Aller au contenu

Page:Lavergne, Jean Coste - 1908.djvu/106

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

causait avec Coste et semblait le consoler. Il craignit d’éveiller les susceptibilités de l’instituteur de Maleval, lequel aurait sûrement deviné de quoi il s’agissait et n’en aurait que plus souffert. Coste et Mlle Bonniol rejoignirent les instituteurs et les institutrices, qui, par groupes, se dirigeaient vers l’hôtel. Tous à l’envi essayèrent fraternellement d’encourager leur collègue dont l’attitude humiliée les touchait.

— Voyons, vous n’allez pas vous désoler pour ça ! — dirent-ils. — Quoique poseur, l’inspecteur est au fond un excellent garçon, comme vous avez pu vous en assurer… Votre cas n’est pas désespéré… D’ailleurs ça arrive à tout le monde et plus fréquemment qu’on ne le croit…

Complaisamment, ils lui citèrent les noms d’autres collègues timides qui, dans un cas analogue au sien, avaient été impuissants à faire sortir une parole de leur bouche sèche. Lui, Coste, avait du moins parlé. Mais Jean les entendait à peine ; une humilité secrète, profonde, amollissait son être déjà tant ballotté par les remous de la vie. À cette heure, il souffrait moins dans son amour-propre que dans son cœur. Quelles pires choses sortirait-il encore de cette matinée néfaste ? Toute espérance lui ferait-elle faillite dans l’avenir ? Et il se voyait mal noté, confiné sa vie entière dans de petits postes, sans avancement et, à cause de ses dettes criardes et de son traitement insuffisant, toujours en proie à cette éternelle misère dont pâtissaient les siens. Pauvre loque humaine, il ruminait ces décourageantes pensées et suivait machinalement ses collègues, sans plus songer à son pantalon élimé ni à ses souliers avachis.