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Gouvernement. Le pouvoir exécutif en Irlande est confié à un lord-lieutenant ou vice-roi, et, en son absence, aux lords justiciers. Un conseil privé, nommé par le souverain, et un secrétaire général, qui est membre de la Chambre des communes, assistent le lord-lieutenant, dont la résidence est à Dublin. A moins d’un changement de ministère, c’est-à-dire de politique, le lord-lieutenant exerce ses fonctions pendant cinq années consécutives. Le secrétaire général partage toujours la fortune des ministres ; élevé par eux, il tombe avec eux. Les autres fonctionnaires principaux sont l'attorney gênerai et le sollicitor gênerai.

Vingt-huit pairs temporels et quatre pairs ecclésiastiques représentent l’Irlande au Parlement-Uni. Les pairs temporels sont élus

pour toute leur vie par tous les pairs irlandais. Les quatre pairs ecclésiastiques siègent à tour de rôle d’après une rotation annuelle. Depuis le bill de Réforme, l’Irlande envoie 105 membres a la Chambre des communes. 64 de ces 105 députés sont élus par les comtés, 39 par les cités et les bourgs, 2 par l’université de Dublin. Le droit électoral s’acquiert comme en Angleterre.

Administration de la justice ; force publique- L’autorité judiciaire est exercée en Irlande par le lord chancelier, le maître des rôles et douze juges. La cour supérieure composée par ces quatorze dignitaires se divise en quatre cours : 1° la cour de chancellerie (court of chancery) ; 2» la cour du banc du roi ou de la reine (court of king’s bench or queen’s bench) ; 3° la cour des plaids communs (common pleas), et la cour de l’échiquier (exchequer). Chaque cour est composée de quatre juges, L’Irlande est divisée, en outre, pour l’administration de la justice, en six districts, que deux des juges parcourent deux fois chaque année, afin d’y juger les causes civiles et i criminelles. Les juges des cours spéciales appelées cours de prérogatives, de l’amirauté et ’ consistoriales, sont des avocats qui exercent leur profession quand ils ne siègent pas ; mais les juges de la cour des débiteurs insolvables et de la cour des banqueroutes ne peuvent pas pratiquer. Ce sont aussi des barrislers (avocats) qui président les cours des sessions trimestrielles composées des magistrats des comtés. Les petty sessions se tiennent toutes les semaines ou au moins tous les quinze jours dans chaque district. La présence de deux magistrats au moins est exigée pour que leurs décisions soient valables. Chaque bourg érigé en corporation a un juge ou recorder et des magistrats locaux nommés par la corporation, et plusieurs seigneuries possèdent d’autres cours présidées par un sénéchal dont la nomination appartient au seigneur. Le maintien de la paix publique dans les comtés est confié a un lord-lieutenant, assisté d’un certain nombre de fonctionnaires, tous nommés par la couronne. La police, en temps ordinaire, se compose d’environ 9,000 agents, placés sous les ordres d’un inspecteur général, aidé de quatre inspecteurs provinciaux. La force militaire s’élève, en Irlande, à environ 16,000 hommes, placés sous les ordres d’un commandant général auquel obéissent cinq officiers généraux, chargés du commandement particulier des cinq districts militaires de l’île.

Divisions ecclésiastiques. Sous le rapport ecclésiastique, le pays est divisé en quatre provinces ; Armagh, Dublin, Cashel et Tuam,

Gouvernées chacune par un archevêque de Église anglicane ; le nombre des évoques suffragants est de 18. L’Église anglicane, qui compte tout au plus 500,000 fidèles, est desservie par un clergé dont le personnel atteint le chiffre de 1,700 individus. Les catholiques forment au moins les trois quarts de la population totale. L’Église catholique est gouvernée par un archevêque et plusieurs évoques. Le nombre des prêtres catholiques s’élève à 2,000. On trouve aussi 800,000 presbytériens trinitaires ou unitaires ; des méthodistes, qui forment 27 congrégations ; des quakers, des moraves, etc.

Instruction publique. Le premier établissement d’instruction publique est, en Irlande, l’université de Trinity Collège ; en outre, l’université de la Reine (Queen’s University), comprenant des collèges à Belfast, à Cork et à Galway, a été fondée en 1845. Ces deux universités distribuent l’enseignement aux élèves, sans distinction de croyances religieuses. Il existe aussi plusieurs collèges catholiques, dont les plus importants sont ceux de Maynooth, de Dublin et de Tuam. Les écoles nationales, répandues dans tout le pays, se chargent de l’enseignement primaire. Divers rapports publics, rédigés, soit par le gouvernement anglais, soit par les journaux, constatent que 1 instruction a fait de grands progrès en Irlande dans ces dernières années. « Si on juge de l’instruction des écoles par les livres d’éducation, dit un voyageur contemporain, elle est certainement très-bien dirigée et nourrie de notions qui peuvent développer les germes heureux qu’annonce la physionomie intelligente de presque tous les enfants en Irlande. Outre les traités d’arithmétique et da géométrie usuelles, ce sont des éléments d’histoire, de géographie, de physique et de géologie, de physiologie végétale et animale, d’histoire naturelle et de chimie, etc. ; des morceaux littéraires empruntés aux poëtes et aux pro-

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-sateurs, espèces de leçons de littérature morale. Les salles d’école ne sont plus des taudis humides, malsains, puants ; les murailles y parlent, comme dans les écoles d’Angleterre, par des sentences morales et pieuses, inscrites en gros caractères typographiques. »

a Les maîtres d’école du système national, dit M. Amédée Pichot (l'Irlande et le pays de Galles), ne sont plus ces magisters catholiques qui bravaient la proscription pour ne pas mourir de faim, mais croyaient faire du patriotisme irlandais en vantant aux enfants les exploits dos bandits, ou faire du catholicisme orthodoxe en entretenant la superstition, trop dépendants, d’ailleurs, des prêtres, qui les recommandaient à leurs ouailles, et des parents, qui leur donnaient leur salaire comme aumône. Ce ne sont plus ces magisters protestants aux gages d un titulaire cumulard, qui martyrisaient le corps des petits catholiques pour mieux assouplir leur intelligence. Leur nomination appartient aux comités locaux et aux patrons des écoles, qui ne les acceptent qu’après les épreuves faites de leur moralité et de leur capacité. Déjà, d’ailleurs, les écoles normales {training schools), fondées en mémo temps que les écoles élémentaires, produisent d excellents sujets. Ces écoles normales sont la base la plus solide de la nouvelle institution. »

Les écoles primaires, ou écoles nationales, ont pris, depuis leur fondation, des développements considérables, ainsi qu’on peut en juger par ce tableau officiel :

Numéro et date Nombre Nombre des du rapport. des écoles, enfants enregistrés.

1 31 déc. 1833 789 107,042

2 31 mars 1S3Ô 1,106 145,523

3 — 1830 1,181 153,707

4 — 1837 1,300 100,029

5 — 1838 1,344 109,546

6 31 dèc. 1839 1,581 192,971

7 — 1840 1,978 232,500

8 — 1841 2,337 281,849

9 — 1842 2,721 319,792

10 — 1843 2,912 355,320

11 — 1S44 3,159 395,550

12 — 1S45 3,426 432,844

13 — 1S4Û 3,700 440,601

14 — 1847 4,088 444,000

Ajoutons que, depuis 1847, le nombre des écoles irlandaises s’est considérablement accru.

Histoire. L’Irlande était connue dans l’antiquité. Aristote, qui en fait mention, lui donne déjà le nom celtique d’Ierne. Selon Festus Avienus, géographe et poète latin, le Carthaginois Himilcon visita l’Irlande, appelée Sacra insula, et où les Carthaginois avaient des relations commerciales. Les Romains n’avaient sur l’Irlande que des notions fort obscures ; ils lui donnent le nom d’Hibernia. « Les vieilles traditions de l’Irlande sont obscures, dit un historien, et ses monuments, ses inscriptions sont muets. Quant aux histoires bardiques, les détails merveilleux et minutieux dont elles sont chargées leur ôtent toute apparence de vérité ; il faut donc rejeter leur témoignage, et s’en tenir à Tigernach et aux autres annalistes du moyen âge. Ces écrivains commencent leurs histoires 200 ans av. J.-C. »

Il est probable que les premiers habitants de l’Irlande furent des Celtes, qui, chassés de la Gaule et de la Bretagne par les conquêtes des Romains, vinrent y chercher un refuge, et y conservèrent leur nationalité dans toute sa pureté. « Les Celtes, ajoute l’auteur que nous avons cité plus haut, furent vaincus par les Firbolgs, peuplade issue de la grande famille gothique ; à leur tour, les Firbolgs subirent le joug des Thuatades-Danaans. L’origine de ces derniers est obscure : on croit qu’ils étaient du même sang que les Firbolgs. Enfin, l’Irlande vit descendre sur ses côtes la dernière tribu qui s’y établit, les Scots, guidés par les fils de Milésius. Les bardes disent que cette colonie venait de l’Espagne ; d’autres ont songé à une origine scythique, en dérivant Scotus du mot grec ΣχὐΘης. Ils ne tardèrent pas à dominer dans l’île, et la descendance de Milésius donna des rois à l’Irlande jusqu’à sa conquête par l’Angleterre. L’Irlande était divisée en six royaumes : celui de Tara, le plus petit, mais le plus fertile et dans une position centrale, était le siège du gouvernement suprême ; aussi, lorsqu’on dit roi d’Irlande, ne désigne-t-on que le roi de Tara. Les cinq autres royaumes étaient subdivisés en cinq fiefs chacun, et les possesseurs de ces fiefs s’appelaient aussi rois. Toutes les couronnes, tant celles des rois vassaux et arrière-vassaux que celle du roi suzerain, étaient héréditaires quant à la famille, mais électives quant à la personne. Du vivant de chaque roi, ses sujets procédaient à l’élection de son successeur, et ce roi futur, avec le titre de roydamna, possédait toujours le commandement en chef des troupes de son prince. Sous le nom de Fez de Tara, il y avait un parlement triennal. Ces institutions subirent de grandes modifications à diverses époques. L’an 200 av. J.-C, Kimbath régna sur l’Irlande ; son règne marque la première date avérée dans cette histoire. Parmi ses successeurs, on trouve Hugony le Grand ; mais on ne sait pas trop comment il mérita ce surnom flatteur. Puis, pendant deux siècles, les rois se succédèrent avec une rapidité effroyable. Les annalistes rapportent que, de trente-deux rois successifs, il n’y en eut que trois qui moururent dans leur lit ; les vingt-neuf autres furent assassinés ou tués sur le champ de bataille. Le règne de Crimthan (l’an 72 de J.-C) fut remarquable par les incursions que ce roi fit en Angleterre pour harceler les Romains, sous Agricola. Après la mort de Crimthan, une guerre civile mit la couronne sur la tête de l’usurpateur Carbrécat-Can ; il régna cinq ans. Après sa mort, son fils, Moran, avec une rare abnégation, céda le trône à Férédach, fils du feu roi Crimthan. Cormach-Lfadah (274) forma la Fianna-Eirin, ou milice d’Irlande ; il en confia le commandement à Fingal, le père du poète Ossian et le héros de ses chants. Sous le règne de ce roi, les annalistes commencent à marquer les dates, dans leurs ouvrages, en ajoutant à chaque règne un précis de l’histoire contemporaine des autres pays de l’Europe. Ce fait est presque incroyable à une époque si reculée.

Après Fingal, nous voyons les héros irlandais portant leurs armes jusque dans la Gaule, et Dathy (400), un de leurs chefs, frappé de la foudre sur le chemin de Rome. Vers l’an 430, le missionnaire Patrick, Écossais de naissance, vint prêcher l’Évangile aux Irlandais, et, en même temps, il leur apporta l’écriture et quelques éléments de connaissances scientifiques. Dès le VIe siècle, l’Irlande devint le foyer des sciences dans l’Occident. Cette civilisation monastique s’éteignit lorsque les pirates du Nord eurent envahi cette contrée riche et peuplée d’habitants laborieux. Aux invasions sans cesse repoussées succédèrent malheureusement les luttes intestines, et c’est à travers ces luttes que l’histoire franchit des siècles pour arriver à 1150, époque à laquelle un des rois irlandais, Dermot, souverain du Leinster, renversé de son trône, vint solliciter l’appui de Henri II, roi d’Angleterre. Ces premiers rapports d’un monarque irlandais avec l’Angleterre devaient amener la chute de la nationalité.

En 1156, une bulle du pape Adrien IV donna le royaume d’Irlande à Henri II, roi d’Angleterre ; treize ans après, les Anglais envahirent cette contrée pour la première fois. Le peuple irlandais, dont les forces étaient épuisées par la lutte contre les Normands et par les guerres intestines, trop religieux, du reste, pour mal accueillir un prince qui se présentait à lui avec un mandat solennel du souverain pontife, se laissa surprendre par une poignée d’aventuriers, et la conquête de l’île fut faite presque sans coup férir. Mais, bientôt après, une lutte terrible s’engagea entre les envahisseurs et la nation envahie ; cette lutte se prolongea pendant des siècles, et ne se termina que sous le règne de Henri VII. C’est la première phase ou la première époque de la domination anglaise en Irlande. La seconde époque comprend le drame religieux du XVIIe et du XVIIIe siècle ; elle commence à la Réformation, c’est-à-dire sous le règne de Henri VIII, et ne se termine que sous le règne de Guillaume III : c’est le long martyrologe de l’Irlande.

Devenue protestante, l’Angleterre ne voulut pas que l’Irlande restât catholique, et, pour arriver à son but, le gouvernement britannique employa tour à tour la persécution, la guerre, les confiscations en masse, l’expulsion des catholiques du sol irlandais et leur remplacement par des colons protestants. L’œuvre commencée par Henri VIII fut continuée par Élisabeth et ses successeurs. Sous Charles Ier, une réaction terrible eut lieu. En peu de temps, douze mille protestants anglicans ou presbytériens furent mis à mort par les Irlandais révoltés. Cromwell porta en Irlande une guerre d’extermination. Selon l’énergique expression de Tacite, le farouche puritain obtint la paix en créant la solitude. Après les exterminations de la guerre vinrent les exécutions de la justice. Mais, tout compte fait, il se trouva que les catholiques, en Irlande, étaient huit contre un protestant, « résultat décourageant, dit M. Gustave de Beaumont, pour les auteurs de tant de violences, qui, après s’être rués le fer à la main sur l’Irlande, après avoir massacré, dispersé, abattu tout ce qui se rencontrait sous leurs pas, voyaient se relever et reparaître, plus animée que jamais, cette fourmilière de catholiques, où il y avait eu bien des victimes, mais dont la masse, quoique foulée aux pieds, n’avait point été écrasée. » On refoula alors les catholiques dans la province de Connaught, et les trois quarts de l’île, devenus ainsi vacants, furent vendus ou donnés à des officiers, à des soldats et aux négociants qui avaient avancé des fonds pour soutenir la guerre. « L’Irlande, dit Villemain, devint un fonds sur lequel on acquitta toutes les créances que réclamaient les vainqueurs ; elle servit à combler la dette immense de la guerre civile et à satisfaire l’avidité de l’armée. » À la Restauration, les Irlandais, connaissant l’attachement de Charles II au catholicisme, eurent un moment d’espoir. « Mais Charles II, dit un historien, fut obligé de persécuter le catholicisme eu Irlande, et, s’il lui eût été favorable comme Jacques II, il fût tombé comma lui. Les catholiques Irlandais essayèrent vainement de soutenir le premier souverain de l’Angleterre qui ne les eût pas persécutés. Guillaume d’Orange, prince protestant, et choisi, en cette qualité, pour roi par l’aristocratie anglaise, passa en Irlande, et, le 14 juin 1690, remporta la fameuse bataille de la Boyne sur Jacques II, Le catholicisme irlandais paya cher l’audace qu’il avait eue de relever la tête. La persécution légale, telle est la troisième phase ou période de la domination anglaise en Irlande, qui s’étend de 1690 aux premières années du règne de Georges III. Après le traité de Limerick, qui suivit la bataille de la Boyne, et qui accordait aux catholiques le libre exercice de leur religion et la liberté d’émigrer, le parlement anglais exigea du parlement irlandais, qui jusqu’alors avait été indépendant, qu’il reconnût sa suprématie ; il s’attribua le droit d’imposer à l’Irlande toutes sortes de lois sans le concours de la législature irlandaise (excepté la loi des subsides), et celle-ci n’en put faire aucune pour l’Irlande elle-même sans l’approbation expresse ou tacite du parlement d’Angleterre. Ainsi, pour ne citer qu’un exemple, le parlement anglais enjoignit au parlement irlandais de détruire les manufactures d’étoffes de laine, qui faisaient une redoutable concurrence à celles d’Angleterre, et le parlement irlandais s’empressa de ratifier cette résolution, qui contenait la ruine de l’Irlande.

Sous cet horrible régime, pendant lequel on vit cependant la population protestante décroître en même temps que s’accroissait la population catholique, la malheureuse Irlande, comprimée jusqu’à l’étouffement, ne donna signe de vie que par des convulsions momentanées ; telle fut en 1870 l’insurrection des white boys (enfants blancs) ou niveleurs, ainsi appelés parce qu’ils portaient des chemises blanches par-dessus leurs habits, en signe de reconnaissance, et parce que l’un de leurs principaux objets était la destruction et le nivellement des barrières placées autour des terres nouvellement encloses. Malgré sa puissante organisation, cette insurrection, amenée par l’extrême misère du peuple, resta sans résultats. En 1772, l’exemple donné par l’Amérique vint apprendre à l’Irlande qu’un peuple dépendant peut devenir libre, et à l’Angleterre qu’il est dangereux de refuser la liberté à qui peut la prendre. Cet enseignement, rendu plus sensible par l’insurrection des hearts of oak (cœurs de chêne), amena la réforme des lois pénales de l’Irlande (1778), et les améliorations matérielles qui vinrent bientôt s’y joindre. En même temps, un parti libéral se forma parmi les protestants. Le 19 juillet 1782, le parlement irlandais se déclara indépendant du parlement anglais, et proclama le principe qu’aucun pouvoir sur la terre n’a le droit de faire des lois obligatoires pour l’Irlande, si ce n’est le roi, les lords et les communes d’Irlande. Quoique exclusivement composé de protestants, ce parlement émancipé manifesta son indépendance par quelques actes favorables aux catholiques, qui obtinrent le droit d’acquérir, de disposer, de vendre, d’acheter, de posséder la propriété comme les protestants, d’avoir des chevaux valant plus de 5 l. st., d’être instituteurs, etc. Mais ce parlement était vénal ; il ne suffisait pas de le rendre libre de nom, il fallait encore changer le système électoral dont il émanait ; la corruption rendit bientôt illusoire l’indépendance du parlement irlandais, et l’on sait au juste le chiffre de ce que dépensa l’Angleterre pour ravir encore une fois à l’Irlande sa liberté légale. Cependant, quand éclata la Révolution française, l’Angleterre, effrayée des sympathies des Irlandais pour les patriotes français, accorda concessions sur concessions ; mais ces sympathies se traduisant par des complots contre la domination britannique, le cabinet anglais essaya de les comprimer par des mesures d’une atroce rigueur. En 1791, une société populaire s’organisa sous le nom d’Irlandais-Unis. Les vexations que cette société eut à subir de la part du parlement développèrent les germes d’insurrection qui fomentaient dans son sein. En 1796, une révolte éclata ; les chefs du parti populaire obtinrent des secours du Directoire de la république française ; un gouvernement provisoire s’installa même à Wexford sous le nom de Directoire exécutif de la république irlandaise ; mais le mouvement n’avait pas été simultané. Les insurrections de l’est et du sud de l’île étaient comprimées au moment où commença celle du nord, et déjà cette dernière était presque apaisée, lorsque le débarquement de 1,500 français, sous les ordres du général Humbert, vint apporter aux Irlandais un secours tardif. Toutes les troupes anglaises, après avoir triomphé sur différents points des paysans irlandais armés de piques et de bâtons, concentrèrent leurs forces pour attaquer les Français, qui furent battus et faits prisonniers. Un autre corps d’armée fort de 3,000 hommes, porté par un vaisseau de ligne et huit frégates sous les ordres du général Hardy, débarqua sur les côtes de l’Ulster, au nord de l’Irlande, à l’entrée du golfe Swilly, où, à la suite d’un combat naval terrible, soutenu contre les flottes anglaises, il lui fallut se rendre. Ces malheureuses tentatives d’invasion, dont quelques esprits attendaient la régénération de l’Irlande, ne furent pour celle-ci que la cause ou le prétexte de nouvelles et plus terribles invasions.

Cependant, en acceptant le pacte d’union, le peuple irlandais avait conçu l’espérance de trouver dans une constitution nouvelle les gages d’une prospérité durable. Il n’en fut rien. Ces espérances, les dernières, s’évanouirent à leur tour, et quatre ans après la