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NOUVELLE PRÉFACE

sérieux. On peut user de ces raisonnements hypothétiques à l’égard d’un fait local, dont les conséquences se limitent à un petit canton du monde. Mais l’application qu’on en voudrait faire à un mouvement historique d’une telle étendue et qui a eu un tel succès ne serait qu’un amusement de l’esprit. Le christianisme n’est responsable ni de la dissolution de l’empire romain ni de la période de barbarie européenne qui a suivi cet événement. Il a, bien au contraire, pendant cette triste période, pris, autant qu’il était possible, la suite de l’Empire romain comme mainteneur de la civilisation. Peut-on dire qu’à partir de la Renaissance, lorsqu’il n’a plus eu lieu d’exercer dans l’ordre profane ce rôle de tutelle universelle, il ait gêné l’humanité dans son développement, diminué par son influence l’essor des lettres, des arts, des sciences, des institutions publiques ? Il faudrait, pour pouvoir le soutenir, admettre que l’œuvre de l’humanité moderne, dans tous ces domaines, demeure au-dessous de celle que nous ont laissée les anciens. C’est le contraire qui est manifestement le vrai. Nous n’avons sur les anciens aucune supériorité de nature ; mais nous avons cette supériorité de fait qu’ils sont les anciens et que nous sommes les modernes. L’exemple même