Page:Lautreamont - Chants de Maldoror.djvu/136

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le mal, elle ne cesse de traquer l’homme comme un renard, surtout pendant l’obscurité. Des yeux vengeurs, que la science ignorante appelle météores, répandent une flamme livide, passent en roulant sur eux-mêmes, et articulent des paroles de mystère… qu’il comprend ! Alors, son chevet est broyé par les secousses de son corps, accablé sous le poids de l’insomnie, et il entend la sinistre respiration des rumeurs vagues de la nuit. L’ange du sommeil, lui-même, mortellement atteint au front d’une pierre inconnue, abandonne sa tâche, et remonte vers les cieux. Eh bien, je me présente pour défendre l’homme, cette fois ; moi, le contempteur de toutes les vertus ; moi, celui que n’a pas pu oublier le Créateur, depuis le jour glorieux où, renversant de leur socle les annales du ciel, où, par je ne sais quel tripotage infâme, étaient consignées sa puissance et son éternité, j’appliquai mes quatre cents ventouses sur le dessous de son aisselle, et lui fis pousser des cris terribles… Ils se changèrent en vipères, en sortant par sa bouche, et allèrent se cacher dans les broussailles, les murailles en ruine, aux aguets le jour, aux aguets la nuit. Ces cris, devenus rampants, et doués d’anneaux innombrables, avec une tête petite et aplatie, des yeux perfides, ont juré d’être en arrêt devant l’innocence humaine ; et, quand celle-ci se promène dans les enchevêtrements des maquis, ou au revers des talus ou sur les sables des dunes, elle