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voulut en appeler aux tribunaux pour faire rompre ce mariage ; mais il n’obtint pas gain de cause. De îa Belle Tourneuse, devenue une riche bourgeoise, les recueils spéciaux et les chroniques ne disent plus mot, et l’on n’a aucun renseignement sur la fin fie sa vie.

— BOON (Daniel), colonisateur américain, né en 1735 dans le comté de Buck, en Pensylvanie, mort en 1820. Suivi de cinq compagnons seulement, il pénétra en 1769 jusque dans les forêts du Kentucky, alors inhabité, et y fonda, sous le nom de Boonsborough, le premier établissement qui ait donné la vie à ces vastes déserts. Dépossédé par le gouvernement de l’Union, sous prétexte d’un vice de forme dans sa prise de possession, il alla se bâtir sur les bords du Missouri une cabane que nul ne fut tenté de lui disputer. Cooper a immortalisé le caractère de ce vieillard en l’idéalisant dans son Trappeur, qui, sous les noms divers de Bas —de— Cuir, Longue-Carabine, Œil-de-Faucon, etc. Joue un rôle si intéressant et si original dans les ouvrages du romancier américain.

BOONEN (Arnold van), peintre hollandais, né à Dordrecht en 1669, mort en 1729. Il eut pour maître Schalken, à l’exemple duquel il peignit des effets de chandelle. Le musée de Dresde n’a pas moins de sept tableaux de ce genre exécutés par lui : le meilleur représente deux jeunes hommes dont l’un tient une pipe et l’autre une chandelle allumée. C’est au musée de Rotterdam qu’appartient le Philosophe lisant à ta clarté d’un /lambeau,, petite toile assez médiocre, que la Biographie universelle cite comme le chef-d’œuvre de l’artiste et dit se trouver au Louvre : elle y figurait, en effet, mais sous le premier Empire. Dans ces divers ouvrages, A. Boonen se montra fidèle à la manière minutieuse de Schalken ; raais, ainsi que le fait remarquer M. Waagen, son coloris est plus lourd et plus faible. Il exécuta aussi dans son pays et dans quelques cours d’Allemagne des portraits de grandeur naturelle qui eurent beaucoup de succès. Le Leprozenhuis d’Amsterdam a de lui une Assemblée de régents, datée de 1715, qui vaut assurément beaucoup mieux que ses petites scènes de genre. — Gaspard Van Boohbs, né à Dordrecht, en 1677, frère et élève du précédent, peignit des portraits, maïs eut peu de réputation.

BOONEVILLE, ville des États-Unis d’Amérique, dans l’État de Missouri, sur la riva droite de la rivière de Cooper, à 63 kilom. N.-O. de Jefferson ; 2, 730 hab. Commerce de transit assez important ; territoire fertile. Exploitation de fer, charbon, plomb et marbre.

BOOPAA s. m. (bou-pâ). Navig. Petite pirogue des environs de Tongataban, à balancier simple, et n’allant qu’à la pagaie.

BOOPE adj. (bo-o-pe — gr. boopis, même sens). Zool. Qui a des yeux semblables à ceux des bœufs, qui a de grands yeux.

BOOPIDÉ, ÉE adj. (bo-o-pi-dé — rad. boôpis). Bot. Qui ressemble à un boopis.

— s. f. pi. Famille déplantes, ayant pour type le genre boopis, et plus connue sous le nom de CALYcénÉus.

BOOPIS s. f. (bo-o-piss — mot gr. signif. qui a des veux de bœuf, formé do bous, bœuf, et ôps, œil). Bot. Genre de plantes, type de la famille des boopidées ou calycérées, comprenant des plantes vivaces, à Heurs groupées on capitules arrondis.

BOOPIS, Aux veux de bœuf, c’est-à-dire aux yeux grands et bïeus, ou bombés, comme ceux des taureaux. C’est l’épithète habituelle de J unon dans Homère. Quelques mythologues ont rattaché ce surnom à la fable d’io métamorphosée en génisse. Suivant Jacobi, il n’aurait qu’une valeur purement descriptive et caractéristique d’un certain type de beauté élevée.

BOOPS adj. (bo-opss — du gr. bous, bœuf ; ôps, œil). Hist. nat. Qui a de grands yeux. Se dit particulièrement d’une baleine, connue aussi sous le nom de jubarto : La baleine

BOOPS.

BOORAM s. m. (bô-o-ramm — de Booram, n. pr.). Bot. Genre de plantes, de la famille dos éneinées, réuni aujourd’hui comme simple section au genre rosage (rhododendron).

BOOS, bourg de France (Seine-Inférieure), ch.-l. de cant., arrond. et à 12 kilom. S.-E. de Rouen ; pop. aggl. 542 hab. — pop. tôt. 795 hab.

BOOS (Romain-Antoine), sculpteur allemand, né en 1735, mort en 1810. Il eut successivement pour maîtres Sturm, Straub et

Verhelst, devint professeur à l’Académie des beaux-arts de Munich et sculpteur de la cour. Parmi ses ouvrages, on admire un Neptune dans le jardin du couventde Furstenfeldbruck, quatre statues colossales de la façade de l’église Saint-Cajôtan, à Munich, etc.

BOOSBOOM (Simon), sculpteur et architecte hollandais, né à Embden en IBM, mort à Amsterdam en 1668. L’hôtel de ville d’Amsterdam lui doit plusieurs statues et une partie de ses plus beaux ornements. Il a publié une Description des ci-j ordres (Londres, 1679), et une Traduction hollandaise du Traité d’architecture de Scamoszi.

BOOT ou BOAT (Gérard), médecin hollandais, né à Gorkum en 1604, mort à Dublin en 1650. Il quitta son pays pour aller vivre en

BOOT

Angleterre, où il se fit appeler Boat et devint médecin de Charles Ier. À la mort de ce prince, il se retira à Dublin. On lui doit une réfutation de la philosophie naturelle d’Aristote, en latin, et une Histoire naturelle d’Irlande (1652), en anglais. — Son frère, Arnold Boot, né à Gorkum en 1606, mort en 1650, exerça aussi la médecine en Angleterre et devint premier médecin du comte de Leicester, vice-roi d’Irlande. On lui doit, entre autres ouvrages : Obseruationes mediccR de affectibus ab aliis doctoribus omissis (Londres, 1649) ; Epitome concordantiarum grœcarum Kircheri, etc.

BOOT (Henri), comte de Warrington et baron Delamer de Dunham-Massa, né en 1661, mort en 1693. Sous le règne de Charles II, il représenta le comté de Chester dans plusieurs parlements et se montra toujours l’adversaire des papistes. Sous Jacques IL il fut trois fois mis en prison ; mais la chambre des pairs l’acquitta du crime de haute trahison, dont il était accusé. À l’avènement de Guillaume III, il fut d’abord en grande faveur, puis, après une disgrâce momentanée, il fut créé duc de Warrington et pourvu d’une pension de 2, 000 livres sterling. On a publié les discours prononcés par lui au parlement, et plusieurs petits traités politiques qu’il avait composés sur les questions du jour. — Son fils, George Boot, publia en 1739, sous le voile de l’anonyme, des Considérations sur l’institution du mariage (1739), où il se déclarait partisan du divorce.

BOOTÈS s. m. (bo-o-tèss — mot g. signif. bouvier). Astr. Nom de la constellation du Bouvier, voisine de la Grande-Ourse. Suivantles mythes de l’antiquité, ce serait Arcas ou Icarius.

BOQTESVILLE, petite localité des États-Unis d’Amérique (État de Missouri), qui a donné son nom à un combat livré, le 13 octobre 1863, entre le général fédéral Brown et le général confédéré Shelby. Les confédérés furent battus et perdirent leurs canons, leurs bagages et un certain nombre de prisonniers.

BOOTH (Barton), acteur anglais, né vers

! G8i dans le Lancashire, mort en 1733. Il eut

de grands succès en Irlande d’abord, puis sur les théâtres de Londres. On l’admira surtout dans le rôle de Caton, qui était son triomphe. Il a publié la Mort de Didon (the Death of Dido, 1716, in-8°).

BOOTH (Félix), manufacturier anglais, né en 1775, mort en 1850. Il avait acquis, par son industrie, une fortune immense, dont il fit le plus noble usage, puisque, en 1839, il paya tous les frais de la deuxième expédition du capitaine Ross, qui, par reconnaissance, nomma Boothia Félix la pointe la plus septentrionale de l’Amérique. Le roi Guillaume

conféra le titre de baronnet au généreux manufacturier, et le parlement lui vota des remercîments publics.

BOOTH (James-C), chimiste américain, né en 1810. Professeur de chimie appliquée à l’institut Franklin, il est fondeur et affineur à l’hôtel des monnaies de Philadelphie. En 1850, il a publié Y Encyclopédie de chimie théorique et pratique, avec ses applications aux arts, à la métallurgier à la géologie, à la médecine et à la pharmacie. Dans l’exécution de cet ouvrage, il eut pour collaborateur Camphell Morfît, avec le concours duquel il adressa, en 1851, à l’institut Smithsonien, un rapport sur les Éëcents progrès des arts chimiques (Washington).


BOOTH (le rév. James), savant anglais, né en 1814. Après avoir remporté plusieurs premiers prix au collège de la Trinité, à Dublin, il fut élu membre de la Société royale de Londres, en 1846, et, plus tard, membre de la Société des arts. En 1859, la Société royale d’astronomie, dont il ne fait pas partie, lui a conféré une cure près d’Aylesbury, collation déléguée à cette compagnie par un de ses anciens présidents, le docteur Lee. Booth a écrit un grand nombre de dissertations, de lectures et de sermons. Ses mémoires scientifiques sont dispersés dans les Transactions de la Société royale et autres recueils du même genre. Deux de ses lectures ou discours sur l’éducation ont obtenu plusieurs éditions : Comment il faut apprendre et Ce que l’on doit apprendre. L’un des premiers, il a réclamé l’épreuve des concours publics dans le professorat anglais, et proposé un système d’organisation presque identique à celui que l’université d’Oxford a adopté en 1856.


BOOTH (John-Wilkes), acteur et assassin politique américain, né dans le Maryland, près de Baltimore, en 1838, mort des suites d’un coup de feu en avril 1865, près de Port-Royal (Maryland), était le troisième fils de Junius-Brutus Booth, qui avait paru dans la tragédie sur le théâtre de Drury-Lane, à Londres. Après avoir brillé quelque temps aux côtés d’Edmond Kean, Junius-Brutus Booth renonça tout à coup au théâtre et passa en Amérique. Marié à une seconde femme, il exploitait une ferme aux environs de Baltimore, lorsque naquit celui qui devait plus tard donner à son nom une si triste célébrité. L’enfant reçut les prénoms de John-Wilkes, en mémoire de l’homme politique anglais qui, sous le règne de George III, avait donné prétexte à ce cri de ralliement : « Wilkes et liberté  ! » De bonne heure porté vers la carrière dramatique, dans laquelle deux de ses frères et le mari de sa sœur ont obtenu du succès, il débuta, par l’intermédiaire de l’acteur John S. Clarke, qui depuis devint son beau-frère, au théâtre Saint-Charles de Baltimore, en 1855, dans le rôle de Richmond de Richard III. Favorablement accueilli, il parut plusieurs fois encore devant le public ; s’engagea, le 15 août 1857, dans l’ancienne troupe dramatique de Arch-street, à Philadelphie, sous le nom de John-Wilkes, et il se fit applaudir dans un assez grand nombre de rôles. L’année suivante, il descendit dans le Sud, s’engagea au théâtre de Richmond, où il joua avec un incontestable succès les rôles les plus importants du répertoire de Shakspeare. En 1860, il visita presque toutes les villes considérables du Sud et du Sud-Ouest, se faisant applaudir notamment dans les rôles de Roméo et de Macbeth. Son premier engagement comme étoile (star) eut lieu en septembre 1860, au théâtre de Colombus, en Géorgie. Là il fut blessé un jour, dans la coulisse, d’un coup de revolver parti par accident. Le 31 mars 1862, il parut devant le public de New-York, et joua, pendant une semaine, au théâtre Wallack. Il fit ensuite une nouvelle tournée dans les différentes villes de l’Amérique. En 1864, une affection des bronches l’éloigna de la scène; il se livra alors à de grandes spéculations sur les huiles de pétrole, et en retira de beaux bénéfices. À l’occasion d’une représentation donnée au Jardin d’hiver de New-York, et dont le produit devait être affecté au monument de Shakspeare, il joua, aux côtés de ses deux frères, Edwin et Junius, le rôle de Marc-Antoine dans Jules César, rôle qu’il interpréta d’une façon remarquable. Wilkes Booth fit une dernière apparition sur la scène au théâtre Ford, à Washington, à ce même théâtre où devait s’accomplir l’effroyable tragédie qui a ému le monde entier, dans le rôle de Pascara, de la pièce de Shiel, l’Apostat, pour le bénéfice d’un acteur américain. Booth n’était pas un comédien ordinaire : à des avantages naturels, il joignait de l’originalité et une grande intelligence du caractère de ses personnages. Délicat et de taille moyenne, mais doué cependant d’une force herculéenne, il avait la physionomie expressive et une voix pleine et harmonieuse, dont il savait varier les inflexions : Il était surtout applaudi dans Roméo, dans Macbeth, dans Othello. Il interprétait Richard III avec une puissance de talent hors ligne, et s’y montrait différent de tous les autres tragédiens, n’imitant personne. Un jour, qu’il jouait ce rôle sur le théâtre Wallack, avec sa passion ordinaire, il poussa tellement, dans la scène du duel, l’acteur Tillon, qui faisait le rôle de Richmond, que ce dernier alla tomber dans l’orchestre des musiciens. On raconte qu’à l’époque de ses représentations à Albany, en mars 1861, il eut une double intrigue avec une actrice qui avait d’abord paru sur le théâtre du Parc, à Brooklyn, puis à New-York, au théâtre olympique, et avec une écuyère en grande réputation. L’une de ces deux dames, dans un accès de jalousie, lui tira un coup de pistolet, qui le blessa gravement à la main. J.-Wilkes Booth avait donc acquis comme tragédien une réputation au moins égale à celle de son père. Mais, en désertant le théâtre, il avait rêvé une scène plus vaste que celle où jusqu’alors il s’était montré. La politique, avec ses hasards, ses dangers, ses péripéties, prit bientôt la place la plus grande dans l’âme bouillante du jeune homme. Dans la lutte fratricide qui déchira l’Union américaine, John-Wilkes Booth se montra, dès les premiers jours, un sécessionniste forcené. Ses relations suivies avec quelques officiers du Sud, sa participation aux meetings qui avaient pour but d’incendier les villes du Nord, de courir sus aux membres du cabinet et de tuer le président de la République, exaltèrent son esprit jusqu’au fanatisme, et le préparèrent à se faire l’instrument des passions haineuses, des projets de vengeance dont il avait respiré l’atmosphère pendant quatre années.

Le général Lee, commandant de l’armée du Sud, avait mis bas les armes le 9 avril 1865, après avoir échangé avec le général Grant une correspondance qui fait autant d’honneur au vainqueur qu’au vaincu. Toute l’Europe se réjouissait à l’idée d’une paix définitive et de la réconciliation des deux tronçons disjoints de la jeune Amérique. Mais pendant que l’hosanna se faisait entendre d’un bout à l’autre de l’ancien monde, une effroyable nouvelle vint le changer en cri de douleur : « Le président Lincoln et le secrétaire d’État sont assassinés  ! Le premier est mort, l’autre est mourant ! ” L’Europe passa tout à coup de la joie à l’horreur et à la consternation. Qu’était-il arrivé ? Le 14 avril, le président Abraham Lincoln s’était rendu avec sa femme et deux amis au théâtre Ford, à Washington. La tête appuyée dans sa main, avec le sans-façon qui lui était habituel, les yeux tournés attentivement vers la scène, il riait et montrait beaucoup de gaieté. Vers dix heures et demie, la porte de la loge s’ouvre brusquement, un coup de pistolet retentit et Lincoln tombe, la tête fracassée, sur le parquet. Au même instant un homme, le meurtrier, saute de la loge sur le théâtre, eu brandissant un poignard et s’écriant avec un geste tragique  : « Sic semper tyrannis ! Le Sud est vengé ! » Ces mots, entendus distinctement de toute la salle, y éclatèrent comme un coup de tonnerre. La soudaineté de l’action, le ton déclamatoire des paroles, firent croire un instant à un épisode théâtral. Mais ce fut la durée d’un éclair. L’homme s’élança dans les coulisses et s’échappa. Un fait révélé plus tard, c’est que l’assassin, qui ne parut dans la loge présidentielle que pour disparaître aussitôt, avait mûri et préparé son plan avec un sang-froid et une audace incroyables. Il avait pénétré dans la salle du théâtre avant qu’elle fût ouverte au public, et avait pris des dispositions que seul pouvait prendre un homme ayant une connaissance parfaite des lieux. La loge du président, au théâtre Ford, est double, c’est-à-dire qu’elle est formée de deux loges dont on enlève la cloison, et qui, ainsi, n’en forment plus qu’une. On y entre par un couloir sombre, étroit, séparé de la galerie publique par une petite porte. Cette porte fut trouvée condamnée au moyen d’un morceau de bois, épais d’un pouce sur six pouces de large et environ trois pieds de long ; ce morceau de bois était fixé, d’un bout, dans une entaille creusée à cet effet dans le mur, et appuyé de l’autre sur la moulure du panneau de la porte, de sorte qu’il était impossible de s’introduire de l’extérieur après le passage de l’assassin. Un trou, légèrement évidé en dehors, avait été fait dans la porte et permettait de regarder ce qui se passait dans la loge. De plus, comme il y avait, à une seconde porte, des verrous de sûreté qui auraient pu être fermés, les vis des charnières en avaient été à demi dévissées, si bien qu’une faible pression aurait suffi au besoin pour la faire céder. Enfin, ce qui atteste au plus haut degré, dit le Courrier des États-Unis, la diabolique prévoyance qui a présidé à tous ces préparatifs, c’est que le meurtrier avait été jusqu’à se ménager un accès sans obstacle auprès du président, par une disposition spéciale des meubles qui garnissaient la loge. Le fauteuil à bascule de M. Lincoln était sur le devant, dans l’angle le plus éloigné de la scène. Celui de Mme Lincoln était sur le même plan, un peu en arrière, tandis que les autres sièges et le sofa avaient été rangés de l’autre côté de la loge, laissant ainsi un large espace au milieu, où un homme pouvait manœuvrer à l’aise. Tout avait réussi au gré de l’assassin. M. Lincoln s’était assis dans le fauteuil préparé pour lui, Mme Lincoln avait pris place à côté, miss Clara Harris dans l’angle opposé, sur le devant, et le major Rathburn sur le sofa, à quelques pieds en arrière. Le meurtre s’était accompli pendant la seconde scène du troisième acte de la pièce : Our american Cousin. L’assassin, posté dans la salle, avait vu le président s’asseoir sur le siége disposé pour lui. Avant le commencement du second acte, il était sorti pour aller prendre son cheval à l’écurie, l’amener à la porte du théâtre, du côté de l’entrée des artistes, et le confier à la garde d’un jeune homme de sa connaissance. Il était rentré ensuite dans la salle, et, se frayant un passage à travers la foule, était parvenu à l’une des portes de la loge présidentielle. Le domestique du président l’arrêta au passage ; il dit qu’il était sénateur et venait sur invitation. On le laissa entrer. Il s’engagea dans le petit couloir, et, aussitôt après en avoir refermé la porte derrière lui, y ajusta la barre de bois dont nous avons déjà parlé, pour en défendre l’entrée à tout nouvel arrivant. Il se trouva alors en face du major Rathburn, qui lui demanda s’il savait dans la loge de qui il se présentait. Il salua et se tint à l’écart ; puis, ajustant son pistolet, il tira à bout portant de la main gauche. On a prétendu que le major ne s’était aperçu de la présence d’un étranger qu’en entendant la détonation de l’arme. Quoi qu’il en soit, M. Rathburn s’élança sur le meurtrier, qui se débarrassa de son étreinte en le frappant d’un coup de poignard au bras gauche, sauta hors de la loge en lui laissant dans la main un pan de son habit déchiré. Le major courut à la porte de la galerie pour appeler du secours ; il la trouva barricadée, et dut, avant que l’on pût entrer, arracher la pièce de bois qui la retenait. Trente secondes avaient suffi à l’accomplissement de ce drame horrible, qui privait la grande République américaine de l’homme modeste et sympathique vers qui étaient tournés tous les vœux de ses concitoyens et du monde entier. Pendant que Lincoln expirait, son meurtrier, profitant de la stupéfaction générale, avait pu gagner la porte de sortie du théâtre, monter à cheval et fuir au galop. À la même heure, un de ses complices se présentait à la résidence de M. Seward, le secrétaire d’État, alors au lit et souffrant des suites d’une chute de voiture ; il le frappait de cinq coups de poignard, après avoir tué son plus jeune fils, blessé son fils aîné et deux domestiques. D’autres victimes avaient été désignées encore, entre autres le vice-président, M. Johnson ; car un complot existait bien réellement, dont le but était de frapper au cœur les plus fermes soutiens de la cause du Nord et les généreux partisans de l’abolition de l’esclavage aux États-Unis.


Le nom de l’assassin d’Abraham Lincoln ne tarda pas à être connu : John-Wilkes Booth, l’ex-tragédien, fut désigné aux officiers de police lancés à sa poursuite. Le crime avait eu lieu le vendredi saint ; le lundi suivant, on était sur les traces de son auteur. Booth, à sa sortie du théâtre, devait retrouver ses complices ; mais un seul, le nommé Harold, fut exact au rendez-vous, et passa avec lui dans le Maryland. Les deux hommes durent s’arrêter la nuit même du 14 chez un chirurgien, le docteur Mudd, car Booth en fuyant était