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Page:Lavergne, Jean Coste - 1908.djvu/189

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éperdu, comme fou de douleur, tantôt la tête basse, le dos voûté, pareil à un de ces chemineaux qui traînent leur misère de village en village. Il ne sortait de son accablement que pour se laisser aller à des rêves insensés ou morbides. S'il trouvait là, sur son chemin, un porte-monnaie, un portefeuille bourré de billets de banque, eh bien ! il le garderait, il ne serait pas si bête que de le rendre. Puis il murmurait, avec âpreté :

— Ah ! si ces arbres, si cette terre m'appartenait !

Et il évaluait le prix de toutes les choses qu'il rencontrait. Peu à peu il sentait l'envie croître en lui comme de l'ivraie, étouffer ses anciens bons sentiments et toutes sortes de désirs emplir son cœur si honnête ! Dans une hallucination grandissante, il enveloppait d'un regard de haine ces champs et ces vignes qui s'étendaient de chaque côté de la route, ces collines boisées qui se dressaient vers le ciel d'un bleu pâle, ces villas et ces châteaux qui couronnaient les hauteurs et resplendissaient au soleil, tous ces biens enfin qui appartenaient aux heureux de ce monde.

XXXI


Et les jours sombres, les jours sans espoir et sans bonheur se succédaient.

Jusque-là, Coste ne s'était point tout à fait privé de tabac. Certes, il ménageait parcimonieusement le paquet de dix sous qu'il achetait de temps à autre, roulant de loin en loin une cigarette, car, disait-il, il aurait mieux aimé ne pas manger que de ne pas fumer.

Louise lui ayant reproché cette dépense inutile, il essaya de s'abstenir. Cette privation lui fut dure. Puis, un jour, il