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NOUVELLE PRÉFACE

siasme et de l’amour, sans lesquelles on ne remédie efficacement à aucun mal et en particulier au mal de l’anarchisme révolutionnaire qui, parfois, procède d’un amour égaré. C’est pourquoi on pourrait les appeler eux-mêmes, dans un sens particulier, et en ne donnant à ces mots que la portée d’une nuance, des « prophètes du passé ».

Beaucoup de jeunes gens d’aujourd’hui refusent leur confiance à cette grande génération de 1860, qui a donné en France la dernière en date de ses grandes écoles littéraires (car tout ce qui a paru depuis de plus important, dans l’ordre de la pensée, en relève). On supplie ces jeunes gens de distinguer. On convient que, dans cette génération de « physiologistes et d’anatomistes », comme l’appelait Sainte-Beuve, le feu de l’âme ne fut pas en proportion des lumières et de l’étendue de l’intelligence. Il y eut insuffisance, atonie, parfois même corruption du sentiment. Mais les grandes maladies sont toujours suivies d’une période de débilité ; l’élite française venait de passer par cette grande maladie du sentiment qui a pour nom le romantisme ; de là, une phase inévitable de débilité morale qui s’est prolongée jusqu’aux dernières années du xixe siècle. Au contraire, le réveil de l’intelligence fut complet, magnifique, et son œuvre admirable. Ce que nous