporte ainsi dans ses lettres : « Caliiihoé, jeûna . Troyenne d’une rare beauté, étant allée, selon la coutume, offrir sa virginité à Si.’amandre, un jeune homme de la villa qui l’aimait depuis longtemps en secret et sans espérance, fit si bien par son -stratagème, qu’il reçut ce qui était destiné au dieu. Quelques jours après, Callirhoé entrant dans un temple, au bras de son époux, aperçut le jeune homme et s’écria ingénument : Voilà le Scamandre ! » Foutenelle raconte ainsi cette aventure dans un de ses Dialogues des Morts.*

Pauline. Pour moi, je tiens qu’une femme est eu péril dès qu’elle est aimée avec ardeur. De quoi un amant passionné ne s’avisot-il pas pour arriver à ses fins ? J’avais longtemps résisté à. Mundus, qui était un jeune Romain fort bien fait ; maiseiiliu, il remporta la victoire par un stratagème. J’étais très-dévote au dieuAnubis. Uu jour, une prêtresse de ce dieu me vint dire de sa part qu’il était amoureux de moi, et qu’il me demandait un rendez-vous dans son temple. Maîtresse d’Anubisl figurez-vous quel honneur. Je ne manquai pas au reudez-vous ; j’y fus reçuo avec beaucoup de marques de tendresse : mais, à vous dire la vérité, cet Anubis, c’était Mundus. Voyez si je pouvais m’en défendre. On dit bien que des femmes se sont rendues à des dieux déguisés en hommes, et quelquefois en bêtes ; à plus forte raison devra-t-on se rendre à des hommes déguisés en dieux.

Callirhée. En vérité, les hommes sont bien remplis de vices. J’en parle par expérience, et il m’est arrivé presque la même aventure qu’à vous. J’étais une fille de la Troade, et sur le point de me marier ; j’allai, selon la coutume du pays, accompagnée d’un grand nombre de personnes, et fort parée, offrir ma virginité au fleuve Scamandre. Après que je lui eus fait mon compliment, voici Scamandre qui sort d’entre ses roseaux et qui me prend au mot. Je ma crus fort honorée, et peut-être n’y eut-il pas jusqu’à mon fiancé qui ne le crût aussi. Tout le monde se tint dans un silence respectueux. Mes compagnes enviaient secrètement ma félicité, et Scamandre se retira dans ses roseaux quand il voulut. Mais combien fus-je étonnée un jour que je rencontrai ce Scamandre qui se promenait dans une petite ville de la Troade, et que j’appris que c était un capitaine athénien qui avait sa flotte sur cette côte-là 1

Pauline. Quoi 1 vous l’aviez donc pris pour le vrai Scamandre ? Callirhée. Sans doute. Pauline. Et était-ce la mode en votre pay^ que le fleuve acceptât les offres que les filles à marier venaient lui faire ?

Callirhée. Non ; et peut-être s’il eût eu coutume de les accepter, on ne les lui eût pas faites. Il se contentait des honnêtetés qu on avait pour lui et n’en abusait pas. Mais vous, qui ne voulez pas que j’aie été la dupe du Scamandre, vous l’avez bien été d’Anubis.

Pauline. Non, pas tout à fait. Je me doutais un peu qu’Anubis était un simple mortel. Callirhée. Et vous l’allâtes trouver 1 Cela n’est pas excusable. Pauline. Que voulez-vous 1 j’entendais dire