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doit également à Bertin une des plus importantes publications de l’époque, celle des Mémoires du P. Amiot sur les Chinois, et l’établissement de nombreuses sociétés d’agriculture en France. Il était.membre honoraire de l’Académie des sciences et de celle des inscriptions et belles-lettres.

BERTIN (Rose), marchande de modes de la reine Marie-Antoinette, née à Amiens en 1744, morte à Paris en 1813, se fit, par ses ouvrages de modes, une réputation européenne, qui rendit toutes les cours étrangères tributaires de ses talents. Aux jours de la l’erreur, des commissaires s’étant présentés chez elle pour lui demander les mémoires de ses créances contre la reine, elle affirma courageusement que Marie-Antoinette ne lui devait rien. On a publié, sous le nom de Mlle Bertin, des Mémoires que l’on regarde comme apocryphes.

BERTIN (Théodore-Pierre), littérateur, né à Donnemarie, près de Provins, en 1751, mort en 1819. Il a exécuté pour les libraires beaucoup de traductions et publié quelques opuscules ; mais il est connu surtout pour avoir introduit chez nous et simplifié le système de Sténographie de Taylor, qu’il appliqua au compte rendu des assemblées politiques depuis 1790. On a de lui : Système universel et complet de sténographie (1792).

BERTIN (le chevalier Antoine), poète erotique français, né à l’île Bourbon (aujourd’hui la Réunion) en 1752, mort à Saint-Domingue en 1790. Son père, qui figure sur la liste des gouverneurs de l’île Bourbon (1763-1767), jouissait d’une fortune considérable, et, comme tous les enfants des riches colons, Bertin fut envoyé en France pour y recevoir l’éducation que le défaut de maîtres et d’institutions ne permettait pas de lui faire donner dans sa patrie. Il fit avec succès ses études au collège du Plessis et montra de bonne heure un goût très-vif pour les poètes latins, surtout pour Ovide et Properce, qu’il lisait dans le texte a douze ans. À dix-huit ans, Bertin avait embrassé la carrière des armes et figurait en qualité d’officier dans un régiment de dragons, dont faisait partie son compatriote Parny, avec qui il se lia d’une étroite amitié. 11 avait à peine vingt ans que déjà quelques jolis vers, recueillis dans l’Almanach des Muses, l’avaient fait remarquer des connaisseurs, et La Harpe, qui ne prodiguait pas facilement l’éloge a ses contemporains, y trouvait i l’espérance d’un talent très-agréable. » « Bertin publia, en 1773, dit Ginguené, un petit volume de poésies, dont le succès ne fut pas heureux et n’annonçait pas celui que ses élégies eurent en 1782. Ce dernier recueil est resté, l’autre n’a laissé aucune trace. ■ Ce passage renferme deux erreurs, qui ont été presque toujours reproduites depuis par les biographes. Ce n’est pas en 1782, mais en 1780, que parut la première édition des élégies de Bertin, lesquelles sont intitulées : Amours. En second lieu, le volume publié en 1773, d’après Ginguené, n’a jamais existé. Ce que ce critique a dit métaphoriquement se trouve vrai à la lettre : il n’a laissé aucune trace. Le premier ouvrage imprimé de Bertin est un très-joli voyage, qu’il avait composé à la fin de l’année 1774, pendant le séjour de son ami Parpy ù l’Ile Bourbon, mais dont la première, édition ne parut à Paris qu’en 1777, sans nom d’auteur, sous le titre de Voyage de Bourgogne à M"*. Bertin avait fait ce voyage en Bourgogne avec le frère du chevalier de Parny, M. de La G. (de La Gervaisais, croyons-nous) et le nègre Lazare. Il se chargea d’en écrire le récit en vers et en prose, à la manière du voyage de Chapelle et Bachaumont, pour l’envoyer à son ami absent.

Par la publication du Voyage de Bourgogne, lequel parut l’année même où Parny se révélait comme un poète élégiaque supérieur, dans ses Poésies erotiques (1777), Bertin réalisait l’espérance qu’il avait fait concevoir. Trois ans après, en 1780, il publia, comme nous l’avons déjà dit, trois livres d’élégies, qu’il intitula heureusement Amours, et qui donnèrent la mesure complète de son talent. Les amours de Bertin, comme l’amour de Parny, furent des amours très-réelles. I ! a chanté, sous les noms d’Eucharis etdeCatilie, deux femmes qu’il paraît avoir aimées également. Un de ses éditeurs, et un éditeur qui fait honneur au poëte, M. Boissonade, savait l’histoire et le vrai nom de la première. C’était une jeune créole, mariée a un armateur de Bordeaux, et sœur de trois femmes qui avaient alors une grande réputation d’esprit et de beauté. Bertin la célébra sous le nom d’Eucharis. M. Boissonade, à ce qu’il semble, en savait plus qu’il n’en a voulu dire : < Le temps n’est pas venu, écrit-il, de soulever tout a fait le voile de ces petits secrets d’une société encore trop voisine de la nôtre. • M. Boissonade est mort sans soulever ce voile. Quoi qu’il en soit, trahi par Eucharis, Bertin ne sut pas comme Parny, qui n’a aimé réellement et chanté qu’Éléonore, interdire à sa muse de nouveaux chants d’amour, et bientôt Catilie, aussi belle et moins trompeuse qu’Eucharis, eut calmé ses regrets. La liaison avec celle-ci avait duré sept ans, avec des vicissitudes diverses et des inquiétudes incessantes. Il a soin de nous l’apprendre lui-même :

Sept ans entiers j’ai chanté sur ma lyre Et ta constance et ma félicité.

H constate avec la même exactilude (et l’on

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voit bien par là que ses amours n’étaient pas des amours en 1 air), qu’Eucharis voulut revenir à lui :

Après quatre ans entiers d’erreurs et d’inconstance...

Mais il aimait ailleurs. Catilie avait son cœur, et il dit à Eucharis :

Il n’est plus temps. Une autre a ma tendressé Et m’a fait oublier votre injuste rigueur...

C’en est fait, Eucharis, je ne peux plus vous suivre, L’amour ne renaît point ; il est mort entre nous.

Mais il l’assure d’un autre sentiment :

À l’amour qui n’est plus l’amitié doit survivre : L’amitié vous rendra toujours

Présente et chère à ma mémoire.

Bertin, toutefois, paraît avoir été, dans beaucoup de ses pièces, moins amoureux que poëte.

Capitaine de cavalerie, chevalier de Saint-Louis, écuyer du comte d’Artois, protégé d’une façon particulière par Marie-Antoinette, Bertin mena une vie tout épicurienne parmi d’aimables compagnons. Cependant, au milieu de cette existence dissipée, il conserva toujours un fonds d’idées nobles et honnêtes. Comme on l’a dit justement, il fut capable d’une vive et longue amité pour Parny. Il dit lui-même :

En amitié Adèle encor plus qu’en amour.

Et cet attachement fait honneur à son caractère ; car, dans cet ami, se trouvait un rival en poésie, et un rival qui lui était supérieur. Dès l’année 1784, la santé du jeune poëte s’était sensiblement altérée. Vers la fin de 1789, il se rendit à Saint-Domingue pour y épouser une jeune personne qu’il avait connue à Paris. La célébration du mariage, retardée par de longues formalités, fut fixée au commencement de juin 1790. > La surveille, dit Ginguené, Bertin eut des mouvements de fièvre et une petite douleur à l’estomac, avec un peu de toux : on crut que c’était un rhume. Le jour où la célébration avait été fixée étant arrivé, le malade demanda qu’elle se fît dans sa chambre ; mais à peine eut-il prononcé le oui d’une voix très-faible, qu’il sévanouit. U ne reprit sa connaissance qu’avec une forte fièvre et des vomissements. Le septième accès fut accompagné de convulsions et suivi d’un évanouissement très-long. On le crut mort, on éloigna sa jeune épouse. Au bout de quarante-huit heures, ses yeux se rouvrirent ; mais ses idées ne revinrent pas ; son état tenait de l’imbécillité, et cet état ne changea point jusqu’au dix-septième jour de la maladie, qui fut celui de sa mort (juin 1790)., Il n’était âgé que de trente-huit ans.

On trouve dans Bertin beaucoup de vers frivoles, rachetés par des traits heureux, et parsemés de vers faciles et charmants. Quelques pièces montrent un vrai sentiment poétique, des élans de passion sincères ; mais sa muse s’abandonne trop souvent à une inspiration toute sensuelle ; trop souvent, elle se traîne sur les traces des poètes latins. Aussi, est-ce justement que Tissot a fait cette fine et plaisante critique de Bertin : « Je n’aurais pas été étonné qu Eucharis ou Catilie eussent dit a leur favori : «Mon ami, nous sommes do « Paris et non de Rome ; faites-nous l’amour « en français. ■ Inférieur à Parny comme poëte élégiaque, Bertin ne saurait en aucun cas nié1 riter le titre de Properce français, qu’on lui a trop libéralement donné de son vivant. Cependant, malgré ses défauts, il ne doit pas être confondu avec ces ridicules petits maîtres de son temps, les Dorât, les Pezay, etc. Dans son Précis historique sur ta vie de M. de Bonnard (1785), Garât a dit agréablement : « C’était le moment où presque tous les jeunes talents, et même ceux qui n’étaient plus jeunes, voulaient mériter la gloire par des bagatelles, par des caprices, par des fantaisies, et semblaient croire que, pour se faire un nom immortel, il n’y avait rien de tel que des poésies fugitives. Les poètes n’étaient plus que des petits maîtres qui parlaient, en vers gais, des femmes qu’ils avaient désolées, des congés qu’ils avaient donnés, et quelquefois même, pour étonner par le merveilleux, de ceux qu’ils avaient reçus ; des maris qu’on trompait pour les rendre heureux, et qu’on priait en grâce d’être un peu plus jaloux que de coutume. » Garât, qui fait assez justement honneur au chevalier de Bonnard d’avoir contribué à ramener la poésie à des allures plus naturelles, met en première ligne, parmi ceux qui ont marché dans la même voie, les chevaliers de Bertin et de Parny. On trouve, en effet, dans Bertin, des passages qui semblent de notre siècle, des vers harmonieux et coulants qui font penser naturellement aux vers de Lamartine. Tel est, entre autres, ce passage sur Horace :

J’irai dans tes champs de Sabine, Sous l’abri frais de ces longs peupliers

Qui couvrent encore la ruine

De tes modestes bains, de tes humbles celliers ;

J’irai chercher, d’un ieil avide. De leurs débris sacrés un reste enseveli,

Et dans ce désert embelli

Par l’Anio grondant dans sa chute rapide,

Respirer la poussière humide

Des cascades de Tivoli.

Une édition des Œuvres complètes de Bertin a été donnée en 1785 (2 vol. in-18), par Flins des Olluriers, un de ses admirateurs.

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BERTIN (Louis-Auguste), auteur dramatique et publiciste, né à Paris vers 1760, mort en 1804. Fils naturel de Bertin de Blagny, trésorier général des fonds particuliers du ro’. Louis XV, il devint premier commis des bureaux de son père, puis il s’adonna entièrement aux lettres, et fit représenter, pendanr, la Révolution, quelques pièces de circonstance qui eurent du succès, notamment : Lepelletier de Saint-Fargeau ou le Premier martyr de la République française (1793). Il donna ■ aussi d’autres comédies et opéras-comiques. Plus tard, il collabora à des, journaux royalistes, fut désigné pour la déportation au 1S fructidor, se réfugia à Hambourg, et finit par être attaché, comme poète, au théâtre du Saint-Pétersbourg.

BERTIN (Antoine), théologien et littérateur français, né en 1761 à Draup-Saint-Basle, mort en 1823. Après être entré dans les ordres, en 1785, il devint vicaire à Barbonne, puis alla professer la théologie au séminaire de Reims, dont il fut ensuite nommé supérieur. En 1795, il prêta serment à la constitution civile du clergé et devint, en 1801, curé de Saint-Remy, dans le diocèse de Meaux. L’abbé Bertin a publié plusieurs ouvrages, parmi lesquels nous citerons : Esquisse dun tableau du genre humain ou Introduction à la géographie (Reims, 1799) ; Éléments de géographie (Reims, 18U) ; Instruction sur les devoirs des sujets envers leurs souverains (Reims, 1815).

BERTIN (Jean-Victor), paysagiste français, né à Paris en 1775, mort dans la même ville en 1842. Il eut pour maître Valencienne, débuta au Salon de 1793 et envoya des tableaux à toutes les expositions qui se succédèrent de 1796 à 1842. Il obtint une médaille de ire classe en 1808 et fut nommé chevalier de la Légion d’honneur en 1817. Sa réputation fût considérable sous l’Empire et sous la Restauration. C’est à lui que revient le mérite, peu envié aujourd’hui, d’avoir créé en France l’enseignement du paysage historique ; le succès de son école attira l’attention du gouvernement et décida la fondation d’un grand prix de paysage, donnant droit à la pension de Roino. Ce prix, qui a été supprimé seulement en 1863 (v. École des beaux-arts), fut presque tocjours remporté, du vivant de Bertin, par les élèves de ce maître, au nombre desquels nous pouvons citer Michalon, Roqueplan, Boisselier, Jules Coignet, Corot, etc. La vogue dont avait joui Victor Bertin s’éteignit rapidement, dés que le mouvement dit romantique eut ramené les paysagistes à l’étude de la nature, à la recherche de la couleur et de l’effet pittoresque. Jal disait, en 1827 : ■ M. Bertin est un de ces hommes qu’il ne suffit pas de nommer pour les louer. » Neuf ans plus tard, Gust. Planche jetait les lignes suivantes à la face des chefs de l’école du paysage académique : « MM. Bidault, Victor Bertin et Watelet composent un triumvirat inamovible... On trouve, dans leurs toiles, la même niaiserie de pinceau... Les jeunes bergers qui, dans le Site de la Pho- ci’de, de M. V. Bertin, s’exercent à la course, feraient envie aux confiseurs de la rue des Lombards, et je serais fort étonné si les personnages de ce tableau n’étaient pas reproduits en sucre candi. • La défaveur qui s’est attachée à cette époque aux œuvres de Bertin n’a fait que s’accroître. Celles de ses œuvres qui passent aujourd’hui dans les ventes publiques n’y atteignent que des prix ridicules. Il est permis de croire qu’une réaction se fera quelque jour contre cette dépréciation exagérée. Quelque faux, en effet, et quelqje froid que soit le genre adopté par Bertin, on ne saurait refuser à cet artiste le sentiment du style, la pureté et l’élégance des lignes. Parmi ses nombreux ouvrages, il nous suffira d’indiquer ceux qui ont été acquis par l’État et qui figurent dans des musées ou des monuments publics : Vue de la ville de Phœnos (au Louvre) ; Cicéron à son retour de l’exil ; Vue d’Olevano et Vue prise à Népi (tous deux autrefois à Trianon) ; Offrande au dieu Pan (inusée de Rennes) ; Chérébert et Théodegile (Fontainebleau) ; Site de la Phocide (musée de Dijon) ; Étude de chêne et Étude d’ormeau (musée d’Avignon) ; Entrevue de Napotion avec l’électeur de Saxe (Versailles) ; divers paysages dans les musées de Cherbourg, de Lille, de Nantes, etc.

BERTIN (Jean-Louis-Henri), jurisconsulte et publiciste français, né en 1806. Il fut longtemps attaché à la rédaction du journal le Droit, et eu devint le rédacteur en chef en 1848. Il est auteur des ouvrages suivants : De la révision des procès criminels ; Historique et révision du procès Lesurques ; Code des irrigations ; Chambre du conseil en matière civile et disciplinaire ; Jurisprudence du tribunal civil de la Seine.

BERTIN, nom d’une famille célèbre dans le journalisme français, et qui a jeté, depuis près d’un siècle, un grand éclat sur le Journal des Débats. Nous allons donner la liste complète de cette lignée de journalistes, de littérateurs, d’artistes, que l’on nomme souvent la dynastie des Bertin, et, quelque prétentieuse qu’elle paraisse au premier abord, cette appellation n’est ici que l’expression de la vérité.

BERTIN (Louis-François), dit Bertin aîné,

publiciste français, né k Paris en 1766, mort en 1841. Il allait embrasser la carrière ecclésiastique, lorsque la Révolution française j éclata et lui fit prendre une autre direction. ! Il entra dans le journalisme et collabora à plu- i

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sieurs feuilles politiques, notamment au Journal français (1793), au Courrier universel et à YEclair (1795). Cette dernière feuille, enfant perdu de la réaction, prêchait ouvertement le royalisme en pleine république. Le Directoire fa fit supprimer au 18 fructidor, et Bertin dut se cacher pour se soustraire à la proscription. Après le 18 brumaire, il fonda le Journal des Débats, qui prit tout de suite le premier rang au point de vue littéraire rang qu’il a conservé jusqu’à ce jour. Les meilleurs écrivains, Chateaubriand, Geoffroy, Felletz, Royer-Collard, Bonald, concouraient à sa rédaction. Dans la partie politique, on se contentait d’enregistrer les actes officiels. On louait aussi le héros, parce qu’il le fallait ; mais on le faisait le moins possible, et l’on prenait sa revanche dans le feuilleton, où les allusions fines en faveur de l’ancienne monarchie se mêlaient aux diatribes contre Voltaire. Le gouvernement consulaire s’en vengea on faisant renfermer Bertin au Temple, sous le prétexte vague de conspiration royaliste (1800). Exilé sans jugement, l’année suivante, a l’île d’Elbe, puis à Florence, il revint en 1804. La police ferma les yeux et on lui rendit la direction de sa feuille, mais on en changea le titre en celui de Journal de l’Empire, et on y établit un censeur, aux appointements du 24,000 fr., payés par les actionnaires. Ce censeur fut d’abord Fiévée, qui, trouvé trop coulant, eut pour successeur Étienne, en 1810. Un an après, le Journal de l’Empire était confisqué au profit de l’État. Bertin en reprit la propriété en 1814 et lui rendit son ancien titre. Il accompagna Louis XVIII au mois de mars 1815, et dirigea le Moniteur de Gand. Revenu avec le roi, il servit la Restauration jusqu’en 1823) époque de la disgrâce de Chateaubriand, son ami et son protecteur. Le Journal des Débats devint alors l’organe le plus important do l’opposition constitutionnelle. Lorsque Polignac arriva au ministère, Bertin fit paraître dans son journal un article d’Étienne Béquet, qui se terminait par ces mots : Malheureuse Francel malheureux roi ! Condamné pour cette publication à six mois de prison, Bertin fut acquitté en cour d’appel après la plaidoirie de Dupin aîné (1830). Bertin ne fit point partie des journalistes signataires de la protestation contre les ordonnances de juillet 1830 ; mais, lorsque la révolution fut consommée, il prit avec chaleur le parti de la dynastie d’Orléans. Le Journal des Débals devint alors l’organe delà haute bourgeoisie constitutionnelle, lu refuge des académiciens ou des aspirants a l’Académie, le patron des professeursde l’Université, le confident des diplomates. De son bureau du la rue des Prêtrès-Saint-Germain-l’Auxerrois, Bertin a exercé une influence notable sur son époque, sous le double rapport politique et littéraire. Doué des plus brillants avantages : la noblesse dos traits et des manières, le naturel distingué de l’esprit, la passion et le sentiment délicat des arts, homme d’honneur avant toul, d’un goût fin et sévère, possédant les connaissances les plus étendues, les plus variées, M. Bertin mérite un sonveinr de tous les amis des lettres pour son affabilité généreuse, ses encouragements éclairés à la jeunesse et son invariable fidélité au talent bien plus qu’au succès. Cet hommage lui est surtout dû pour sa constance dans les opinions saines et libérales, laquelle.sut conserver quelque dignité aux lettres sous un gouvernement absolu. Amateur éclairé des arts, il protégeait les artistes et les littérateurs, toujours surs de trouver on lui un critique bienveillant et spirituel.

M. Bertin a traduit quelques romans anglais : Elisa ou la Famille d’Elderland, la Cloche de minuit, la Caverne de la mort. On retrouve dans ces ouvrages son style fin, élégant et spirituel ; mais son véritable titre de gloire est la fondation du journalisme en France, la mise en évidence de son rôle essentiellement moralisateur comme écho de l’opinion publique, sentinelle avancée de la liberté et porte-voix de la génération présente pour faire parvenir a ses descendants les principes féconds de l’indépendance et de la démocratie. Remercions M. Bertin au nom de la presse qui lui doit en grande partie la puissance dont elle jouit, léclat et le prestige qui l’entourent. Plus d’un vétéran de la presse a conservé le souvenir des services qu’il rendait à ses collaborateurs. — Un trait donnera uno idée de son tact et de la délicatesse de ses procédés : dans un article mordant et chaleureux, publié en juin 1830, contre les ministres de Charles X, M. SaintJMarc-Girard’m avait réclamé leur supplice. Ce mot malheureux, échappé à une rédaction toujours rapide et souvent fiévreuse, revint le lendemain à la mémoire du savant professeur, qui se demanda anxieusement s’il n’allait point passer aux yeux de ses lecteurs pour un buveur do sang, pour l’ogre de la légende. Quelle ne fut pas sa satisfaction de trouver la mot supplice, remplacé par le mot plus doux et surtout plus classique de punition. M, Louis Bertin, qui, chaque jour, lisait depuis la première jusqu’à la dernière ligne les épreuves de son journal, avait fait lui-même cette correction, qui répondait mieux a la pensée de l’auteur, lequel ne passe pas précisément pour être un descendant de Gilles do Retz.

Béni» atué (Portrait de M.), chef-d’œuvre de M. Ingres. Le directeur du Journal des Débats est représenté assis sur son fauteuil et vu de face ; il appuie ses’deux mains sur ses’ genoux, dans une attitude pleine de fermeté,