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CLOY

plusieurs écrits qui roulent sur les idées dont il était le fervent apôtre.

CLOWET (Pierre), graveur belge, né à Anvers en 1606, mort en 1677. Il grava avec un égal succès le portrait, l’histoire et le paysage. On cite, parmi ses meilleurs ouvrages : la Descente de croix, Saint Michel combattant le diable, et surtout la Mort de saint Antoine, reproductions des chefs-d'œuvre de Rubens ; VEtable à vaches, également d’après Rubens, et des portraits historiques, tels que Fernand Cortez, Améric Vespuce, Pierre Arétin, Thomas à Rompis, Malherbe, etc. Son burin est pur, clair et plein de fermeté ; ses tailles sont bien entendues et d’un bon.effet. — Son neveu, Albert Clowbt, aussi graveur, né à Anvers en 1624, mort en 1087, grava à Rome les portraits de Nicolas Poussin, d’Antoine van Dyck et de plusieurs cardinaux ; un Combat de cavalerie, d’après le Bourguignon, et la Défaite des Amalécites par Josué, d’après Guillaume Comtois. Son plus bel ouvrage est la gravure du beau tableau de Cortone, la Conception mystérieuse de Marie, grande pièce en deux planches, très-recherchée des amateurs.

CLOWN s. m. (klâounn — mot angl.). Paysan, rustaud ; gros farceur : On ours promené dans une foire de villagey est traité avec plus de courtoisie et s’y trouve en butte à moins d’outrages que je ne le suis, moi, parmi ces clowns du Lancashire.~(E.-D. Forgues.) il Personnage grotesque du théâtre anglais ; acteur qui joue ce personnage : Les clowns de Shakspeare ont des domesticités hautaines. (Vacquérie.) Le plus fameux clown de notre siècle a été Joa Grimaldi, attaché au théâtre de CoventGarden, à Londres. (Bachelet.) »

— Dans les cirques français, Artiste d’une grande agilité, d’une grande souplesse ; se dit surtout des paillasses qui divertissent le public par leur feinte maladresse : En général, on applaudit beaucoup les clowns, mais a-l-on réellement pour eux l’admiration qu’ils méritent ? (P. Busoni.) Les clowns qui montent sur les chevaux de Franconi font illusion à la foule, lorsqu’ils agitent dans leurs mains plusieurs petits drapeaux multicolores. (Oormen.) Polichinelle et clown, j’ai sut qu’on s’en souvienne. Joindre a l’humour anglais la verve italienne.

Th. de Banville.

— Encycl. Le clown anglais est le hanswurst des Allemands, et le gracioso des Espagnols. On trouve pour la première fois sa trace vers le commencement du xvie siècle ; à cette époque, il improvisait ses rôles comme l’arlequin de la comédie italienne. Plus tard, la hardiesse et la grossièreté de ses plaisanteries lé firent bannir des pièces un peu relevées ; il ne figura plus guère que dans les pantomimes, surtout dans celles qu’on représente aux fêtes de Noël (Christmas pantomimes). On cite Joa Grimaldi, attaché au théâtre de Covent-Garden, h. Londres, comme le clown le plus fameux de notre siècle. Introduits en France par des troupes anglaises en tournées de représentation, les clowns ne s’y sont distingués que par des exercices d’équilibre, des tours de souplesse et d’agilité. Celui qui parmi eux a joui d’une véritable popularité est Auriol ; le fils de ce clown fameux, qui a fait les délices de toute une génération, saute dignement à l’heure qu’il est sur les traces de son père. Un autre clown, dont le nom est resté presque légendaire au théâtre, Mazurier, a fait les délices de tout Paris sous la Restauration. Bon danseur, mime charmant, sa gentillesse et ses lazzi, son adresse et son audace étaient incomparables dans Polichinelle vampire, les Meuniers, le Gascon à trois visages, le Déserteur, Jean-Jean, la Neige, Gulliver et surtout Jocka, joués à la Porte-Saint-Martin. Dans Jocko, petit drame touchant, Mazurier, cousu dans une peau de. singe, faisait rire par ses gambades et pleurer par saTnort. Les Anglais nous envièrent Jocko, dont la vogue fut universelle ; ils engagèrent le clown français pour six semaines, au théâtre de Drury-Lane, au prix de 1,200 fr. par soirée — 200 fr. de plus qu’on ne payait Talma et Mllcjlars.-Les cirques forains ont des clowns à leur service ; ceux-ci égayent la galerie par leurs sauts étonnants, leurs dislocations bizarres et leurs lazzi incohérents.

CLOWNERIES, f. (klâounrr-rl— ma.clown). Néol. Art profession de clown,

CLOX s. m. (klokss). Forme ancienne du mot clou.

CLOYE s. f. (kloi-ie). Forme ancienne du mot CLAffi.

CLOYÈRE s. f. (klo-iè-re ou kloi-iè-reanc. forme de claie, panier d’osier). Panier à mettre les huîtres, et qui en contient vingt-cinq douzaines, il Contenu d’un de ces paniers : À ce déjeuner, onmangea trois CLOïiiRiis à'huîtres ou (rois cloyères. il Panier dans lequel on met un assortiment de poissons pour l’usage d’une famille.

« CLOYES, bourg de France (Eure-et-Loir), ch.-L de cant., arrond. et à il kilom. S.-O. de Châteaudun, au confluent du Loir et de l’Hiron ; pop. uggl. 1,045 hab. — pop. tôt. 2,825 hab. Fabrique de sucre de betterave.

CLOYNE, ville d’Irlande, comté et à 25 kilom. S.-E. de Cork ; 5,300 hab. Evêchè catholique fondé au vie siècle par saint Colwud, aujourd’hui cvcçhô do Cloyne-et-Ross ;

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évêché anglican de Cork-Cloyne-et-Ross. Belle cathédrale gothique, près de laquelle s’élève une ancienne tour ronde de 35 mètres d’élévation sur 6 mètres de diamètre. Aux environs, exploitation de marbres.

CLUB s. m. (klubb.— Les personnes qui prétendent savoir parler l’anglais prononcent kleubb, klobb et même kloubb ; le mot est décidément français, et la prononciation française de Vu est aujourd’hui de rigueur). En Angleterre, Sorte de cercle aristocratique tenu avec un grand luxe, il Nom que se sont donné certains cerclés français où l’on a adopté, sous quelque rapport spécial, les habitudes anglaises : Le Jockey-ci, VB. Ce n’est pas un des moindres traits de ce temps-ci que cette vie de club, l’on joue avec des gens qu’on ne reçoit point chez soi. (Balz.) L’engouement dé la noblesse française pour les modes britanniques amena l’introduction des clubs en France. (D. Stern.) Les clubs, cette singerie anglaise, ont achevé la ruine de nos salons. (M’ie E. de 'Gir.) n Se dit plus particulièrement d’une société do gens qui, sans mission officielle, se réunissent pour délibérer sur les affaires publiques : Le club des jacobins. Un orateur de club. Les clubs sont des camps démocratiques disséminés sur toute la surface de la France. (Rivarol.) Les CLUBS sont les soupapes de sûreté de la société. (Esquiros.) Les réunions politiques en lieu convenu et à heure fixe, désignées sous le nom anglais de cmn, donnaient à l’opinion publique trois forces irrésistibles : le droit de la presse, le droit d’association et le droit de tumulte. (Lamart.) Les clubs sont, partout où ils existent, l’institution souveraine de l’anarchie, qui ne peut que s’enire-combattre et se déchirer. (Lamart.j. Les clubs sont des instruments de désordre entre les mains de quelques ambitieux. (A. Garnier.)

Dans les clubs ébranlés par leurs rauques accents,

11 laisse s’enrouer leurs gosiers glapissants.

Delille.

— Encycl. La première assemblée appelée club a dû être une réunion de convives, contribuant par portions égales à la dépense d’un banquet. Le docteur Johnson qualifiait le club une réunion de bons vivants, soumise à des règles particulières : " Nos clubs modernes les plus célèbres, lit-on dans le n» 9 du Spectateur, ont pour bases le manger et le.boire, deux choses sur lesquelles la plupart des hommes sont généralement d’accord, et auxquelles peuvent prendre part côte à côte le savant et l’ignorant, le bigot et l’incrédule, le philosophe et le farceur. » Il n’est pas possible de fixer d’une façon précise l’époque première de l’institution des clubs en Angleterre ; mais les plus anciens dont les écrivains fassent mention datent de la fin du xvi» siècle ou du commencement du xviic. Ce fut à cette époque que s’établit à Londres, dans la taverne de la Sirène, le célèbre club dont furent membres Shakspeare, Beaumont, Fletcher, Raleigh, Selden, Donne, etc. Ben

Johnson, l’ami de Shakspeare, fréquentait un autre club, dont il semble avoir été le fondateur, et qui se réunissait dans une autre taverne bien connue, la taverne du Diable. Ce fut pour ce club que Johnson écrivit ses Leges conviviales, qui sont imprimées dans le recueil de ses œuvres. Le plus fameux des clubs historiques de la Grande-Bretagne fut le Club de la tête de veau, réunion des anciens partisans de la révolution, qui, dans leur repas annuel du 31 janvier, se faisaient servir une tête de veau, par une indécente allusion à la tête de Charles Ier, tranchée sur le billot révolutionnaire. Les membres du Club de la tête de veau portaient-ils à la boutonnière une hache en miniature et un petit billot, ou un bouquet de persil ayant pour supports les deux burettes d’un huilier ? C’est ce qu’on ignore ; mais ce qui est certain, c’est que les membres du Beefsleak-club~ portaient fièrement au cou un gril d’or suspendu à un ruban vert. Ce club existait encore en 1840 et compta parmi ses membres Hogarth, Fox, Sheridan, John Kemblo, le duc de Clarenee, lord Brougham, Samuel Rogers, etc., etc. Mentionnnos encore, en passant, parmi les clubs gastronomiques, le club du pâté d’anguille. Lorsque le temps eut converti les guerres de factions en polémique de tribune, on vit chaque parti se diviser en clubs. Dryden, dans une de ses préfaces, appelle société du d iable le club de King’s-head, dont les membres portaient à leurs chapeaux un ruban vert, tandis que les tories se distinguaient alors par un ruban rouge. « Depuis l’expulsion des Stuarts, dit l’auteur des Clubs de Londres, les jacobites se consolaient dans leurs clubs en buvant a la santé du roi, mais en plaçant leur verre derrière une carafe, ce qui plaçait ainsi le rot de l’autre côté de l’eau.» Les principaux partisans de la maison de Hanovre s’assemblaient de leur côté à ce club de Kit-Cat, auquel il est fait tant de fois allusion dans les romans et les pièces de théâtre. C’était un des plus anciens et le plus célèbre de tous. D’après le Spectateur, il devait son origine à un pâté de mouton et tirait son nom de ce qu’il s’était réuni primitivement dans la maison d’un pâtissier appelé Christophe Cat (Kit est l’abréviation anglaise de Christophe). Le pâté de mouton (mutton-pie) devint, surtout à l’époque de la bonne reine Anne, le grand moyen qui réunissait fraternellement les membres de ce club. Ils étaient au nombre de quarante, tous remarquables par leur rang, leur influence et leurs talents politiques ou

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littéraires, tous non moins grands amateurs du pâté de mouton que partisans déclarés de la maison de Hanovre et du maintien de la succession protestante au trône d’Angleterre. Six ducs, entre autres l’invincible Marlborough, cinq comtes, les célébrités whigs sous le roi Guillaume : Sunderland, Halifax et Sommers, sir Robert Walpole, le futur ministre, s’y asseyaient, mangeaient et buvaient joyeusement avec les deux fashionables auteurs dramatiquesVanbrugh et Congrève, avec Addison et Steele, avec une foule d’autres personnages célèbres de tout genre, entre lesquels se place au premier rang sir Samuel Garth, plus tard médecin du roi. Il vint un soir au club, ayant encore sur son carnet une liste de quinze malades à visiter le jour même ; et comme, dans le courant de la soirée, Steele lui rappelait malicieusement ses patients, qu’il oubliait :'« Qu’ils aillent au diable, s’écria-t-il, neuf d’entre eux sont si malades

qu’aucun médecin ne pourrait les sauver, et les six autres si bien portants qu’aucun médecin ne pourrait les tuer. « Sir Gottfried Kneller, peintre de la cour, faisait aussi partie de Kit-Cat-Club, dont il peignit les membres dans une série de tableaux, appelés KitCat-Portraits et qui, encore aujourd’hui, se trouvent tous en la possession d un seul collectionneur. On a pu les voir aux deux expositions de Manchester (1857) etdeKensington (18G2). Parmi les curiosités du club, il' faut aussi mentionner ce qu’on appelait toastingglasses, c’est-à-dire verres h porter des toasts ; sur chacun d’eux était gravé en vers un toast en l’honneur de l’une des beautés de l’époque. La mode des toasts était alors toute nouvelle, et chaque.verre portait le nom de la première dame à la santé de laquelle on avait bu dans ce verre. Ainsi l’on buvait dans la duchesse une telle, dans la comtesse une telle, dans lady Mary Churchill, etc. Ce dernier nom était celui d’une des quatre filles de Marlborough, toutes également célèbres par leur esprit et par leur beauté.

L’importance des clubs au xvme siècle, comme institution nationale purement britannique, nous estrévéléesurtoutparquelques chapitres du Spectateur. Addison y a tracé en quelque sorte le beau idéal de ces sociétés essentiellement anglaises. Le Club du spectateur est un cadre dramatique dans lequel il a personnifié toutes les nuances du caractère national. Addison nous peint encore certains clubs excentriques, dont nous allons faire passer rapidement quelques-uns sous les yeux de nos lecteurs. Le Club des malheureux n’admettait aucun membre qui n’eût fait banqueroute au moins une fois, ou qui ne se trouvât en collision avec la-loi. Duns un des statuts du Club des menteurs, il était enjoint au président, qui portait un bonnet bleu orné d’une plume rouge, de céder ces insignes et son fauteuil à celui des membres qui, dans le cours de la soirée, auraitfait un mensonge dépassant en énormité et en effronterie tous ceux que le président aurait pu faire lui-même. De neuf heures à onze heures du soir, aucun mot de vérité ne devait retentir dans la salle du club, sans être accompagné de cette excuse : «Avec votre permission, sir Harry, » parce que sir Harry Gulliver, le marquis de Crac de l’Angleterre, était le patron de cette assemblée d’élite. Le délinquant était condamné à payer un gallon de vin. Un grand tableau placé au-dessus de la tête du président représentait le cours et les bords fleuris de la Garonne. I ! y avait aussi un Club des rois (lîingClub), qui se composait de têtes non couronnées, et auxquelles appartenait, non pas cette dignité, mais seulement le nom de famille King (roi), qui est très-commun en Angleterre. ^ côté du King-Club se place naturellement Y Adam-Club, composé de membres portant tous pour prénom le nom du mari d’Eve, et qui se réunissaient au café d’Arfam, dans Paul’s-Alley, à Londres. Par opposition a ce club, qui était quelquefois désigné sous le nom de Club du premier homme, s’était formé le Club du dernier homme, composé d’un nombre de membres déterminé, qui ne devait être augmenté sous aucun prétexte par l’adjonction de nouveaux membres. On uvait déposé un flacon de vin de Porto cacheté dans la salle où. se tenaient les séances du club, et lorsque la mort aurait moissonné tous ses membres, à l’exception d’un seul, celui-ci, le dernier homme, devait s’asseoir dans la salle, déboucher le flacon et boire a la santé des morts. Mais cette prescription ne fut pas remplie à la lettre, car, lorsqu’il ne resta plus que deux membres, ils vidèrent ensemble le flacon dans une dernière séance et déclarèrent le club dissous.

La laideur est-elle un attribut nécessaire des amis de la liberté ? On le croirait presque, car lorsque Mirabeau vint en Angleterre, il fut à l’unanimité élu membre honoraire du Club des laides figures, honneur que venait aussi d’obtenir peu de temps auparavant Jack Willtp, le grand révolutionnaire anglais. Ce club avait commencé à Cambridge, dans un dîner auquel on avait convié les nommes les plus laids de la ville. Les règles voulaient que nul ne pût être admis s’il n’était orné de quelque difformité frappante ; à laideur égale, on devait choisir entre deux candidats celui qui avait la peau la plus épaisse. Le nouvel élu devait prononcer un discours à l’éloge d’Ésope. Le portrait du célèbre bossu figurait dans la salle avec ceux de Thersité, de Scarron et d’IIudibras. Ce club fit du bruit, et les

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membres, encouragés par leur succès, envoyèrent au roi Charles II, un des hommes

les plus laids de son royaume, l’invitation d’être des leurs. Le roi rit beaucoup et attacha sa réponse aux cornes d’un bouc, qu’un courtisan conduisit dans la salle des séances. Lorsque Mirabeau en fut élu membre, le fougueux orateur se rendit, le jour moine de sa nomination, au club, où il prononça un discours sur l’alliance de la laideur physique et de la beauté morale. Dans la bouche d’Ésope, ce parallèle antithétique eut été mieux à sa place que dans celle d’un traître à la Révolution ; ajoutons cependant que la salle faillit crouler sous les grognements enthousiastes.

Par un contraste naturel avec le Club des laides figures existait aussi celui des belles figures, dont les membres devaient avoir étudié à Cambridge, et étaient tenus, toutes les fois qu’ils venaient au club, de se dessiner des fossettes sur les joues, si la nature leur avait refusé cet agrément physique. Ce fut ce club qui émit la fameuse maxime adoptée plus tard par Brummel, le roi des dandies : La cravate, c’est l’homme ; et l’un de ses membres déclara un jour qu’il n’éprouvait jamais de plus grande félicité que lorsqu’il se déshabillait le soir, tellement il lui fallait endurer de souffrances pour être tout le jour, irrésistible. Ils apportaient une attention sévère à avoir toujours une mise irréprochable, et, sur cet article, ils se montraient très-susceptibles. À ce propos, on raconte que l’und’eux, de passage à Paris et traversant le boulevard des Italiens, s’aperçut avec stupéfaction que les cordons de son caleçon de fine batiste s’étaient dénoués, et formaient derrière le talon un suivez-moi jeune homme très-désagréable. S’arrêter en plein boulevard et réparer l’accident, il’ne fallait pas y songer. Notre gentleman s’avançait donc la tête roide et lançant autour de lui des regards de bulldogg. Un officieux s’approcha timidement et rit remarquer ce désordre : « Môsieur, répondit durement l’Anglais, c’est exprès. » L’honneur britannique était sauf.

Le Club des laides figures avait des concurrents dans le Club des sans-nez ; le Club des hommes gras, où n’étaient admis que les candidats pour lesquels les portes ordinaires n’é■ taient pas assez larges ; le Club des hommesmaigres, le Club des géants et celui des nains. Ces derniers fondèrent leur club le 21 décembre, le jour le plus court de l’année ; le lieu du rendezvous était dans Little-Piazza (la petite place). De là on voyait un théâtre de marionnettes, sorte d’acteurs pour lesquels les membres avaient une sympathie toute fraternelle. La première fois qu’ils prirent possession do la salle des séances, la table leur montait jusqu’au menton, et le président disparut dans son fauteuil, de sorte que, malgré la présence de ce dignitaire, c’était presque un siège vacant. Les statuts édictaient des peines sévères contre celui qui aurait mis dans ses souliers du carton ou des semelles de liège, qui se serait tenu sur la pointe des pieds dans la foule, qui aurait porté une haute perruque ou un chapeau long pour ajouter h sa taille, qui serait monté sur un grand cheval, ou qui, pour s’exhausser, aurait glissé un gros livre, sur son siège. On y prononçait les éloges du petit David, qui avait vaincu le grand Goliath, du petit Alexandre le Grand, de Pépin le Bref, vainqueur d’un taureau et d’un lion. Le célèbre Pope faisait partie de cette société de nabots : court, avec de longs bras et de longues jambes, on sait qu’Use comparait lui-même à une araignée.

À côté de ces clubs faut-il encore citer le Club des amateurs d’oiseaux, le Club des amateurs de tulipes, le Club des bourrus, fréquenté en grande partie par des célibataires, le Club des gratte-sou (Split-Farthing, mot à mot, fendeurs de liards), tenu dans une chambre noire, par économie d’huile et de chandelle ; le Club des faux héros, des charlatans, des athées, des mendiants, des larrons, et quelques autres, dont il serait difficile de donner une description complète, sans blesser la délicatesse du lecteur ? Tel, par exemple, le Club des scélérats (mohoks), réunion de jeunes gens appartenante plupart aux meilleures familles, qui consacraient leurs séances à s’enivrer et se répandaient ensuite dans les rues, cassant les vitres, rossant les policemen de nuit, attaquant les passants paisibles, enfermant les vieilles femmes dans des tonneaux, et les faisant ensuite rouler du haut de Snow-IIill ou de Ludgate-Hill, commettant en un mot toutes les aimables polissonneries du même genre. Le fléau devint tel à la fin, et la crainte de se trouver le soir dans la rue si générale, que le 18 mars 1712 fut rendue à ce sujet une proclamation royale, qui fut cependant impuissante à réprimer les excès, car ils ne cessèrent qu’à la fin du règne de George Ier. Une ordonnance de la Chambre haute supprima également un autre club, appelé Club du feu infernal, composé de débauchés qui portaient tous quelque nom célèbre ou ancien, et qui se livraient aux orgies et aux excès les plus sauvages. Le président de ce club était le jeune duc de Wharton, fils du ministre de la reine Anne. Pour donner une idée de l’esprit de ce club, il suffit de rapporter la réponse d’un de ses membres, le célèbre Wilks, à un autre membre, lord Sandwich. Comme ce dernier lui demandait de quel genre de mort il croyait mourir, de la corde ou d’une certaine maladie : « Cela dépend uniquement, répondit effrontément Wilks, de ce que je prendrai à Votre Seigneurie : sa maîtresse ou ses principes. »