Page:Lassalle - Capital et travail.djvu/216

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l’échange des valeurs, c’est le premier pas fait. Mais ce premier pas est empêché dans ses conséquences par toute la connexion générale du monde antique. Les richesses et l’or de l’ancien monde sont le capital-embryon d’où naîtra plus tard le capital. En attendant, le développement de ces richesses n’a pas encore eu lieu, elles n’ont pas encore pris la forme spécifique et particulière du capital.

Jetez les yeux sur une autre époque de civilisation : observez le propriétaire du moyen âge, le seigneur dans ses châteaux-forts et dans ses métairies, au milieu de ses serfs, de ses colons, des villes et des villages, ses tributaires à différents degrés. Cet homme était-il un capitaliste ?

Il ne faut pas avoir l’idée grossière, très répandue, M. Schulze, qu’on ne vivait alors que des produits de l’agriculture ! La production était assez développée, le luxe considérable, les moyens de jouissance nombreux, variés et raffinés. Lisez, par exemple, la description que nous donne le minnesaenger, le chevalier Ulric de Lichtenstein (au treizième siècle) de la réception que lui fit sa femme dans sa chambre (kemenate) « La vierge, — dit-il dans son poème[1] — était assise sur un lit et me reçut pudiquement ; elle me souhaita la bienvenue. La gracieuse beauté portait une petite chemise et par dessus une sukenia d’écarlate[2] doublée d’hermine, son manteau était vert, et par dessous elle avait un beau tablier (Chürsen). Auprès d’elle se

  1. Ulric de Lichtenstein, Frauendienst, p. 160.
  2. Sukenia, soscania, le pardessus des femmes ordinairement très riche, tissé d’or et de soie, comp. Ducange, GIoss. s. v. soscania. En russe komnala, chambre, et en polonais suknia, robe, se sont encore conservés de nos jours.