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Page:Lavergne, Jean Coste - 1908.djvu/147

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qu’il s’attira, encore plus que par le passé, la haine des conservateurs qui se mirent à le dévisager de fort mauvais œil.

— Attends, mon bonhomme, — disaient-ils.— Ce que nous ferons sauter tes deux cent cinquante francs ! Tu n’en tireras que mieux la langue après… Ça t’apprendra à te mêler de ce qui ne te regarde pas…

Ces menaces fidèlement rapportées à Coste ne servaient qu’à le rendre plus ardent et il se jeta à corps perdu dans la bataille qui s’engageait et qui devait être décisive pour sa tranquillité future…

Chaque fin de jour, les paysans se réunissaient devant les deux cafés, situés sur la grand’route, en face desquels les diligences s’arrêtaient pour relayer.

Ce passage des voitures publiques, que la construction d’une voie ferrée allait incessamment supprimer, était alors, plusieurs fois dans la journée, mais particulièrement le soir, le seul mouvement, l’animation bruyante qui, pendant quelques minutes, rompait la solitude et le silence monotones de l’espèce de vallon où est bâti Maleval. Vers les six heures, un roulement sourd et lointain arrivait de la route blanche qui, comme un ruban d’argent, moiré de soleil, se déroule en ligne droite quatre kilomètres avant Maleval et y pénètre ensuite, après avoir contourné un monticule entre les hauts talus duquel elle s’encaisse un temps. Bientôt des claquements de fouet retentissaient auxquels se mêlaient le tintement clair des grelots et l’aigre et discordante fanfare de la trompette ou du clairon dont sonnait éperdument, à pleins poumons, chacun des postillons, pour annoncer leur triomphale arrivée. Puis, au tournant de la route, une diligence peinte de jaune, réchampie de rouge criard, le tout atténué par le gris sale de la houe ou le gris blanc de la poussière, apparaissait tout à coup dans le poudroiement du soleil ; puis une autre, une autre encore, jusqu’à cinq ou six parfois, à peu d’intervalle. Traînées par des chevaux éreintés