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APPENDICE

que d’autres, c’est-à-dire comme les maîtres de la générosité, de la magnanimité, de la bravoure, de la hauteur de cœur, de la maîtrise de soi-même, des belles façons. Mais la vérité est que, dans cette République, dont rêvaient les penseurs grecs et qui n’était utopique peut-être que pour ne pas tenir assez compte de l’utopie, de l’élément démagogique et visionnaire, tout était magistère et privilège. À chaque spécialité de fonctions correspondait psychologiquement le monopole de certaines vertus. Chaque classe sociale se distinguait par des traits non seulement matériels, mais moraux, humains. Il faut bien dire ce qui dans toute conception aristocratique et traditionnelle offense le plus les démocrates modernes : ce n’est pas précisément le principe de l’inégalité politique, mais plutôt la franchise à reconnaître le fondement de l’inégalité politique là où seulement il réside : dans les inégalités naturelles.

Ils voudraient que celles-ci fussent niées — effrontément — et que la cité, impuissante sans doute à faire passer tout le monde par les plus hautes charges, proclamât tout au moins une sorte d’égalité métaphysique, spirituelle, entre les hommes, la pareille valeur de toutes les consciences, de toutes les âmes. Obligés de renoncer pratiquement à la folie de leurs vœux puérils, ils admettraient à la rigueur que toutes les fonctions ne fussent pas l’objet des mêmes bonheurs, mais à la condition que chacun fût admis au même titre