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Page:Lavergne, Jean Coste - 1908.djvu/123

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l’interrogea doucement. Elle se plaignit d’une forte courbature et d’une extrême fatigue dans tous les membres.

— Si vous souffrez beaucoup, — dit Jean, — nous ferons venir le médecin.

— Mais non, ça passera… les médecins, il vaut mieux les laisser chez eux… ils ne guérissent personne et ne sont bons qu’à manger l’argent du pauvre monde.

Dans l’après-midi, elle recommença de geindre et, quoique près du feu, elle prétendit avoir grand froid. Tout d’un coup, un frisson très intense la saisit ; son corps se mit à trembler ; on entendait ses dents claquer. Puis, un moment après, la fièvre s’alluma et, reculant sa chaise, Caussette se déclara très incommodée par la chaleur qui, disait-elle, lui montait à la gorge par bouffées. Jean qui se trouvait là s’empressa auprès d’elle ; il lui prit la main, elle était brûlante ; inquiet, il constata que le pouls battait très fort. Sur les instances de son fils, Caussette consentit, non sans peine, à se mettre au lit. Jean, très prévenant, la borda, cala sa tête d’oreillers, lui apporta de la tisane. A soigner Louise et les enfants, il avait peu à peu pris le tour de main d’une garde-malade. Aussi Caussette, touchée à la fin par les soins qu’il lui prodiguait, céda à un bon mouvement et lui dit dans un élan de tendresse :

— Merci, mon brave enfant !

Ces mots firent du bien à Coste : ils lui parurent aussi doux qu’à un blessé le baume qu’on étend sur sa plaie vive. Pourtant, Jean ne put obtenir de sa mère qu’elle reçût la visite du médecin. Comme la plupart des paysans, Caussette redoutait la venue du docteur ; pour eux, le médecin a tout intérêt à ne pas guérir trop vite les malades, afin d’augmenter ses honoraires ; aussi ne l’appelle-t-on qu’après que tout est désespéré ; si bien que l’arrivée du médecin coïncidant trop souvent avec le dénouement fatal de la maladie, on finit par douter de sa science et par le considérer