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BAL

nesse et de la beauté. Il en cite une surtout, un ange, une jeune Espagnole : Non, ce n’est point d’amour qu’elle est morte : pour elle L’amour n’avait encor ni plaisirs ni combats ; Rien ne faisait encor battre son cœur rebelle ; Quand tous en la voyant s’écriaient : Qu’elle est belle !

Nul ne le lui disait tout bas.

Bile aimait trop le B*t, c’est ce qui Va tuée. Le bal éblouissant ! le bal délicieux !

Elle aimait trop le bal. — Quand venait une fête, Elle y, pensait trois jours, trois nuits elle en rêvait ; Et femmes, musiciens, danseurs que rien n’arrête, Venaient, dans son sommeil, troublant b& jeune tête, Rire et bruire a 6on chevet.

Elle est morte.—A quinze ans, belle, heureuse, adorée ! Morte au sortir d’un bal qui nous mit tous en deuil, Morte, hélas ! et des bras d’une mère égarée La mort aux froides mains la mit toute parée Pour l’endormir dans le cercueil.

Ce vers est devenu proverbial, et, dans l’application, il exprime une idée analogue. Généralement, on ne cite que le premier hémistiche :

■ Aristote raconte que les mouches appelées demoiselles sont tellement passionnées pour la danse qu’elles en oublient quelquefois le sentiment de leur conservation personnelle, et qu’elles se laissent souvent surprendre par l’ennemi au mileu d’une figure. Elles aiment trop le bal... On croit que leur nom de demoiselles leur vient de l’habitude qu’elles ont de se rengorger quand on les examine, à l’instar des jeunes filles de province qui passent sous le feu des regards d’un régiment au sortir de la messe. » Toussenel.

Bal d’Auioait (le), comédie en trois actes, en prose, avec un prologue et un divertissement, par Bbindinjouéu aux. Français en 1705. Cette pièce est peu connue aujourd’hui, et c’est justice. C’est pourtant à elle que nous devons l’institution, si souvent attaquée depuis, de la censure. Elle a joué, c’est du moins un censeur qui le dit, M. Hallays-Dabot, elle a joué le rôle de la goutte d’eau qui fait déborder le vase déjà plein ; à ce titre, elle est une curiosité historique : voilà, son seul mérite, Son Seul droit a l’attention. Le sujet n’a rien de bien saillant et roule en partie sur des incidents et des aventures de bal ; « mais au fond, lisons-nous dans le Dictionnaire des théâtres, il s’agit de faire épouser Hortense à Braste, préférablement à M.Vulpin, vieux garçon, à qui le frère d’Hortense la promise. Ce frère, amoureux de sa femme, qu’il ne reconnaît pas sous le masque, donne dans le piège que celle-ci lui tend, et consent au mariage d’Eraste, qu’elle favorise. Le déguisement de Lucinde et de Ménine qui, réciproquement, se prennent pour ce qu’elles ne sont pas, donne lieu à quelques scènes piquantes et à certains discours, peut-être un peu trop libres pour la comédie moderne. Au surplus, il règne dans le Bal d’Au~ teuii, beaucoup d’intérêt, d’enjouement et de vivacité. » Laissons maintenant la parole à l’auteur de Histoire de la censure théâtrale en France.* » Le Bal d’A uteuil, do Boindin, fut joué en 1702. La pièce était alors en un ucte, Boindin la remania plus tard et la fit imprimer en trois actes. Ce changement était une atténuation ; car une seule scène avait été incriminée, et, si mauvaise que soit une scène, elle disparaît et se perd dans l’ensemble, dès que la pièce prend de plus grondes proportions. Le Bal d’Auteuil avait fort réussi à Paris ; aussi le roi voulut le voir jouer à Marly. À cette représentation se trouvaient la duchesse d’Orléans et la princesse Salatine. Cette honnête Allemandejaisse voir ans sa correspondance quel dégoût lui inspiraient les débauches honteuses des jeunes seigneurs de la cour, débauches si peu mystérieuses, que le détail en arrivait jusqu’à elle. Maintes fois, elle revient dans ses lettres sur la peinture de ces mœurs licencieuses. On voit à quel point un pareil dérèglement la préoccupe et l’inquiète. Or, dans la comédie a laquelle elle était conviée, se trouvait une scène que le jeu des acteurs devait rendre des plus scabreuses. « Deux jeunes filles, travesties en hommes, — nous laissons parler Boindin, — trompées toutes deux par leur déguisement, et se croyant mutuellement d’un sexe différent, se faisaient des avances réciproques et des agaceries, qui parurent suspectes ou du moins équivoques à la princesse palatine. » Cette situation lesbienne, poursuit M. Hallays-Dabot, prête en effet au libertinage, et, pour peu que les actrices y mettent un peu de chaleur, elle arrive rapidement à l’obscénité. La princesse palatine ne cacha point ses impressions au roi. Celui-ci les partageant interdit la pièce, et ordonna à un gentilhomme de la Chambre, au duc de Gesvres, d’aller réprimander les comédiens. Puis, prenant une mesure générale, il voulut qu’à l’avenir les pièces ne fussent jouées qu’après avoir été soumises à l’examen d’un censeur. » Deux ans plus tard, la police des théâtres était confiée d’une manière absolue au lieutenant général de police de Paris. Ainsi se régularisa, selon la propre expression de l’écrivain que nous venons de citer, l’action de l’autorité sur les spectacles.

Bal de Strasbourg (LE), Opéra-COmique en un acte, par Favart, de La Garde et Laujon, oué à- la foire Saint-Laurent en 1744. Cette

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pièce, donrfée à l’occasion du rétablissemeni de la santé du roi Louis XV, ne pouvait manquer, dans ces circonstances, d’être fort agréablement reçue. Mais ce qui en fit le principal succès, c’est la scène touchante du courrier, que tous les spectateurs chantaient avec les acteurs, et qui valut à Favart une députation des dames de la Hall» avec un présent de fleurs et de fruits.

Bai impromptu (le), opéra - comique de Harny, musique de Debrosses, joué aux Italiens en 1760. Un homme de condition, voulant donner une fête à la campagne, imagine de déguiser les valets en maîtres et les maîtres en valets. De là, différente» scènes, où ceux-ci parlent de leurs maîtres comme s’ils ne devaient plus redevenir leurs valets, et, depuis le Grand Condé, on sait le héros qu’est un maître pour son valet de chambre ; mais les valets redeviennent Gros-Jean comme devant, et les péripéties de cette transformation terminent la pièce.

Bai du «ous-prére» (le), opéra-comique en un acte, paroles de Paul Duport et Saint-Hilaire, musique de Boilly, représenté a l’O fiéra-Comique le 8 mai 1844. Les scènes de a vie de province ont souvent défrayé l’opéra-comique. Il s’agit cette fois d’un rentier qui veut se marier, et contrefait le sourd pour mieux éprouver le caractère des demoiselles auxquelles il fait la cour. Cette ruse le fait assister aux doux entretiens de sa prétendue, M’ie Agathe, avec un jeune commis voyageur qu’elle épouse, et notre rentier reste célibataire. La musique a de la vivacité et accuse de bonnes études musicales. On a remarqué l’ouverture et un bon duo chanté par Grignon et Ml’e Prévost. M. Boilly était un ancien lauréat de l’Institut.

Bai d’enfants (un), vaudeville en un acte, de MM. Dumanoir et Dennery, représenté pour la première fois, à Paris, sur le théâtre du Gymnase, le 24 janvier 1845. Cette pièce, éclose à un moment où les petits prodiges étaient a la mode au théâtre, a singulièrement réussi. Ella n’était, on ledevine, qu un prétexte à mazurkas et à polkas ; il s’agissait pour les principaux acteurs, dont le plus grand aurait tenu dans une botte de garde municipal, d’empêcher de dormir les Viennoises de l’Opéra, alors fort courues. Les cartes d’invitation portaient : « Au-dessous de trois mois et au-dessus de seize ans, il n’est pas permis de danser. Les enfants ne peuvent venir tout seuls au bal ; ils sont accompagnés par leurs grands frères et leurs grandes sœurs. ■ Un certain hussard, abusant du billet de son petit, frère sevré depuis la veille, s’introduit dans cette réunion de marmots, et, par un quiproquo assez amusant, emmène au heu de celle qu’il aime, une jeune fillette de sept ans et demi. Mais bientôt tout s’arrange : le mari qu’on destinait à la bienaimée de notre hussard, ayant été suffisamment éclairé sur les sentiments de M’ie Emma à son endroit, par une de ces révélations d’enfant terrible comme il vous en tombe des nues au moment où on y pense le moins. Le pauvre garçon se retire avec empressement, et rien n’empêche M. de Chamboran de conduire Emma à l’autel, si, comme nous nous plaisons à le supposer, il l’aime pour le bon motif.

Bal de Sceaux (le), roman par H. de Balzac.

V. SCÈNES DE LA VIE PRIVÉE.

BAL, autre orthographe de Baal.

BAL (Joseph), dessinateur et graveur belge contemporain, né à Anvers, élève de MM. Erin, Corr et Achille Martinet. Il a exposé à Bruxelles, en 1851, plusieurs dessins d’après Raphaël et Holbein, et une gravure d’après l’antique ; à Paris, en 1853, la Tentation de saint Antoine, d’après M. Gallait, gravure qui lui a valu une médaille de 3e classe ; en 1859, la Belle Jardinière, d’après Raphaël, pour laquelle il obtint une médaille de 2« classe ; en. 1861, Jeanne la Folie, d’après M. Gallait.

BAL A, ville d’Angleterre, dans le pays de Galles, comté de Merioneth, à 305 kil. N.-O. de Londres, sur le lac de son nom ; 2,559 hab. Centre d’une fabrication renommée de bas et gants tricotés ; vestiges de camps romains aux environs. Il Bala, nom de deux villes de la Palestine : l’une faisait partie de la Pentapole ; dès que Loth en fut sorti, elle fut engloutie ; l’autre était située dans la tribu de Siméon.

BALA (Alexandre). V. Alexandre Bala.

BALAAM, prophète ou devin ? né à Péthora (ou Phétor), sur les bords de i’Euphrate, en Mésopotamie. Lorsque les Israélites, après avoir erré pendant quarante ans dans le désert, furent arrivés sur les bords du Jourdain, Balac, roi de Moab, effrayé de leur approche, envoya vers Balaam plusieurs vieillards de Moab et de Madian, pour lui offrir des présents s’il consentait a maudire les Israélites ; Balac espérait que la malédiction du devin aurait pour effet de rompre le charme qui rendait ce peuple invincible. Balaam répondit aux vieillards qu’avant de rien promettre il devait consulter le Seigneur ; il les fit rester une nuit sous son toit, et, le lendemain, il leur dit qu’il avait vu le Seigneur, qu’il l’avait interrogé et qu’il en avait reçu cette réponse : a Garde - toi bien de faire ce qu’on te demande, et ne maudis pas ce peuple, parce qu’il est béni. » Quand on eut rapporté à Balac le refus de Balaam, ce prince ne renonça pas à son dessein ; il envoya de nouveaux ambassadeurs au prophète, et s’engagea à le combler de richesses et d’honneurs, s’il voulait céder à ses

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désirs. Balaam répondit : < Quand Balac me donnerait des monceaux d’or et d’argent, je ne pourrais pas changer la parole du Seigneur, ni dire autre chose que ce qu’il m’aurait inspiré. » Cependant, il promit de consulter Dieu encore une fois, pendant la nuit, et cette fois Dieu lui permit de suivre les envoyés de Balac, mais sous la condition formelle qu’il ne ferait rien autre chose que ce qui lui serait commandé. Balaam, donc, s’étant levé le matin, sella son ânesse et se mit en route. Mais pendant qu’il était en chemin, un ange du Seigneur, tenant une épée nue à la main, se présenta devant l’ànesse, qui, effrayée par cette vision, se détourna et s’enfuit à travers champs. Balaam, pour qui l’ange était resté invisible, s’irrita contre Tânesse et la frappa pour la ramener dans le chemin. Mais comme ils passaient dans un lieu étroit, l’ange apparut encore deux fois ; l’ànesse s’arrêta, se serra contre le mur, et fut de nouveau battue, puis, à la dernière apparition, elle tomba, entraînant Balaam dans sa chute. Celui-ci recommença alors à frapper rudement la pauvre ânesse, et. le Seigneur lui ayant ouvert là bouche, elle dit à son maître : à Que vous ai-je fait, et pourquoi me frappez-vous ainsi ? Voilà que vous m’avez frappée déjà trois fois. — Si je t’ai frappée, répondit Balaam, c’est que tu l’as mérité, et tes caprices ont assez fatigué ma patience. Que n’ai-je un glaive pour te le passer au travers du corps ? » Mais l’ànesse prend encore une fois la parole en ces termes ; « Ne suis-je pas depuis longtemps votre monture ordinaire ? Dites-moi si j’ai jamais bronché, et si je me suis jamais écartée de la route. » En ce moment, Dieu ouvrit les yeuxde Balaam ; il vit l’ange armé de son épée nue, et, se prosternant contre terre, il l’adora. « Pourquoi, lui dit l’ange, as-tu frappé trois fois ton ânesse ? Je suis venu pour m’opposer à toi, parce que ta voie est corrompue et qu’elle m’est contraire. Si ton ânesse ne se fût point détournée, je ne lui aurais fait aucun mal, mais je t’aurais tué. » Balaam répondit : « J’ai péché, ne sachant pas que vous vous opposiez à moi ; mais s’il ne vous plaît pas que j’aille trouver Balac, je suis prêt à retourner en arrière, » Cependant l’ange lui dit de continuer sa route, mais en lui enjoignant de ne rien dire que ce qui lui serait commandé.

Comme il approchait du lieu où se trouvait Balac, celui-ci vint au-devant du devin, qui lui dit d’élever sept autels, et de mettre sur chacun d’eux un veau et un bélier. Balaam, après s’être éloigné quelques instants, sentant que l’inspiration était venue, revint vers Balac, entouré de ses principaux officiers, et prononça ces paroles prophétiques : « Balac, roi des Moabites, m’a fait venir d’Araon, des montagnes de l’Orient ; venez, m’a-t-il dit, et maudissez Israël, hâtez-vous de détester Israël. Comment maudirai-je celui que le Seigneur n’a point maudit ? Comment détesterai-je celui que le Seigneur ne déteste point ? Je le verrai du sommet des rochers, je le considérerai du haut des collines. Ce peuple habitera tout seul, et il ne sera point mis au nombre des nations. Qui pourra compter la multitude des enfants de Jacob, innombrable comme la poussière, et connaître le nombre des descendants d’Israël ? Que je meure de la mort des justes, et que la fin de ma vie ressemble à la leur. » On conçoit aisément que Balac ne devait pas être satisfait : « Que fais-tu ? dit-il à Balaam : je t’ai fait venir pour maudire, et voilà que tu bénis. » Le prophète répondit qu’il ne pouvait parler que selon l’inspiration qui lui venait d en haut. Cependant Balac voulut encore renouveler deux fois l’épreuve, il emmena le prophète sur d’autres lieux élevés, espérant qu’enfin il se déciderait à maudire. Mais il ne sortit jamais de Sa bouche que des paroles de bénédiction : « Regarde ce peuple ; comme un lionceau il se lève ; comme un lion il se dresse ; il ne se recouche point qu’il n’ait dévoré sa proie.

Que tes tentes sont belles, ô Jacob ! que tes demeures sont brillantes, ô Israël ! elles semblent un jardin de délices près d’un fleuve, un bois de cèdres au bord des eaux ; Dieu a fait sortir ce.peuple de l’Égypte, et sa force est semblable à celle du rhinocéros. Il dévorera les peuples qui seront ses ennemis, il brisera leurs os et les percera de ses flèches. Quand il se couche, il dort comme un lion que personne n’oserait réveiller. Celui qui te bénira sera béni lui-même, et celui qui te maudira sera regardé comme maudit. »

La prophétie de Balaam ne s’arrête pas là : elle s étend à des événements très-étoignés qu’elle mêle ensemble, selon l’usage des prophètes, et où les théologiens croient reconnaître i’avénement du Messie, la grandeur et la ruine des Romains : « Une étoile sortira de Jacob ; un homme s’élèvera dans Israël ; il brisera les chefs de Moab. L’Idumée deviendra son domaine ; l’héritage de Séir passera entre ses mains. Amalec, toi, le premier des peuples, la destruction sera ton partage. »

C’est au chapitre xxu des Nombres qu’on peut la lire, si l’on est curieux de la connaître dans toute son étendue. Mais, quoique Balaam se fût senti contraint de parler selon l’esprit de Dieu, il n’était pourtant animé que d intentions coupables ; car ? pour diminuer le mécontentement de Balac, il lui conseilla d’employer tous les moyens en son pouvoir pour faire tomber les Israélites dans l’idolâtrie et dans l’impudicité. Balac suivit ce conseil, qui ne

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réussit qu’à éloigner un peu sa perte. Quelque temps après, Moïse, par l’ordre de Dieu, déclara la guerre aux Madianites, et Balaam, qui se trouvait parmi eux, fut tué dans une bataille.

L’histoire de Balaam et de son ânesse a souvent servi de texte aux plaisanteries des incrédules, de ceux qui ne lisent la Bible que pour y trouver des motifs d’attaquer la religion qui en fait la base de ses dogmes ; c’est, en effet, quelque chose d’étrange que cetto conversation entre un animal stupide et un homme ; ces reproches de l’un et cette naïveté de l’autre, qui répond par de nouveaux reproches et qui cherche a justifier sa conduite, comme s’il trouvait tout cela naturel, et comme s’il eût déjà vu bien souvent sa monture raisonner sur les coups de bâton qu’elle reçoit. Mais les esprits sérieux trouvent dans ca récit des choses plus dignes de leur attention : ils y voient la preuve que les prophètes n’étaient pas le privilège exclusif du peuple de Dieu, qu’il y en avait aussi chez les infidèles, et que, pour jouir du don de l’inspiration divine, il n’était pas même nécessaire d’adorer le vrai Dieu ; car il n’est pas probable que Balaam, vivant au milieu d’un peuple idolâtre, ne sacrifiât pas aux dieux de son pays ; il n’est pas probable que les sept autels, élevés par Balac, d’après ses ordres, aient été consacrés au nom de Jéhovah. Ainsi, quand Balaam reçoit l’inspiration, il paraît évident qu’il ne fait que tomber en extase, c’est-à-dire qu’il éprouve une de ces crises nervouses auxquelles certains hommes ont toujours été sujets, dans tous les pays, dans toutes les religions, et dont les somnambules ou les sujets des expériences magnétiques nous offrent aujourd’hui de curieux exemples. Moïse, qui nous raconte le fait, ne laisse voir aucun étonnement de ce qu’un homme étranger au culte du vrai Dieu ait pu lire dans les profondeurs de l’avenir ; il nous le présenta comme animé de l’esprit divin ; i ! a l’air de croire que si, dans cet état, Balnam avait maudit les Israélites, ceux-ci auraient pu se voir enlever la force qu’ils devaient à la protection du Très-Haut, comme si la puissance même de Jéhovah pouvait être ébranlée par les paroles d’un simple mortel, devenu un être divin par cela seul qu’il était tombé dans un état d’éréthisme nerveux, que les physiologistes modernes regardent comme voisin de la folie. Au temps de Moïse, il y avait des prophètes partout ; partout c’étaient des hommes doués d’une vue intérieure qui leur faisait quelquefois tenir des discours étranges, auxquels les autres hommes attribuaient une cause ou une puissance surnaturelle. Presque toujours ces discours étaient pleins d’obscurité et d’incohérence ; mais cela ne servait qu’à augmenter le respect et la crainte avec lesquels on les écoutait, et l’on cherchait à y découvrir l’indication des événements futurs. Il est vrai que Balaam, dont le désir évident était de contenter Balac, semble être contraint, par une force supérieure, de prononcer Frécisément les paroles les plus propres à irriter : est-ce un rôle habile que jouait ainsi le devin pour assurer dans l’avenir l’autorité de ses oracles ? cette explication n’est pas inadmissible, assurément, mais elle n’est pas la seule qu’on puisse imaginer.

Ce qui résulte le plus clairement de la lecture attentive du chapitre xxn des Nombres, c’est que l’inspiration divine peut être une faculté commune aux adorateurs de tous les dieux, et, pour ceux qui regardent la justice et la vérité comme des attributs essentiels de la divinité, cela peut paraître une forte raison de révoquer en doute l’inspiration divine elle-même. Tel est l’effet que produit l’histoire de Balaam sur les hommes de bonne foi qui la jugent d’après les seules lumières de la raison. Qu’ils écoutent ensuite les interprétations des théologiens, c’est de toute justice, mais cela sort de notre compétence.

Ce qui est beaucoup moins contestable, c’est le rôle plaisant que l’ànesse de Balaam joue dans notre littérature. En voici deux exemples :

Quoi que Moïse ait révélé,

Un certain Charle, peu crédule.

Soutenait qu’anesse ni mule

Au bon vieux temps n’avait parlé.

. Eh quoi ! dit Babet l’Infaillible,

Tu prétends démentir la Bible !

De par le grand Dieu d’Abraham 1

Je te jure, mon ami Charle,

Que l’ànesse de Balaam

A parlé comme je te parle. •

Le poète Gacon ayant décoché quelques épigrammes contre La Motte, un partisan de ce dernier écrivit au satirique :

Jadis un fine, au lieu de braire,

Parla sous les coups de bâton ;

Mais un bâton te fera taire,

Ou parler sur un autre ton.

Gacon répliqua aussitôt avec une soumission plaisante :

Eh bien, vous le voulez, je vais changer de ton : L’opéra de La Motte est une pièce exquise.

J’aime mieux dire une sottise

Que d’avoir des coups de bâton. Sans appuyer davantage ici sur l’ànesse de Balaam, à laquelle nous avons déjà consacré un article au mot Anesse, disons que les écrivains, font de fréquentes allusions au prophète Balaam, qui bénit au lieu de maudire ;

« Aujourd’hui, on ne veut plus voir dans les proverbes que des lieux communs, et, qui pis