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qu’au niveau de sa fortune. L’escadre de l’amiral Willaumez fut dispersée par une tempête horrible et son commandant en chef chercha un refuge dans les ports des États-Unis. Seul, Jérôme, avec le Vétéran, tint la mer et se vengea de ne pouvoir rallier l’escadre en s’emparant d’un immense convoi de navires marchands anglais, après avoir, à une faible distance d’une escadre anglaise, coulé deux frégates qui servaient d’escorte à ce convoi et pris à son bord leur équipage. Sur les côtes de Bretagne, Jérôme se vit barrer la route par une croisière anglaise, dont il essuya le feu, et à travers laquelle il réussit à passer, au milieu des récifs, pour entrer dans le petit port de Concarneau, où aucun gros vaisseau n’avait encore osé s’engager. De là le jeune vainqueur partit immédiatement pour la capitale, où l’empereur l’accueillit à bras ouverts et le nomma contre-amiral par décret du 9 novembre 1806, puis le fit passer dans l’armée de terre avec le grade de général de brigade. Jérôme avait alors vingt-deux ans ! Un sénatus-consulte le déclara le même mois prince français et l’appela éventuellement à la succession au trône. Le soir même, il partait prendre le commandement d’un corps de 15,000 Bavarois et de 8,000 Wurtembergeois. L’empereur, sur ses prières réitérées, lui donna l’ordre de rejoindre avec sa cavalerie légère le quartier général, où il arriva au moment où Napoléon venait de gagner la bataille d’Iéna. Le 5 novembre, il concentra les trois divisions allemandes en un corps distinct appelé l’armée des alliés et fixa son quartier général à Crossen, d’où il devait marcher sur la Silésie, tandis que l’empereur s’avancerait en Pologne contre les Russes. Le 1er décembre, il fit capituler, après vingt jours de siège, la ville de Gross-Glogau, où 3,500 hommes, 200 bouches à feu et des magasins remplis d’armes, de munitions et de vivres tombèrent en son pouvoir. Breslau se rendit un mois après, le 5 janvier 1807, le jour même où l’empereur décidait que les troupes de Bavière et de Wurtemberg formeraient le neuvième corps de la grande armée. Schweidnitz ouvrit ses portes le 7 février ; Neiss capitula le 31 mai ; Glatz, après un combat meurtrier livré le 26 juin, où le vainqueur s’empara d’un parc de 700 pièces d’artillerie. La Silésie était conquise en même temps que la bataille de Friedland mettait fin à la guerre entre la France et la Prusse. Jérôme, promu au grade de général de division, le 14 mars 1807, reçut une couronne en récompense de ses services. Par le traité de Tilsitt, en date du 7 juillet 1806, il fut proclamé souverain de Westphalie, royaume formé de l’électorat de Hesse-Cassel, le duché de Brunswick, une partie du Hanovre, les principautés d’Halberstadt, Magdebourg et Verden, Paderborn, Minden et Osnabrück, cédés à la France par le roi de Prusse. Le roi Frédéric de Wurtemberg, guidé par l’intérêt, avait sollicité l’union du nouveau roi avec sa fille Catherine, née le 21 février 1783. Jérôme épousa le 22 août 1807, à Paris, la princesse de Wurtemberg, qui, pendant six années, charma la cour de Cassel par son amabilité, ses qualités solides et son dévouement à son mari. Le roi de Westphalie se consacra au bonheur de ses peuples, appela à la direction des affaires des hommes éminents par le caractère et le talent, établit l’université de Halle supprimée dans la dernière campagne, divisa son royaume en huit départements, fit disparaître les derniers vestiges de la féodalité, émancipa les juifs, adopta le Code Napoléon, établit la liberté des cultes et la conscription, régularisa la magistrature, favorisa l’instruction publique, introduisit dans son royaume les premiers éléments du gouvernement représentatif en confiant aux états de Westphalie le soin de discuter les lois élaborées par le conseil d’État ; en un mot, modela son gouvernement sur le système impérial. Malgré toutes ces améliorations, lors de la guerre contre l’Autriche en 1809, Jérôme eut à réprimer une insurrection partielle, qu’il apaisa surtout par la douceur, puis il se dirigea contre la Saxe à la tête de 20,000 hommes et entra à Dresde le 1er juillet. Le 25 décembre de la même année, il institua l’ordre de la couronne de Westphalie, qu’il gratifia plus tard des biens confisqués aux chevaliers de Malte. Chargé par Napoléon du commandement de l’aile droite de l’armée qui allait franchir le Niémen, forte de 90,000 hommes, Jérôme passa le fleuve à Grodno le 30 juin, pour empêcher la jonction du prince de Bagration, commandant la gauche des Russes, avec le centre des ennemis, et l’écraser de concert avec le prince de Schwartzenberg à la tête de Autrichiens. Les lenteurs de ce dernier empêchèrent la réussite de ce plan, et Bagration put nouer des communications avec la ligne principale des opérations. L’empereur, sans chercher d’où venait la faute, enleva à son frère son commandement pour le confier au prince d’Eckmühl, et Jérôme, froissé, rentra immédiatement dans ses États. Néanmoins, à la nouvelle du désastre de Moscou, il n’hésita pas à mettre de nouvelles troupes à la disposition de son frère eu répondant à la coalition, qui lui proposait d’abandonner l’empereur pour conserver ses États : « Prince français, mes premiers devoirs sont pour la France, et, roi par ses victoires, je ne saurais l’être après ses désastres. Lorsque le tronc est à bas, il faut que les branches meurent… » Sur cette belle parole, il quitta ses États le 26 octobre 1813 et repassa le Rhin, mais ne prit point part à la campagne de France et à la capitulation de Paris. Après l’abdication de Napoléon, il voyagea en Suisse, puis se rendit à Trieste, où il apprit le retour de l’Île d’Elbe. S’échapper sur une frégate napolitaine et rejoindre l’empereur fut un projet aussitôt exécuté que conçu, et, après avoir assisté à l’assemblée du champ de mai comme membre de la Chambre des pairs, il partit le 5 juin se mettre à la tête d’une division d’infanterie dans le deuxième corps. Ce fut lui qui ouvrit la campagne de 1815 en refoulant les Prussiens sur Marchienne, qu’il enleva à la baïonnette, et en s’emparant de Charleroi, dont il passa le pont au pas de charge, sous une pluie de mitraille, comme avait fait son frère à Arcole. Le lendemain, 16 juin, il n’abandonna pas le champ de bataille du moulin des Quatre-Bras, malgré une blessure à l’aine. Deux jours après, à Waterloo, il forma l’extrémité de la gauche de la première ligne de l’armée et engagea l’action contre la droite des Anglais. Le soir, il rejoignit l’empereur, qui cherchait la mort au milieu de la vieille garde, et lui dit : « C’est ici que doit périr tout ce qui porte le nom de Napoléon. — Mon frère, répondit l’empereur, je vous ai connu trop tard. » C’est à lui qu’en partant Napoléon confia le commandement de l’armée, dont il ne remit qu’à Laon, au maréchal Soult les débris, qu’il était parvenu à rassembler : 25,000 hommes d’infanterie, hommes de cavalerie et 2 batteries. Il se rendit ensuite à Paris, où le roi de Wurtemberg, son beau-père, lui proposa par lettre une retraite honorable dans ses États. Confiant en sa parole, Jérôme, victime de la plus insigne déloyauté, fut arrêté à la frontière, menacé d’être séparé de sa femme et de son enfant et livré à la Prusse, à moins de s’engager par écrit à ne pas dépasser, ni lui ni les gens de sa maison, certaines limites qu’on lui assignait dans le Wurtemberg, et à abandonner la gestion de ses biens. Après avoir signé, pour ainsi dire de force, il se rendit à Goppingen, où, en le réunissant à sa femme, on lui annonça qu’il était prisonnier. Il ne put même obtenir d’envoyer M. Abbatucci réclamer à un banquier de Paris 1,200,000 francs, que ce mandataire infidèle refusa de restituer sous prétexte que les réclamations d’un prisonnier n’avaient pas de valeur, mettant ainsi sa mauvaise foi sous le couvert de la loi. De Goppingen, Jérôme et sa femme furent transférés au château d’Ellwangen, d’où ils demandèrent et obtinrent l’autorisation de sortir du Wurtemberg. Il reçut à Augsbourg des lettres patentes, datées de juillet 1816, par lesquelles son beau-père le créait de son chef prince de Montfort, lettres qu’il renvoya au prince royal son beau-frère avec une protestation éloquente. La nouvelle de la mort de son beau-père lui parvint au château de Haimbourg, près de Vienne, où habitait la reine Caroline, sa sœur ; le roi de Wurtemberg ne laissait à sa fille que 150,000 fr. de la dot de la mère à répéter. Jérôme, appelé à Trieste par une maladie de son fils, en octobre 1819, épuisa ses dernières ressources et ne se releva un peu qu’en novembre 1820,. lorsqu’il obtint du tribunal de la Seine un jugement contre le banquier auquel il avait confié 1,200,000 fr. Il put, en 1823, se fixer à Rome, qu’il ne quitta qu’en 1831, pour s’établir à Florence, puis à Lausanne, où il eut la douleur de perdre sa femme, la princesse Catherine, emportée par une hydropisie de poitrine, cette épouse dévouée, qui par sa fidélité aux malheurs de son époux a, disait Napoléon 1er, inscrit de ses propres mains son nom dans l’histoire.

Jérôme, à la suite de conventions avec le roi Louis-Philippe pour être réintégré dans ses droits de citoyen français, fut autorisé en 1847 à habiter provisoirement Paris avec son second fils. La révolution de 1848 mit fin à l’exil de la famille Bonaparte. Rentré alors dans ses droits de Français et d’officier général en activité, il fut le 23 décembre 1848 nommé gouverneur des Invalides et maréchal de France le 1er janvier 1850. Le 28 janvier 1852, il fut choisi pour présider le Sénat, et prononça le 4 novembre un discours très-remarquable en ouvrant la délibération sur le message relatif au rétablissement de l’empire. Réintégré quelques jours après dans ses droits de prince français, il résigna ses fonctions et fut déclaré, ainsi que son fils Napoléon, apte à succéder à l’empereur, pourvu d’une maison militaire, d’une liste civile, doté des résidences de Meudon et du Palais-Royal, et appelé plusieurs fois à présider le conseil des ministres en l’absence de l’empereur Napoléon III. Attaqué une première fois, le 13 décembre 1859, d’une inflammation pulmonaire, il fut atteint plus sérieusement en 1860 et succomba le 24 juin en son château de Villegenis. Ses funérailles eurent lieu le 3 juillet, et il fut inhumé dans l’église des Invalides, où M. Cœur, évêque de Troie, prononça son oraison funèbre.

L’histoire impartiale ne saurait guère adresser qu’un reproche au prince Jérôme : c’est un peu de légèreté et beaucoup de prodigalité, ce qui souvent lui attira des remontrances de l’empereur, qui l’accusait de compromettre la dignité royale. C’est le seul des frères de Napoléon qui n’eut jamais, excepté dans sa jeunesse au sujet de son mariage, aucune difficulté avec lui, lui resta toujours fidèle et se sacrifia sans attendre qu’il le lui eût ordonné. Doué d’une bravoure qu’il poussait jusqu’à la témérité, il soutint dignement le nom de Bonaparte.

Jérôme eut de son mariage avec miss Élisabeth Paterson un fils, Jérôme Bonaparte, né le 7 juillet 1805, à Camberwell, comté de Surrey, qui épousa le 9 mai 1829 miss Suzanne Gay avec laquelle il résida à Baltimore. De son union avec la princesse Catherine de Wurtemberg sont issus : Jérôme-Napoléon-Charles, prince de Montfort, né le 24 août 1814, colonel du huitième de ligne dans le Wurtemberg, qui donna sa démission en 1840 et mourut à Florence le 12 mai 1847 ; la princesse Mathilde-Laetitia-Wilhelmine, née à Trieste le 27 mai 1820, mariée le 1er novembre 1840 au comte russe Anatole Demidoff, avec lequel elle est séparée de corps et de biens depuis 1845 ; Napoléon-Joseph-Charles-Paul, né à Trieste le 9 septembre 1822, qui a épousé le 30 janvier 1859 la princesse Marie-Clotilde, fille du roi d’Italie Victor-Emmanuel, dans la chapelle du palais royal à Turin. Deux enfants sont issus de cette union.


Bonaparte (PORTRAITS DE JÉRÔME). Gros a fait plusieurs portraits du roi de Westphalie : l’un des plus remarquables est le portrait équestre qui a été exposé au Salon de 1808 et qui figure aujourd’hui au musée de Versailles. Le roi de Westphalie est monté sur un cheval dont les deux pieds de derrière touchent seuls le terrain, que la queue balaye ; il est en grand costume de prince français : manteau de satin blanc brodé d’or, toque de velours noir, à plumes blanches, collerette à tuyaux empesés, habit chamarré de dorures, pantalon collant et bottines éperonnées. Les insignes et les cordons des décorations françaises brillent sur la poitrine du prince ; la main droite tient les rênes ; la gauche se pose sur le pommeau de l’épée. L’attitude du royal cavalier est pleine de noblesse, de grâce et d’élégance. Cette figure équestre se détache sur un fond d’une grande simplicité : un terrain que la végétation verdit en plusieurs endroits, une pièce d’eau qui reflète, près de l’horizon, un ciel grisâtre ; puis, sur la droite et dans le lointain, un fort tirant des salves d’artillerie. « Ce portrait, dit M. Delestre, est moins chaleureusement peint que les œuvres de Gros de la même époque. L’aspect a du mouvement et de l’animation ; mais il était difficile de tirer un bon parti de ces ajustements alourdis et roidis par les oripeaux dont ils sont couverts. Gros a tourné la difficulté en déguisant l’aridité du costume sous une exécution soignée. Le cheval est bien dessiné ; ses membres se déploient avec souplesse et vigueur. » Gros a fait aussi un portrait en pied de Jérôme Bonaparte. Dans ce portrait, le prince a un costume de satin blanc, un manteau court jeté sur l’épaule gauche, et une toque de velours noir que rehausse un brillant et qu’entourent des ornements d’or simulant une couronne ; il est debout, tenant de la main droite un sceptre et s’appuyant sur une table recouverte d’un tapis de velours rouge frangé d’or et décoré de l’écusson westphalien. Sur la table sont deux in-folios portant pour inscription : l’un, Westphalie ; l’autre, Code Napoléon. Une tenture verte, parsemée d’abeilles, est au fond ; le tapis de pied est de la même couleur : leurs tons vigoureux ajoutent au relief des étoffes de soie et donnent de l’éclat au visage, seule partie des chairs à découvert. La tête est ressemblante ; les détails et surtout les décorations sont touchés avec une grande facilité. « Mais c’est là, a dit avec raison M. Delestre, une toile d’apparat, dans laquelle Gros était trop restreint ; il fallait reproduire méticuleusement une coupe d’ajustements mesquins, tout en cherchant le faste. » Ce portrait faisait partie des tableaux laissés par Gros et vendus après sa mort, en 1835 ; il ne fut payé que 700 fr.

Deux autres portraits de Jérôme Bonaparte, peints, l’un par Gérard, en 1811, l’autre par F. Kinson, se voient au musée de Versailles, qui possède aussi un buste en marbre de ce prince, par Bartolini. Nous citerons, enfin, une statue du roi de Westphalie, exécutée par Bosio et exposée au Salon de 1810.

Bonaparte (PORTRAITS DE LA REINE CATHERINE DE WURTEMBERG, FEMME DE JÉRÔME). Gros a fait un portrait en pied de cette princesse, destiné à servir de pendant à celui du roi Jérôme, et qui lui est bien supérieur sous le double rapport de la composition et du dessin des nus. La fille du roi de Wurtemberg, femme blonde, fraîche et d’une forte complexion, est debout près d’une table supportant un coussin de velours rouge, sur lequel est posée une couronne semblable à celle qui se trouve dans le portrait de Jérôme ; elle est vêtue d’une robe à queue d’un beau velours nacarat semé d’abeilles d’or et doublé de satin et d’hermine, avec sous-jupe brodée de fils d’or, et corsage élevé se terminant, selon la mode du temps, immédiatement au-dessous de la gorge. Deux bouffants de satin, relevés d’or, couvrent le haut d’un bras ferme, potelé, d’un dessin pur et coulant et d’un modelé extrêmement habile. La reine est coiffée d’un diadème de pierreries étincelantes, sur lequel se jouent de légères boucles de cheveux : elle a des boucles d’oreilles de diamants, des bracelets et un collier de perles. Derrière elle est un trône, et une tenture verte relevée laisse voir un perron bordé d’une balustrade et donnant sur un parc. « Cette disposition architecturale, dit M. Delestre, donne une grande profondeur à la toile, où l’air circule et dégrade habilement les plans divers, La tête de la princesse est peinte avec simplicité ; des ombres, transparentes et cependant vigoureuses, la modèlent en lumière sur un fond obscur et vaporeux. Le bras et la main gauches sont, sans contredit, les parties les mieux traitées… Gros n tiré tout le parti possible d’une mode outrageant la structure humaine en déterminant la taille au-dessus de la place assignée par le rétrécissement du tronc vers le haut des hanches. Néanmoins on est frappé de la noblesse du maintien et de l’art avec lequel le peintre a déguisé les imperfections de son modèle. » Gros a fait encore de la femme de Jérôme Bonaparte un grand portrait équestre, qui est un de ses ouvrages les plus importants. La reine, montée sur un cheval fougueux et tenant à la main une cravache, a une longue robe d’amazone serrée à la taille par une ceinture et fermée par des brandebourgs ; les manches, bouffantes sur l’épaule, sont collées sur le bras et se terminent par une fourrure. Une toque, ornée d’une aigrette, accompagne le visage et la chevelure, et complète le costume d’amazone. Le fond du tableau représente le palais de Cassel entouré de jardins. Les tons gris sont un peu trop prodigués dans cette composition, mais on y reconnaît partout la science et l’habileté du maître.

Une statue de la même princesse, exécutée par Bosio, a figuré au Salon de 1810.


BONAPARTE (Charles-Lucien-Jules-Laurent), fils aîné de Lucien, né à Paris le 24 mai 1803. Par suite de la rupture de son père avec l’empereur Napoléon, il fut élevé en Italie, où il prit le goût des sciences naturelles. Le 29 juin 1822, il épousa à Bruxelles sa cousine Zénaïde, fille du roi Joseph, lequel vivait, sous le nom de comte de Survilliers, à Philadelphie, où il alla le rejoindre. Se livrant exclusivement à sa passion pour l’ornithologie, il fit connaître un grand nombre d’oiseaux du nouveau monde, qui avaient échappé au naturaliste Wilson, à l’ouvrage duquel il ajouta un supplément. Ce fut ce livre qui donna à Audubon l’idée de son travail sur les oiseaux d’Amérique. En 1828, Charles quitta la Pensylvanie, pour se fixer en Italie auprès de son père, le prince de Canino. L’Académie d’Upsal le nomma membre honoraire à la suite de la publication d’un ouvrage magnifique, l’Iconografia della fauna italica. Il se rendit en 1835 à Paris sans l’autorisation du gouvernement de Louis-Philippe ; il ne fut cependant pas inquiété, car on savait que le but de son voyage était tout scientifique. Le 29 juin 1840, devenu par la mort de son père prince de Canino et de Musignano, il accepta le grade de colonel, que lui proposait la république de Saint-Marin. Membre de l’Académie des sciences de Berlin, il fut nommé, le 18 mars 1844, membre correspondant de l’Institut de France.

Le prince Charles, président des congrès scientifiques de Turin, de Milan, de Lucques de Pise, de Padoue, de Naples, de Florence, dans lesquels il avait lu d’intéressants travaux d’histoire naturelle, ne s’était jusque-là occupé que de sciences ; mais, en 1847, au congrès de Venise, il se mêla de politique et reçut du gouvernement autrichien l’ordre de quitter la ville. Il retourna plus tard à Rome, après avoir visité Londres et Copenhague, et se déclara contre le pape, lorsque, par une évolution inattendue, celui-ci s’opposa aux progrès de la liberté. Nommé membre de la junte suprême et provisoire établie après la retraite au pape à Gaëte, il proposa d’élire une régence temporaire, en place de la commission qu’on voulait charger de prendre, avec le ministère, les mesures nécessaires au salut de l’État. Viterbe l’envoya, en 1849, à l’Assemblée nationale, où il fut nommé membre de la commission chargée de rédiger un projet de loi sur la responsabilité des ministres et du pouvoir exécutif, et de présenter le projet de loi organique de la république romaine. M. Cursi ayant voulu faire reconnaître la dette publique comme nationale et inviolable, le prince Charles fut seul à s’opposer à cette mesure. Élu vice-président de l’Assemblée constituante, il dirigea les délibérations avec habileté et signa, le 23 mars, lorsque le canon tonnait, la proclamation qui appelait le peuple aux armes. À la nouvelle que les Français occupaient les États de l’Église après être débarqués à Civita-Vecchia, il recommanda de préparer la défense, mais de ne pas attaquer les Français, puisque les deux peuples pouvaient encore se resserrer par des liens de fraternité. Il ne quitta Civita-Vecchia qu’après l’occupation de Rome par les troupes françaises. Il faisait route vers Paris ; mais, à son passage à Orléans, comme il n’avait pas tenu compte de l’interdiction du territoire français prononcée contre lui par son cousin Louis-Napoléon, président de la République, il fut arrêté, escorté jusqu’au Havre et embarqué pour l’Angleterre. Ayant obtenu l’année suivante de résider à Paris sans condition, il s’y consacra exclusivement à ses travaux scientifiques. Voici ses principaux ouvrages : American ornithology, or History of the birds of the United-States(Philadelphie, 1825 à 1833), faisant suite à l’ouvrage de Wilson, publié en 1808 ; Ornithology of the North America (New-York, 1826) ; Observations on the nomenclature of some species, rectification de la nomenclature de Wilson, qui ne comptait que 270 espèces d’oiseaux, dont neuf aquatiques, et que le prince Charles a éle-