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EDGAR A. POE

désespoir qui avait hanté Poe toute sa vie, depuis sa jeunesse déjà tournée vers le passé jusqu’à sa maturité déprimée, et qui s’était à demi exprimée dans le no more de Zante, de Silence et de To one in Paradise^. Quanta l’intervention du fatidique corbeau, si elle n’a pas été en partie suggérée par ce vers de Pike :

The mocking bird still sits and sings a melancholy strain,

Poe la devait assurément à l’étude attentive de Barnahy Rudge, puisqu’il écrivait dès février 1842 dans le Grahanis Magazine : « Dickens aurait pu faire entrer le Corbeau plus qu’il ne l’a fait dans la conception du fantasque Barnaby. Ses croassements auraient pu se faire entendre prophéiiqiiement dans le cours du drame. Son caractère aurait pu accomplir, à l’égard de celui de l’idiot, à peu près le même rôle qu’en musique l’accompagnement à l’égard de l’air —. » Voilà assurément une leçon adressée à d’autres que Poe n’a pas lui-même oubliée. Quant au rythme meme des strophes, ce rythme trochaïque de vers de sept pieds aux fréquentes rimes léonines, il en devait vraisemblablement l’idée première au poème de Mrs Elizabeth Barret (Browning), Lady Géraldine’s Courlship, qu’il venait d’analyser avec force, détails dans un article du Broadway Journal’^ et dont il imita indiscutablement le vers :

With a murmuruos stir uneertain in the air the purple curtain’

1. Tenriyson dit de même, dans un poème publié dans The Gern de 1831 : « Oh ! sad No More ! oh sweet No More 1 — oli | strangc No More !… » (Poes Raven, Ingram), et le neverviore se trouve lui-nr]ômc répété sans grand effet, il est vrai, dans le refrain des stro[)hes du Good George Campbell de Longfellow qui parut en 1843 dans le Grahum’s Miujazinç.

2. Diekens’s Barnaby Rudge ; Works, VI, 03.

3. Janvier 1845.

4. On a fait en ces derniers temps grand bruit à propos de la prétendue inlluence du D’Chivers sur Poe. Le bon docteur, qui se croyait un g.înie de premier ordre, ne manque pas, tout en admirant très sincèrement son rival, de ri’p’ter sur tous les tons : « Poo m’a volé tout ce qu’il a de meilleur, et en parliculier tout son Corbeau. » (Chivers à Duganne, 17 décembre In50.) Or. comme le dit fort bien M. Woodberry, en dépit de toute la communauté de goiU, toute spontanée, de ces deux poètes excentriques pour des effets de mélodie parfois bizarres, toute la ressemblance exacte que l’on peut trouver entre le Corbeau vX l’œuvre chaotique de Chivers, c’est que celui ci avait, en effet, employé avant Poe « un mètre iand)ique avec trois rimes féminines en