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de géographie et de statistique de l’état-major général. Parmi ses ouvrages cartographiques, qui ont obtenu plusieurs éditions et ont été traduits en plusieurs langues étrangères, nous citerons les cartes murales de la Terre en lï feuilles, de l’Europe (9 feuilles), de YAsie(12 feuilles), de l’Afrique (6 feuilles), de l’Amérique (10 feuilles), de l’Australie (6 feuilles), de l’Allemagne (9 ’feuilles) ; puis Carie de la Thuringe et du Harz (Gotha, 1841) ; Allas nortatif méthodique pour l’élude scientifique de la géographie (Gotha, 1867, <e édit.) ; Atlas élémentaire (Gotha, 1867, 42 cartes, 20° édit.) ; Atlas oro-hydrogrophi-

?ue (25 feuilles) ; Atlas orographique (24 feuiles) ; Atlas hydrolopique (28 feuilles) ; Atlas hydrographique (27 feuilles), etc. On doit encore à M. de Sydow des Principes de géographie générale (Gotha, 1862) et un Coup a’œil sur les cartes les plus importantes de l’Europe (Berlin, 1S64). Il a, en outre, fourni un grand nombre de mémoires à différents recueils et ouvrages encyclopédiques.

SYENE, nommée de nos jours Assouan, ville de l’Égypte ancienne, dans la Thébuïde, près de la frontière de l’Ethiopie. Les Egyptiens appelaient cette ville Souan (ouverture), d’où les Arabes tirent le nom nouveau Assouan. Cette ville dut son antique célébrité et son existence même à sa position sur la frontière de l’Égypte, près des cataractes du Nil, où les anciens, qui croyaient cette ville sous le tropique même, faisaient passer un de leurs principaux parallèles ; un autre genre de célébrité lui vint des belles carrières de granit de couleur rose (appelé syénite, du nom de la ville) situées sur son territoire. Ce fut de ces carrières que les anciens pharaons tirèrent les immenses monolithes, taillés en statues, sphinx et obélisques, dont ils ornèrent leurs temples. Ces carrières étaient exploitées à ciel ouvert, et on y voit un obélisque qui n’est pas encore entièrement détaché de la masse granitique dans laquelle il fut taillé. Les noms des pharaons des différentes dyi.asties qui se trouvent gravés sur les rochers de ces carrières permettent de faire remonter l’existence de Syène à 2,800 ans av. J.-C. Les Romains, maîtres de l’Égypte, y tinrent trois cohortes pour garder la frontière de ce pays contre les invasions des Ethiopiens. Sous la domination arabe, qui changea le nom de cette ville, Syène fut florissante ; mais, en 1402, une longue et cruelle famine, suivie de la peste, dépeupla cette ville, qui depuis cette époque n’est qu’une localité sans importance (v. Assouan). Au milieu des débris épars de l’ancienne Syène, on voit les restes informes d’un temple égyptien. C’est un petit quadrilatère carré, entouré d’une galerie dont il ne reste que l’embrasure de deux entre-colonnements, avec les chapiteaux et quelques blocs de l’entablement. Savari, sans aucune preuve, a prétendu que ces ruines sont les restes d’un observatoire où se trouvait le fameux nilomètre. La galerie avait été ajoutée postérieurement au sanctuaire du temple. Un tas de pierres informes marque la place, en avant du temple, d’un portique impossible k restituer. Ce temple est situé sur une hauteur qui dominait la ville antique au nord ; près de là est une allée plantée d’arbres, où les soldats de la République, lors de la campagne d’E fypte, mirent une colonne milliaiie avec cette umoristique inscription : Boute de Paris, n» onze cent soixante sept mille trois cent quarante.

SYÉNITE s. f. (si-é-ni-te — de Syète, ville d’Égypte où cette roche abondait). Miner. Roche composée de feldspath orihose, de quartz et d amphibole : La syÉkitb est un granit dont le mica est soutient remplacé par l’amphibole. (L. Figuier.)

— Encycl. La syénite appartient aux roches granitiques. Ses variétés sont : la syénite granitoîde, dans laquelle les éléments sont mélangés dans d’égales proportions ; la syénite porphyroïde, composée de gros cristaux d’orthose implantés dans une syénite commune ; la. syénite schislolde, àstructure feuilletée ; elle est ù la syénite ordinaire ce que le gneiss est au granit ; la syénite sirconienne, renfermant des cristaux de zircon engagés dans la masse ; la syénite oligoclasifêre, syénite à feldspath orthose et oligoclase ; la syénite mieaafère, contenant du mica et passant au granit. La syénite est généralement foncée, noirâtre ou verdâtre, quelquefois rouge de corail à cause du feldspath coloré en rouge qu’elle contient. L’histoire des syénites se confond avec celle des granits. Une grande partie de celles de lu Norvège reposent sur des schistes argileux, alternant avec des grès et des calcaires de l’époque silurienne. On a reconnu dans le Tyrol méridional des masses de syénite porphyroïde intercalées dans les terrains sédimentaires. La syénite sert aux mêmes usages que le granit ; la plupart des monuments égyptiens ont été tuilJés dans cette roche.

SYÉNITIQUE adj. (si-é-ni-ti-ke — rad. syénite). Geol. Qui contientde la syénite : Terrain SYÉNITJQUK.

SYEPOOEUTE s. f. (si-é-pou-ri-te — de Syepoor, nom de lieu). Miner. Sulfure de cobalt, ^ui est plus riche en cobalt que la coboldine, et qui a été ainsi appelé parce qu’on le trouve à Syepoor, près de Rajpootanah, dans l’Inde, où les bijoutiers l’emploient, diton, pour donner une couleur rose à l’or.

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SYKES (Arthur-Aghleg), théologien anglais, né à Londres en 16S4, mort dans la même ville en 1756. Il fit ses études à l’université de Cambridge et occupa plusieurs emplois ecclésiastiques. Ses principaux ouvrages sont : Essai sur la vérité de la religion chrétienne (1725, in-S°) ; Réflexions sur les principes et la connexion entre la religion naturelle et la religion révélée (1740, in-8o) ; De quelle manière les papistes peuvent-ils être considérés comme des sujets fidèles (1740) ; Sur la nécessité d’améliorer tes lois concernant les papistes (1746).

SYKES (William-Henry)’, mathématicien anglais, né à Londres en 1790. Il entra dans l’armée anglaise et devint officier dans l’Inde. Rappelé en Occident, il arriva au grade de colonel. En 1834, il fut appelé au gouvernement de la compagnie des Indes occidentales. Il faisait partie de l’Académie royale de Londres et il a inséré dans les mémoires de cette Académie plusieurs travaux, parmi lesquels on cite : Sur une théorie de relation de syzygétique de deux fonctions rationnelles, comprenant une application de la théorie des fonctions de Slurm et celle des plus grandes mesures communes algébriques (1853) ; Sur le mouvement et te repos des fluides (1838) ; Enumération des contacts des lignes et surfaces du second ordre (1854) ; Sur ta théorie des projectiles (1856) ; Sur la théorie ulyéôrique des points de dérivation des courbes du troisième degré (1858).

SYKHS, peuple de ITndoustan anglais.

V. SiKHS.

SYL, prérixe. V. sra.

SYLBURG (Frédéric), philologue allemand, né à Wetter (Hesse électorale) en 1536, mort à Heidelberg en 1596. Il était fils d’un paysan ; l’ardeur qu’il mit à apprendre l’hébreu et les langues anciennes le fit envoyer à Iéna et dans d’autres universités allemandes, où il perfectionna ses connaissances. Sylburg se consacra d’abord à l’enseignement et professa les langues anciennes avec une grande distinction au gymnase de Neuhaus, près de Worms, et a celui de Lich, dans la Wetterau. C’est à cette époque qu’il publia une édition corrigée et augmentée des Institutions de Clénard. Il était soutenu dans ses études grecques par Henri Estienne, son ami. Bientôt, cependant, il renonça tout à fait à l’enseignement, et, à partir de 1582, il se voua tout entier à la révision et à la correction des anciens auteurs grecs et latins. Jusqu’en 1591, il travailla chez l’imprimeur Wechel à Francfort-sur-le-Mein, ensuite il passa à Heidelberg, auprès de Commelin, et fut nommé bibliothécaire de l’université. Cet érudit n’a point composé d’ouvrages originaux, mais il a publié un grand nombre d’éditions, notamment : Aristotelis opera (1584-1587, 5 vol. in-4o) ; Isocratis orationes (1535, in-8o) ; l’édition princeps de Denys d’Halicarnasse (1586, 2 vol. in-fol.) ; Scriptores romanæ historiæ minores (1587, 3 vol. in-fol.) ; Etymologicum magnum (1594, in-fol.) ; Justini opera (1595, in-fol.) ; Theognidis, Phocylidis, Pythagoræ, etc., poemata (1597, in-8o), etc. Sylburg a collaboré au Thesaurus d’Henri Estienne.

SYLECTRE s. f. (si- lè-ktre). Entom. Genre d’insectes lépidoptères nocturnes, de la tribu des pyralides.

SYLEPTE s. f. (si-lè-pte). Entom. Genre d’insectes lépidoptères nocturnes, de la tribu des pyralides.

SYUTRE S. f. (si-li-tre).Bot, Genre do plantes, de la famille des légumineuses, tribu des lotées, dont l’espèce type croît au Cap de Bonne-Espérance.

SYLLA (Lucius Cornélius), dictateur romain, né l’an 136 av. J.-C, d’une branche déchue de la famille Cornelia. Quoique appartenant a l’ancien patriciat, sa fortune était médiocre ; mais il sut l’augmenter au milieu des infâmes débauches auxquelles sa jeunesse fut livrée. Nommé questeur lors de ta guerre contre Jugurtha, il servit sous Marius, qui le prit d’abord en affection et le chargea de négocier auprès de Boeohus l’extradition du chef numide ; là fut la première origine de cette rivalité terrible qui devait ensanglanter Rome ; car, au milieu du triomphe de Marius, Sylla ne laissa pas oublier la part qui lui revenait dans le succès de la guerre de Numidie, et il fit graver sur un anneau qui lui servait de cachet Bocchus lui livrant Jugurtha. Depuis, cette haine ne lit que s’envenimer. Pendant la guerre contre les Cimbres, Sylla, lieutenant de Catulus, avait obtenu quelques succès ; une expédition qu’il lit en Asie comme préteur lui acquit une réputation militaire qui ne balançait pas encore celle du vainqueur des barbares du Nord, mais qui n’en était pas moins déjà retentissante. Pendant la guerre sociale, habile à saisir les occasions manquées par Marius, il remporta plusieurs victoires importantes qui ne contribuèrent pas peu a ruiner les confédérés. De retour à Rome, il fut nommé consul (88). Tous les yeux commençaient à se fixer sur lui. Habile, instruit, éloquent, doué d’un génie étendu, avide de plaisir et de gloire, d’une ambition immense, profondément corrompu, cruel, dissimulé, débauché, insatiable d’argent, prodigue envers ceux qui s’attachaient à lui, toutes les contradictions se rencontraient dans ce personnage extraordinaire. Sa physionomie n’était pas moins

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étrange : il avait les cheveux blonds comme l’or, les yeux ardents et farouches, le visage d’un rouge foncé, parsemé de taches blanches, ce qui le fit comparer par un poste athénien à une mûre empreinte de farine, raillerie que Sylla vengea dans des torrents de sang. Dans sa conduite politique, il fut surtout l’homme de son ambition et de ses convoitises ; accessoirement, il fut le champion du vieux patriciat romain contre la noblesse nouvelle et les chevaliers, de la même manière que Marius était le représentant des ambitions plébéiennes et de l’aristocratie d’argent. Les luttes de parti n’étaient plus alors que le choc des factions militaires qui se disputaient les dépouilles de la république. La guerre contre Mithridate vint enfin faire éclater cette haine déjà bien connue dans Rome, et qui, après avoir été nourrie dans les séditions et cimentée du sang des guerres civiles, devait aboutir à une double tyrannie et à la ruine de la constitution. Tous deux ambitionnaient le proconsulat d’Asie et le commandement de l’année envoyée contre le roi de Pont. Appuyé par le tribun Sulpitius et le parti italien, Marius l’emporta d abord dans des comices où la violence joua le principal râle. Mais Sylla courut à 1 armée de Campanie, qu’il s’était acquise par ses corruptions, et revint imposer ses volontés à Rome. Puis, comprenant qu’il ne serait véritablement le maître que quand il aurait

rapporté d’Asie des trésors, le prestige des succès militaires et une armée dévouée, il partit contre Mithridate, pendant que Marius et son fils, poursuivis par ses décrets de mort, erraient en fugitifs sur tous les rivages de la Méditerranée, prit et dévasta Athènes, gagna les victoires de Chéronée et d’Orcliomène (86) et soumit la Grèce. Eu même temps, les succès de Fimbria, du parti de Marius, montraient à Mithridate que les discordes des Romains ne les empêchaient pas de le poursuivre avec une égale vigueur. Il abandonna ses prétentions et négocia la paix aveu celui qui lui paraissait le plus fort, Sylla. Ce dernier abandonna l’Asie Mineure à l’avidité de ses soldats, marcha contre Fimbria’et lui débaucha son armée, ensanglanta les provinces reconquiseset les écrasa d’énormes tributs (84). Pendant que ces événements s’accomplissaient, Marius avait relevé son parti en Italie, était rentré dans Rome, avait décimé l’aristocratie, proscrit les partisans de son rival, s’était fait nommer consul pour la septième fois et était mort dix-sept jours après, laissant son fils, Cinna et Sertoriua à la tète du parti, qui continua de dominer après la mort de son chef. Sylla revint enfin, débarqua à Brindes (83) et vit se joindre à lui un grand nombre de patriciens et de chefs militaires. Il remporta une grande victoire à Cauusium sur le jeune Marius et sur Norbanus, corrompit Scipion et son armée devant Teanum, reçut un secours du jeune Pompée et, l’année suivante (82), délit encore Marius à Sacriportus, dans le Latium, l’assiégea dans Préneste, où il le contraignit de se tuer, gagna aux portes de Rome une sanglante bataille contre le Samnite Pontius Telesinus, un des héros de la guerre sociale (les Italiens soutenaient le parti de Marius), et rentra en triomphe dans la ville, pendant que ses lieutenants avaient partout l’avantage sur les troupes ennemies. Il rassembla aussitôt le sénat au moment même où il faisait égorger 7,000 prisonniers samnites dans l’Hippodrome et annonça qu’il allait « rétablir la tranquillité. • Un carnage horrible commença ; Rome et l’Italie furent inondées de sang ; des populations entières (comme àPréneste) furent enveloppées dans le massacre. L’odieux tyran voulut bien consentir à la fin à publier sur des < tables de proscription > les noms de ceux qu’il vouait à la mort, afin de tirer les autres d’incertitude : 13 généraux, une foule de sénateurs, 1,600 chevaliers, un nombre immense de citoyens parurent successivement sur ces listes (v. proscriptions). Jamais une pareille hécatombe humaine n’avait été offerte à la vengeance et à la cupidité. Les dépouilles de l’Italie furent jetées en pâture aux bourreaux et aux soldats de Sylla. Au milieu de la terreur universelle, il lui plut de revêtir ses actes d’un simulacre de sanction publique et se rit nommer dictateur perpétuel. Puis il se mit à changer toute la constitution dans le sens de la suprématie patricienne (81-80) en abolissant et en faisant des lois à son gré. Ce qu’il voulait surtout, c’était un retour à l’esprit et aux formes de l’ancienne constitution romaine, le triomphe de l’ancienne aristocratie sur la nouvelle et sur la plèbe. Il régla dans ce sens l’admission aux charges, abolit les comices par tribus, réduisit presque à rien la puissance tribunitienne, rendit au sénat (remanié par lui) l’initiative des lois, la distribution des provinces, le pouvoir judiciaire, porta la contre-révolution dans le sacerdoce en retirant au peuple le droit d’élection, pour remettre toutes les fonctions sacerdotales en cooptation (c’était le droit qu’avaient les prêtres de choisir leurs collègues), priva tous les Italiens de leurs droits, en expropria des multitudes au profit de ses légionnaires et de ses créatures, choisit 10,000 esclaves, qu’il affranchit, combla de richesses et auxquels il donna son nom (les cornéliens). Ces.derniers lui constituèrent une garde aveuglément dévouée.

Il ne pouvait venir à la pensée de personne

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qu’une domination acquise par tant de crimes et de spoliations pût être presque aussitôt déposée volontairement. C’est pourtant ce que fit Sylla. Au moment où les comices, autorisés par lui, allaient procéder à des élections consulaires, il descendit sur le Forum, déclara qu’il était prêt à rendre compte de ses actes, abdiqua la dictature, congédia ses licteurs et ses gardes et se promena avec ses amis au milieu de la foule stupéfaite ; il put rentrer dans la vie privée sans le moindre danger.

L audace d’une telle retraite n’a rien do bien surprenant. Sylla ne déposa en réalité que le titra de dictateur ; il en garda le pouvoir et resta jusqu’à la fin le maître de l’Etat. Il avait le sénat peuplé de ses complices, ses créatures gorgées de dépouilles, 250,000 légionnaires établis en Italie dans les domaines des proscrits, ses cornéliens, qui ne pouvaient trouver que dans sa sûreté l’impunité de leurs crimes.

Dans un dialogue de Montesquieu, entre Sylla et Euerate, le premier fait parfaitement connaître le secret de ce pouvoir qui survivait à l’exercice de sa terrible dictature : • J’ai un nom, et il me suffit pour ma sûreté personnelle et celle du peuple romain. Ce nom arrête toutes les entreprises, et il n’y a point d’ambition qui n’en soit épouvantée. Sylla respire, et son génie est plus puissant que celui de tous les Romains ; Sylla a autour de lui Chéronée, Orchomène et Signion ; Sylla a donné à chaque famille de Rome un exemple domestique et terrible ; chaque Romain m’aura toujours devant les yeux, et, dans ses songes mêmes, je lui apparaîtrai couvert de sangj il croira voir les funestes tables et lire son nom à la tête des proscrits. On murmure en secret contre mes lois ; mais elles ne seront pas effacées par des flots même de sang romain. Ne suis-je pas au milieu de Rome ? Vous trouverez encore chez moi le javelot que j’avais à Orchomène et le bouclier que je portais sur les murailles d’Athènes. Parce que je n’ai point de licteurs, en suis-je moins Sylla ? J’ai pour moi le sénat, avec la justice et les lois ; le sénat a pour lui mon génie, ma fortune et ma gloire.j Sylla se retira dans une de ses villas, près de Puteoli, et se plongea dans des débauches effrénées, qui développèrent en lui une maladie horrible : une intarissable vermine sortait de ses chairs corrompues, malgré des soins continuels. Ce monstre, jusqu’au dernier moment, fut si bien le maître de la république que, dix jours avant sa mort, il arrêtait d’un mot les troubles de Puteoli, il réformait son régime municipal, et dictait aux habitants de nouvelles lois. Le questeur de cette ville refusant de rendre ses comptes, il le fit étrangler en sa présence. Il mourut le lendemain (78 av. J.-C). Ceux de sa faction lui firent des obsèques magnifiques ; son cadavre fut apporté à Rome et enterré dans le champ de Mars, honneur qui n’avait été décerné à personne depuis les rois. Lui - même avait composé son épitaphe : Nul n’a fait autant de bien à ses amis ni autant de mat à ses ennemis. Ses institutions ne subsistèrent que peu de temps après lui. Sylla avait laissé des Mémoires, dont il ne nous est parvenu que quelques fragments cités par Plutarque.

■ La cruauté de Marius, dit Ampère, était celle d’une bête féroce ; la cruauté de Sylla était celle d’un homme féroce ; Marius était un sauvage et un soldat-, il avait fait égorger ses ennemis à la hâte dans Rome, qull venait d’assiéger, comme un vainqueur brutal livre au massacre une ville prise d’assaut ; Sylla était un gentilhomme, un lettré, et avait la prétention d’être un homme de gouvernement ; il y mit plus de forme, de méthode et de régularité ; il écrivit des listes de meurtre, retouchant son œuvre, y «joutant à plusieurs reprises les noms de ceux que, dans les premiers moments, il avait oubliés. Ces listes restèrent comme un supplément à ses Mémoires, qu’il avait aussi écrits et qui étaient en grec... Son œuvre n’eut ni consistance ni durée ; dans le présent, il pouvait tout ; il ne put rien pour l’avenir. On n’efface pas comme on veut la violence de son origine ; après avoir agi révolutionnairement, on ne se fait pas en un jour conservateur. Sylla s’était établi par la force, Sylla avait foulé aux pieds toutes les lois, Sylla avait tous les vices ; il n’était pas en son pouvoir de rendra au droit toute son autorité et à la morale son empire. La fin était impossible, le moyen était impraticable : il rêvait de réformer l’État par l’aristocratie, mais il aurait fallu réformer d’abord l’aristocratie elle-même. • Aussi sa politique est pleine de contradic- " tions qui naissent de sa nature, de sa situation et du contraste qui existe entre le but qu’il veut atteindre et les éléments dont il dispose. Il réglemente la proscription et lui fixe un terme qu’en fuit elle dépassa, mais il ne peut en décréter l’oubli, et les souvenirs de la proscription firent tomber ]’œuvra da Sylla après sa mort. Il lui faudrait rasseoir la société romaine sur le respect de la justice, et il fait argent avec les biens des proscrits, les distribue à ses indignes créatures ; il corrompt l’armée. Sylla pervertit autant qu’il égorge ; pervertir est pire qu’égorger. 11 consacre le honteux principe de la confiscation et crée par elle une classe d’ennemis héréditaires de son institution. Ce réformateur de mœurs abolit la censure et viole ses propres lois somptuaires avec impudence. •