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lence, celui qui exige les qualités les plus’ rares, la grandeur et la noblesse des pensées, la chaleur et la vivacité du sentiment, la beauté des formas, ia simplicité et la clarté de la composition, la pureté et l’harmonie de l’exécution. L’ensemble de ces qualités constitue ce qu’on est convenu d’appeler le style ; il sert à l’artiste à exprimer l’idéal, à traduire la pensée qui est en lui. On conçoit, d’après cela, combien est à la fois vaste et étroit le cadre de la peinture d’histoire : vaste, si l’on tient compte de l’extrême diversité des sujets qu’il comporte ; étroit, si l’on considère le petit nombre des tableaux satisfaisant aux conditions difficiles que nous avons indiquées. Telle toile reproduisant exactement et presque minutieusement un fait historique ne s’élève pas au-dessus de la peinture de genre, parce que l’idéal, la poésie lui fait défaut ; telle autre, au contraire, bien que traitant un sujet vulgaire, possède toute la dignité, toute la grandeur de la peinture d’histoire. Dans notre article sur la peinture de genre, nous avons reproduit quelques réflexions judicieuses de Diderot sur les limites qui séparent ces deux sortes de compositions pittoresques ; nous emprunterons encore à ce maître de la critique le passage suivant : < Le peintre de genre a sa scène sans cesse présente sous les yeux ; le peintre d’histoire, ou n’a jamais vu, ou n’a vu qu’un instant la sienne. Et puis l’un est pur et simple imitateur, copiste d une nature commune ; l’autre est, pour ainsi dire, le créateur d’une nature idéale et poétique. Il marche sur une ligne difficile à garder : d’un côté de cette ligne, il tombe dans le mesquin ; de l’autre, il tombe dans l’outré. On peut dire de l’un, multa ex industria, pauca ex anima ; de l’autre, au contraire, pauca ex industria, plurima ex animo. • Le même écrivain a assigné au peintre d’histoire une mission toute philosophique et moralisatrice ;’ il lui adresse cette apostrophe qui, pour sembler aujourd’hui un peu déclamatoire, se manque pourtant ni de véritable chaleur, ni de conviction : « C’est à toi qu’il appartient de célébrer, d’éterniser les grandes et belles actions, d’honorer la vertu malheureuse et flétrie, de flétrir te vice heureux et honoré, d’effrayer les tyrans. Montre-moi Commode abandonné aux bêtes ; que je le voie, sur la toile, déchiré à coups de crocs. Fais-moi entendre les cris mêlés de la fureur et de la joie autour de son cadavre. Venge l’homme de bien du méchant, des dieux et du destin. Préviens, si tu l’oses, les jugements de la postérité ; ou, si tu n’en as pas le courage, peins-moi, du moins, celui qu’elle a porté. Reverse sur les peuples fanatiques l’ignominie dont ils ont prétendu couvrir ceux qui les instruisaient et qui leur disaient la vérité. Etale-moi les scènes sanglantes du fanatisme. Apprends aux souverains et aux peuples ce qu’ils ont à espérer de ces prédicateurs sacrés du mensonge. Pourquoi ne veux-tu pas t’asseoir aussi parmi les précepteurs du genre humain, les consolateurs des maux de la vie, les vengeurs du crime, les rémunérateurs de la vertu ? ■

Les règles de ia peinture d’histoire sont les méme3 que celles du drame poétique. Nous croyons inutile de les tracer ici, persuadé que l’esthétique, qui est la rhétorique de l’art, ne sert pas plus à former les grands artistes que la rhétorique littéraire ne forme de grands écrivains.

Nous allons passer rapidement en revue les maîtres qui, depuis l’antiquité ; sé sont signalés dans la peinture d’histoire proprement dite, dans celle qui retrace les hommes et les événements célèbres. Nous laisserons de côté les peintres de batailles et les peintres de scènes bibliques, auxquels nous avons consacré des articles spéciaux. Y. bataille et biblique (t. II, p. 345 et 700).

Nous renverrons aussi au mot paysage les considérations particulières que nous avons à présenter sur les artistes qui ont cru nécessaire de rehausser par de petites figures bibliques, mythologiques ou légendaires, la représentation de tel ou tel site, et qui ont ainsi pratiqué le genre bâtard auquel on a donné le nom de paysage historique.

Le plus ancien tableau dont le titre nous ait été conservé représentait un sujet histoque : le Combat des Magnètes ; l’auteur était un certain Bularchos, dont l’œuvre fut achetée au poids de l’or par le roi Candaule. Bien avant cet artiste, d’ailleurs, les Égyptiens avaient peint sur les murs de leurs hypogées et de leurs palais gigantesques des scènes de leur histoire ; on peut voir encore plusieurs de ces peintures, notamment dans les chambres sépulcrales de Beni-Hassam.

La guerre de Troie a été pour les peintres, comme pour les poètes de la Grèce, un thème inépuisable. Polygnote en retraça divers épisodes, avec une grandeur de style qui fit l’admiration de l’antiquité ; son tableau de la Ruine d’Ition, qui ornait la salle de la Lesché, à Delphes, était une page considérable, comprenant un très-grand nombre de figures et d’actions diverses. Les tristesses et les horreurs de la guerre y étaient exprimées d’une façon très-poétique. • Tout en s’adressant à l’orgueil national des Grecs, dit M. Beulé, Polygnote avait voulu toucher les coeurs ; il s’était attaché à rendre moins le drame que les conséquences lugubres, moins les exploits que les larmes ; il intéressait aux vaincus ; il montrait ce que leur infortune avait d’amer, Je pathétique, d’injuste, peut-être ; il tempérait la joie féroce qu’inspire la victoire par

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les émotions de la pitié, plus dignes d’un siècle civilisé. C’était tirer du sujet sa moralité la plus haute. » C’était, ajouterons-nous, traiter en homme de génie, en véritable maître, la peinture d’histoire. D’autres artistes contemporains de Polygnote, Panœnos, frère de Phidias, Micon et Onatas ou Onasias, se distinguèrent aussi dans le même genre ; les deux premiers ne craignirent pas de représenter des événements récents, et dont les acteurs vivaient encore, la Bataille de Marathon, par exemple. Aglaophon, qui vint plus tard, peignit les hauts faits d’Alcibiade, mais d une manière allégorique. Zeuxis et Parrhasius se consacrèrent presque exclusivement aux sujets religieux. Pamphile, le maître d’Apelle, représenta divers épisodes de l’histoire de son temps. Quant à Apelle, si l’on ne cite de lui aucune grande composition de ce genre, on peut dire qu’il créa ou perfectionna singulièrement le portrait historiâue. « Les portraits qu’il lit d’Alexandre le rand, a dit M. Marius Chaumelin (Études sur l’art antique), offraient un mélange admirable d’allégories poétiques et de traits empruntés à la simple nature. Tantôt il représenta ce prince placé entre Castor et Pollux, et couronné par la Victoire ; tantôt il le fit voir assis sur un char triomphal, derrière lequel marchait la Guerre, les mains liées derrière le dos : tantôt, enfin, poussant la fiction jusqu’à 1 apothéose du monarque lui-même, il le montra armé de la foudre de Jupiter. Quand du souverain, du conquérant, il passa à ses favoris, à ses ministres, a ses compagnons d’armes, il cessa d’entremêler la fiction à la réalité ; il se contenta d’être vrai, peignant chacun de ses modèles dans l’attitude, l’action et le milieu les plus propres à révéler ses goûts, son caractère. C est ainsi qu’il peignit Clitus à cheval, recevant son ca3que des mains de son écuyer, et prêt à voler au combat ; Néoptolème, la lance en arrêt, chargeant l’armée des Perses ; Archélaùs ayant près de lui sa femme et sa fille ; l’acteur Gorgosthène déclamant, etc. Chacun de ces tableaux avait toute la valeur, tout l’intérêt d’une page d’histoire. » Protogène, l’émule et l’ami d’Apelle, peignit une Bataille d’Alexandre et le Sac d’une ville : dans cette dernière composition, le pathétique atteignait au sublime.

Parmi les artistes grecs de l’époque de la décadence qui traitèrent des sujets d’histoire, nous citerons Timanthe de Sicyone, peintre des victoires d’Aratus ; Métrodore, qui représenta le Triomphe de Paul Emile ; Aétion, qui peignit les Noces d’Alexandre et de Roxane.

Nous n’étonnerons personne en disant que les premières peintures qui furent exposées en public à Rome représentaient des scènes militaires. Encore ces peintures étaient-elles moins des œuvres d’art que des décors exécutés dans un style lâché, des espèces de réclames que certains généraux exhibaient pour accroître leur popularité. Le grand art de la peinture d’histoire ne semble pas avoir atteint, chez les Romains, un bien grand développement : il est à remarquer que, parmi

les fresques exhumées à Herculanum et à Pompéi, il n’en est pas une qui retrace un fait historique.

La peinture des sujets religieux n’absorba pas complètement les artistes du moyen âge, du moins pendant les premiers siècles qui suivirent le triomphe du christianisme. Les empereurs d’Orient firent peindre dans leurs palais et dans les édifices publics les faits mémorables de leur règne ou des époques antérieures. En Occident même, sous le règne de Charlemagne, notamment, des peintures de ce genre furent exécutées. Les miniatures de beaucoup de manuscrits du xe au xv* siècle sont de naïves représentations historiques, où, à défaut de l’intérêt dramatique, de la vérité des caractères et des costumes, on rencontre des détails charmants et curieux qui nous renseignent sur les mœurs et les usages de l’époque même où ont été exécutées ces enluminures.

La Renaissance italienne retrouva et rajeunit les traditions de la grande peinture d’histoire. Au xive et au xve siècle, indépendamment des tableaux consacrés à la représentation des sujets religieux tirés de la Bible et de l’hagiographie, Giotto, Ghirlandajo, Mantegna, Loienzo Costa, Carpaccio, les Bellini et d’autres maîtres encore exécutèrent des compositions empruntées à l’histoire de l’antiquité et à celle de l’Italie contemporaine. Le 3’riomphe de Jules César, par Mantegna, est une des œuvres les plus riches, les plus nobles, les plus imposantes qu’ait créées l’art moderne. Le xvie siècle vit la peinture d’histoire atteindre son apogée dans les sublimes créations dont Raphaël et ses disciples ont enrichi les chambres du Vatican et divers autres palais de l’Italie. L’ampleur et la dignité de l’ordonnance, la force et la vérité des expressions, la noblesse des attitudes et la puissance de l’exécution rachètent surabondamment les inexactitudes de costume

que l’archéologue pourrait reprocher à ces œuvres magistrales. Avec plus de pompe, plus d’éclat et de fougue, mais avec moins de gravité, les artistes de l’école vénitienne, Titien, le Tintoret, le Véronèse, le Vicentino, Francesco et Leandro Bassano ont exécuté, pour le palais des doges, de vastes peintures consacrées à la gloire de Venise. Les artistes italiens, en général, ceux que nous venons île citer et ceux des époques ultérieures, se

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« ont bien moins préoccupés, dans leurs tableaux d’histoire, de la vérité historique que de l’effet pittoresque-, ils n’ont pas tenu à faire preuve d’érudition, ils ont voulu fairo œuvre de poètes, et ils ont généralement réussi.

Les peintres primitifs des écoles du Nord, malgré une tendance très-prononcée au réalisme, n’ont mis qu’une vérité relative dans leurs compositions historiques, dans celles, du moins, dont ils ont pris les sujets dans l’histoire ancienne et dans la Bible. Ils ont donné à tous leurs personnages, grecs, romains, israélites, allemands, flamands, français ou hollandais, les costumes de leurs contemporains ; ils n’ont même pas hésité à encadrer telle ou telle scène biblique dans un paysage de leur pays natal. Ces anachronismes, qui s’étalent naïvement dans les tableaux des peintres de l’école des Van Eyck, se rencontrent jusque dans les compositions plus savantes de Durer et d’Holbein. À partir du xvio siècle, toutefois, l’influence italienne se fait sentir dans la plupart des peintures exécutées par les artistes du Nord.

Au commencement du xviie siècle, Rubens, imagination puissante embrasée par le soleil vénitien, recouvre la vérité historique d’une éblouissante parure, dont la mythologie et les fictions allégoriques font les frais, . Son Histoire de Marie de Médicis est une véritable féerie, où resplendissent les trésors de son imagination et de sa palette. Diderot, plus philosophe que poète, s’est récrié contre ce genre de compositions : t Le mélange des êtres allégoriques et réels, a-t-il dit, donne à l’histoire l’air d’un conte, et, pour trancher le mot, ce défaut défigure pour moi la plupart des compositions de Rubens. Je ne les entends pas. Qu’est-ce que cette figure qui tient un nid d’oiseaux, un Mercure, 1 Arc-enciel, le Zodiaque, le Sagittaire, dans la chambre et autour du lit d’une accouchée ? Il faudrait faire sortir de la bouche de chacun de ces personnages, comme on le voit à nos vieilles tapisseries de château, une légende qui dît ce qu’ils veulent. » Rubens a eu beaucoup d’imitateurs dans son école et dans d’autres ; il eût pu signer le Triomphe du stathouder Frédéric-Henri de Nassau, que Jordaens a peint dans la Maison du Bois, près de La Haye.

En France, Poussin s’est montré le digne continuateur de Raphaël ; nul n’a mis plus de noblesse, de poésie, et en même temps de profondeur philosophique dans l’interprétation des sujets de l’histoire ancienne. Le moindre de ses petits tableaux en dit plus à l’esprit que les vastes peintures de certains décorateurs en renom. Lebrun a montré autant d’emphase, sinon autant de richesse que Rubens dans ses Batailles d’Alexandre ; on ne peut lui refuser cependant une grande science de mise en scène. Van der Meulen et les autres peintres des hauts faits de Louis XIV créèrent un nouveau genre, la peinture militaire, qui, pour plaire aux gens du métier, sacrifie trop souvent l’effet poétique à la vérité stratégique. Au xvme siècle, la peinture d’histoire s’atfadit et se corrompt comme la société elle-même ; quand elle touche aux faits contemporains, elle flatte, elle idéalise, elle déifie le pouvoir ; quand elle retrace un événement reculé, elle travestit les acteurs, elle les adonise et les grime comme pour une scène d’Opéra. En Angleterre, toutefois, Hogarth sait rester profondément vrai, dans les spirituelles caricatures qu’il fait des mœurs politiques et sociales de son pays.

Enfin David vint, et, le premier en France, il chercha à restituer les caractères, les types et les costumes mêmes de l’antiquité grécoromaine ; malheureusement, en s’inspirant des bas-reliefs antiques, il ne sut pas éviter les défauts inhérents à ce genre d’ouvrages, la sécheresse des contours, la roideur des attitudes, l’immobilité du geste et de l’expression. Ce fut un grand maître pourtant : la Mort de Marat, lo Couronnement de Napoléon montrent à quelle force d’expression il serait parvenu s il s’était toujours inspiré avant tout de la nature. La plupart de ses élèves exagérèrent ses imperfections et formèrent cette déplorable phalange, dite classique, qui réussit à rendre profondément ennuyeux, en peinture, les héros de la Grèce et de Rome. De cette école insipide se détachent deux peintreséminents, Gros et Gérard, qui, en fixant sur la toile les grands événements de l’épopée impériale, ont déployé des qualités de premier ordre, et ont réussi à envelopper de poésie les sanglantes horreurs de la guerre. Géricault et Delacroix sont les rejetons illustres de ces deux maîtres, dont ils rappellent le mouvement pittoresque, l’énergie fiévreuse. Ingres, continateur plus fidèle des traditions davidiennes, a traité l’histoire profane dans des tableaux de petite dimension, où il s’est efforcé d’atteindre à la vérité des caractères et du costume. Il a été bien dépassé sous ce rapport par Paul Delaroche, dont les compositions, relatives pour la plupart à l’histoire de France et d’Angleterre, sont conçues comme de véritables drames. Delaroche peut être regardé comme le créateur de la peinture archéologique, à laquelle se sont voués tant d’artistes contemporains, parmi lesquels il nous suffira de citer MM. Gorome, Comte et Meissonnier.

La création des galeries historiques de Versailles, sous Louis-Philippe, a fait écloreuno multitude de peintres d’histoire, oui ont exé HIST

cutè, avec plus ils facilité que de science, les programmes officiels tracés par l’administration des beaux-arts. Horace Vernet, l’Alexandre Dumas de la peinture historique, a fait preuve, sans doute, de qualités exceptionnelles ; mais l’art est trop souvent étranger à ses spirituelles élucubrations. À côté de lui et après lui, l’histoire militaire de la France a trouvé des interprètes plus ou moins habiles : Bellangé, Charlet, Raffet, Yvon, Pils, Philippoteaux, Protais, etc. Dans la grande peinture d’histoire, il faut nommer encore : Ary Scheffer, Robert-Fleury, Cogniet, Hesse, SiguoI, Bouchot, Muller, Jacquand, Baudry, Picot, Ch. Langlois, Eugène Lami, Barrius, Beaume, Decamps, Heiin, Court, Chassériau, Couture, Gustave Doré, etc.

— Hist. nat. L’histoire naturelle, si l’on prend ce terme dans son acception étymologique et primitive, n’est autre chose que la science même de la nature, et sous ce rapport, on peut dire qu’elle n’a pas de limites, ou, s’il en existe, que l’étude et l’observation les reculeront toujours indéfiniment. Cette science est aussi ancienne que l’homme ; quelle que soit, en effet, l’opinion que l’on adopte sur l’origine de l’espèce humaine, il est impossible que le premier être raisonnable, en ouvrant ses yeux à la lumière, n’ait pas été frappé du nombre et de la diversité des êtres qui l’entouraient ; dès qu’il a pu réfléchir, il a dû chercher à connaître, a distinguer ces êtres, à les nommer, à les comparer. Peu à peu ces observations, ces faits isolés se sont groupés, et il en est résulté une première ébauche au grand tableau de la nature.

À cette époque, l’histoire naturelle nous apparaît comme une vaste, mais confuse synthèse, comprenant non-seulement tout ce que nous entendons aujourd’hui par cette expression, mais encore l’astronomie, la physique, la médecine, l’agriculture, etc. Il semble que la connaissance et l’enseignement de tant de choses diverses soient devenus d’abord le privilège exclusif des castes sacerdotales. Mois bientôt des spécialités naissent de la diversité même des matières scientifiques : chaque branche acquiert une existence indépendante, personnelle, et l’histoire naturelle est fondée dans le sens que nous lui donnons aujourd’hui.

Après s’être peu à peu développée chez les peuples orientaux, 1 histoire naturelle fait chez les Grecs de nouveaux et rapides progrès. Les Asclépiades, Hippocrate, Démocrite semblent préparer les voies à Aristote. Ce puissant génie, que personne n’a surpassé en étendue, porte les sciences naturelles à un haut degré de perfection et de splendeur. Faisant tourner au profit des études les conquêtes de son illustre élève Alexandre, il décrit un grand nombre de plantes et d’animaux ignorés jusqu’alors, et rectifie les idées générales au sujet des espèces déjà connues. Bien qu’il se soit attaché surtout à la description et à la discussion des phénomènes, on lui doit aussi les premiers essais sérieux du classification, et ce n’est peut-être pas exagérer que de le regarder comme le premier fondateur de la méthode naturelle. Il a parfaitement caractérisé plusieurs groupes, admis aujourd’hui par tous les naturalistes. Le premier aussi, il a conçu la grande idée de l’unité de composition dans le règne animal. Son œuvre fut continuée par ses disciples, Théophraste, le plus célèbre d’entre tous, puis Callisthène, Eudème, Hérophile, Praxagoras, etc. ; mais ses doctrines, et surtout ses méthodes, s’altérèrent en passant pur Erasistrate, Platon, et par l’école d’Alexandrie, et il faut arriver jusqu’à Dioscoride, un des plus illustres botanistes, pour voir la science rentrer enfin dans la bonne voie.

Chez les Romains, l’histoire naturelle ne resta pas stationnaire. La science pure n’est guère, il est vrai, représentée que par Pline, compilateur plutôt que naturaliste ; mais les applications pratiques, notamment en ce qui concerne l’agriculture, furent puissamment développées par Virgile, Varron, Caton, Coiumelle, et Strabon ne les a pas négligées dans ses études géographiques. Plus tard, Galien, le plus grand médecin de l’antiquité après Hippocrate, apporta son contingent d’observations à l’anatomie et à la botanique. On trouverait aussi quelques pages remarquables à ce sujet chez divers auteurs, notamment dans le poème d’Ausone sur la Moselle.

Les invasions des barbares vinrent renver ser en peu de temps l’édifice laborieusement élevé par les savants de l’antiquité ; le peu de science qui survécut alors fut conservé dans les cloîtres, où la botanique put même faire quelques progrès, grâce aux soins donnés par les moines à la culture des champs et des jardins. D’un autre côté, l’arrivée des Arabes et des Maures vint donner aux études scientifiques un nouvel essor. Les doctrines de l’Orient arrivèrent ainsi jusqu’à nous par une voie détournée. C’est à cette époque, néfaste à tant de titres, mais non complètement stérile en ce qui concerne l’histoire naturelle, qu’il faut rapporter notamment la publication du grand ouvrage d’Isidore de Séville. On doit mentionner aussi les capitulaires’de Charlemagne, qui, bien qu’ayant en vue surtout l’agriculture et l’horticulture, ont contribué à maintenir à un certain niveau l’étude des productions de la nature.

■ Le premier entre les mis. dit Al. F. La-