Page:Lautreamont - Chants de Maldoror.djvu/221

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inopinément aujourd’hui présentée, intimement pénétrée des toniques senteurs des plantes aquatiques, que la bise fraîchissante transporte dans cette strophe, qui contient un monstre, qui s’est approprié les marques distinctives de la famille des palmipèdes. Qui parle ici d’appropriation ? Que l’on sache bien que l’homme, par sa nature multiple et complexe, n’ignore pas les moyens d’en élargir encore les frontières ; il vit dans l’eau, comme l’hippocampe ; à travers les couches supérieures de l’air, comme l’orfraie ; et sous la terre, comme la taupe, le cloporte et la sublimité du vermiceau. Tel est dans sa forme, plus ou moins concise (mais plus, que moins), l’exact critérium de la consolation extrêmement fortifiante que je m’efforçais de faire naître dans mon esprit, quand je songeais que l’être humain que j’apercevais à une grande distance nager des quatre membres, à la surface des vagues, comme jamais cormoran le plus superbe ne le fit, n’avait, peut-être, acquis le nouveau changement des extrémités de ses bras et de ses jambes, que comme l’expiatoire châtiment de quelque crime inconnu. Il n’était pas nécessaire que je me tourmentasse la tête, pour fabriquer d’avance les mélancoliques pilules de la pitié ; car, je ne savais pas que cet homme, dont les bras frappaient alternativement l’onde amère, tandis que ses jambes, avec une force pareille à celle que possèdent les défenses en spirale du narval, engendraient le recul des couches aquatiques,