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NOUVELLE PRÉFACE

théoriciens auxquels je songe, la cause de l’autorité et de l’ordre en général avec des croyances, vraies peut-être, vénérables assurément, mais qui se voyaient abandonnées par un trop grand nombre d’hommes modernes pour qu’on pût les faire accepter comme fondement commun des disciplines diverses de la France. L’esprit moderne, tout empreint de positivisme et d’observation (et je prends ici le positivisme dans un sens où il n’exclut pas les croyances religieuses) se rend compte qu’il n’est pas nécessaire d’aller chercher jusqu’au sein de la religion et de la métaphysique, jusqu’au sein de Dieu, la raison d’être et la justification (pratique tout au moins) des règles les plus propres à organiser la nature et la société, à diriger l’activité intellectuelle. Un sain empirisme sur les données duquel tous les hommes de bon sens pourraient s’accorder, suffit pour nous les faire reconnaître.

C’est cette méthode qui a prévalu dans l’élite des intelligences françaises à partir de la seconde moitié du xixe siècle. Le débordement de chimères idéologiques qui précéda, provoqua et accompagna la révolution de 1848, dégoûta des séductions de l’anarchisme tout ce qui pensait. Sainte-Beuve, Renan, Taine, enseignèrent le positivisme politique