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mense compte des pages qui doivent rester. Après avoir débuté, en 1799, par quelques études dans lesquelles l’inexpérience se taisait encore sentir, il eut l’heureuse idée d’aller chercher dans ia nature, sous des climats divers, les enseignements qui lui manquaient. Dans un premier voyage, qui dura près de deux ans, il visita tour à tour la Belgique, le midi de la France et l’Italie. À son retour, il exposa, en 1802, le Moulin d’Essonne, qui fut remarqué. Mettant alors à son travail une grande activité, il produisit sans interruption : l’Offrande au dieu Pau, !’Arrivée de Napoléon à Louisbourg, lu Danse de bergers, la Vue de la place Louis XV, Henri IV et te capitaine Mickaud, une Cascade et plusieurs Sites des Vosges. (Jus toiles, remarquées k plusieurs titres, représentent eu quelque sorte ce qu’on pourrait appeler sa première manière. On y retrouve un peu trop le paysage poncif avec ses ruines obligées, son parfum de Grèce antique. De 1810 k 1820, Watelet fit des efforts heureux pour sortir du convenu, et il mérita de compter parmi les hardis novateurs qui préludaient à la merveilleuse renaissance du paysage moderne. Ses meilleurs tableaux de cotte seconde époque sont : Saint Jérôme dans te désert, la Terrasse de iSaint-Germain, le Lac Nemi., Cours du Var, Cascatelte de Tivoli, Usine dans l’Isère ; puis, de 1820 à 1830, Vue de Rouen, le Cours de la Eléone, le Lac Albano, Village normand, Côte de la Calabre, Vue d’Abbeùille, la Chute des feuilles, Vallée de Gisors. Richesse d’imagination, bon goût dans le choix des détails, finesse de ton, largeur d’exécution, telles sont les qualités dominantes de ces peintures, dont plusieurs sont vraiment remarquables. De 1840 à 1850, il y eut encore un notable progrès, le dernier d’ailleurs, car jamais depuis le maître n’a dépassé le niveau qu’il avait atteint, dans la Sapinière, la Fuite en Égypte, le Canal près de Bruges, la Vue de Cioitta-Castellana, la Terrasse à liichemond, la -Vue d’inspruck et Ylnn dans la vallée du Tyrol. Depuis, comme la plupart des peintres qui ont beaucoup produit, Watelet n’a fait que se répéter, sans être toujours heureux. Nous n’eu citerons qu’un exemple, son Effet d’orage du Salon de 1857, où il semble avoir réuni les silhouettes des deux autres paysages suisses que l’on regarde comme ses meilleurs.

Une 20 médaille en 1818, une 1« en 1819, et la croix en 1825 sont les récompenses qui ont signalé les commencements de la carrière de Watelet, alors qu’il était le premier paysagiste de son temps.

WATELIN, lie de l’Amérique centrale, dans l’archipel des Lueayes ou Bahama, à 1 E. de l’Ile San-Salvador, par 23" 56’de latit. N., 770 2’ de longit. O. Quelques géographes pensent que c’est cette lie et non San-Salvador que Christophe Colomb découvrit la première. La position de Watelin, à 120 kiloin. E. de San-Salvador place, en effet, la première de ces lies sur la route du célèbre navigateur ; mais un navire venant du N.-E. peut passer au-dessus de Watelin et rencontrer d abord l’Ile de San-Salvador.

WATERBURY, ville des États-Unis d’Amérique, dans l’État de Connecticut, à 32 kilom. N.-O. de Néw-Haven ; 9,000 hab. Imbrication importante de boutons dorés ou argentés, quincaillerie, épingles, porcelaine. Cette ville est agréablement située sur le penchant d’une colline, au pied de laquelle coule la rivière de Nogatuck ; les rues sont régulières, ombragées de beaux arbres et bordées de constructions élégantes, pour la plupart entourées de jardins. On y voit sept églises, parmi lesquelles celle de Saint-John se fait remarquer par ses belles proportions ; au centre de la citéVétend un square public bien planté,

WATERBURY, bourg des États-Unis d’Amérique (État de Vermont), k 12 milles N.-O. de Montpellier, sur le chemin de fer de Vermont ; 3,000 hab. Commerce actif.

WATKKFORD, ville d’Irlande, dans l’ancienne province de Munster, chef-lieu du comté de son nom, sur la Suir, où elle a un excellent port de commerça, à 132 kilom. S.-O. de Dublin, par 52« 16’ de huit. N. et’ 90 30’ de longit, O. ; 30,000 hab. Evêchés anglican et catholique. Verreries donnant des produits estimés ; fabriques de draps, lainages, ustensiles eu fer ; raffineries de sucre, distilleries, brasseries. Le port, accessible aux navires de 800 tonneaux, est bordé de quais magnifiques et fréquenté par un grand nombre de vaisseaux marchands ; les principaux articles d’exportation sont les bestiaux, les porcs, les moutons, le beurre, les grains, les farines, les suifs, les toiles, les saumons et les produits agricoles du comté. Waterford est situé sur les confins N.-E. du comté de son nom et un peu k l’O. de l’estuaire que forme lu Suir jointe au Barrow ; la rivière divise la ville en deux parties réunies par un pont de bois de 832 pieds de longueur sur 40 de largeur. Le quai, le mail et les rues qui y aboutissent sont bordés de belles constructions ; mais, dans les anciens quartiers, les rues sont étroites, irrégulières, les maisons mal construites et habitées par les classes pauvres de la population. Parmi les édi-Jices publics remarquables, nous citerons la cathédrale, qui s’élève sur l’emplacement d’une ancienne église bâtie par les Danois

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en 1096. La construction actuelle date de 1773 et mesure no pieds de longueur sur 58 de largeur ; elle renferme plusieurs monuments, dont quelques-uns se trouvaient

dans l’ancienne église. Le cimetière, le palais de l’évêque, l’asile pour les veuves sont groupés près de la cathédrale. Les autres églises sont Saint-Patrick et Saint-Olave. Parmi les édifices civils, les principaux sont : l’hôtel des douanes (Custom House) ; la cour de justice (Court House), bâtie par Gandon, architecte de plusieurs monuments de Dublin ; la maison de correction, dans laquelle ont lieu les exécutions ; les casernes d’artillerie ; l’asile des aliénés ; l’hôpital du Saint-Esprit (Holy Ghost Hospital), fondé au

xme siècle, aujourd’hui asile de veuves et qui occupe une partie de l’emplacement de l’ancien couvent des franciscains ; le Bishop Gores Hospital, maison de retraite pour les veuves d’ecclésiastiques ; le Fever Hospital, ou hôpital des fiévreux, bâti en 1799 ; Fannig’s Institution, fondéeen 1843 pour les marchands pauvres, et l’école des frères chrétiens.

Histoire. L’origiAe de Waterford paraît remonter à l’an 155 de l’ère chrétienne, mais la ville n’acquit réellement de l’importance que sous le règne de Sitric, vers 853. En outre, le nom quelle a conservé jusqu’à nous lui a été donné au ixe siècle par les Danois qui s’y établirent ; il remplaça ceux plus anciens et aujourd’hui oubliés de Guannah Frioth (Port du soleil) et de Gleann-na-Gleodh (Vallée de désolation). Waterford vient de Water-fiord (mot à mot père des ports). Les Danois y élevèrent, au xifl siècle, une tour encore debout aujourd’hui, grâce k plusieurs restaurations nécessaires, et dont l’inscription suivante, placée Sur la porte d’entrée, résume l’histoire : « En l’année 1003, Réginald le Danois bâtit cette tour. En 1171, elle fut occupée comme forteresse par Strongbow, comte de Pembroke. En 1463, en vertu d’un statut d’Édouard IV, on y établit un hôtel de la monnaie. En 1819, elle fut réédiné’e dans sa forme primitive et destinée, parla corporation de la cité de Waterford, à un établissement de police. »

Ainsi que l’a déjà appris un paragraphe de cette inscription, dès 1171 les Danois furent dépossédés de Waterford par Strongbow et Raymond le Gros. Le premier épousa, dans cette ville, Eva, fille du roi ce Leinster. L’année suivante, Henri II y débarqua pour venir prendre possession de l’Irlande, dont une bulle du pape Adrien lui concédait la souveraineté. Plus tard, au contraire, ce fut à Waterford que s’embarqua Jacques II, après le désastre de la Boyne. Waterford jouit, depuis 1374, du privilège d’envoyer deux députés au Parlement..

WATERFORD (golfe de), vaste baie formée par l’Atlantique sur la côte méridionale de l’Irlande, entre les comtés de Waterford et de Wexford, à l’embouchure de la Suir ; elle s’enfonce à 14 kiloin. dans les terres et mesure 6 kiloin. de largeur.

WATERFORD (comté de), division administrative Ue l’Irlande, comprise dans l’ancienne province de Munster, entre les comtés de Kilkenny et de Tipperary au N., de Cork à l’O., de Wexford a l’E. et l’Atlantique au S. ; superficie, 190,187 hectares ; 142,000 hab. Le comté, dont le chef-lieu est Waterford, est subdivisé en 8 baronnies et 74 paroisses. Le sol du comté est généralement accidenté ; les montagnes, dont les plus hautes atteignent 700 mètres, couvrent environ un quart de la surface. L’ans les vallées, le Sol est assez fertile et produit surtout du seigle, de l’orge, de l’avoine, des pommes de terre et des navets ; les flancs des montagnes sont couverts d’excellents pâturages qui nourrissent des troupeaux de bêtes a cornes et des moutons. Ses principales richesses minérales sont : le marbre, 1 ardoise, le fer, le plomb, le cuivre et la chaux. L’industrie manufacturière, peu active, comprend les verreries de Waterford, des filatures de coton et quelques fabriques de draps. Le comté exporte des porcs, du lard, beurre, cuirs, pommes de terre, bétail, bois et grains.

WATERFORD, bourg et circonscription communale des États-Unis d’Amérique, dans l’État de Connecticut, a 6 kilom. N.-O. do New - London ; 3,000 hab. II On trouve aux États-Unis plusieurs autres petites localités du même nom : une dans l’État de Pensylvanie, à 25 kilom, S.-E. d’Erié ; une autre dans l’État de New-York, à 16 kilom. N.d’Albany, etc.

WATERGANG s. m. (oua-teur-ganghdu holland. viater, eau ; gang, issue). P. et ch. Fossé ou canal qui borde un chemin, dans les Pays-Bas. Il Issue quelconque pour les eaux.

WATERGRAVB s. m. (oua-teur-grè-ve). P. et ch. Ancien agent voyer chargé, dans’ les Pays-Bas, de surveiller les travaux des watriugues.

WATERINGUE s. f. (va-te-rain-ghe — flam. wuterinyen ; ne wuter, eau). P. et ch. Nom que l’on donne, dans le nord-ouest de la France et dans les Pays-Bas, à l’ensemble des travaux de dessèchement dans les pays situés au-dessous du niveau de l’Océan, il Association formée entre propriétaires pour l’exécution et l’entretien des travaux de dessèchement.

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WATERREYN(Henri-Barthélemy), théologien et naturaliste belge, né à Anvers en 1809, mort en 1854. D’abord professeur de physique au petit séminaire de Malines, il fut appelé, en 1838, à la chaire de minéralogie et de géologie de l’université de Louvain, de laquelle il devint plus tard vice-recteur. On a de lui : Objets et avantages de l’astronomie (in-12, sans date ni nom d’auteur) ; De la géologie et de ses rapports avec les vérités élevées (Louvain, 1841, in-8°) ; De la résurrection de la c/iair dans ses rapports avec les sciences nature/les (Tillemont, 1853). Dans cet ouvrage, ainsi que dans le précédent, l’auteur a cherché à concilier les fictions religieuses avec les réalités de la science, mais il n’a pas mieux réussi dans cette tâche que ceux qui l’avaient tentée avant lui.

WATERLAND (Daniel), théologien anglais, né dans le Liucolnshire en 1683, mort en 1740. Il fit ses études à l’université de Cambridge et devint, en 1713, recteur d’Effingham. Nommé, en 1717, l’un des chapelains du roi, il fut par la suite appelé à différentes dignités ecclésiastiques et, en dernier lieu (1730), k celle d’archidiacre de Middlesex. On a de lui : Avis à un jeune étudiant, accompagnés d’une méthode pour suivre pendant quatre ans un cours d’études (1713), ouvrage qui obtint beaucoup de succès ; Réfutation des observations du docteur Whitby sur la défense du symbole de Nicée par l’évêque Bull (1718) ; Défense de la divinité de Jésus-Christ (1719) ; Histoire critique du symbole d’Athanase ; une foule d’écrits de polémique dirigés contre les déistes, tels que Tindal et Middleion, et contre les anglicans qui ne partageaient pas ses doctrines sur la Trinité et l’eucharistie ; enfin des Sermons (1742, 2 vol.). ^


WATERLOO, village de Belgique (Brabant méridional), à 19 kilom. S. de Bruxelles, sur la lisière méridionale de la forêt de Soignes ; 1,000 hab. Importante sucrerie de betterave. Défaite des Français en 1815. V. l’article suivant.


Waterloo (bataille de), perdue par Napoléon Ier contre les armées anglo-hollandaise et prussienne le 18 juin 1815, et qui mit fin à l’épopée napoléonienne. Le plan du futur vaincu de Waterloo avait été, il faut le reconnaître, très-habilement conçu : se jeter brusquement entre ses ennemis et les écraser successivement, tactique qui, on le sait, avait toujours constitué le caractère et la force de son génie. Dès le début de cette fatale campagne, la fortune avait paru sourire à Napoléon ; sa marche avait été si rapide qu’il se trouvait entre Wellington et Blücher avant même qu’ils l’eussent cru en mouvement, et tandis que Ney luttait aux Quatre-Bras pour barrer le passage à l’armée anglo-hollandaise, Napoléon, à Ligny, infligeait un sanglant échec à l’armée prussienne. Mais cette activité allait bientôt se ralentir. Napoléon sentait qu’il jouait sa suprême partie, et tout ce qu’on sait de ces journées terribles prouve qu’il était indécis, flottant, ne sachant plus prendre ces résolutions rapides qui déconcertaient si bien autrefois ses ennemis. Dans la journée du 17 juin, qui précéda la grande bataille, il commit la faute de ne point faire serrer Blücher d’assez près, de manière à ne pas lui permettre de se dérober, et à s’opposer à sa jonction avec Wellington. Napoléon connaissait bien néanmoins l’ardent patriotisme et l’infatigable énergie du général prussien, et, s’il venait de le vaincre, il ne devait pas ignorer que ce n’était qu’une simple défaite, insuffisante à désagréger une armée aussi fortement organisée et disciplinée que l’armée prussienne commandée par de tels généraux. En conséquence, il expédia trop tard à Grouchy l’ordre de se lancer à la suite de Blücher et de se mettre en travers de ses mouvements si celui-ci voulait rejoindre l’armée anglo-hollandaise au cours de la lutte acharnée qu’il prévoyait pour le lendemain. Au quartier général de l’armée française, on ignorait même la direction qu’avait prise l’armée prussienne, et Napoléon hésitait entre ces deux opinions, ou que Blücher battait en retraite pour rejoindre Wellington, ce qui était le plan des deux généraux ennemis, ou qu’il se retirait sur le Rhin, auquel cas il n’eût plus été à craindre, pour le moment du moins. Mais une telle conviction eût fait peu d’honneur à la perspicacité de Napoléon, qui devait connaître Blücher et savoir qu’il n’était pas homme à se décourager si vite et à abandonner son allié dans une circonstance aussi décisive. Il tomba donc dans la grave erreur de croire, comme il l’a dit lui-même, qu’il l’avait mis hors de cause pour deux ou trois jours au moins, et cette erreur entraîna les délais qu’il apporta dans l’expédition des ordres envoyés à Grouchy ; c’est ce que le colonel Charras prouve péremptoirement dans son magnifique ouvrage : Histoire de la campagne de 1815. C’est à cet historien si compétent que nous allons emprunter les éléments de notre récit.

À midi et demi, le lendemain de la bataille de Ligny, Napoléon se trouvait encore sur le théâtre de la lutte ; ce n’est qu’à partir de cette heure qu’il se mit en marche pour se porter aux Quatre-Bras, à la rencontre de Wellington. Il ne redoutait qu’une chose, c’est que le général anglais, à la nouvelle de la défaite de Blücher, ne se dérobât à travers la forêt de Soignes, en avant de laquelle il était établi ; mais Wellington l’attendait de pied ferme, certain de la coopération de Blücher. Vers deux heures de l’après-midi, un épouvantable orage s’étendit sur toutes les plaines de la Belgique, « Le ciel, chargé d’épais nuages, dit M. Thiers, finit par fondre en torrents d’eau, et une pluie d’été, comme on en voit rarement, inonda tout à coup les campagnes environnantes. En quelques instants, le pays fut converti en un vaste marécage impraticable aux hommes et aux chevaux. Les troupes composant les divers corps d’armée furent contraintes de se réunir sur la chaussée (des Quatre-Bras à Bruxelles). Bientôt l’encombrement y devint extraordinaire, et les troupes de toutes armes y marchèrent confondues dans un pêle-mêle effroyable. » Les chemins, détrempés à la suite de cet orage, retardèrent beaucoup la marche de l’armée française ; mais si Napoléon peut bénéficier de cette excuse, il faut bien aussi, pour rester dans les limites de l’impartialité, l’étendre à Grouchy, placé dans les mêmes conditions. Or, c’est ce que n’ont fait ni Napoléon ni M. Thiers, son historien. Le premier surtout a reproché amèrement à son lieutenant les retards apportés à sa marche par les circonstances, alors que lui-même en avait été victime. « Ce qui aurait valu le mieux, fait justement observer te colonel Charras, c’eût été de chercher, de découvrir la retraite des Prussiens dès le point du jour, de mettre cette infanterie (celle de Grouchy) en mouvement dès le lever du soleil et, de l’acheminer non sur Gembloux, mais sur Sombreffe, d’où sortait alors Thielmann, ou bien sur le chemin de Tilly, où étaient Zieten et Pirch 1, et si cela ne fut pas fait, c’est à Napoléon seul qu’il faut le reprocher, car seul il commandait. »

C’est dans la nuit du 17 au 18 juin que l’armée française arriva sur le terrain de la lutte qui allait prendre pour nous le nom sinistre de bataille de Waterloo. La pluie continuait de tomber à torrents et le tonnerre ne cessait de gronder dans le lointain. On eût dit que la nature, par ce déchaînement, voulait former le prologue du drame sanglant qui allait se jouer. À une heure, Napoléon monta à cheval et, accompagné de Bertrand, gagna les hauteurs coupées par la chaussée de Bruxelles vers la ferme de Rossomme. Une ligne de feux, ceux des bivouacs de l’armée anglo-hollandaise, éclairait l’horizon de Braine-l’Alleud à Frichemont. Nos bataillons arrivèrent de bonne heure sur les positions qu’ils devaient occuper et y attendirent avec impatience la fin de cette nuit orageuse. Napoléon ressentit une extrême satisfaction en voyant que l’armée ennemie, dont il craignait la retraite, semblait l’attendre de pied ferme, résolue à affronter le choc redoutable qui se préparait. Ainsi, après avoir battu les Prussiens isolés, il avait l’heureuse fortune de rencontrer les Anglo-Hollandais également isolés, et il ne doutait pas du succès : c’était la réalisation de ses profondes combinaisons. Naguère, dans le Moniteur, il avait fait publier que Wellington était « un présomptueux, un téméraire, un ignorant destiné à essuyer de grandes catastrophes ». À ses yeux, cette prédiction allait donc enfin se réaliser. Nous avons « quatre-vingt-dix chances pour nous et pas dix contre », dit-il en ce moment à ses généraux. De son côté, Wellington comptait sur la force de la position qu’il avait choisie, étudiée depuis longtemps, car il ne faisait rien au hasard ; il connaissait la fermeté, l’ardeur de ses troupes, et lui aussi se croyait sûr de vaincre. II écrivait à Charles Stuart, à Bruxelles : « Les Prussiens seront de nouveau prêts à tout ce matin... Tout tournera à bien. » Il écrivait en même temps au duc de Berry : « J’espère et, de plus, j’ai toute raison ne croire que tout ira bien. »

La pluie avait cessé vers six heures du matin ; mais le ciel restait encore très-couvert. Nous empruntons au colonel Charras la description du champ de bataille :

« En partant de la ferme du Caillou, où se trouvait le quartier général de Napoléon, on rencontre trois rideaux de hauteurs dirigées uniformément du sud-ouest au nord-est. La chaussée de Bruxelles en coupe successivement les crêtes, vers la ferme de Rossomme, vers l’auberge de la Belle-Alliance et à 150 ou 200 mètres plus loin que la ferme de la Haie-Sainte.

« La crête des hauteurs formant le dernier de ces rideaux est la limite sud d’une vaste croupe qui s’étend, à l’ouest, jusqu’au-dessus de Merbe-Braine, hameau situé dans un vallon allongé du sud au nord ; à l’est, jusque vers Ohain ; au nord, jusqu’au hameau de Mont-Saint-Jean, où commence une pente de faible inclinaison qui descend au village de Waterloo, bâti à une lieue de la Haie-Sainte, dans une échancrure de la forêt de Soignes.

« Cette croupe est ce qu’on appelle le plateau de Mont-Saint-Jean. À 500 ou 600 mètres et à l’ouest de la Haie-Sainte, un contrefort, de peu de largeur, s’en détache et vient finir en s’abaissant régulièrement tout près de la chaussée de Bruxelles et de l’auberge de la Belle-Alliance. La ligne de partage des eaux du bassin de la Senne et de celui de la Dyle suit ce contre-fort. Deux vallons y prennent leur origine. L’un, s’ouvrant au sud-ouest, passe derrière le château de Goumont et débouche, tout auprès, dans le vallon de Merbe-Braine ; l’autre, s’ouvrant au sud-est, passe immédiatement au-dessous de