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Le premier jour de l’an 1719, l’armée quitta la paroisse de Tydale la dernière de la Norvège pour traverser les fiälles qui dans cet endroit ont huit milles et demi de large. Ces hautes montagnes ne produisent aucun arbre : dans les vallées il y croît seulement quelques broussailles, et on n’y trouve d’ailleurs aucune habitation.

Le premier jour de marche se passa assez bien, mais le second, l’armée fut accueillie d’une tempête de vent nord-ouest, accompagnée d’une chûte considérable de neige, et d’un froid si cuisant, que quelques personnes en perdirent l’usage de leurs sens ; les cheveux mêmes de quelques-uns blanchirent tout-à-coup ; plusieurs se trouvèrent mal, et moururent sur le champ.

On s’arrêta la nuit du deux au trois janvier, dans une petite vallée sur un lac au milieu des fiälles. Le lendemain au matin, lorsqu’on voulut recommencer le voyage, on trouva plusieurs centaines de soldats gelés. Parmi ce nombre quelques-uns se tenaient droits, comme s’ils eussent été vivans, mais en les touchant, ils tombaient et roulaient comme des pierres. Le froid était toujours aussi vif, et il neigeait toujours également. Les soldats tombaient dans le chemin les uns après les autres : ils en vinrent enfin à mourir par pelotons. Les traîneaux du bagage et de