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gny, situé aux portes de Bayeux et devenu le rendez-vous des savants de toute la contrée, que Galland traduisit les Mille et une nuits.

FOUCAULT (Jean-Bernard-Léon), physicien et mécanicien français, né à Paris le 18 septembre 1819, mort le 13 février 1868. Il étudia d’abord la médecine, s’occupa de perfectionner les procédés de Daguerre, fut pendant trois ans préparateur du cours de microscopie médicale professé par M. Donné, travailla ensuite avec M. Fizeau et avec Arago. La Société royale de Londres lui décerna la grande médaille de Copley. Il fut nommé chevalier de la Légion d’honneur en 1850, physicien de l’Observatoire en 1855, membre titulaire du Bureau des longitudes et officier de la Légion d’honneur en 1862, enfin membre de l’Académie des sciences en 1865, de l’Académie des sciences de Berlin et de la Société royale de Londres. Il rédigea le feuilleton scientifique du Journal des Débats depuis 1845. On a de lui plusieurs traités scientifiques qui font partie de la Bibliothèque d’instruction populaire. Les mémoires relatifs à ses travaux se trouvent dans les Comptes rendus de l’Académie des sciences.

Les nombreuses inventions de Foucault portent toutes en elles un caractère d’originalité extrêmement remarquable ; quelques-unes, par leur singulière nouveauté, décèlent un génie extrêmement pénétrant et ont fait sur le public une impression profonde. Les instruments dont il a donné les modèles ont atteint une perfection inouïe et ont permis d’arriver à la mesure d’éléments qu’on pourrait presque appeler infinitésimaux. Nous distinguerons dans le compte que nous allons en rendre ceux qui se rapportent à l’électricité, à l’optique et à la mécanique.

Nous citerons d’abord les expériences sur la lumière électrique. Foucault a construit, pour les appareils destinés à fournir ce genre de lumière, des régulateurs au moyeu desquels on parvient à procurer une grande fixité au point lumineux en donnant un mouvement convenable à l’un des deux cônes de charbon. MM. Fizeau et Foucault ont cherché à comparer la lumière électrique à la lumière solaire, et, en prenant pour mesurer leurs intensités, les effets chimiques qu’elles produisent sur l’iodure d’argent des plaques daguerriennes, ils ont trouvé que quarante-six couples Bunsen fournissaient un éclat représenté, par rapport à celui du soleil, par 235/1000. Une autre expérience curieuse, relative aux appareils photo-électriques, est due à Foucault seul. En projetant, au moyen de lentilles, l’image du système des deux cônes de charbon sur l’écran d’une chambre noire, on peut observer, à l’aide du microscope, les effets physiques produits par le passage du courant. Le charbon négatif devient lumineux le premier, mais le charbon positif l’emporte bientôt après en éclat ; d’un autre côté, il s’établit, du charbon positif au charbon négatif, un transport continu de particules matérielles, par suite duquel le premier se creuse et diminue, tandis que le second augmente de volume. La pile a encore fourni à Foucault le sujet d’une expérience qui est venue corroborer d’une façon remarquable les faits déjà acquis relativement à la transformation de la chaleur en mouvement, et réciproquement. Un disque de cuivre rouge engagé en partie dans l’intervalle compris entre deux pièces de fer doux, en contact avec les pôles d’un électroaimant, pouvait recevoir d’un système de rouages, mû à la main à l’aide d’une manivelle, un mouvement de rotation de 150 à 200 tours par seconde. Tant que le courant n’est pas excité, la manivelle ne présente qu’une très-faible résistance ; au contraire, lorsque le courant passe, on sent une résistance considérable, et si l’on n’en continue pas moins à tourner, le disque s’échauffe très-rapidement. Par exemple, trois couples de Bunsen ont suffi pour qu’en trois minutes la températures du disque s’élevât de 10 à 60 degrés. Six couples donnent lieu au développement d’une résistance qui fatigue bientôt l’opérateur.

Le principal perfectionnement apporté par Foucault à la théorie des phénomènes optiques consiste dans la détermination expérimentale de la vitesse de la lumière, au moyen d’un appareil analogue à celui que M. Wheatstone avait déjà employé pour mesurer celle de l’électricité. La méthode de Foucault a permis de comparer entre elles les vitesses d’un rayon de lumière dans le vide, dans l’air et dans tous les milieux transparents. Ses expériences ont enfin établi, d’une manière certaine, que la vitesse de la lumière est d’autant moindre que le milieu dans lequel elle se propage est plus réfringent, et ont achevé la ruine définitive du système de l’émission. L’optique doit encore à Foucault d’importants perfectionnements apportés à la construction des télescopes, un moyen ingénieux d’éclairer les fils des réticules pour rendre plus certaines les observations de nuit, etc.

Les découvertes de Foucault en mécanique sont celles qui ont le plus impressionné le public. La révélation, si complètement inattendue surtout, du mouvement continu de rotation du plan d’oscillation d’un pendule, servant à démontrer le mouvement terrestre et la rotation du globe, attira, en 1851, une foule de visiteurs au gigantesque appareil que Foucault avait fait suspendre au sommet de la coupole du dôme du Panthéon. Les singuliers effets observés à l’aide du gyroscope, autre application du pendule trouvée par lui en 1852, n’ont pas moins frappé les savants. Grâce à ces ingénieux instruments, Foucault a pu établir des démonstrations nouvelles, directes et éclatantes du mouvement diurnfc de la terre.

En possession de méthodes d’investigation éprouvées et de puissants instruments, Foucault semblait ne considérer tant de travaux accomplis que comme une préparation à de nouvelles et plus hautes recherches. Il résolut de se consacrer tout entier à l’étude trop négligée de l’astronomie physique, de soumettre la constitution physique du soleil et des planètes à des observations plus concluantes, soit en fixant leurs images par la fihotographie, soit en étudiant directement eurs images agrandies projetées-sur des écrans. Pour se livrer à ces expériences, il transforma en sidérostat le grand héliostat qu’il avait exécuté, le perfectionna de la façon la plus ingénieuse, et voulut installer ce bel instrument à l’Observatoire de Paris ; mais M. Le Verrier, qui était alors le direoteuromnipotent de l’Observatoire, opposa il Foucault des difficultés de tout genre et un mauvais vouloir obstiné. Voyant, après deux années de tentatives infructueuses, qu’il ne pourrait rien obtenir, Foucault se décida à transporter son appareil et à faire ses nouvelles recherches dans cette maison de la rue d’Assas, où il avait exécuté ses admirables travaux sur la vitesse de la lumière, sur le régulateur à force centrifuge, sur la déviation apparente du plan d’oscillation du pendule et du plan de rotation du gyroscope, sur la taille du miroir et des objectifs achromatiques, où il avait établi que le pouvoir optique est proportionnel au diamètre du miroir, notion d une haute importance pour la construction des appareils d’optique. Foucault venait de terminer ses travaux d’installation, lorsqu’il fut atteint, au mois de juillet 1867, des premiers symptômes de la paralysie qui devait l’emporter au commencement de 1 année suivante. Les grandes vérités, les méthodes fécondes, les puissants appareils qu’on doit à Léon Foucault, le placent parmi les savants de premier ordre. « L’ardeur infatigable avec laquelle il poursuivait le vrai, dit M. Gavarret, l’ôloignemoiit qu’il éprouvait pour les routes battues, une admirable faculté d’intuition, qui bien souvent lui a servi de guide infaillible la où la démonstration rigoureuse lui a fait défaut, tout, jusqu’à la méthode dont il ne s’est jamais écarté dans ses recherches, le rapproche des Galilée, des Descartes, des Huyghens, des Young, des Fresnel. »

FOUCAUX (Philippe-Édouard), orientaliste français, né à Angers en 1811. A l’âge de vingt-sept ans, poussé par son goût pour les langues orientales, il se rendit à Paris, suivit les cours de sanscrit d’Eugène Burnouf et apprit, sans le secours d’aucun maitre, la langue thibétaine, un des idiomes les plus difficiles de l’Asie. Ses progrès furent tels que, en 1842, il fut en état de faire à la Bibliothèque royale un cours de thibétain’, le premier qui ait été fait dans notre pays. En 1852 et en 1857, Eugène Burnouf chargea M. Foueaux de le suppléer dans son enseignement de la littérature sanscrite au Collège de France. Il est devenu, en 1862, titulaire de cette chaire. On lui doit plusieurs ouvrages, dont les principaux sont : Grammaire de la langue thibétaine (1859, in-8°) ; Histoire du Bouddha Sahya Mouni, traduite du thibétain, avec texte (1S48, 2 vol. in-to) ; Parabole de l’enfant égaré, en sanscrit et en thibétain, avec traduction française (1854, in-4°) ; le Trésor des belles paroles (1858, in-S«), choix de belles sentences thibétaines, avec texte et traduction française ; Onze épisodes du Mahabliarata (1861, in-8°), traduit en français ; Vià ramorvuâ, drame eu cinq actes de à àlidasa(lS61, in-S°), etc.


FOU-CHAN ou FOU-SCHAN, bourg très-important de la Chine, dans la province de à wang-Toung, sur une lie formée par les bras du Si-à iang, à 20 à ilom. E. de Canton. Ce bourg, comme beaucoup d’autres du Céleste-Empire, serait en Europe une ville importante, catil renferme, dit-on, 200,000 hnb. On y fabrique une immense quantité d’étoiles de soie et de coton, beaucoup d’articles en fer, en acier et en cuivre ; il possède aussi des raffineries de sucre, des manufactures de tabac et autres. Comme dans la plupart des villes de la’Chine, un grand nombre d’habitants vivent sur des bateaux amarrés le long du fleuve.


FOUCHÉ (Joseph), duc d’Otrante, conventionnel montagnard, puis ministre de la police, né près de Nantes le 29 mai 1763, mort à Trieste le 25 décembre 1820. Il était fils d’un armateur, qui le destinait à la navigation ; mais la délicatesse de son tempérament fit renoncer à ce projet. Placé à neuf ans au collège des Oratoriens de Nantes, il y fit des études sérieuses, qu’il acheva à l’institution de l’Oratoire de Paris, et se voua définitivement à l’enseignement dans la savante congrégation. Il est faux, d’ailleurs, qu’il ait jamais été engagé dans les ordres, comme on l’a fort légèrement répété ; il n’a jamais été que professeur dans les maisons de l’Oratoire. Il enseigna successivement les mathématiques et la philosophie à Juilly, à Arras, où il connut Robespierre, à Vendôme, et enfin fut nommé, à l’âge de vingt-cinq ans, préfet des études au collège des oratoriens de Nantes. Il s’occupait alors avec succès de sciences exactes, remplissait ses fonctions avec autant de zèle que de capacité, et il est constant qu’il laissa dans l’Oratoire les meilleurs souvenirs sous tous les rapports.

Il était déjà pénétré des idées et de la philosophie du siècle ; aussi, dès le commencement de la Révolution, il abandonna sa chaire et la congrégation, et se maria à Nantes. Son intention était d’exercer la profession d’avocat, plus analogue à ses inclinations et à l’état de la société nouvelle.

Il se jeta dans le mouvement avec la fougue de son âge et de son tempérament, et fut un des fondateurs et le membre le plus actif et le plus influent de la Société populaire de Nantes.

Toutefois, malgré son enthousiasme révolutionnaire, il n’avait pas répudié le souvenir de la savante congrégation qui avait été son berceau, et, jusqu en 1793, nous voyons des pièces de lui signées Fouché de l’Oratoire.

En 1792, il fut nommé député de la Loire-Inférieure à la Convention nationale. Il fit partie du comité d’instruction publique, où il rendit de notables services par sa haute compétence et ses capacités. Il retrouva à l’Assemblée Robespierre, avec qui il noua des relations assez étroites ; mais la diversité de leurs caractères ne tarda pas à les diviser.

Quoique lié d’amitié avec les chefs du parti girondin, Fouché prit néanmoins sa place à la Montagne, prévoyant peut-être que là était la force et l’avenir ; il vota la mort du roi sans appel ni sursis, et il prononça à cette occasion un discours véhément qui a été souvent reproduit : « Je ne m’attendais pas, dit-il, à énoncer à cette tribune d’autre opinion contre le tyran que celle de son arrêt de mort. Il semble que nous sommes effrayés du courage avec lequel nous avons aboli la royauté ; nous chancelons devant l’ombre d’un roi... Sachons prendre enfin une attitude républicaine ! Sachons nous servir du grand pouvoir dont la nation nous a investis ! Sachons faire notre devoir en entier, et nous sommes assez forts pour soumettre toutes les puissances et tous les événements. Le temps est pour nous contre tous les rois de la terre. Nous portons au fond de nos cœurs un sentiment qui ne peut se communiquer aux différents peuples sans les rendre nos amis et sans les faire combattre avec nous, pour nous et contre eux... »

Nommé membre du comité des finances, il fit rendre, le 10 mars 1793, un décret ordonnant la recherche et la vente des biens d’émigrés, qui jusque-là avaient été soustraits à l’État au moyen de fausses déclarations ou de supercheries des notaires.

Envoyé en mission à Nantes, puis dans l’Aube, il activa les mesures de défense, et, dans ce dernier département, il fit exécuter le décret sur la réquisition par les seuls moyens de la persuasion à l’égard d’une jeunesse qui s’était jusqu’alors refusée avec opiniâtreté au recrutement.

C’est de l’Aube qu’il envoya à la Convention son adhésion à la révolution des 31 mai-2 juin, qui avait eu pour résultat la chute et l’arrestation de girondins dont beaucoup étaient ses amis. Fouché, c’est une des habitudes invariables de sa vie, n’hésita jamais à se ranger du côté de la victoire. Mais, d’ailleurs, il était montagnard par ses tendances et par son tempérament.

Envoyé dans la Nièvre et chargé de mettre à exécution la loi des suspects, il essaya parfois de tempérer la rigueur des décrets conventionnels ; mais il se fit résolument l’un des promoteurs du mouvement anticatholique, qui débuta précisément dans la Nièvre et dans le centre, sous l’impulsion de Fouché et de Chaumette, qui s’y trouvait alors. Il proscrivit les emblèmes religieux qui se trouvaient dans tous les lieux publics, fit placer à la porte des cimetières l’inscription : La mort est un sommeil éternel (en manière de négation de l’immortalité de l’âme), dépouilla les églises de leurs vases d’or et d’argent et de leurs objets précieux, et fit à la Convention de nombreux envois de ces pièces, ainsi que des dons patriotiques des citoyens, pour être employés à la défense de la patrie et aux besoins de l’État.

Il n’est pas douteux, d’ailleurs, que dans ces espèces de spoliations révolutionnaires et patriotiques, qui se répétèrent dans toute la France, Fouché n’ait été soutenu par les populations. Il était trop fin, trop prudemment ambitieux, trop avisé, pour se jeter dans les aventures et précéder la foule. Il se contentait d’étudier les mouvements de l’opinion et de s’y mêler assez pour être en mesure de les exploiter et de se prévaloir de son action, quitte à la renier ou à l’atténuer plus tard, quand le vent tournait.

En novembre, pendant qu’il était encore dans la Nièvre, la Convention l’adjoignit à Collot d’Herbois pour achever de rétablir l’autorité républicaine à Lyon, qui venait de s’ouvrir aux troupes conventionnelles. Il y joua un rôle terrible, de concert avec son collègue, puis seul pendant deux mois, en l’absence de Collot d’Herbois. D’ailleurs, les représentants ne faisaient qu’exécuter les décrets. Cette reprise de possession de Lyon offre les analogies les plus frappantes avec la soumission de Paris par les troupes de Versailles, après la Commune de 1871, avec cette aggravation que les chefs de la rébellion lyonnaise étaient ouvertement de connivence avec les étrangers et les conspirateurs royalistes. La répression fut implacable, et les représentants exécutèrent les décrets de la Convention avec autant d’exaltation que de fureur, croyant sans doute ainsi venger la patrie mise en péril, la République outragée et les patriotes lyonnais, Charlier et autres, égorgés par les contre-révolutionnaires. Les malheureux condamnés par les commissions militaires étaient conduits aux Brotteaux et fusillés ou mitraillés en masse. On en exécuta ainsi jusqu’à deux cents en un seul coup. Dans ses correspondances, où il exagère encore le langage du temps, Fouché représente effrontément ces exécutions en masse comme moins inhumaines que le long supplice des exécutions successives par la guillotine. Nous avons revu ces fureurs mutuelles des partis en lutte, et il faut dire que les exécutions sommaires de la reprise de Paris ont bien dépassé, par le nombre et par le manque de toutes formes judiciaires, les scènes terribles dont Lyon avait été précédemment le théâtre. (Pour plus de détail sur cette mission, voyez l’article Collot d’Herbois.)

Remplacé par Reverchon, Fouché revint à Paris dans les premiers jours d’avril 1794 et reprit son siège à la Convention. Il subit quelques attaques de la part de Robespierre, mais n’en fut pas moins nommé président des jacobins au commencement de juin. Néanmoins, il se sentait menacé par le puissant triumvir, qui finit par le faire exclure des jacobins, ce qui équivalait presque à un arrêt de proscription. Robespierre le détestait moins pour sa conduite à Lyon que pour ses anciennes relations avec les dantonistes et ses attaches avec le parti hébertiste. Cependant, avec sa souplesse habituelle, Fouché avait applaudi à la proscription de ces deux partis, comme il avait précédemment adhéré publiquement à celle des girondins.

Le jour de la fête de l’Être suprême (20 prairial an II — 8 juin 1794), il eut l’imprudence de se répandre en sarcasmes contre Robespierre, qui jouait le rôle de pontife, et de prédire à haute voix sa chute dans les groupes de députés. Quelques jours après, son irascible ennemi demandait sa tête au comité du Salut public, qui, d’ailleurs, ne consentit point à cette proscription nouvelle.

Mais Fouché n’était pas homme à se laisser ainsi faucher sans résistance, comme une herbe sèche ; il travailla homme par homme les débris des grands partis que Robespierre avait frappés, dantonistes et hébertistes, Tallien, Legendre, Dubois-Crancé, Collot-d’Herbois, Fréron, Billaud-Varenne, etc., leur représenta qu’ils étaient tous également menacés, et contribua largement à nouer la coalition qui fit le 9 thermidor.

Après cette époque, il fut violemment attaqué à diverses reprises ; des plaintes s’élevèrent de la Nièvre et de Lyon contre sa conduite ; on lui reprochait non-seulement ses violences, mais encore des actes de concussion qui sont assez probables, sans jamais avoir été prouvés péremptoirement.

Suivant sa coutume invariable d’avoir un pied dans tous les camps, il cajolait tout à la fois les thermidoriens et les débris de la Montagne et des jacobins, et même le parti naissant et déjà redoutable de Babeuf, que, naturellement, il abandonna dès qu’il le vit menacé sérieusement.

Mais, malgré ses savantes manœuvres, les accusations, les pamphlets, les récriminations se multipliaient contre lui. Il publia une espèce de justification de sa conduite dans le Moniteur du 10 avril 1795. Le 9 août, à la suite de nouvelles dénonciations, un rapport général sur ses actes fut présenté à la Convention par Génissieux, et il fut expulsé de l’Assemblée et décrété d’arrestation. Mais l’amnistie du 4 brumaire an IV (26 octobre), proclamée à l’occasion de la mise en vigueur de la constitution de l’an III, le rendit à la liberté.

Il vécut trois ans fort délaissé, sans parvenir à obtenir aucun emploi, refusant les postes secondaires, préférant attendre son heure pour se saisir d’une position à la hauteur de son ambition dévorante et de ses capacités. Il était resté en relation avec Barras, l’un des directeurs, à qui il révéla dans un mémoire les projets du parti de Babeuf, qu’il connaissait bien pour s’y être associé. Le premier bénéfice qu’il retira de ce service policier fut un intérêt considérable dans les fournitures, commencement ou plutôt continuation de l’élévation de sa fortune.

Après la journée du 18 fructidor, au succès de laquelle il contribua par ses conseils, il fut nommé ambassadeur près la République cisalpine (septembre 1798). Là, il participa, avec le général Brune, à une répétition du 18 fructidor ; toutes nos révolutions, en effet, se reproduisaient dans les petites républiques que nos victoires avaient formées.

Mais il fut désavoué par le Directoire, revint à Paris en janvier 1799, reprit assez de crédit pour obtenir, quelques mois plus tard, l’ambassade de Hollande, enfin quelque temps après (1er août) le ministère de la police, objet de ses convoitises.

Il avait trouvé le poste qui convenait à son tempérament, à son génie et à sa passion des hautes intrigues et des manœuvres ténébreuses.

Dépourvu de moralité politique, indifférent à tout, uniquement préoccupé de son éléva-