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Page:Lavergne, Jean Coste - 1908.djvu/125

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nêteté, il se retirait à l'écart pour cacher des larmes de honte.

— Oh ! cet argent, ce maudit argent qui rend ma mère si dure pour moi et qui, par ses hantises, vient salir mon réel amour pour elle !

Hélas ! qu'aurait dit, qu'eût pensé Coste, s'il s'était douté que la maladie de Caussette n'avait pas d'autre cause que celle-là ? Depuis le soir où son fils s'était adressé à elle, l'avait suppliée de l'arracher à la misère, la vieille femme avait perdu tout repos et toute confiance. Que de fois, au milieu de la nuit, éveillée en sursaut, elle s'était jetée à bas de son lit et, tâtant les murs, pieds nus sur le carreau glacé, était allée s'assurer que le coffre demeurait intact. C'est ainsi que, pendant la nuit froide et humide qui avait suivi sa querelle avec Louise, Caussette, sous le coup des menaces de sa bru, n'avait pas fermé l'œil jusqu'au matin, se relevant à tout moment, quoique déjà fort enrhumée, et avait contracté la fluxion de poitrine qui la clouait au lit.

Les jours suivants, tandis que le mal empirait, l'aveugle en arriva à ne pouvoir plus supporter la présence de sa belle-fille dans sa chambre. Elle n'avait pour la jeune femme que de dures paroles, criant, en l'absence de Jean occupé dans sa classe, qu'elle voulait qu'on la laissât seule.

— La gueuse ! — se disait Caussette, — si mon fils ne fait pas le coup, elle est capable de profiter de ma maladie... Elle aime trop à fainéanter et à s'attifer... Ne m'en a-t-elle pas menacée, mon Dieu !...

Elle en oubliait ses souffrances, tressaillait au bruit d'une porte, au craquement d'un meuble, dressée sur son séant, prête, à la première alerte, à s'élancer de son lit...


Ce jour-là, Caussette paraissait plus abattue. Ses yeux blancs brillaient comme des éclats de miroir. La langue sèche, elle articulait difficilement ses plaintes monotones