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V

Une doctrine morale a donc, d’après Nietzsche, la qualité même de ceux à qui elle apporte un secours. Il s’ensuit qu’une morale sage, favorable à l’ordre social — à plus forte raison, une morale noble — ne saurait être l’œuvre et le partage que d’un petit nombre, d’une aristocratie.

Les vertus utiles, les préceptes que la société a besoin de voir adopter, soit par tous ses membres, soit par telles ou telles catégories, sous peine de périr, ne peuvent avoir été conçus et imposés d’en bas. Ces préceptes sont l’expression de nécessités que le regard n’embrasse que d’une certaine altitude. La multitude est incompétente même à l’égard de sa propre conservation. Elle est imprévoyante et égarée. Elle est troupeau.

Quant aux belles vertus, aux maximes généreuses du civisme et de l’héroïsme, elles appartiennent aux parties dirigeantes des sociétés humaines, parce que c’est seulement à cette hauteur de position que la nécessité s’en fait sentir