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HABI

HABILLER v. a. ou tr. (a-bi-Hé ; II mil.-Le substantif bas latin habilimentum, préparatifs militaires, armures, d’où l’anglais habiliment, français habillement, fait supposer un verbe habilite, dont les acceptions étaient rendre habile, mettre en état, apprêter, façonner, disposer d’après un but déterminé, arranger, vêtir. Une filiation analogue se remarque dans le verbe dresser, anglais lo dress, proprement diriger vers un but, disposer, arranger, puis, en anglais du moins, habiller. Cependant notre mot habiller ne répond pas à la forme habilire, mais à habillare ; or, cette fonne-ci ne remonte pas a habilis, mais à un adjectif barbare équivalent, habilus, habillus. L’acception ancienne d’apprêter, préparer, a survécu encore dans habiller du chanvre, de la volaille, etc. La dérivation de habit, par l’intermédiaire de quelque forme barbare habitulare, n’a absolument aucune vraisemblance). Vêtir, mettre des habits à : Habiller uji enfant. Habiller un singe. Un valet de chambre qui habille son maître.

Ne perdons pas de temps ; que l’on m’habille en hâte.

Rëonard.

— Confectionner des habits pour : Un philosophe se laisse habiller par son tailleur, et il y a autant de ridicule à fuir la mode qu’à l’affecter. (La Bruy.) Il Procurer, fournir des vêtements à : Habiller les pauvres. L’État habille les soldats, il Servir à habiller ou produire un certain effet, en parlant d’un vêtement : Cette robe ne vous habille pas bien. Une grande couturière a dit : • Il n’y a que le nu qui habille. • (P. Mérimée.)

— Par anal. Couvrir, envelopper : Habiller de paille une plante délicate. Habiller un meuble d’une housse.

Eschyle dans le chœur jeta les personnages, D’un masque plus honnête habilla les visages.

Boilf.au.

II est fâcheux, grand roi, de se voir sans lecteur, Et d’aller, du récit de ta gloire immortelle, Babiller chez Francœur le sucre et la cannelle.

Boii.eaU.

— Fig. Parer, orner, déguiser, donner une certaine forme à ; Habiller une pensée claire de mots inintelligibles. Les femmes repoussent tes choses ; mais habillez les choses de mots, elles les acceptent. (V. Hugo.)

Souvent j’habille en vers une maligne prose.

Boileau,

Il est des trahisons qu’on habille en scrupules.

V. Hooo.

Habiller quelqu’un, l’habiller de toutes pièces, Le maltraiter en paroles, dire beaucoup de mal de lui : On vous A habillé comme il faut au café. On attendait qu’il fût parti

pour i’HABlLLER DE TOUTES PIÈCES.

— Pêche. Ouvrir et dépouiller de ses intestins et de son arête, en parlant de la morue que l’on veut saler. Il Dépouiller de ses ouïes, en parlant du poisson que l’on sale sans l’ouvrir.

— Art culin. Vider, dépouiller et piquer, s’il y a lieu : Habiller une volaille, un lapin. Habiller un veau, un mouton. Habiller an poisson.

— Techn. Habiller une carde, Oter avec une lime douce ou une pierre à aiguiser le morfll des fils de fer. D Habiller des peaux, chez les tanneurs, Les préparer pour les mettre nu tan, et, chez les pelletiers-fourreurs, Les assouplir en les foulant après les avoir enduites d huile. On dit aussi broyer, dans ce dernier sens, tt Habiller des cartes, Enluminer les figures des cartes à jouer. Il Habiller du lin, du chanvre, Les passer au peigne ou séran. Il Habiller les poteries, Leur ajouter une anse, un pied ou une autre partie accessoire, il Habiller un four, En recouvrir la voûte d une maçonnerie en briques ordinaires, et enduire cette enveloppe d’un mélange de terre et de sable.

— Arboric. Couper une partie des racines et des branches des plants, avant le repiquage ou la transplantation : On habille ordinairement les plants avec une serpette, et pied par pied. (Bosc.)

S’habiller v. pr. Se vêtir, mettre ses habits : Être long pour s’habiller. S’habiller en un tour de main. Admirez la pudeur des femmes : elles s’habillent de façon a ôler à leur corps toute forme humaine. (A. d’Houdetot.) Il Mettre des habits de toilette : S’habiller pour sortir, pour aller au bal, pour faire une visite. Je ne m’habillb jamais, parce que c’est ennuyeux.

— Faire confectionner ou acheter ses vêtements : // s’habille chez le premier tailleur de la capitale. Ceux qui s’habillent au Temple ne sont pas difficiles pour la coupe de leurs vêtements. Il Faire confectionner à ses frais ses propres vêtements : Il est d’usage dans cette maison que les valets s’habillent.

S’habitler en, Se vêtir à la manière de : S’habiller en soldat.

11 s’habille en berger, endosse un hoqueton, Fait sa houlette d’un bâton.

La Fontaine.

— Antonymes. Déshabiller, dévêtir.

HABILLEUR, EUSE s. (a-bi-fleur, eu-ze ; Il rail. — rad. habiller). Théâtre. Personne chargée d’habiller les actrices subalternes et les figurantes.

— Pêche. Celui qui habille la morue, qui la dépouille de ses intestins et de son arête.

HABI

— Techn. Ouvrier qui, dans les ateliers de pelletiers-fourreurs, est chargé de l’habillage des peaux, il On l’appelle aussi broyeur.

HABILLOT s. m. (a-bi-llo ; Il mil. — rad. habiller). Navig. fluv. Morceau de bois employé à accoupler les coupons d’un train de bois flotté.

HABILLURE s. f. (a-bi-llu-re ; Il mil.rad. habiller). Techn. Point de jonction des bouts des fils d’un treillage.

HABINE s. f. (a-bi-ne). Bot. Nom vulgaire du dolic à œil noir.

IIAB1NC.TON (William), poète et historien anglais, né à Hindilp {comté de Worcester) en 1605, mort en 1615. Il fit son éducation en France, chez les jésuites, se maria, après son retour en Angleterre, avec Lucy Herbert, et passa le reste de sa vie dans ses terres, occupant ses loisirs à cultiver les lettres. On a de lui : Castera, recueil de poésies (1635), où l’on trouve de la grâce, des traits charmants, de jolies descriptions champêtres, mais dont le style n’est pas exempt de subtilité et d’affectation ; The Queen of Aragon, tragi-comédie O6*0) ; Histoire d Édouard IV (1640, infol.) ; Observations sur l’histoire (1641, in-8°).

HABIN s. m. (a-bain ; A asp.). Techn. Nom donné, dans les carrières de pierre meulière, aux enfants chargés de porter à la surface du sol, au moyen de petites hottes, la terre détachée par les terrassiers : Les habiks, affublés de hottes assorties à leur taille, gravissent les escarpements dans des sentiers à échelons pratiqués sur le versant de la carrière. (B. Wirtgen.) Le terrain permet quelquefois l’usage des brouettes ; mais les habins, avec leurs joujoux de hottes, rendent de meilleurs services. (B. Wirtgen.)

IIAB1S, rot des Cynètes, en Espagne. Il vivait dans les temps anté-historiques. D’après Justin, il s’attacha à civiliser son peuple encore barbare, lui apprit à cultiver la terre, lui donna des lois, le répartit en sept villes et devint le chef d’une dynastie qui régna pendant plusieurs siècles.

HABIT s. m. (a-bi — lat. habilus, même sens, proprement manière d’être ; de habere, avoir). Ensemble des pièces qui composent le vêtement. Ce mot ne désigne jamais, en ce sens, une pièce isolée ; mais, pour désigner l’ensemble, il se prend tantôt au singulier, tantôt au pluriel : Acheter un habit complet. Se dépouiller de ses habits. Habit ecclésiastique. Habit religieux. Un sot a beau faire broder son habit, ce n’est toujours que l’habit d’à» sot. (Rivarol.) Dans ce monde, ce n’est pas à sa peau que l on tient, c’est à son habit. (V. Hugo.)

Tel deuil n’est bien sourent qu’un changement d habits. La Fontaine. l’habit change tes mœurs ainsi que la figure.

Voltaire. Ce n’est pas sur l’habit

Que la diversité me plaît, mais dans l’esprit. La Fontaine. La plaintive élégie, en longs habits de deuil, Sait, les cheveui épars, gémir sur un cercueil.

Boileau.

Il Se dit particulièrement d’un vêtement d’homme, ordinairement en drap noir, que l’on met lorsqu’on est en toilette officielle, et dont les basques échancrées sur les hanches sont pendantes par derrière : Faire une visite en habit noir.

Sois-moi fidèle, ô pauvre habit que j’aime ! Ensemble nous devenons vieux.

Depuis dix ans je te brosse moi-même, Et Socrate n’eût pas fait mieux.

DÉRANGER.

Marquis, ce drap d’Espagne est beau ; Que vous l’a vendu Bretonneau ?

— Quinze écus l’aune. — Comment diable ? C’est bien cher. — Mais c’est a crédit.

— Oh ! oh 1 l’emplette est admirable. Vous avez pour rien votre habit.

— Poétiq. Peau d’un animal avec ses poils ou ses plumes :

L’aigle, reine des airs, avec Margot la pie, Différentes d’humeur, de langage et d’esprit, Et d’habit. Traversaient un bout de prairie.

La Fohtainb. Il Parure, ornement :

L’été, paré de blonds épis, Etale ses riches habits.

De Bbrnis.

— Fig. Apparences extérieures, dehors : Le mensonge ne saurait porter l’habit de la vérité’, quelque adroit qu’il soit dans ses travestissements. (Grimm.)

Habit long. Soutane des ecclésiastiques. Il Habit court, Habit laïque que les ecclésiastiques mettent pour sortir, et aussi Vêtement bourgeois que l’on porte hors de l’exercice de ses fonctions : Tel rit d’un juge en habit court, qui tremble au seul aspect d’un procureur en robe. (Beaumarch.)

Habit-veste, Habit à basques très-courtes : C’était un homme de quarante ans environ, vêtu d’un habit-veste et d’un pantalon de velours noir. (E. Sue.)

Habit de cour, Vêtement de cérémonie que sont tenues de porter les personnes ad HABI

mise3 à la cour : Le publie est un autocrate à la Louis XIV, qui ne permet qu’on se présente à lui qu’en habit de cour. (M’ne L. Colet.)

Habit de chœur, Vêtement que les ecclésiastiques et les religieux portent lorsqu’ils assistent à l’office.

Habit d’Arlequin, Objet composé de parties disparates, par allusion au vêtement d’Arlequin, qui était composé de petites pièces de toute couleur : Le livre de Montaigne est un habit d’Arlequin j mais il n’a pas une pièce qui ne soit de fin brocart. Tout a été fait, surtout dans notre Europe, comme l’habit d’Arlequin : son maître n’avait point de drap quand il fallut l’habiller, il prit des lambeaux de toutes les couleurs ; Arlequin fut ridicule, mais il fut vêtu. (Volt.)

Vieux habits, vieux galons, Cri des marchands de vieux habits de Paris, dont l’usage commence à se perdre :

Quand, vêtus d’or et d’écarlate, Pendant un mois chacun vous Halte, Puis à vos portes nous allons : Vieux habits, vieux galons.

DÉRANGER.

Prendre l’habit, Entrer en religion, il Prise d’habit, Entrée en religion.

Porter habit de deux paroisses, Se montrer sous deux aspects différents, salon lo besoin des circonstances :

Quoique, ainsi que la pie, il faille dans ces lieux, Porter habit de deux faroisses.

La Fontaine.

— Prov. L’habit ne fait pas le moine, Ce n’est par sur l’extérieur qu’il faut juger les mœurs et le caractère. S’est dit primitivement pour exprimer qu’un simple novice, quoique revêtu de l’habit de l’ordre, ne peut posséder un bénéfice régulier.

— Hist. Habit à brevet, Nom donné à des habits brodés d’or et d’argent, que Louis XIV distribuait à ceux de ses courtisans qu’il voulait autoriser à le suivre dans tous ses voyages. Il Habits noirs, Association de malfaiteurs qui exista à Paris de 1835 à 1845.

— Ornith. Habit uni, Espèce de fauvette, qui habite la Jamaïque.

— Syn. Habit, accoutrement, habillement, vêlement. V. ACCOUTREMENT.

— Encycl. Cost. Habit d la française. On se demande comment l’idée de notréfrac moderne, ce bizarre vêtement qui ne couvre guère que la partie postérieure du corps et se divise, à partir des reins, en deux basques flottantes vulgairement nommées queues de morue, a pu naître dans la tête d’un tailleur. En voici l’histoire bien simple. On portait, sous Louis XIV, un vêtement déjà nommé habit à la française, et qui était une véritable tunique à collet droit, avec manches à parements. Comme les basques étaient très-amples et souvent très-richement doublées, on contracta l’habitude de les relever par devant, en les retenant par des boutons sur les côtés, pour montrer la doublure. Ce vêtement était de drap, de velours, de soie, de bouracan, etc., mais presque toujours de couleur voyante. Bientôt, au lieu de relever les basques, on trouva plus simple de les supprimer, et l’habil à la française devint dès lors, à peu de chose près, le frac officiel, plus ou moins brodé d’or, d’argent ou de soie. Les fonctionnaires de la République s’abstiennent d’endosser cet uniforme, aussi désagréable qu’incommode, et qui commence à paraître ridicule.

L’habit habillé, qui est le vêtement d’étiquette des salons, dérive aussi de l’ancien habit à la française ; mais il a le collet rabattu. Il est toujours en drap noir. On a quelquefois souffert le gros bleu. La forme a d’ailleurs varié dans des limites assez étroites. Sous l’Empire, notamment, on l’a porté boutonné et très-court par devant, laissant passer de quatre travers de doigt le gilet, qu’on portait toujours blanc à cette époque. Cette mode burlesque a reparu sous le deuxième Empire. Aujourd’hui, l’habit tend à passer de mode, et la redingote est parfaitement reçue dans les salons qui ne se piquent pas d’une étiquette trop rigoureuse. Espérons que ce pas ne sera que le premier que nous ferons dans la voie de la liberté du costume, et que la mode ne défendra, dans un avenir prochain, que de se vêtir d’une manière inconvenante ou ridicule.

— Hist. Les habits noirs. Pendant une période de vingt-cinq années, de 1820 à 1845, de nombreuses bandes de malfaiteurs commirent des vols audacieux et considérables dans Paris, dont les habitants ne regardent plus aujourd’hui le récit que comme une légende ; mais leur souvenir n’a pas cessé d’alarmer les provinciaux, fort disposés encore à considérer la grande ville comme un repaire de filous, où l’on est dévalisé, sinon égorgé, à tous les coins de rue. À l’époque dont nous parlons, la curiosité publique étuit à chaque instant attirée vers la cour d’assises, ou quelqu’un de ces associés redoutables venait dérouler sa ténébreuse odyssée. Des êtres abjects, poussés au vol par la débauche et la fainéantise, et appartenant aux dernières classes de la société, tels étaient les héros, pleins d’audace et de cynisme, de ces forfaits répétés : les mêmes types défilaient sans cesse devant les tribunaux, offrant les mêmes vices et, pour ainsi dire, les mêmes visages. Tout à coup, cependant, du milieu

HABI

de ces associations de voleurs, en surgit une bientôt connue sous le nom de bande des habits noirs, laquelle se distinguait par la composition particulière de ses membres et l’importance de ses méfaits.

Dans les années 1835, 1836, 1837, des soustractions importantes, révélant les mêmes procédés d’exécution, avaient été commises chez divers commerçants parisiens. Trois de ces soustractions, entre autres, avaient jeté la stupeur parmi les bijoutiers. Un dimanche de 1836, le bijoutier Degeorges, demeurant rue de 1 Oratoire, avait eu sa boutique pillée pendant une éclipse de soleil. Un autre dimanche de la même année, le bijoutier Carton avait été complètement dévalisé en plein jour. Enfin, un autre vol fut exécuté, au préjudice de M. Tugot, dans la soirée du dimanche 27 septembre 1837, alors que la foule encombrait les galeries du Palais-Royal, que des gardes municipaux ut des sergents de ville circulaient incessamment devant le3 boutiques. Les voleurs pénétrèrent dans le magasin contigu au comptoir des changeurs Monteaux, et emportèrent environ 140,000 fr. de bijoux et de diamants. Les époux Tugot étaient, allés passer la soirée dans leur famille. Le vol avait été consommé en-leur absence, et, chose extraordinaire, aucune des deux portes du magasin, ni celle qui donnait sur la galerie du Palais-Royal, ni celle qui s’ouvrait sur la rue Montpensier, n’avait été forcée. Les voleurs s’étaient introduits par la boutique voisine, occupée par le changeur Monteaux, à l’aide de fausses clefs ; puis ils avaient pratiqué dans la cloison une ouverture assez largo pour donner passage à un homme. À ce moment, la famille Monteaux dînait en face, au café de Chartres. Les voleurs le savaient, car, pendant l’action, ils avaient l’habitude de faire surveiller leurs victimes. De même, ils choisissaient leur temps, et ne fracturaient les caisses que quand elles étaient pleines ; ils ne dévalisaient les magasins que lorsqu’ils les savaient bien garnis.

Déjà trente vols environ avaient été commis dans des circonstances identiques, et leurs auteurs restaient inconnus. En 1837, un nommé Gaspard Rivoiron, un des plus dangereux escrocs de la capitule, s’étant vu condamner à trente années de travaux forcés, fit des révélations au chef de la police de sûreté. Au nombre des crimes dont il s’avouait l’auteur figuraient trois vols commis de concert avec des individus qui promenaient effrontément dans Paris leur impunité. On vérifia l’exactitude de ses déclarations, mais il refusa de les renouveler en justice. Cet homme appartenait à une honnête famille, qu’il ne voulait pas achever de porter au désespoir par une nouvelle comparution en cour d’assises. On dut donc se borner à exercer envers ses complices une surveillance active, et attendre, faute de preuves, une occasion pour les saisir. En 1843, l’un d’eux, nommé Pernet, fut condamné à vingt années de travaux forcés. Interrogé sur les vols dont avait parlé Rivoiron, il avoua tout, et confirma les révélations de celui-ci. Malheureusement, à cette époque, Rivoiron était atteint d’une maladie qui ne lui permettait pas de rien ajouter à ses précédents aveux, et dont il mourut quelque temps après. Quant à Pernet, une fois engagé dans la voie des révélations, il fit connaître d’autres vols et d’autres complices, de sorte qu’il amena avec lui, sur les bancs des assises, une partie de la bande que l’on recherchait depuis si longtemps. La curiosité, vivement surexcitée pur la nouvelle d’une capture si longtemps désirée, le fut bien davantage encore lorsqu’on apprit ce qu’étaient les accusés et la position qu’ils avaient dans le monde. Leur tenue, leur costume, leur éducation leur valurent aussitôt, dans la langue des prisons, le surnom d’habits noirs. Les voleurs en habit noir étaient alors, disons-le tout de suite, en nombre dix fois plus grand que celui des individus qui composaient la bande spéciale dont nous nous occupons, et l’on a pu dire avec raison que, à cette époque, cette sorte d’escroc était une espèce à part, qu’on ne retrouve plus quelques années plus tard, un résultat de la liquidation des tripots brusquement fermés en 1S37. Les débats mirent plus ou moins en relief la silhouette de tous ces gentlemen du vol, dont neuf seulement étaient présents ; les autres avaient disparu ; quelques-uns étaient morts ; d’autres, enfin, étaient déjà au bagne. Maintes fois, pendant le procès, il fut question de l’insaisissable Piednoir, personnage mystérieux, dont le nom figuro dans toutes les bandes de cette époque, et qui reparaissait aux assises pour la vingtième fois ; de Clodomir Lambert, un aimable filou, à l’imagination rêveuse, au caractère indolent, au tempérament lymphatique, qui échappait à toutes les recherches ; du feu chevalier de Ponteau, homme bien né, qui avait un frère préfet, qui recevait de Mme S..., sa sœur, une pension ; de Costin, l’espion de la haute société ; de Legendre, le professeur de fausses ciels ; de Camus, dont Pernet ne parlait qu’avec une sorte de vénération ; de Beurnonville, le plus habile des voleurs à la tire ; de Lair, qui joua un si grand rôle dans ces bandes, notamment dans celle de Courvoisier, et dont l’attitude et les traits, même sous la casaque du forçat (on l’avait ramené du bagne pour figurer comme témoin dans le procès), offraient une distinction singulière.