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Page:Lavergne, Jean Coste - 1908.djvu/118

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silence lui pèse. Sans colère, miséricordieuse même sous l’influence de ce temps rayonnant, elle regarde l’aveugle. Celle-ci, toujours immobile, les paupières baissées, paraît dormir. Mais, à un mouvement de Louise, ses prunelles blanches brillent au fond des orbites caves ; cependant ses traits sont détendus, moins durs que d’habitude.

— La belle journée ! — murmure Louise comme pour entrer en conversation.

Caussette ne répond pas. Louise reprend d’une voix calme, conciliante, s’adressant à sa belle-mère :

— N’aviez-vous pas dit à Jean que vous descendriez sur le perron ? Il doit y faire si bon.

Même mutisme chez l’aveugle, qui clôt ses paupières, dédaigneuse à ces avances.

Louise insiste. Brusquement, avec son air hargneux, Caussette dit :

— Non, je n’ai pas envie de descendre. Ça ne me plaît pas.

— Comme vous le voudrez ; ça m’est fort égal, — répond Louise, dépitée de voir ses prévenances ainsi accueillies.

Dans son coin, l’aveugle grommelle. Louise comprend pourquoi sa belle-mère s’obstine à demeurer là ; elle s’impatiente et, l’air mauvais à son tour, elle grogne. De nouveau un grand silence se fait.

Une quinte de toux secoue soudain le corps de Caussette.

— Voulez-vous de la tisane ? — dit Louise derechef apaisée. Il y en a de faite.

— Non, merci, je n’en ai pas besoin.

— Comme il vous plaira.

Caussette tousse encore, puis se plaint et frissonne.

— Ah ! — geint-elle, — quel malheur d’être vieille et de ne plus y voir. Jésus, mon Dieu !… Ma pauvre gorge ! — ajouta-t-elle d’une voix saccadée, et reprise par une toux sèche.