Page:Larousse - Grand dictionnaire universel du XIXe siècle - Tome 8, part. 2, Fj-Fris.djvu/333

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tout ce que l’érudition moderne a accumulé de renseignements précieux, sur les annales françaises. C’est là son principal mérite, et, tout inachevé qu’il est, ce livre n’en tiendra pas moins une place honorable parmi nos meilleurs ouvrages historiques.

France (l’histoire de) depuis les temps les plus reculés jusqu’en 1789, racontée à mes petits-enfants, par M. Guizot (Paris, 1870, 3 vol. gr. in-8º). Sous ce titre modeste, la maison Hachette a édité une véritable histoire écrite de main de maître par un homme qui a manié les grandes affaires, par un des plus grands historiens des temps modernes, à qui l’âge a fourni un contingent d’expérience que personne ne contestera.

Voici en quels termes M. Guizot apprécie lui-même son œuvre : « Vous avez entendu dire, messieurs, écrit-il à ses éditeurs, que, depuis plusieurs années, je me donne le paternel plaisir de raconter l’histoire de France à mes petits-enfants, et vous me demandez si je n’ai pas dessein de publier ces études de famille sur la grande vie de notre patrie. Telle n’avait pas été d’abord ma pensée ; c’était de mes petits-enfants et d’eux seuls que je me préoccupais. J’avais à cœur de leur faire vraiment comprendre notre histoire et de les y intéresser en satisfaisant à la fois leur intelligence et leur imagination, en la leur montrant à la fois claire et vivante. Toute l’histoire, celle de la France surtout, est un vaste et long drame où les événements s’enchaînent selon des lois déterminées, dont les acteurs jouent des rôles qu’ils n’ont pas reçus tout faits et appris par cœur, et qui sont le résultat, non-seulement de leur situation native, mais de leur propre pensée et de leur propre volonté. Il y a dans l’histoire de chaque peuple deux séries de causes, à la fois essentiellement diverses et intimement unies : les causes naturelles qui président au cours général des événements, et les causes libres qui viennent y prendre part. Les hommes ne font pas toute l’histoire : elle a des lois qui lui viennent de plus haut ; mais les hommes sont dans l’histoire des êtres actifs et libres qui y produisent des résultats et y exercent une influence dont ils sont responsables. Les causes fatales et les causes libres, les lois déterminées des événements et les actes spontanés de la liberté humaine, c’est là l’histoire tout entière. C’est dans la reproduction fidèle de ces deux éléments que consistent la vérité et la moralité de ces récits. »

Ce que M. Guizot omet de remarquer, c’est que, de ces deux éléments de l’histoire, il y en a un dont la découverte est tout à fait moderne : c’est celui qui a trait aux causes naturelles et fatales des événements humains. Durant toute l’antiquité et jusqu’à nos jours, la plupart des historiens ont examiné et raconté les événements humains pris d’une manière absolue, c’est-à-dire isolés des causes naturelles de leur production. Ils nous rapportent les actes d’un conquérant oriental ou l’histoire d’une religion, d’un système philosophique, sans nous entretenir du milieu qui a vu naître le conquérant, croître la religion, se produire le système philosophique dont il s’agit, et de l’influence que ce milieu a exercée sur les faits.

Il y a cinquante ans, la découverte du moyen âge, d’une civilisation si différente de la nôtre, et pourtant si originale et si grande par plusieurs de ses côtés, a éveillé l’attention. On ne devinait que la moitié de la solution ; mais enfin on entrevoyait de nouveaux horizons. En attendant qu’on put avoir des idées claires à cet égard, on se mit à peindre le passé, tandis qu’auparavant on n’avait encore fait que le juger au point de vue des opinions du moment. Depuis, on en est venu à considérer les hommes comme des plantes d’un ordre particulier qui prennent des aspects variés selon la nature du sol, et les nations comme des groupes dont l’histoire naturelle devait éclairer les instincts, l’esprit et les mœurs. De ce jour-là, il y eut deux éléments à étudier dans l’histoire : les causes fatales et les causes libres des événements. « Je n’ai jamais été plus frappé de ce double caractère de l’histoire, reprend M. Guizot, qu’en la racontant à mes petits-enfants. Quand j’ai commencé avec eux ces leçons, ils y prenaient d’avance un vif intérêt, et ils m’écoutaient avec un bon vouloir sérieux ; mais quand ils ne saisissaient pas bien le lien prolongé des événements ou quand les personnages historiques ne devenaient pas pour eux des êtres réels et libres, dignes de sympathie ou de réprobation ; quand le drame ne se développait pas devant eux clair et animé, je voyais leur attention inquiète ou languissante ; ils avaient besoin à la fois de lumière et de vie ; ils voulaient être éclairés et émus, instruits et amusés.

En même temps que la difficulté de satisfaire à ce double désir se faisait plus vivement sentir a moi, j’y découvrais plus de moyens et plus de chances de succès que je ne l’avais prévu d’abord pour faire comprendre à mes jeunes auditeurs l’histoire de France dans sa complication et sa grandeur. Quand Corneille a dit :

. . . . . . . . . Aux âmes bien nées
La valeur n’attend pas le nombre des années,

Il a dit vrai, pour l’intelligence comme pour la valeur. Quand une fois ils sont bien éveillés et donnent vraiment leur attention, les jeunes esprits sont plus sérieux et plus capables qu’on ne le croit de tout comprendre. Pour bien expliquer à mes petits-enfants le lieu des événements et l’influence des personnages historiques, j’ai été conduit quelquefois à des considérations très-générales et à des études de caractères assez approfondies. J’ai presque toujours été, en pareil cas, non-seulement bien compris, mais vivement goûté. J’en ai fait l’épreuve dans le tableau du règne et le portrait du caractère de Charlemagne. Les deux grands desseins de ce grand homme, qui a réussi dans l’un et échoué dans l’autre, ont été, de la part de mes jeunes auditeurs, l’objet d’une attention très-soutenue et d’une compréhension très-nette. »

L’histoire de France racontée à mes petits-enfants n’est donc pas, comme on pourrait l’imaginer, un récit purement descriptif. M. Guizot a écrit un livre qui s’adresse aux grandes personnes comme aux enfants. Il lui suffit d’être clair, d’employer des termes à la portée de tous, de ne pas se perdre dans les considérations élevées qui, en définitive, répugnent tout autant à l’immense majorité des hommes faits qu’à la jeunesse ; car peu d’hommes ont l’habitude de la spéculation et veulent se donner la peine de raisonner.

« Pour atteindre, dit-il, le but que je me proposais, j’ai toujours pris soin de rattacher mes récits ou mes réflexions aux grands événements ou aux grands personnages de l’histoire. Quand on veut étudier et décrire scientifiquement un pays, on le parcourt dans toutes ses parties et en tout sens ; on visite les plaines comme les montagnes, les villages comme les cités, les recoins obscurs comme les lieux célèbres ; ainsi procèdent un géologue, un botaniste, un archéologue, un statisticien, un érudit. Mais quand on veut surtout connaître les principaux traits d’une contrée, ses contours fixes, ses formes générales, ses aspects spéciaux, ses grands chemins, on monte sur les hauteurs, on se place au point d’où l’on saisit le mieux l’ensemble et la physionomie du pays. Ainsi faut-il procéder dans l’histoire quand on ne veut ni la réduire au squelette d’un abrégé ni l’étendre aux longues dimensions d’un travail d’érudition. Les grands événements et les grands hommes sont les points fixes et les sommets de l’histoire ; c’est de là qu’on peut la considérer dans son ensemble et la suivre dans ses grandes voies. En la racontant à mes petits-enfants, je me suis quelquefois attardé dans quelque anecdote particulière où je trouvais le moyen de mettre en vive lumière l’esprit dominant du temps ou les mœurs caractéristiques des populations ; mais, sauf ces rares exceptions, c’est toujours dans les grands faits et les grands personnages historiques que je me suis établi, pour en faire, dans mes récits, ce qu’ils ont été dans la réalité, le centre et le foyer de la vie de la France. »

On nous saura gré de citer le début du livre, qui est un programme et une sorte d’exposition générale de l’état climatérique de notre territoire : « Vous habitez, mes enfants, un pays depuis longtemps civilisé et chrétien, où, malgré bien des imperfections et des misères sociales, 38 millions d’hommes vivent en sûreté et en paix, sous des lois égales pour tous et efficacement maintenues. Vous avez raison d’avoir de grands désirs pour notre patrie, et de la vouloir de plus en plus libre, glorieuse et prospère ; mais il faut être juste envers son propre temps et apprécier à toute leur valeur les biens déjà acquis et les progrès déjà accomplis. Si vous étiez tout à coup transportés de vingt ou trente siècles en arrière, au milieu de ce qui s’appelait alors la Gaule, vous n’y reconnaîtriez pas la France. Les mêmes montagnes s’y élevaient, les mêmes plaines s’y étendaient, les mêmes fleuves y coulaient ; rien n’est changé dans la structure physique du pays. Mais sa physionomie était bien différente : au lieu de nos champs bien cultivés et couverts de productions si variées, vous y verriez des marais inabordables, de vastes forêts point exploitées, livrées aux hasards de la végétation primitive, peuplées de loups, d’ours, d’aurochs même, ou grands bœufs sauvages, et d’élans, animaux qui ne se rencontrent plus aujourd’hui que dans les froides régions du N.-E. de l’Europe, comme la Lithuanie et la Courlande. D’immenses troupeaux de porcs erraient dans les campagnes, presque aussi féroces que des loups, dressés seulement à reconnaître le son du cor de leur gardien. Nos meilleurs fruits, nos meilleurs légumes étaient inconnus ; ils ont été importés en Gaule la plupart d’Asie, quelques-uns d’Afrique et des îles de la Méditerranée, d’autres, plus tard, du nouveau monde. Une température froide et âpre régnait sur cette terre. Les rivières gelaient presque tous les hivers, assez fort pour être traversées par les chariots. Et trois ou quatre siècles avant l’ère chrétienne, sur ce vaste territoire, entre l’Océan, les Pyrénées, la mer Méditerranée, les Alpes et le Rhin, à peine 6 ou 7 millions d’hommes vivaient grossièrement, tantôt renfermés dans des maisons sombres et basses, les meilleures bâties en bois et en argile, couvertes en branchages et en chaume, formées d’une seule pièce ronde, ouvertes au jour par la porte seulement, et confusément agglomérées derrière un rempart assez artisteinent construit en poutres, en terre et en pierres, qui entourait ce qu’on appelait une ville. Encore n’y avait-il guère de villes semblables que dans la portion la plus peuplée et la moins inculte de la Gaule, c’est-à-dire dans les régions du Sud et de l’Est, au pied des montagnes de l’Auvergne et des Cévennes, et le long des côtes de la Méditerranée. Au Nord et à l’Ouest, de chétifs villages presque aussi mobiles que les hommes ; et, dans quelque îlot, au milieu des marais, ou dans quelque recoin bien enfoncé des bois, de vastes enclos, formés d’arbres abattus, où la population, au premier cri de guerre, courait se renfermer avec ses troupeaux et ses meubles.

Et le cri de guerre retentissait souvent. Des hommes grossiers et oisifs sont fort enclins à se quereller et à se combattre. La Gaule, d’ailleurs, n’était point occupée par une seule et même nation, attachée aux mêmes souvenirs et aux mêmes chefs. Des populations fort diverses d’origine, de langue, de mœurs, et venues à diverses époques, s’y disputaient incessamment le territoire. Au midi, des Ibères ou Aquitains, des Phéniciens et des Grecs ; au nord et au nord-ouest, des Kymris ou Belges. Partout ailleurs, les Galls ou Celtes, la plus nombreuse de ces races, et qui ont eu l’honneur de donner au pays leur nom. »

Comme on le voit, ce n’est ni long ni prétentieux ; mais cela, montre les choses sous leur vrai jour, et une page de cette prose simple, substantielle, en apprend plus que bien des pages sonores et vides sur les origines de notre pays et de ses habitants. M. Guizot n’a pas besoin de se contrefaire pour obtenir cette simplicité primitive ; il n’a qu’à laisser courir sa plume à son gré. Son tempérament parle tout seul, et il imprime à sa pensée ce cachet de naïveté grave qui prend l’imagination, captive l’esprit et impose l’attention.

À propos des races qui peuplèrent notre sol, les critiques ordinaires se perdent en de longues dissertations qui ne servent qu’à fatiguer l’esprit du lecteur ; M. Guizot ne s’amuse pas à ces hors-d’œuvre. Par exemple, on a écrit des volumes sur les Ibères ; M. Guizot ne s’occupe en aucune façon des opinions qui ont cours à ce sujet. « Par quelque chemin, dit-il, et à quelque époque qu’ils fussent venus dans le S.-O. de la Gaule, les Ibères y vivent encore dans le département des Basses-Pyrénées sous le nom de Basques, peuplade distincte de toutes celles qui l’environnent par ses traits, son costume, surtout par sa langue, qui ne ressemble à aucune des langues actuelles de l’Europe, contient beaucoup de mots qu’on retrouve dans les noms de fleuves, de montagnes, de villes de l’ancienne Espagne, et qui offre d’assez grandes analogies avec les idiomes anciens et modernes de quelques peuples de l’Afrique septentrionale. »

Voilà l’histoire d’un peuple écrite en quelques mots, et on en a une idée convenable. M. Guizot passe ainsi en revue les nations antiques de la Gaule. Leur histoire ne prend pas vingt pages et contient la substance de tout ce que nous ont laissé sur leur compte les historiens et les monuments proprement dits.

Un grand et légitime succès, de ceux qui durent, attend certainement ce livre magistral, écrit par un homme d’État de premier ordre, au déclin de ses jours, à l’usage de ceux qui entrent dans la vie. L’histoire de M. Guizot est illustrée de deux cents gravures sur bois, d’après les dessins d’A. de Neuville. C’est, en même temps qu’un livre qui deviendra classique, un livre de luxe, et, par cela même, il atteint doublement son but, qui est d’instruire en amusant :

Lcctorem delectando pariterque movendo,
comme dit Horace.

France (portrait de la), par Nicolas Machiavel. Cet opuscule fut composé par le célèbre historien florentin à la suite de ses différentes légations en France, sous le règne de Louis XII, en 1500, en 1504 et en 1510. C’est une appréciation politique, statistique et morale des forces et du génie de notre nation, telle qu’en composèrent, pendant tout le xvie siècle, les ambassadeurs florentins et surtout vénitiens. Les Italiens, race fine et éminemment politique, excellèrent dans ces études, qui abondent en renseignements intéressants même pour nous ; car aucun écrivain français n’avait alors cette pénétration de coup d œil et cette justesse de vue. Mais Machiavel, un grand historien digne à la fois des anciens par l’art de la composition et des modernes pour l’étendue de la conception, les surpasse tous. Nous sommes étonnés de trouver, dans un étranger et dans un contemporain, une si profonde intelligence historique. Avec la même habileté que l’aurait pu faire un de nos historiens philosophes, un Guizot, un Mignet, Machiavel discerne les causes de la grandeur de la monarchie française sous Louis XII, et devine le moyen âge qui s’en va. Il comprend la ruine de cette ancienne féodalité, étrangère à la race royale, son ennemie le plus souvent, indépendante, remuante, appelant sans cesse l’étranger, et il voit se développer à sa place une autre féodalité, celle des princes du sang, non moins amis de l’intrigue et de l’usurpation, mais respectant du moins ce domaine royal qui peut leur échoir un jour. Il juge aussi que l’application du droit d’aînesse à tous les domaines féodaux fournit nos armées d’une foule de cadets de grande maison, braves, hardis, aventureux et cherchant, à travers mille périls, à se refaire une fortune. Notre cavalerie lui paraît redoutable ; il méprise notre infanterie, composée « de gens de métier et de paysans qu’on lève dans les villages ; or, ces pauvres gens sont tellement tyrannisés par les gentilshommes et tellement méprisés que cela leur rend le cœur bas. » En outre, le peuple, depuis cinquante ans, a désappris la guerre. C’est aux lansquenets et aux Suisses que recourt le roi de France pour les batailles rangées, se servant des Gascons pour les sièges et les coups de main. Les Commentaires de Montluc font voir toute la justesse de cette observation. Celle-ci n’est pas moins juste, et toute l’histoire des guerres d’Italie la confirmait alors : » Les Français sont naturellement plus courageux que robustes, et, quand on peut résister à leur première violence, ils perdent incontinent courage et deviennent comme des femmes. » Le pays lui paraît très-fertile, et il ajoute que cette fertilité est la cause de la disette d’argent qu’il a remarquée dans le royaume, chacun recueillant assez de fruits pour n’avoir aucun besoin d’en acheter : « Quand les gens du peuple ont un florin, ils sont riches. » Machiavel constate ce fait, confirmé plus tard par les ambassadeurs vénitiens, que le clargé, en France, possède les deux cinquièmes des revenus du royaume : « Et comme les gens d’Eglise trouvent chez eux plus d’argent qu’il n’en faut pour les nourrir grassement, tout l’argent qui leur tombe entre les mains n’en sort jamais, suivant l’humour avare de ces gens là. » L’historien remarque aussi qu’il entre beaucoup de gens d’Eglise dans le gouvernement des affaires ; et cela n’était pas seulement vrai pour la France : tandis que le cardinal d’Amboise gouvernait avec Louis XII, en Angleterre le cardinal Volsey dirigeait Henri VIII, et le cardinal Xiinenès administrait l’Espagne. Ce n’était pas que les royautés eussent alors, comme au moyen âge, un caractère religieux et sacerdotal ; c’est bien plutôt que le clergé lui-même se sécularisait de plus en plus et devenait un corps tout politique. Machiavel nous montre, au reste, le clergé français fort attaché à ses libertés et à sa pragmatique, que François Ier ne supprimera pas sans soulever de vives colères. Dans une revue rapide, l’auteur passe ensuite en revue toutes les nations que la France pouvait craindre autrefois et dont elle n’a plus rien à redouter : l’Angleterre, qui n’a plus d’alliés ni en Europe ni dans notre pays, « armé, uni, expérimenté ; » l’Espagne, forte et remuante, mais dont nous sépare une chaîne de montagnes précédée d’un désert ; les Pays-Bas, que les nécessités de leur commerce font nos alliés ; les Suisses, peuple redoutable, mais qui serait incapable de faire le siège des places qui défendent contre lui nos frontières ; l’Italie, contre laquelle nous défend le rempart dos Alpes. Quant aux attaques par la Méditerranée, elles ne peuvent être subites, et sont par suite toujours prévenues. Suivent des détails statistiques parmi lesquels nous relèverons cette erreur, qui se trouve dans toutes les éditions, « que la France compte 1,700,000 paroisses. » Le reste de l’opuscule se compose de détails précieux sur la puissance royale, sur les revenus de la couronne, sur les différents officiers de la cour ou du royaume, etc. Ce Portrait de la France, tracé par une main habile, établit nettement la puissance du royaume de France à cette époque, où presque seul encore il était fortement constitué. Mais Machiavel a publié, à la suite du Portrait de la France, un Portrait des Français, deux pages bien moins flatteuses pour notre vanité. Il faut voir comment nous juge cet esprit sérieux, ce fin observateur, sans colère et sans enthousiasme : « Ils estiment aussi peu les profits et les pertes présentes qu’ils ont peu de mémoire des injures ou dos bienfaits passés, peu de souci du bien et du mal à venir. Ils sont plutôt taquins que prudents. Ils font peu de cas de ce qu’on dit et de ce qu’on écrit sur eux. Ils sont plus avides d’argent que de sang. Ils sont très-généreux ; mais rien qu’à les entendre… Les premiers accords avec eux sont toujours les meilleurs. S’ils ne peuvent se rendre un service, ils se le promettent. S’ils le peuvent, ils le font avec difficulté, ou ne le font pas du tout. Ils sont bas dans la mauvaise fortune, insolents dans la bonne. En beaucoup de choses, ils estiment leur honneur en gros et sans délicatesse, à la façon des seigneurs italiens… Ils sont changeants et légers. Ils ont foi dans le vainqueur… » Le portrait est sévère, mais il est utile à méditer.

France (histoire littéraire de la), par les bénédictins, continuée par l’Académie des inscriptions et belles-lettres. Cette histoire fut entreprise, en 1728, par dom Rivet, assisté de dom Poucet et de dom Colomb, religieux de l’abbaye de Saint-Vincent du Mans. De 1733 à 1747, dom Rivet publia 8 vol. in-4º de ce grand ouvrage, qui aujourd’hui en forme 19. Le neuvième volume fut publié en 1750 par dom Taillandier ; les trois suivants, de 1756 à 1763, par dom Clément et dom Clémencet. L’ouvrage resta interrompu. En 1800, Bonaparte chargea l’Institut de le continuer. La classe d’histoire et de littéra-