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enfin Jean-Auguste-Dominique Ingres (1781-1867), dont nous parlerons ci-après.

Jean-Baptiste Regnault (1751-1829) contribua à la réforme académique et fut le chef d’une nombreuse école qu’il est permis de confondre avec celle de David, bien qu’elles aient été rivales : l’une et l’autre recherchèrent surtout la pureté du dessin et se modelèrent sur les chefs-d’œuvre de la sculpture antique. Les principaux élèves de Regnault furent Landon (1760-1826), plus connu par ses volumineuses publications sur les arts que par ses tableaux ; Louis Hersent (1777-1860) ; François Dubois, grand prix de Rome en 1819 ; Blondel, grand prix en 1803 ; Crépin, peintre de marines ; Boisselier l’aîné (1776-1811) ; Robert Le Febvre (1756-1831), qui a joui d’une grande vogue comme portraitiste ; Pierre Guérin (1774-1833), que Charles X fit baron, et qui fut lui-même chef d’une école d’où sortirent plusieurs des artistes les plus distingués de notre époque, etc.

Valenciennes (1750-1819) fonda l’école du paysage académique ; son meilleur élève fut Jean-Victor Bertin (1775-1832), dont les succès déterminèrent le gouvernement à créer un prix de paysage donnant droit à la pension de Rome. Michallon, Bidault et Wattelet se distinguèrent aussi dans la phalange des paysagistes classiques.

Au milieu de ces « Romains » de l’Académie, graves, solennels, empesés, et trop souvent froids et faux, apparaît un maître délicat et naïf, épris de la couleur et amoureux de la grâce, Pierre Prudhon (1753-1828), qui peignit des allégories et des pastorales, non à la façon de Boucher, mais à la façon de Théocrite, et qui trouva sur sa palette des tons d’une fraîcheur et d’une suavité exquises.

Dans une tout autre direction, Carie Vernet (1758-1835) se montra original : il peignit avec esprit des combats, des chasses, des animaux, des paysages.

L’exagération dans laquelle tombèrent certains disciples de David suscita une réaction violente vers les dernières années de la Restauration. En opposition avec les classiques, se forma l’école dite romantique. Aux poncifs de l’Académie, aux sujets grecs ou romains, cette école substitua les scènes empruntées à la littérature et à l’histoire modernes ; elle abandonna le nu pour peindre les costumes éclatants ; elle mit la couleur au-dessus du dessin, la fantaisie au-dessus de la reproduction servile du modèle d’atelier. Nous avons raconté longuement, — au mot classique, - les luttes qui s’engagèrent entre les adeptes de ce nouveau système et les partisans de la méthode davidienne ; nous n’y reviendrons pas ; nous nous bornerons à citer les noms des chefs qui prirent part à ces combats à outrance.

Les grandes peintures militaires de Gros, si pleines de mouvement, de passion et de vie, eurent une influence décisive sur l’école française et marquèrent les débuts de la révolution anticlassique. Mais le véritable émancipateur, le père de l’école romantique, fut Gèricault (1791-1824), l’auteur du Radeau de la Méduse. L’apparition aux expositions de Paris des œuvres de certains peintres anglais ne fut pas étrangère non plus au changement qui se produbit dans le goût public. Enfin Delacroix vint, et développa avec une fougue et une puissance extraordinaires le programme de la nouvelle école ; poète plein de souffle, coloriste véhément, il traita tous les genres avec une hardiesse, une ampleur et une originalité qui firent tressaillir les « philistins » de l’Académie. A la même époque, Léopold Robert transformait le paysage historique, en remplaçant les sempiternelles divinités de la Fable par des figures modernes choisies parmi les plus beaux types des populations rustiques de l’Italie. Un peu après, Paul Delaroche peignit les anecdotes de l’histoire d’Angleterre et de l’histoire de France avec une préoccupation de la vérité qui s’étendait jusqu’aux moindres détails de mobilier et de costume ; Ary Scheffer traduisit avec un rare bonheur les conceptions poétiques de Gœthe et de Byron ; Decamps et Marilhat fixèrent sur la toile les sites lumineux et les costumes pittoresques de l’Orient ; Horace Vernet, Bellangé, Charlet rivalisèrent d’habileté, de sincérité et d’humour dans la peinture des scènes militaires ; Paul Huet, Corot, Flers, Cabat, Jules Dupré, N. Diaz, Théodore Rousseau fondèrent une admirable école de paysagistes ; E. Isabey et T. Gudin peignirent la mer avec vérité et avec poésie ; Brascassat, Troyon, Jadin, Alfred Dedreux et, plus tard, Rosa Bonheur représentèrent les animaux avec succès ; Camille Roqueplan, Louis Boulanger, Eugène Devéria, les frères Tony et Alfred Johannot, Jeanron, Gigoux, Cl. Jacquand, Henry Scheffer, Robert-Fleury, Schnetz, Tassaert, Papety, Chassériau, Couture, Adolphe et Armand Leleux se distinguèrent dans divers genres. Les artistes que nous venons de nommer n’adhéraient pas complètement à l’école romantique, mais ils partageaient du moins son amour de la poésie et du pittoresque, son horreur des poncifs et des conventions académiques.

Ingres, l’adversaire déclaré d’Eugène Delacroix, tint haut et ferme, pendant près de quarante ans, le drapeau du classicisme. Autour de lui viennent se ranger : Drolling, Hesse, Léon Cogniet, Court, Heim, Vinchon, Pérignon, Rouget, Orsel, Périn, Dubufe, Cabanel, Léon Benouville, Picot, Aligny, Al. Desgoffe, Amaury Duval, Lehmann, Hippolyte Flandrin, Signol, Chenavard, etc. Quelques-uns de ces artistes, quoique doués d’un sentiment fort opposé à celui d’Ingres, - Orsel et Chenavard, par exemple, — n’en doivent pas moins être rangés ici parmi les peintres qui ont fait consister le beau uniquement dans la pureté du dessin, la noblesse de l’ordonnance, la sévérité du style. Le romantisme, qui, grâce au merveilleux talent des Delacroix, des Scheffer, des Decamps, avait triomphé du classicisme, se modifia lui-même rapidement et aboutit à un véritable éclectisme, admettant, en art, toutes les tendances, toutes les fantaisies, toutes les formes. On vit se produire des œuvres classiques par le dessin et romantiques par la couleur ; mais, en général, les nouveaux peintres ne reconnurent pas plus l’autorité du cénacle que celle de l’Académie ; ils s’abandonnèrent à leur propre inspiration et cherchèrent leur voie un peu au hasard ; beaucoup se sont égarés, mais beaucoup aussi ont réussi à se créer une manière originale. Quelques-uns ont même essayé de fonder des systèmes nouveaux : il nous suffira de citer M. Courbet, dont la façon toute simple et toute crue de peindre les choses a été baptisée du nom de réalisme.

Si l’on examine l’ensemble des œuvres qui se sont produites depuis vingt-cinq ou trente ans, on constate que c’est surtout dans les genres secondaires, le paysage, la marine, les animaux, le portrait, les scènes familières, que l’école française fait preuve de supériorité. La grande peinture, celle qui représente les événements fameux de l’histoire et les sujets religieux, n’est cultivée que par un petit nombre d’artistes, parmi lesquels se disguent : MM. Cabanel, Bouguereau, Baudry, Yvon, Pils, Lazerges, Emile Bin, Mottez, Delaunay, Puvis de Chavannes, Barrias, Gustave Moreau, Gustave Doré, Bonnat, Mazerolles, Glaize, Charles Muller, Benjamin Ulmann, etc. La peinture nnecdotique, ou, si l’on aime mieux, la peinture d’histoire réduite aux proportions de la peinture de genre et plus préoccupée de détails archéologiques que de philosophie sociale, compte bon nombre d’habiles interprètes, entre autres : MM. Gérôme, Comte, Hector Leroux, G. Boulanger, Emile Lévy, Hamon, Picou, Penguilly-l’Haridon, Hillemacher, etc. Parmi les peintres de genre proprement dits, voués à la représentation des scènes de mœurs, des intérieurs mondains ou rustiques, des types populaires et des costumes de tous pays, les plus renommés sont : MM. Adolphe Breton, François Millet, Hébert, Meissonier, Chavet, Antigna, Protais, Fromentin, Luminais, Gustave Brion, Toulmouche, Henri Baron, Ribot, Ed. Frère, Vibert, Bonvin, Roybet, Fauvelet ; parmi les paysagistes, MM. Corot, Daubigny, Jules André, Ziem, Lavielle, Belly, Lambinet, Nazon, Chintreuil, Emile Breton, Français, Ch. Leroux, Blin, Harpignies ; parmi les marinistes, MM. Jules Noël, Fréret, Mazure, Fr. Barry ; parmi les portraitistes, MM. Cabanel, Jalabert, Chaplin, Dubufe, Jules Lefebvre, Giacomotti, Henner, Bonnegrâce, Ricard, Carolus Duran, Mlle Nélie Jacquemart et Mme Henriette Browne ; parmi les peintres d’architecture, de natures mortes, de fruits et de fleurs, MM. J. Ouvrier, Maisiat (élève de Saint-Jean, peintre lyonnais très-estimé en son temps), Lays, Vollon, Biaise Desgoffe, Philippe Rousseau, Monginot, Méry ; parmi les peintres d’animaux, MM. Auguste Bonheur, Eugène Lambert, Courbet, Van Marcke, etc. N’oublions pas, en finissant, de citer Henri Regnault, le jeune et brillant artiste qui, après avoir donné en divers genres les preuves d’un talent de premier ordre, a été tué à Buzenval, en défendant son pays.

— IV. Gravure. L’art de la gravure fut cultivé en France plus tard qu’en Italie, en Allemagne et dans les Pays-Bas. Vers le milieu du xvie siècle, Jacques Duvet, de Langres, connu sous le nom de Maître à la licorne, à cause de la marque qu’il avait adoptée, grava, d’une pointe peu précise, des scènes de l’Apocalypse et d’autres sujets religieux. Au même siècle appartiennent : Noël Garnier ; Etienne de Laune, buriniste délicat, né à Orléans en 1518, qui fit des copies des estampes de Marc-Antoine et reproduisit un assez grand nombre de dessins arabesques de son invention à l’usage des orfèvres ; Pierre Woeiriot, de Bar-le-Duc, qui s’établit à Lyon ; René Boyvin, d’Angers, qui travailla à Paris principalement d’après le Rosso et le Primatice, et qui mourut à Rome en 1598 ; Androuet du Cerceau, qui exécuta des planches d’architecture ; Philippe Thomassin, de Troyes, et le Lorrain Nicolas Béatrizet, qui se fixèrent à Rome ; Léonard Gaultier et Thomas de Leu, qui imitèrent avec succès la manière fine et précise des Wierix et de Crispin de Passe.

Pendant la première moitié du xviie siècle, la France compta plusieurs graveurs habiles : Jean Le Clerc, de Nancy, qui travailla à Venise sous la direction de Carlo Saraceno ; François Perrier, Louis de Boullongne le père, Michel Corneille, Laurent de Lahire, Jean Morin et Sébastien Bourdon, qui furent à la fois peintres et graveurs ; Jacques Callot, qui mania l’eau-forte et le burin avec une vivacité, une finesse et une netteté extraordinaires, et fit preuve de l’esprit d’invention le plus original, le plus fécond et le plus brillant ; Claude Lorrain, qui exécuta à l’eau-forte d’admirables paysages ; Claude Mellan (1601-1688), qui parvint à imiter les dessins avec une seule taille, renflée ou amincie avec intelligence ; Abraham Bosse (1605-1678), qui perfectionna la gravure à l’eau-forte et déploya, surtout dans les petits sujets, une précision et une hardiesse étonnantes ; Etienne Dupérac, qui exécuta, dans le goût du Tempesta, des vues des monuments antiques de Rome ; Gabriel Pérelle et ses fils Adam et Nicolas, qui reproduisirent à l’eau-forte un grand nombre de paysages d’après Poussin, Paul Bril, Poelenburg, Asselyn et autres ; Michel Lasne, Nicolas Chaperon, Pierre Brebiette, Jacques Bellangé, Pierre Daret, Jean Boulanger, Gilles Rousselet, Jean Lenfant, Michel Dorigny, Jean Lepautre, François Chauveau, Dominique Barrière, de Marseille ; Charles et Claude Audran, de Lyon.

Quel que fût le mérite des divers maîtres que nous venons de citer, ils devaient être surpassés par ceux qui illustrèrent le règne de Louis XIV. Ce monarque sembla accorder une protection toute spéciale à l’art de la gravure. Il publia à Saint-Jean-de-Luz, en 1600, un édit par lequel, voulant, disait-il, donner aux graveurs « des marques de son astime et de sa justice, » il les maintint dans la liberté, dont ils avaient toujours joui, d’exercer leur art sans être soumis à des maîtrises, et déclara que la gravure était « un art libéral, » qu’on ne devait point « en asservir la noblesse à la discrétion de quelques particuliers, » qu’elle ne pouvait « dépendre que de l’imagination de ses auteurs et être assujettie à d’autres lois qu’à celles de leur génie. » Colbert, qui inspira sans doute cet édit, ne se contenta pas de veiller a, son exécution ; pour donner plus d’impulsion à l’art de la gravure, il fit venir d’Anvers des artistes émérites, Gérard Edelinck, Pierre van Schuppen, Nicolas Pitau, qui, enchaînés par les bienfaits du roi, se regardèrent eux-mêmes comme Français. Edelinck (1627-1707) sut allier au feu des maîtres flamands, ses premiers modèles, une correction, une finesse et une pureté qui font de lui un des maîtres du burin ; ses portraits d’après Ph. de Champagne, Mignard, Rîgaud, sont admirables ; ses grandes planches d’après les peintures de Ch. Lebrun ont plus d’éclat, plus de style et plus de charme que ces peintures mêmes. Nicolas Pitau (1633-1676) et Van Schuppen ont gravé aussi, avec une remarquable habileté, des portraits et des compositions religieuses d’après Lebrun, Philippe de Champagne, Séb. Bourdon, C. Lefebvre, les Mignard, Largillière et autres peintres en renom au xviie siècle. L’école française produisit elle-même des portraits gravés avec un art consommé : qui ne connaît ceux que Robert Nanteuil (1630-1678) exécuta la plupart d’après ses propres dessins ? « Quelle précision, quelle fermeté dans les saillies, quelle âme dans les regards ! dit E. David en parlant de ces portraits ; quel heureux accord entre les points, les tailles, les travaux réguliers et irréguliers que cet habile artiste sait employer avec un choix exquis ! quelle simplicité, quelle sagesse dans son faire, malgré cette variété ! » Antoine Masson (1636-1700) n’eut pas moins d’adresse ; mais, trop jnloux de montrer la souplesse de son burin, il s’écarta parfois de l’heureuse simplicité dont Nanteuil lui donnait l’exemple. « Ses tailles, hardies, légères et en même temps trop contournées, dit le critique , déjà cité, ne rendent pas toujours avec assez de précision les formes arrêtées par le peintre ; mais jusque dans ses erreurs on admire la délicatesse de son travail, le jeu et la vivacité de ses lumières. Il serait dangereux de vouloir suivre son exemple ; il est bien difficile de l’égaler. », A. Musson a exécuté des portraits d’après les Mignard et autres, et quelques compositions religieuses dont une, — les Disciples d’Emmaûs d’après le Titien — est désignée par les curieux sous le nom de la Nappe, parce que celle qui couvre la table est rendue avec une perfection extraordinaire. Les portraits gravés par Pierre Drevet le fils, d’après Rigaud et Coypel, sont particulièrement estimés pour la finesse du dessin, la variété des tons, la richesse et le moelleux des étoffes. Pierre Drevet le père et Claude Drevet, son neveu, ont reproduit aussi avec talent des portraits de Rigaud.

François Poilly, d’Abbeville (1623-1693), élève de Pierre Daret, fut le chef d’une nombreuse et brillante école de graveurs au burin. Ses estampes d’après Raphaël, le Guide, Poussin, Mignard, Lebrun, Blanchard, Dufresnoy, sont des chefs-d’œuvre de correction, de noblesse, de précision et de douceur ; elles conservent à chaque original le style qui lui est propre. Parmi les élèves et les imitateurs de ce grand maître, on distingue : Nicolas Poilly, son frère, qui instruit à son tour Jean-Baptiste et François, ses deux fils ; Guillaume Vallet (1636-1704), qui travailla surtout d’après les maîtres italiens ; Simon Thomassin (1638-1722), qui a publié, en un volume, toutes les statues et autres sculptures du château et des jardins de Versailles ; Jean-Louis Roullet, d’Arles (1645-1697), qui approcha beaucoup de son maître par la correction et la purelé de son burin, et le surpassa même, suivant quelques connaisseurs, dans ses grandes pièces ; François Spierre (1643-1681), dont la manière est tendre, coulante, agréable, et qui a travaillé en Italie d’après le Corrége, le Cortone, le Bernin, Ciro Ferri et autres ; Etienne Picart, dit le Romain (1631-1721), qui a exécuté un grand nombre d’estampes d’àprès Lesueur, Lebrun, Poussin, Noël Coypel, d’après le Corrége et autres maîtres italiens, et qui termina ses jours en Hollande, où il était allé se fixer avec Bernard Picart, son fils et son élève. A l’école des Poilly se rattachent encore, sinon par une similitude complète de manière, du moins par la correction et la noblesse du style, divers graveurs qui se sont appliqués à traduire les œuvres de Poussin : Etienne Baudet (1643-1716), éleve de Corn. Bloemaert et de Fr. Spierre ; Jean Pesne (1623-1700), Guillaume Chasteau, d’Orléans (1633-1685), qui eut pour élève Benoît Farjat, de Lyon ; Antoinette, Françoise et Claudine Bousonnet-Stella, nièces et élèves du peintre lyonnais Jacques Stella.

Une autre école illustre fut celle des Audran. Gérard Audran (1640-1703) en fut le chef : il eut pour premiers maîtres son père Claude et son oncle Charles, cités plus haut ; mais ce fut, parait-il, aux conseils de Carle Maratte, de Ciro Ferri, et surtout à ceux de Charles Lebrun, qu’il fut redevable de la manière originale, pittoresque et expressive, qui distingue ses bonnes productions et qui le place au nombre des plus grands maîtres de l’art de la gravure. C’est lui qui, par une hardiesse heureuse, se permit d’épurer le dessin des compositions de Lebrun qu’il était chargé de reproduire, et qui fut ainsi cause que ce peintre, jugé sur les gravures des Batailles d’Alexandre, fut proclamé l’égal des plus grands dessinateurs. Germain Audran (1631-1710) se montra bien inférieur à son frère Gérard ; mais ses fils, Benoît et Jean, approchèrent de la perfection de leur oncle ; Jean instruisit lui-même son fils, nommé Benoît, qui travailla, au xviiie siècle, d’après Watteau, Natoire, etc. A l’école de Gérard Audran se formèrent plusieurs graveurs qui suivirent plus ou moins fidèlement sa manière : Nicolas Dorigny (1657-1746), Gaspard Duchange (1662-1757), Nicolas-Henri Tardieu (1674-1749), François Chéreau (1680-1729), Louis Desplaces (1682-1739), Alexis Loir, Charles et Louis Simoneau.

L’école française produisit, au xviie siècle, d’autres graveurs qui suivirent des directions diverses : Nicolas Regnesson, beau-frère de Nanteuil ; Guillaume Courtois, frère du Bourguignon ; Madeleine Masson, fille d’Antoine ; Sébastien Vouillemont, de Bar-sur-Aube ; Pierre Landry ; Jean Baron, de Toulouse, qui travailla à Rome et suivit la manière de Bloemaert ; Louis Cossin, de Troyes ; René Lochon et Pierre Simon, qui ont gravé dans le goût de Nanteuil ; Sébastien Leclerc (1637-1714), excellent dessinateur, qui, par la finesse de son style et la netteté de son exécution, se distingua surtout dans les pièces de petites dimensions ; François Ragot, qui a fait d’assez bonnes copies des meilleures estampes flamandes exécutées d’après Rubens ; Nicolas Pérelle ; Charles de La Haye ; François de Louvemout ; Jean Mariette, plus célèbre connue amateur que comme graveur ; Raymond de La Fage, de Toulouse (1640-1690), aqua-fortiste des plus spirituels ; Benoît Thiboust, de Chartres, qui a gravé dans le goût de Cl. Mellan ; Nicolas Bazin, qui a exécuté de nombreux sujets de dévotion ; Nicolas Arnoult, Henri et Nicolas Bonnart, qui ont gravé des costumes, des sujets de mœurs, des types populaires, etc.

Les graveurs français du xviiie siècle, quoique fort inférieurs, en général, à ceux du siècle de Louis XIV, ne laissèrent pas de tenir le premier rang en Europe. Leur fécondité fut extrême. A cette époque, de grands recueils d’estampes furent publiés tant en France qu’à l’étranger, notamment la Galerie du Luxembourg, que Nattier fit paraître en 1710, le Cabinet de Crozat, le Cabinet de Doyer d’Aguilles, la Galerie de Versailles, la Galerie de Dresde, etc. Les compositions légères, spirituelles et trop souvent graveleuses des Watteau, des Boucher, des Lancret, des Baudouin, des Vanloo, trouvèrent d’habiles interprètes. Greuze, Chardin et les autres peintres de scènes familières furent également popularisés par de nombreuses et fidèles reproductions. La librairie fit souvent appel aux graveurs pour l’illustration des livres, et publia quantité d’œuvres exquises en ce genre. Le goût pour les gravures à l’eau-forte fut tel, que l’on vit des grands seigneurs, des princes mêmes, s’essayer dans ce genre d’ouvrage.

Les graveurs les plus connus de cette période sont : Nicolas Larmessin (1684-1755) ; François Chéreau (1680 1729) ; Jacques Chéreau (1687-1770) ; Louis Desplaces (1682-1730) ; Charles et Nicolas Dupuis ; Nicolas-Henri Tardieu (1674-1749), qui eut pour élèves son fils Jacques-Nicolas et son neveu Pierre-François ; Charles-Nicolas Coohin (1688-1754), qui fit l’éducation artistique de Maria Horthemels, sa femme, et dont le fils fut aussi un des graveurs les plus réputés du xviiie siècle ; le comte de Caylus (1692-1765), qui publia plusieurs ouvrages sur les arts et grava à l’eau-forte de nombreux sujets d’après l’antique et d’après les peintres de son temps ; Louis Surrugue (1695-1769), élève de Bernard Picart, et son fils Pierre-Louis, tous deux membres de l’Académie ; Bernard Lépicié (1699-1755) ; Laurent Cars (1702-1771), qui a travaillé principalement d’après Le Moyne ; Jean Daullé (1703-1763), qui a exécuté plusieurs planches pour le recueil de la Galerie de Dresde ; Pierre Aveline (1710-1760), qui a collaboré au même ouvrage et au Cabinet de Crozat ; Jean Moy-